Intervention de Serge Dassault

Réunion du 2 décembre 2005 à 15h45
Loi de finances pour 2006 — Travail et emploi

Photo de Serge DassaultSerge Dassault, rapporteur spécial :

Par ailleurs, en transférant ces 19, 44 milliards d'euros à la sécurité sociale, tout en en assumant la charge par le biais de l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006, l'État retire au Parlement toute possibilité ultérieure de diminuer cette somme. De surcroît, dès cette année, on aurait pu réduire de 2 milliards d'euros cette dépense, en diminuant le remboursement des charges sur salaires des entreprises. Il aurait suffi d'abaisser le niveau de salaire à partir duquel l'allégement dégressif s'annule, en passant de 1, 6 SMIC en 2005 à 1, 5 SMIC en 2006. Cependant, on n'en a rien fait !

L'Etat va ainsi traîner éternellement un boulet de 19 milliards d'euros, lequel, d'ailleurs, augmentera chaque année et l'empêchera de réduire le déficit.

J'espère que ces propositions seront réexaminées en vue du projet de loi de finances pour 2007.

Réduit à 13, 17 milliards d'euros, le budget de la mission « Travail et emploi », qui est destiné à promouvoir l'emploi, demeure cependant important. J'insiste cependant sur le fait que les mesures proposées, qui concernent exclusivement les chômeurs, négligent totalement les entreprises qui, seules, créent des emplois.

Il me paraît illusoire de vouloir faciliter le retour à l'emploi sans se préoccuper des entreprises, qui sont destinées à créer les emplois qui n'existent pas.

Les aides à l'emploi devraient donc concerner également les entreprises, afin de faciliter leur croissance et les encourager à embaucher. Il est aujourd'hui trop tard pour envisager de telles mesures dans le projet de loi de finances pour 2006. Quoi qu'il en soit, j'espère fortement que l'on y aura recours pour 2007.

En outre, l'effort considérable consenti par l'État pour réduire le chômage - 13, 7 milliards d'euros ! - ne me paraît pas d'une extrême efficacité. En effet, tous les emplois créés ne sont pas productifs.

Au demeurant, l'opinion publique ne prend pas en compte cette donnée, puisqu'un récent sondage montre que l'effort du Gouvernement pour réduire le chômage n'est pas considéré comme efficace, du moins jusqu'à présent.

Seule la mesure prise par M. le Premier ministre concernant les nouveaux contrats aidés, laquelle fait un pas en direction de la flexibilité, est efficace, puisqu'elle a déjà créé 200 000 emplois. Et cela ne coûte rien à l'État, ce qui n'est pas négligeable dans la situation actuelle.

C'est pour cette raison que je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que seule la flexibilité de l'emploi permettra aux entreprises d'embaucher, en leur donnant la possibilité d'adapter leur personnel à leur charge de travail. En outre, une telle mesure n'interdira pas de protéger les chômeurs, en facilitant leur retour à l'emploi. Les maisons de l'emploi de M. Borloo sont d'ailleurs faites pour cela !

Une telle flexibilité n'existant pas aujourd'hui, les entreprises n'embauchent pas. Dans une conjoncture évolutive, la garantie de l'emploi n'existe pas et la rigidité de l'emploi, que nous subissons et qui est chère aux syndicats, n'aboutit en réalité qu'à garantir le chômage.

Plus on empêchera les entreprises de licencier, moins elles embaucheront. C'est dans les pays où la flexibilité de l'emploi est assurée que le taux de chômage est le moins élevé : il est de 5 % au Danemark, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou au Canada, alors qu'il atteint 9 % à 10 % en France, laquelle conserve sa rigidité dans ce domaine.

Plus la flexibilité sera grande, plus le chômage diminuera, et plus nombreuses seront les personnes favorables au Gouvernement. Et tout cela ne coûte rien !

Comment se répartissent donc les 13, 17 milliards d'euros de ce budget ? Cinq programmes sont prévus : le programme 133 « Développement de l'emploi » se voit affecter 0, 88 milliard d'euros ; le programme 102 « Aides et retour à l'emploi » bénéficie de 7, 1 milliards d'euros ; le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » reçoit 4, 39 milliards d'euros ; le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », 0, 08 milliard d'euros ; et le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », 0, 72 milliard d'euros.

Le programme 133 concerne le secteur des hôtels, cafés et restaurants et le développement des services à la personne.

Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » permet de financer les maisons de l'emploi, les contrats aidés destinés aux publics en difficulté, à savoir, pour le secteur non marchand, les CAE, les contrats d'accompagnement dans l'emploi, et, pour le secteur marchand, les CIE, les contrats initiative emploi.

