Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un contexte particulier que Roger Karoutchi et moi-même sommes amenés à vous présenter, pour la première fois, la mission « Ville et logement ».
En effet, les émeutes survenues, d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans bon nombre de nos départements, ont amené le Gouvernement à proposer, par amendement, des modifications importantes au « bleu » initial.
De même, la loi portant « engagement national pour le logement », adoptée en première lecture par le Sénat, contient des dispositions qui, si elles étaient définitivement adoptées, auraient un impact budgétaire.
En l'état, la mission « Ville et logement » représente, dans son ensemble, 7, 2 milliards d'euros, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
Cela étant précisé, je vais vous présenter les deux programmes relatifs à la partie « Ville » de cette mission : le programme « Rénovation urbaine », et le programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».
Rappelons toutefois que la politique de la ville ne se résume pas à ces deux programmes puisque, par nature, elle est partenariale, interministérielle et inter-missions au sens de la LOLF, huit autres missions y contribuant.
Selon le « jaune » budgétaire, l'effort financier, en 2006, dépassera 7, 2 milliards d'euros, en augmentation de 13, 1 %, sans compter le poids des mesures nouvelles, pour environ 200 millions d'euros.
Entrons maintenant dans le détail des programmes en prenant comme point de repère, afin de voir si le cap est bien tenu, les deux lois de programmation qui s'imposent désormais : la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, et la loi de programmation pour la cohésion sociale.
Le programme « Rénovation urbaine » sert de cadre à la mise en oeuvre des opérations de rénovation urbaine pour les quartiers ciblés par le PNRU, le programme national de rénovation urbaine.
Il concerne prioritairement les 188 quartiers jugés les plus sensibles, auxquels 70 % des crédits doivent être consacrés, et, selon notre collègue M. Alduy, qui préside l'Agence nationale pour le renouvellement urbain, l'ANRU, environ 300 projets concernant les quartiers classés en priorité 2 et 3 mériteraient également d'être retenus.
À la date du 18 novembre dernier, 139 projets ont déjà été soumis au comité d'engagement de l'ANRU, et 83 conventions signées.
Pour ces 83 conventions, les engagements de l'ANRU atteignent 3 milliards d'euros pour 9, 4 milliards d'euros de travaux, ce qui représente, en nombre de logements, 64 000 démolitions, 61 000 constructions sur les 250 000 prévues, et 125 000 réhabilitations sur les 400 000 prévues.
Pour les 139 projets validés, le montant des travaux dépasse les 15 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros de subvention ANRU, ce qui nous entraîne déjà, mes chers collègues, remarquons-le au passage, au-delà des autorisations d'engagement jusqu'alors accordées.
Notons enfin, pour prendre la juste mesure des choses, que, pour l'ensemble des projets simplement étudiés par l'ANRU, le montant estimatif des travaux est déjà de 20, 7 milliards d'euros, dont 6, 7 milliards d'euros de subvention ANRU.
Cela signifie, selon Jean-Louis Borloo lui-même, qu'à terme les 30 milliards d'euros seront atteints.
Se pose donc inévitablement la question de l'enveloppe globale affectée à ces opérations, puisqu'il n'est en effet pas concevable de saupoudrer les crédits sur un nombre de projets plus important.
Une réactualisation sera donc nécessaire, tout comme me semble nécessaire que toutes les collectivités territoriales - régions, départements, quelle que soit leur couleur politique -, prennent leur part de cet effort national sans précédent, ce qui est très inégalement le cas aujourd'hui.
Mais revenons à ce projet de loi de finances pour 2006, dans lequel le programme « Rénovation urbaine » est doté de 305 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 233 millions d'euros en crédits de paiement.
Avec ces 305 millions d'euros, les 100 millions d'euros du fonds de renouvellement urbain qui seront affectés en loi de finance rectificative et 60 millions d'euros de recettes diverses, l'ANRU disposera donc bien des 465 millions d'euros prévus annuellement.
Certes, il eut été plus clair d'inscrire directement cette somme dans le projet de loi de finances initial. Je réitère donc ma remarque de l'année passée, soulignant toutefois, afin qu'il n'y ait pas de polémique inutile à ce sujet, que l'ANRU est bien dotée conformément à la loi de programmation.
Reste à nous préciser, madame la ministre, comment permettre dès 2006 l'accélération souhaitée et annoncée des programmes de l'ANRU. Passera-t-elle par une augmentation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement... qui ne figure pas dans le présent projet ? Nous avons besoin de vos éclaircissements.
Concernant sa structuration, le programme « Rénovation urbaine » se décline en deux actions : l'action « Logement participant à la rénovation urbaine » et l'action « Aménagements des quartiers ».
Les sommes affectées à la première action sont essentiellement consacrées au financement des dépenses d'intervention des bailleurs sociaux et montrent une augmentation de 35 % des crédits de paiement par rapport à l'an dernier, signe de la montée en charge des opérations après des périodes d'étude et d'appels d'offres toujours longues et peu mobilisatrices de crédits.
Pour la seconde action, « Aménagements des quartiers », les autorisations d'engagement se montent à 91 millions d'euros, contre 192 millions d'euros en 2005, et les crédits de paiement à 100 millions d'euros, contre 128 millions d'euros en 2005.
