Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi, déposée par notre collègue Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, qui nous est aujourd’hui soumise a pour principal objet d’introduire un nouvel outil juridique au service des collectivités locales.
Ce texte ouvre la possibilité pour les collectivités locales et leurs groupements de créer des sociétés publiques locales, sur le modèle de ce qui existe dans pratiquement tous les États membres de l’Union européenne.
Il s’agit de permettre aux entités décentralisées, pour l’exercice de leurs compétences, de confier à un tiers la réalisation d’opérations qualifiées de « prestations intégrées », non soumises aux procédures de passation des marchés publics.
Mes chers collègues, nous devons donc être particulièrement vigilants et veiller à ce que le dispositif mis en place par cette proposition de loi respecte bien la jurisprudence communautaire en la matière, afin d’éviter tout risque de contentieux.
Quel est le contexte communautaire ?
Les autres États membres de l’Union européenne se sont déjà dotés de la faculté de créer des sociétés détenues à 100 % par des autorités publiques.
Il existe aujourd’hui près de 16 000 entreprises publiques locales, présentes dans les vingt-cinq pays de l’Union européenne et employant 1 125 000 salariés.
À l’image des sociétés d’économie mixte, les SEM, de telles entreprises mettent en œuvre les politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, notamment dans les domaines du développement urbain, des transports, de l’énergie, de l’environnement et de la culture.
Dans la plupart des cas, la loi ne définit pas de niveau de participation des collectivités dans le capital des entreprises publiques locales, les laissant ainsi totalement maîtresses de leurs choix.
Il en va ainsi notamment en Allemagne, en Autriche, en Espagne, aux Pays-Bas, en Pologne ou encore en République Tchèque.
Par ailleurs, à l’exception de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni, tous les États admettent la détention de 100 % du capital d’une entreprise publique locale par une ou plusieurs collectivités publiques ou par des collectivités publiques avec d’autres entités publiques.
Aujourd’hui, 80 % des entreprises publiques locales européennes sont entièrement détenues par des actionnaires publics.
Examinons à présent la jurisprudence communautaire.
En principe, les SEM, comme toutes les entreprises publiques locales, sont soumises au droit communautaire de la concurrence.
Toutefois, la jurisprudence communautaire dispense, sous certaines conditions, une collectivité de l’application des règles édictées en matière de marchés publics, selon le principe du « in house » ou des « prestations intégrées ».
Conformément à l’arrêt Teckal du 18 novembre 1999, la Cour de justice des Communautés européennes exige la réunion de deux conditions pour écarter l’application des règles de la concurrence.
Première condition, la collectivité doit exercer sur l’entité un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.
Seconde condition, l’entité doit réaliser l’essentiel de son activité pour la ou les personnes qui la détiennent.
Ainsi, le droit communautaire reconnaît l’existence d’un mode d’organisation du service public local et, par conséquent, le droit des collectivités locales d’attribuer directement des missions à des outils dont l’activité leur est exclusivement dédiée.
En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, il apparaît que le concept de « in house » ou de « prestations intégrées » n’est pas applicable aux relations unissant les sociétés d’économie mixte locales à leurs collectivités actionnaires.
Dès lors, si les collectivités souhaitent recourir à leurs sociétés d’économie mixte locales, les SEML, pour assurer telle ou telle prestation, elles sont tenues de les mettre en concurrence, et ce alors même qu’elles les ont créées pour répondre à leurs propres besoins.
Vous le comprendrez, cette situation est quelque peu paradoxale. Voilà pourquoi elle reste aujourd’hui mal comprise par de nombreux élus.
Afin de remédier à cette difficulté, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a créé les sociétés publiques locales d’aménagement, dont le capital est détenu à 100 % par des collectivités et leurs groupements.
Je vous rappelle que cette création a été décidée à titre expérimental, pour une durée de cinq ans.
Le caractère entièrement public de ces sociétés, sans la présence d’aucun actionnaire privé, permet ainsi de qualifier les relations entre lesdites sociétés et leurs collectivités actionnaires de « in house ».
La proposition de loi de M. Daniel Raoul vise donc à pérenniser le dispositif des SPLA et à créer des sociétés publiques locales aux compétences élargies.
Quelle est position du groupe UMP ?
Compte tenu de l’absence d’évolution de la jurisprudence communautaire dans le sens d’un élargissement de la notion de « prestations intégrées » et du maintien, par conséquent, de l’obligation pour les collectivités de mettre en concurrence leurs SEML lorsqu’elles entendent y faire appel, le groupe UMP estime cette proposition de loi particulièrement intéressante.
Ce texte présente le mérite incontestable d’offrir aux collectivités territoriales un élément de souplesse susceptible de leur permettre d’exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité et rapidité.
Certes, de prime abord, nous aurions pu craindre que cette proposition de loi ne soit comprise comme une volonté d’échapper aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les projets d’aménagement, alors que les possibilités d’intervention des collectivités territoriales dans ce domaine sont aujourd’hui très encadrées.
Nous estimons, en effet, que la création de sociétés publiques locales ne doit pas affranchir les collectivités de la totalité des procédures d’appel d’offres.
Le texte que nous propose la commission des lois semble répondre à la crainte qui était la nôtre, dans la mesure où les sociétés publiques locales sont dotées d’un statut juridique très sécurisé et renforcé.
La commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, M. Jacques Mézard, a adopté un dispositif qui vise à encadrer la création et le fonctionnement de nouvelles structures. À cette fin, les procédures de contrôle seront indispensables pour permettre à ces structures de fonctionner en toute transparence et dans un cadre strict. Nous nous en félicitons.
Nous nous réjouissons également du fait que la commission des lois ait précisé que ces sociétés doivent impérativement exercer leurs activités sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales actionnaires.
Mes chers collègues, cette disposition est importante, car elle répond à l’esprit de la jurisprudence communautaire selon laquelle l’activité des sociétés publiques locales doit être réalisée principalement avec la ou les collectivités actionnaires.
Les membres du groupe UMP approuvent aussi la présence obligatoire d’au moins deux actionnaires dans la composition du capital. Il s’agit d’une garantie supplémentaire posée dans l’intérêt même des collectivités, tant il est vrai que l’actionnariat unique prévu par la proposition de loi pouvait présenter un risque de dérive.
Nous souhaitons toutefois insister sur le fait que la société publique locale doit constituer un outil complémentaire de la société d’économie mixte locale, sans cependant venir concurrencer sérieusement cette dernière au point de s’y substituer.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP votera le texte proposé par la commission des lois.