Sans nier l’intérêt que pourrait avoir le fait d’inclure une définition de la santé dans le code de la santé publique, la commission estime que fixer légalement le contenu d’une notion aussi complexe est porteur de plus de risques que d’avantages.
La reprise de la définition de l’OMS se présente d’abord comme un ajout au droit positif français. En effet, bien que la constitution de l’OMS ait été régulièrement ratifiée et publiée par la France, la définition contenue dans son préambule ne peut trouver à s’appliquer sur le fondement de l’article 55 de la Constitution, car il est d’interprétation constante en droit international public que seules les dispositions contenues dans le corps d’un traité ont une force contraignante.
Par ailleurs, la définition de la santé est par nature évolutive, comme le montre la définition de l’OMS elle-même, qui s’oppose à la définition traditionnelle de la santé comme absence de maladie et inclut des dimensions mentales et sociales.
On ne peut donc espérer fixer une définition légalement consensuelle de la santé, quand bien même celle-ci serait particulièrement large et adaptée à la conduite d’une action internationale destinée principalement à l’amélioration du niveau des soins dispensés dans les pays les plus pauvres de la planète. La santé demeure un concept neutre que chacun est appelé à définir et qu’il n’est pas possible d’appréhender d’une manière générale et abstraite, valable pour tous, en tout lieu et en tout temps.
Enfin, la définition adoptée par l’OMS, volontairement ambitieuse à une époque où les « potentialités de réalisation sociale surpassaient les attentes de tous les philosophes et hommes d’État qui [aient] jamais esquissé dans des programmes utopiques l’idée d’une société vraiment humaine », est restée controversée.
Elle est, selon l’analyse du professeur Jean-Michel de Forges, « étrangement excessive » : « la retenir sans réserve conduirait à aborder l’ensemble du droit social et donc à nier la spécificité du droit de la santé. Le bien-être social est une notion trop subjective pour être retenue, même si chacun comprend qu’il a des répercussions sur la santé physique et mentale ».
Cette définition, dès lors qu’elle aurait force de loi, est susceptible de servir de base à des recours contentieux devant les deux ordres de juridiction. Elle pourrait être utilisée devant les juridictions administratives pour contester la légalité de textes qui ne rempliraient pas les objectifs de « complet bien-être », et devant les juridictions judiciaires pour faire évoluer les notions relatives à la santé, celles de « droit à la santé » ou de « danger pour la santé de l’homme ou de l’animal ».
La commission est donc défavorable à cet amendement.