Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 16 novembre 2005 à 10h00
Questions orales — Avenir de l'intercommunalité

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le sénateur, au moment où certains dysfonctionnements de l'intercommunalité sont pointés du doigt dans plusieurs rapports, je souhaite vous donner mon sentiment sur ce mouvement et vous indiquer les mesures que nous comptons, avec M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, mettre en oeuvre pour passer à un nouvel âge de la coopération intercommunale.

D'abord, nous croyons profondément que l'intercommunalité est un phénomène structurant pour le développement local. Son succès quantitatif ne doit rien au hasard.

Dans un pays qui compte près de 36 800 communes, le regroupement était en effet une nécessité absolue. Après l'échec des fusions de communes et le succès des communautés urbaines, l'État a opté pour des formules souples et financièrement incitatives. Je pense notamment à la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et à la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

Ces lois ont eu un effet déclencheur.

Les résultats sont probants : l'intercommunalité à fiscalité propre compte aujourd'hui 2 525 établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui regroupent 32 308 communes. Sont ainsi directement concernés 52 millions d'habitants, soit 84 % de la population.

Les encouragements financiers de l'Etat ont également beaucoup compté et la « maturation des esprits », combinée au recours au volontariat, a permis le développement de l'intercommunalité.

L'intercommunalité permet enfin à de nombreux bassins de vie de se doter d'équipements et de mutualiser les coûts de fonctionnement qui en découlent. Elle a ainsi été le support d'un formidable mouvement de réalisation d'équipements publics en France.

Nous voulons une intercommunalité qui devienne le principal instrument de gestion des services publics locaux, l'outil majeur de la politique de nos territoires et, à travers eux, la matrice de la France de demain.

Or telle qu'elle est menée actuellement, l'intercommunalité connaît des limites que nous devons regarder en face. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'en avoir souligné quelques-unes.

Pour notre part, nous voyons plusieurs dysfonctionnements à corriger.

Tout d'abord, l'intercommunalité a trop souvent entraîné des surcoûts, notamment en matière de personnels, alors que sa raison d'être était très précisément inverse : elle doit permettre de faire mieux, mais en dépensant moins. Les économies d'échelle qui devaient être réalisées ne l'ont pas été.

Ensuite, l'intercommunalité manque parfois de pertinence, tant du point de vue territorial, notamment par rapport aux bassins de vie, aux bassins d'emploi ou aux zones de chalandise, que de celui des compétences prévues par la loi. Il existe en effet de trop nombreuses redondances. Ainsi, des syndicats intercommunaux à vocation unique, des SIVU, gèrent parfois des compétences qui devraient logiquement relever des structures intercommunales plus récentes, ce qui rend le paysage administratif souvent illisible.

Enfin, l'intérêt communautaire est resté trop souvent flou, voire inexistant. Après plusieurs années d'existence, certaines compétences ne sont en effet exercées que partiellement. Cette situation, dont on ne peut pas se contenter, est source de gaspillages et d'incompréhension pour les citoyens usagers.

Il résulte de ces dysfonctionnements des projets souvent trop faibles pour fédérer les énergies locales. De nombreuses communautés de communes éprouvent des difficultés pour piloter de véritables projets intercommunaux. Soyons clairs : l'intercommunalité doit être réservée à ceux qui ont des choses à mettre en commun et seulement à ceux-là.

Après la phase de développement quantitatif, une phase d'approfondissement qualitatif s'impose donc pour créer une intercommunalité de projet, aux périmètres pertinents et aux synergies véritables.

Trois objectifs doivent être atteints.

Tout d'abord, nous voulons créer un véritable intérêt communautaire, afin de redonner du souffle aux groupements. Nous profiterons du nouveau et ultime délai - le 18 août 2006 - pour donner une définition consistante à l'intérêt communautaire. Ce travail de redéfinition est essentiel pour clarifier la frontière entre les attributions du conseil municipal et celles du groupement intercommunal, afin de permettre un exercice effectif des compétences transférées.

Ensuite, nous voulons renforcer la cohérence de la carte intercommunale. La Cour des comptes stigmatise, en effet, le caractère trop exigu des périmètres communautaires, qui ne permet pas d'apporter des réponses pertinentes aux problématiques locales et qui a nécessité la création de pays pour rendre ces périmètres opérationnels.

Cette critique concerne notamment les zones rurales, dans lesquelles bon nombre de communautés de communes n'atteignent pas la taille nécessaire pour constituer un véritable outil de développement local.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a institué une procédure de fusion facilitant le regroupement de plusieurs EPCI en un seul. Il faut l'utiliser.

En outre, la superposition des structures de coopération locale sur un même territoire doit, chaque fois que cela est envisageable, être évitée. La question du maintien des syndicats intercommunaux, qui ont vu leurs compétences s'amenuiser au fil du temps au profit d'autres EPCI à fiscalité propre, doit donc être systématiquement posée.

Enfin, notre objectif ultime est de constituer des intercommunalités de projets. Il est temps de rappeler la vocation première de l'intercommunalité à fiscalité propre : être le périmètre de réalisation de nouveaux projets très concrets, tels que des équipements sportifs, des équipements culturels ou encore des logements ou des zones d'activité. C'est bien cette intercommunalité de projets qui doit nous mobiliser.

Nous sommes très conscients, monsieur le sénateur, du fait que le mouvement intercommunal a beaucoup apporté et que ses dysfonctionnements actuels ne sont que des erreurs de jeunesse.

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