Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 2 décembre 2005 à 15h45
Loi de finances pour 2006 — Travail et emploi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Aujourd'hui, malgré une certaine satisfaction de façade, le Gouvernement n'a toujours pas de véritable politique de l'emploi. L'examen de votre projet de budget pour la mission « Travail et emploi » l'atteste, monsieur le ministre. Alors que vous communiquez sur des crédits en hausse de 5 % à périmètre constant, de tels chiffres sont, dans les faits, inexacts.

D'abord, le périmètre qui permet d'afficher une telle augmentation est explicitement différent de celui des années précédentes. Surtout, il intègre les allégements de cotisations sociales.

Ainsi, alors que l'on nous promet des moyens supplémentaires, la dépense active pour l'emploi n'augmente en réalité que de 0, 35 % en 2006, ce qui, compte tenu de l'inflation, représente en fait une baisse nette !

Au-delà des chiffres, le manque de lisibilité du projet de budget pour la mission « Travail et emploi » est également en cause.

En effet, vous n'annoncez rien de concret, ni sur la sécurisation des parcours professionnels, ni sur le phénomène des travailleurs pauvres, ni sur la précarisation des contrats de travail et les abus du recours aux stagiaires ou à l'intérim massif. En outre, votre projet de budget ne contient que très peu de dispositifs concrets sur l'emploi des seniors ou le droit individuel à la formation dans les petites et moyennes entreprises. Enfin, vous faites totalement l'impasse sur la question du retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, confrontés aux effets de seuil.

Permettez-moi de vous en fournir une illustration. Les crédits affectés au programme « Accès et retour à l'emploi » sont en légère diminution. Mais la réduction devient notable lorsque l'on s'intéresse à la sous-action « Construction de parcours vers l'emploi durable », destinée aux publics les plus fragiles. Dommage ! Seule l'inscription dans la durée permet que le retour à l'emploi soit le gage d'une insertion sociale réussie.

Par conséquent, les mesures annoncées ne sont financées, pour l'essentiel, que par des redéploiements. La mise en place de nouveaux contrats aidés, calqués sur les initiatives prises en son temps par le gouvernement Jospin, aurait pourtant peut-être mérité davantage de mobilisation.

Le bilan de ces nouveaux contrats aidés est en effet pour le moins mitigé. Alors que 71 300 contrats de qualification, d'orientation ou d'adaptation ont été signés l'an dernier, on en compte seulement 28 400 cette année, avec le nouveau dispositif du contrat de professionnalisation. En outre, seuls 4 000 contrats d'avenir ont été signés sur les 185 000 qui étaient programmés. Pour ma part, je ne prends pas en compte les intentions d'embauche, monsieur le ministre !

Le chômage des jeunes, quant à lui, ne cesse de croître : il concerne 23, 3 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Ce taux s'élève même jusqu'à 40 % dans les quartiers sensibles. Or les crédits du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, ou SEJE, accusent une diminution de 36 %.

Si l'emploi des jeunes est une priorité, faire chuter les financements alors que les besoins augmentent est, me semble-t-il, pour le moins paradoxal !

Le seul effort notable constaté concerne la création des 20 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi. Ce contrat d'insertion bas de gamme, qui correspond à vingt-deux heures de travail hebdomadaire, payées au SMIC horaire, et ce pour une durée de six à neuf mois, semble avoir toutes vos faveurs. Pourtant, ce chiffre de 20 000 paraît bien insuffisant face aux enjeux, et le contrat lui-même est bien moins intéressant que le contrat jeune mis en place par le gouvernement Jospin.

Mais l'annonce la plus choquante reste votre intention d'abaisser à quatorze ans l'âge de l'ouverture de l'apprentissage. Une telle décision, qui transforme l'école en centre de tri plutôt qu'en lieu d'éducation, n'est pas acceptable. Cette mesure renforce la discrimination et va à l'inverse d'une véritable politique d'égalité des chances. Elle oublie surtout que, à quatorze ans, on est encore un enfant, que le monde du travail n'est pas tendre et que l'on ne trouve, d'ores et déjà, plus de maître d'apprentissage, notamment dans les quartiers défavorisés !

Des jeunes de seize ans pris en centre d'apprentissage ne trouvent ainsi jamais de patrons. Dans ma circonscription du Val-d'Oise, à la fin du mois de septembre de cette année, plus de 200 jeunes acceptés dans les structures de formation adéquates n'avaient pas trouvé de maître d'apprentissage et ne pouvaient par conséquent pas intégrer de structure de formation. (Mme

À cet égard, les artisans et les entrepreneurs vous ont expliqué qu'ils ne voulaient pas d'une telle mesure. Ils réclament au contraire des jeunes dotés de bonnes connaissances scolaires et d'une véritable formation. En outre, sachant que les cycles d'évolution de l'emploi sont maintenant de trois à cinq ans, sur quelles bases, quel savoir et quelles capacités d'adaptation des carrières censées durer plus de quarante ans seront-elles gérées ? En réalité, monsieur le ministre, votre proposition, en fait de changement, est un retour au XlXème siècle !

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