Cette diminution s'explique d'abord par l'arrivée à leur terme des dispositifs antérieurs au PNRU - les opérations de renouvellement urbain, les ORU, et les grands projets de ville, les GPV - qui se trouvent intégrés ici.
Concernant les objectifs et les indicateurs du programme, je vous renvoie à mon rapport, regrettant simplement que trop d'indicateurs restent encore non valorisés.
Venons-en maintenant au second programme, « Équité sociale et territoriale et soutien »
Il regroupe l'ensemble des actions visant à réduire les écarts de développement, tant économique que social, des zones urbaines sensibles, les ZUS, par rapport aux autres quartiers de leur commune ou de leur environnement.
Il se décline suivant deux axes : réduire la vulnérabilité sociale et économique des habitants, renforcer la mixité fonctionnelle - commerces, habitat, équipements sociaux... - de ces quartiers.
Le « bleu » budgétaire affectait à ce programme 585, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 610, 7 millions d'euros en crédits de paiement, crédits respectivement en diminution de 7, 8 % et de 7, 1 %.
Cependant, vous le savez, ces chiffres ne sont plus d'actualité après les annonces de M. le Premier ministre : c'est même une inversion très nette de tendance que nous devons constater, avec une augmentation d'environ 30 % des crédits.
Je me permets cependant de rappeler que les diminutions de crédits, effectives en 2005 et initialement envisagées pour 2006, étaient très largement compensées par l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine, la DSU.
Pour vous en convaincre, je citerai les chiffres de mon département, la Seine-Saint-Denis.
En 2005, la DSU y avait progressé de 10 millions d'euros pour l'ensemble des communes concernées, alors que les crédits de ce programme n'avaient diminué que de 2, 5 millions d'euros. Le solde était donc positif de 7, 5 millions d'euros dès l'année dernière. Et, en 2006, - faut-il le rappeler ?- la DSU progressera encore de 120 millions d'euros.
Je soulignerai également qu'il résultait d'un constat assez largement partagé que l'attribution des subventions à certaines associations, décidée par les services préfectoraux, échappait parfois à la logique communale. Il avait donc été jugé préférable, sur toutes les travées de cet hémicycle, de renforcer le pouvoir de décision du maire, ce qui passait par l'augmentation forte de la DSU au bénéfice des communes rencontrant les plus grandes difficultés sociales.
Cette responsabilisation accrue des maires vient encore d'être réaffirmée par le Gouvernement après les événements du mois dernier.
Concernant sa structuration, le programme Équité sociale et territoriale et soutien » regroupe trois actions.
Les crédits de la première action, « Prévention et développement social », qui est la plus visée par les nouvelles annonces, comprenaient initialement 73 millions d'euros pour les « Ateliers santé-ville » et le dispositif « École ouverte », 32 millions d'euros pour le volet « Investissement » des contrats de ville, 62 millions d'euros pour les « Équipes de réussite éducative », 9 millions d'euros pour le dispositif « Ville, vie, vacances », et 43 millions d'euros pour le dispositif « Adultes relais ».
À ce total de 219 millions d'euros initialement prévus, il convient maintenant d'ajouter 181 millions d'euros au titre de l'amendement gouvernemental, qui sont ainsi répartis : 80 millions d'euros destinés aux associations, dont 20 millions d'euros sur les quartiers les plus en difficulté ; 4 millions d'euros pour les ateliers « Santé-ville », afin d'en porter le nombre à 300 fin 2006 ; 40 millions d'euros pour le dispositif « Adultes relais », afin d'en porter le nombre à 6 000 fin 2006 ; 30 millions d'euros pour les équipes de réussite éducative, afin d'en porter le nombre à 520 fin 2006 ; enfin, 7 millions d'euros pour le financement d'internats.
Le total pour cette première action est donc porté à plus de 300 millions d'euros.
Les crédits de la deuxième action, « Revitalisation économique et emploi », comprennent principalement les allégements de charges sociales en zone franche urbaine, ou ZFU, pour 339 millions d'euros, auxquels il convient maintenant d'ajouter 20 millions d'euros pour les quinze nouvelles ZFU annoncées dernièrement.
Ces exonérations profitent aujourd'hui à près de 90 000 emplois salariés, alors qu'il n'existait que 25 000 emplois dans ces quartiers avant la création du dispositif
Cette action comprend par ailleurs les dotations de l'État pour les 247 contrats de ville et le financement dégressif pour les équipes emploi-insertion, dispositifs arrivant en fin de vie.
Les crédits de la troisième action, « Stratégie, ressources et évaluation », regroupent principalement les crédits nécessaires au fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, pour 5, 1 millions d'euros, et du volet « Stratégie, ressources et évaluation » des contrats de ville, pour un montant total de 25, 66 millions d'euros.
Le solde des crédits est constitué de subventions à des associations et au financement de postes d'animateurs du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tel est le détail des crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».
Sur les objectifs et les indicateurs, je vous renvoie là aussi à mon rapport écrit, en vous précisant simplement que quatre objectifs ont été fixés et en soulignant tout de même leur manque de lisibilité, notamment pour ce qui concerne les contrats de ville, dont les crédits sont éclatés en plusieurs actions, ce à quoi il conviendrait peut-être de remédier.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire dans le peu de temps qui m'était imparti, en vous appelant à constater l'effort budgétaire très important ainsi réalisé et à en tirer les conséquences en votant les crédits qui vous sont proposés.