Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels qu'ils figurent dans le projet de budget pour 2006, les crédits de paiement consolidés de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » votés en première lecture par nos collègues députés affichent une augmentation de près de 5 % par rapport à 2005.
La transformation du Fonds national pour le développement du sport, le FNDS en un établissement public administratif, le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, dont le périmètre par rapport à celui de l'ex-FNDS a été réduit, en transférant au budget du ministère des sports 110 millions d'euros.
Ainsi, le montant global des recettes prévisionnelles du CNDS pour 2006, ajouté à celui des crédits transférés au budget, s'élève à 290 millions d'euros, soit 150 millions au titre des 1, 78 % prélevés sur les recettes de La Française des jeux auxquels il faut ajouter les 30 millions d'euros attendus du prélèvement de 5 % sur les droits de diffusion télévisée des manifestations sportives et enfin, les 110 millions d'euros transférés au budget de votre ministère.
Si l'on compare ces 290 millions d'euros aux 260 millions d'euros de recettes prévisionnelles du FNDS pour 2005, on peut considérer que le compte y est : l'augmentation globale est de 30 millions d'euros et, au final, le budget initial pour 2006 est en hausse de 5 %.
Permettez-moi cependant de formuler deux remarques.
Tout d'abord, il ressort des chiffres annoncés par votre ministère que les recettes réelles du FNDS en 2005 ont été, du fait de l'absence de plafonnement et par le jeu des différents reports, de 288, 2 millions d'euros contre 260 millions d'euros, tel qu'initialement prévu, ce qui ramène l'augmentation des moyens consolidés de votre ministère pour 2006 à environ 1 %.
Ensuite, monsieur le ministre, vous avez fait adopter par le Sénat un amendement à l'article 38 du projet de loi de finances qui porte temporairement de 1, 78 % à 2 % le taux de prélèvement sur les recettes de la Française des jeux. Cette hausse vous permet certes d'inscrire 23 millions d'euros supplémentaires au titre du budget pour 2006, ce dont nous nous réjouissons bien évidemment, mais je crains que cet effort ne soit encore insuffisant pour faire face aux investissements décidés antérieurement en faveur du FNDS et non encore réalisés à ce jour.
C'est en effet de 30 à 40 millions d'euros par an sur une période minimale de trois ans dont le CNDS aurait besoin, soit au minimum 90 millions d'euros supplémentaires sur cette période, alors que vous n'en prévoyez qu'à peine 70. Cela nous inquiète d'autant plus que les crédits extrabudgétaires du CNDS ont pour principal objet le financement des subventions d'équipement et de fonctionnement allouées par les collectivités territoriales aux associations sportives, et pour elles.
Au final, ce sont donc les collectivités locales qui vont devoir compenser le manque de moyens attribués au CNDS pour remplir ses engagements.
C'est d'autant plus regrettable que les moyens alloués par votre ministère à la promotion du sport de masse ne cessent de baisser depuis trois exercices successifs.
Ainsi, le programme « Sport » n'intervient plus que pour 5 % dans le subventionnement des contrats éducatifs locaux, alors que plus d'un million d'enfants bénéficient dans ce cadre d'une offre d'activités sportives.
Cantonné à un rôle incitatif en la matière, le Gouvernement semble donc avoir fait définitivement le choix du sport professionnel et du sport de haut niveau, au détriment des quinze millions de licenciés et des vingt-six millions de pratiquants.
Si l'on peut se féliciter des 3, 75 millions d'euros supplémentaires versés au profit des associations sportives, auxquels il faut ajouter les 11, 25 millions d'euros débloqués en urgence pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire à la suite des violences urbaines de ces dernières semaines, je ne crois pas, monsieur le ministre, que cette manne supplémentaire soit suffisante pour permettre au secteur associatif de jouer pleinement son rôle d'encadrement des jeunes, notamment dans la pratique d'un sport. En effet, il s'agit bien d'encadrer les jeunes afin de leur permettre d'intégrer les valeurs éthiques du sport tout en leur donnant le goût de la compétition et du dépassement personnel.
S'agissant du programme « Jeunesse et vie associative », doté de 125 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les 11, 25 millions d'euros débloqués en urgence, les moyens attribués au secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire pour 2006 constituent sans aucun doute la portion congrue de ce budget.
Que devons-nous penser quant à la sincérité des moyens avancés pour la jeunesse et l'éducation populaire, alors même que près de 50 millions d'euros ont été purement et simplement annulés à la fin du mois d'octobre dernier dans le budget « Sport, jeunesse et vie associative » de l'exercice 2005 ?
Les associations de jeunesse et d'éducation populaire ont en effet été les premières touchées par ces annulations de crédits, qui, combinées à l'arrêt des emploi-jeunes et au désengagement de l'État dans son soutien à l'emploi associatif, ont entraîné des cessations d'activités pour déjà plus d'un millier d'entre elles.