Par ailleurs, le « contrat d'avenir », destiné aux bénéficiaires du RMI, concerne le secteur non marchand.

Le programme 103 accompagne, grâce à 4, 39 milliards d'euros, les mutations économiques, sociales et démographiques. Les principales activités visées sont, notamment, le développement de l'alternance, la réduction des inégalités, l'accès à la formation et à la qualification, et le développement de la mobilité professionnelle.

Il conviendrait de suivre avec attention l'évolution des modalités du financement de l'apprentissage et de ne pas supprimer l'article 18 de ce projet de loi de finances, qui prévoit d'anticiper, en 2006, l'augmentation de la taxe d'apprentissage prévue pour 2007.

Il faut en effet éviter d'affaiblir le dispositif de l'apprentissage, qui constitue un élément fondamental de la politique de réduction du chômage. Au demeurant, il serait utile que les entreprises soient mises dans l'obligation d'utiliser des apprentis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

La décision de M. le Premier ministre d'abaisser à quatorze ans l'âge de l'apprentissage est une excellente mesure, qui permet de favoriser ce type de formation et de préparer les jeunes à des métiers.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler ma proposition d'une nouvelle répartition des charges sur les salaires, laquelle serait très efficace pour l'emploi et la réduction du déficit de la sécurité sociale.

Il s'agit de créer un coefficient d'activité. En effet, nos coûts de production sont trop élevés par rapport à ceux de nos concurrents, en grande partie à cause des 35 heures, mais aussi à cause des charges sur salaires, qui doublent pratiquement les salaires nets.

Par exemple, pour une entreprise, le coût d'un salarié qui reçoit 1 000 euros nets est de 2 000 euros. Cette charge, qui est supérieure à celle de tous les autres pays, rend nos produits beaucoup moins compétitifs.

En vérité, les salaires supportent des charges qui n'ont rien de social, mais qui ont été imposées peu à peu en tant que moyen de percevoir l'impôt.

Pour cette raison, il conviendrait de distinguer, d'une part, les charges concernant les salariés, notamment les cotisations pour le chômage et la retraite, et, d'autre part, celles qui se rapportent à l'État et qui n'ont aucun rapport avec les entreprises, notamment la sécurité sociale et les allocations familiales. Ces dernières devraient être séparées du salaire et payées autrement. Comme il n'est pas question de mettre l'État à contribution, il convient de trouver le moyen de les faire payer autrement par l'entreprise.

Ma proposition vise donc à créer un coefficient d'activité, qui, associé au chiffre d'affaires de l'entreprise diminué du coût de la masse salariale, permettrait de payer la différence entre les charges totales actuellement prises en charge et celles qui concernent uniquement l'entreprise.

Cette disposition favoriserait, pour un chiffre d'affaires identique, les entreprises employant une main-d'oeuvre nombreuse. Les entreprises réalisant un chiffre d'affaires élevé avec peu de personnel, comme c'est le cas des entreprises de services et des entreprises importatrices, paieraient plus.

Ainsi, les charges sur les salaires diminueraient d'au moins 40 %, ce qui favoriserait les embauches et la compétitivité de notre pays.

S'agissant maintenant de la sécurité sociale, il est difficile d'en réduire les dépenses et impossible d'en accroître les recettes par l'augmentation des charges sur les salaires.

Avec le système que je viens de vous présenter, monsieur le ministre, l'augmentation du coefficient d'activité permettrait d'équilibrer le budget de la sécurité sociale.

Certes, tous les systèmes nouveaux ont des inconvénients. Néanmoins, maintenir le système actuel ne présente que des inconvénients.

En conclusion, monsieur le ministre, même si ce budget est courageux, je pense qu'une partie de ces 13, 17 milliards d'euros pourrait être utilisée pour faciliter les investissements d'entreprises innovantes.

La flexibilité favoriserait les créations d'emplois, et ce sans coût supplémentaire.

Le financement des allégements de cotisations sociales, qui représente une dépense de 19 milliards d'euros, devrait être non pas transféré à la sécurité sociale, mais conservé dans le budget de l'Etat, grâce à la suppression de l'article 41 du projet de loi de finances.

Le maintien de l'article 18 du projet de loi de finances favoriserait l'apprentissage.

L'application du coefficient d'activité rendrait les entreprises plus compétitives et permettrait de financer la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, j'espère que vous tiendrez compte de ces remarques pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007. En attendant, au nom de la commission des finances, je vous propose, mes chers collègues, de voter le présent budget.

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