Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 2 décembre 2005 à 15h45
Loi de finances pour 2006 — Ville et logement

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'ONU, dans ses observations générales, considère qu'il ne faut entendre le droit au logement ni dans un sens étroit ou restreint - un abri fourni ou simplement un toit sur la tête - ni exclusivement comme un bien. Le droit au logement, c'est aussi la capacité de payer sans se priver d'autres besoins essentiels.

Madame la ministre, vous avez reconnu, devant notre commission des affaires économiques, que les moyens consacrés aux aides au logement diminueraient encore, en raison, notamment, de l'amélioration de la situation économique. Il faut tout de même reconnaître que s'appuyer sur une hypothétique hausse des cotisations patronales - en réalité en baisse de 72 millions d'euros - paraît pour le moins paradoxal !

Ces aides ont été diminuées de près de 8, 5 % en trois ans. En 2003, elles ont été versées avec dix mois de retard. Aucune revalorisation n'est intervenue en 2004, et l'on atteint un pénible 1, 8 % d'accroissement à la fin de 2005, alors que le pouvoir d'achat des Français a baissé globalement de 6 % et que l'INSEE souligne qu'entre 50 % et 80 % des allocations de logement sont absorbées par les hausses de loyer.

L'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, fait un constat plus dur encore en démontrant que la non-revalorisation des aides attribuées aux étudiants, notamment les aides au logement, entraînent pour nombre d'entre eux l'impossibilité totale de trouver à se loger dans les centres universitaires et, de ce fait, de poursuivre leurs études.

C'est une chose, madame la ministre, d'avoir des programmes ; c'en est une autre d'avoir une vision globale de la réalité du logement, comme l'ont fort justement souligné nos collègues de la commission des finances.

Il est vrai qu'avec quarante et un dispositifs différents, aucun engagement financier visant à garantir les moyens pérennes d'une offre nouvelle de logements à loyers abordables ne peut être pris !

Les plafonds de revenu des logements de type PLS et PLUS rendent la plupart des logements inaccessibles à plus de la moitié de la population, et les deux tiers des demandeurs répondent aux critères du PLAI, pour lesquels 60 millions d'euros sont inscrits au projet de budget pour 2006 !

La programmation de 2005 devait représenter environ 5 000 logements, soit 5, 5 % des 90 000 logements prévus, chiffre déjà en baisse par rapport aux objectifs du plan de cohésion sociale, au sein duquel elle avait été fixée à 8, 8 % en 2004. Les objectifs n'ont même pas été atteints !

Le total bâti a été de 13 500 logements, auxquels il faut retrancher 10 000 logements intermédiaires. Mais il y a pire ! Vous aviez en effet évoqué, madame la ministre, une sanctuarisation des crédits. Pourtant, un décret en date du 3 novembre dernier a annulé 55 millions d'euros affectés à la construction et à l'amélioration de l'habitat !

Stimuler encore et toujours le développement du parc privé à loyers maîtrisés au détriment du logement social, voilà la politique du Gouvernement !

Le logement social a toujours démontré sa capacité à permettre à nos concitoyens de se loger dans des conditions auxquelles chacun peut prétendre, objectif que le marché privé, ciblé sur la recherche du profit, ignore le plus souvent.

L'ANAH sera dotée de 480 millions d'euros en crédits de paiement et de 385 millions d'euros en autorisations d'engagement : 16 000 logements vacants, sans exigence de travaux, seraient remis sur le marché locatif.

L'objectif confié à I'ANAH dans ce projet de budget est-il bien de 35 600 logements ? Le plan de cohésion sociale prévoyait 40 000 conventionnements !

Le projet de loi portant engagement national pour le logement ne prévoit d'appliquer le taux de TVA réduit qu'aux programmes de rénovation urbaine. Pourquoi ne pas vouloir l'étendre aux opérations de requalification hors zones urbaines sensibles ? La LOLF aurait-elle une incidence sur ce choix ? Il est vrai que la réduction à 5, 5 % du taux de TVA consomme à elle seule la moitié du total des aides fiscales.

Et il ne me semble pas judicieux de parler de la Commission européenne car, depuis la directive de 1977, le taux réduit pour le logement social est possible : le règlement communautaire exonère les Etats de notification à condition qu'un acte légal mandate l'opérateur, que le bénéfice soit raisonnable - mais pas plus -, que l'aide soit proportionnée aux objectifs et que l'organisme social distingue la partie d'intérêt général de la partie privée. Mais la France n'a jamais transposé la directive sur ce point !

Madame la ministre, permettez-moi, en conclusion, de vous interpeller une nouvelle fois sur les projets de réhabilitation non finançables dans le dispositif de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, qui laissent de nombreux élus dans l'expectative face aux incertitudes techniques et financières.

Dans l'agglomération de Lens, par exemple, les dotations affectées en crédits de fonctionnement et d'investissement ont fondu de moitié en 2005 et, au-delà du Fonds de participation des habitants, la dotation de fonctionnement du conseil régional au titre de la politique de la ville pour 2006 serait purement et simplement supprimée.

Ce projet de budget, madame la ministre, nous interpelle d'autant plus qu'en la matière on ne saurait oublier que la politique conduite par le Gouvernement concernant les dotations a toujours été à l'encontre des priorités affichées.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Ville et logement ».

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