En raison des fonctions civiques, sociales et éducatives qu'elles remplissent, ces associations jouent pourtant un rôle indispensable dans une société qui doute jusqu'à parfois se décomposer, comme en témoignent les événements récents. Aujourd'hui, c'est l'ensemble du secteur associatif qui est sinistré par les gels puis les annulations de crédits intervenus l'an passé. Les centres de vacances et de loisirs, les 30 000 associations du réseau de la Ligue de l'enseignement, les maisons des jeunes et de la culture, qui sont pourtant directement au contact des jeunes issus des quartiers difficiles, les foyers de jeunes travailleurs, les FRANCAS, ou les Francs et franches camarades, les CEMEAS, ou les centres d'entraînement aux méthodes de pédagogie active, les associations complémentaires de l'éducation nationale, les associations culturelles - et la liste est encore longue - démarrent toutes l'année 2006 dans des conditions de survie qui sont indignes des missions d'intérêt général qu'elles continuent pourtant d'assumer grâce à la mobilisation de leurs bénévoles.
Précisément, en matière de formation des bénévoles, vous nous avez annoncé en commission un budget renforcé à hauteur de 9 millions d'euros pour le Conseil du développement de la vie associative, le CDVA. Vous l'aviez doté l'année dernière d'une enveloppe budgétaire de 7 millions d'euros, mais seulement 4 millions d'euros ont été effectivement perçus par le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. Dans ce contexte, quel crédit pouvons-nous accorder aux intentions que vous affichez pour 2006 ?
Nous ne pouvons pas cautionner un tel désengagement du Gouvernement, le montant des subventions attribuées aux associations de votre ressort ayant chuté de plus de 25 millions d'euros depuis 2003.
Dans ce contexte, vous comprendrez que les 15 millions d'euros débloqués en urgence pour les associations sportives, de jeunesse et d'éducation populaire nous semblent très insuffisants pour remobiliser la jeunesse des quartiers et ne pas la conforter dans son sentiment d'abandon.
Les solutions pour sortir les jeunes des quartiers difficiles existent pourtant bel et bien, mais il est vrai que leur mise en oeuvre appelle une mobilisation sans faille du Gouvernement.
Votre ministère, notamment, serait bien inspiré s'il réactivait les conventions pluriannuelles d'objectifs lancées par le gouvernement de Lionel Jospin, lesquelles avaient permis une véritable lisibilité de la politique menée en direction de la jeunesse et de l'éducation populaire.
Le secteur associatif est aujourd'hui demandeur d'une politique continue à son encontre, et non d'un rétablissement au coup par coup de crédits, sous le sceau de l'urgence, et dont on ne sait pas s'ils seront intégralement versés.
Ces moyens supplémentaires sont d'ailleurs sans comparaison avec les exonérations fiscales et sociales que vous avez consenties aux footballeurs professionnels et à leurs employeurs dans le cadre de la loi du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, laquelle a également remis en cause la fonction de réseau associatif constitué par les fédérations délégataires, puisqu'elle a permis aux sociétés privées de participer, par la voie de l'adhésion, au fonctionnement des associations sportives.
La promotion du sport de haut niveau par votre ministère connaît les mêmes dérives de privatisation rampante et de remise en cause des missions de service public assumées par les fédérations sportives. Ainsi, s'agissant de la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, votre budget pour 2006 prévoit que 60 millions d'euros seront investis d'ici à 2008 sur la partie Nord, pour la rénovation et la construction des équipements fonctionnels et logistiques. Bien entendu, nous partageons pleinement votre ambition de doter le pays d'un établissement de renommée internationale, capable de former dans les meilleures conditions les médaillés de demain. Mais votre projet de budget précise que 40 millions d'euros sur les 60 millions d'euros prévus pour la partie Nord feront l'objet d'un partenariat public-privé servant notamment à financer l'hébergement, la restauration et la formation des athlètes.
Nous craignons, monsieur le ministre, que derrière cette méthode de modernisation ne se cache en réalité une privatisation croissante de nombreux services.
Les externalisations consécutives à une telle méthode risquent en effet de se répercuter sur les tarifs appliqués aux jeunes sportifs en formation et, à plus ou moins long terme, de conduire à l'exclusion des catégories sociales les moins favorisées.
D'ores et déjà, à l'image de ce qui se passe dans les centres régionaux d'éducation populaire et des sports, les CREPS, cette privatisation est quasi institutionnalisée puisque l'indicateur n° 2 de performance des CREPS repose, pour 2006, sur leur capacité à générer un maximum de ressources propres.
Vous prévoyez notamment que vingt des vingt-quatre CREPS devront atteindre, en 2006, un taux de ressources propres égal à 90, 9 %, l'objectif étant de 100 % pour tous les CREPS en 2008.
J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez préserver l'INSEP de ce mouvement de fond, qui, sans compensation financière de l'État, conduira inévitablement à la marchandisation des pratiques pour les publics solvables et à l'exclusion des autres.
Au final, ce sont les collectivités territoriales qui vont de nouveau être mises à contribution quand, dans le même temps, leur soutien à la jeunesse et au secteur associatif ne sera conforté par aucun projet d'avenir et de développement porté au niveau national.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste du Sénat ne votera pas votre projet de budget pour 2006, qui n'est pas à la hauteur des enjeux sociaux et éducatifs que soulève la mise en place d'un vrai projet pour le secteur associatif.