Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » est emblématique des limites de la démarche de la LOLF : si les crédits inscrits à l'actif de cette mission représentent 409, 2 millions d'euros en autorisations d'engagements, ce chiffre ne rend compte ni des dépenses de l'État en matière de santé ni de l'ensemble des dépenses publiques dans ce domaine, devenu l'une des premières préoccupations des Français.
En effet, les limites du périmètre de la mission « Santé », qui comprend trois programmes d'importance très inégale, posent problème.
Premièrement, les crédits de personnel sont exclus du périmètre de la mission. Les programmes supports de la mission « Santé » et de la mission « Solidarité et intégration » ont été fusionnés et regroupés au sein de cette dernière. Comme l'a très justement fait remarquer le rapporteur spécial, M. Jean-Jacques Jégou, un tel regroupement est contraire à l'esprit de la LOLF, qui implique le rattachement des fonctions supports aux missions ou aux programmes correspondants.
Deuxièmement, la mission « Santé » peut apparaître comme une annexe au budget de la sécurité sociale. La plus grande partie des actions menées au titre du programme « Offre de soins et qualité du système de soins » sont financées par le budget de l'assurance maladie, ce qui pose inévitablement la question du partage des compétences entre celle-ci et l'État.
C'est pour le programme « Santé publique et prévention » que cette question se pose avec le plus d'acuité. Aujourd'hui, le partage des compétences entre l'État et la sécurité sociale dans ce domaine apparaît insuffisamment lisible.
Après nous avoir rappelé, lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, que la prévention était une prérogative régalienne de l'État, vous nous proposez, monsieur le ministre, de confier à l'assurance maladie le financement des stocks de médicaments et la préparation des plans en cas de menaces sanitaires graves.
De même, l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 transfère à l'assurance maladie le financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, qui était jusqu'ici assuré par le budget de la santé. Le montant de ce transfert s'élève tout de même à 14, 9 millions d'euros. A contrario, vous recentralisez les dépistages des cancers, des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les vaccinations, sans grande concertation, semble-t-il, avec les conseils généraux. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les critères pris en compte par vos services pour effectuer le partage des compétences en matière de prévention sanitaire ?
Enfin, il est difficile de parler du budget de la santé sans évoquer le montant des dépenses fiscales liées à cette mission. Il atteint 1, 88 milliard d'euros, soit presque cinq fois les crédits de la mission. L'essentiel des crédits consacrés à la santé sont ainsi de nature fiscale.
Cela étant, le plus grave est que, même corrigé par ces observations, l'examen du projet de budget de la santé pourrait s'avérer vain. Ce serait le cas si la régulation budgétaire en rendait caduques les principales dispositions. Cette remarque est d'ailleurs valable pour tous les budgets.
Chaque année, souvent dès janvier, Bercy prévoit des gels et des annulations de crédits, qui correspondent le plus souvent aux mesures nouvelles. Il est regrettable que ces gels soient possibles sans débat, car ils vident nos discussions budgétaires de tout intérêt. Cela est particulièrement flagrant en matière de santé publique et de prévention : cette année, les budgets correspondants ont été amputés de 22 millions d'euros, soit près de 10 % des crédits affectés au programme.
Voilà donc, à notre avis, tout ce qu'il faut prendre en considération pour procéder en toute connaissance de cause à l'examen des crédits de la mission « Santé ».
Ces crédits, inégalement répartis entre les trois programmes, reflètent des priorités assez pertinentes en matière de santé.
Le programme « Santé publique et prévention » met en oeuvre la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui comportait quelques avancées notables. Nous avions, en particulier, salué la création d'un Institut national du cancer, auquel seront attribués d'importants moyens destinés à renforcer la prévention et le dépistage. Cet institut a un rôle majeur à jouer pour améliorer la qualité de l'offre de soins dans ce domaine.
Pour le programme « Santé publique et prévention », qui représente à lui seul 65 % des crédits de la mission, seule une incohérence non négligeable, relevée d'ailleurs par M. le rapporteur spécial, nous gêne : au titre de l'action n° 2, « Déterminants de santé », 18 millions d'euros sont destinés au financement de la lutte contre les drogues illicites. Or il existe, au sein de la mission, un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. C'est là une incohérence, liée à des raisons de frontières administratives, qui mérite d'être corrigée.