Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 16 décembre 2009 à 14h45
Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Article 1er

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux orateurs, au cours de la soirée d’hier, ont eu l’occasion d’expliquer que notre pays, notre République, pouvait s’enorgueillir de son système électoral, qui fait d’ailleurs référence à l’échelon quasi planétaire.

Pourtant, au moment où nous tous qui siégeons au Sénat, toutes travées confondues, sommes appelés à faire ce constat, vous nous proposez au travers de ce projet de loi un dévoiement du système électoral. Comme il a également été annoncé hier, ce texte précède paradoxalement la réforme des collectivités territoriales, alors que la logique simple aurait voulu qu’on procède exactement à l’inverse.

La seule finalité de ce texte consiste à s’attaquer aux acquis de la décentralisation et, d’une manière plus directe, aux collectivités territoriales, dont chacun ici sait qu’elles représentent un contre-pouvoir devenu insupportable au plus haut sommet de l’État.

Nous aurons d’ailleurs le loisir, dans les semaines à venir, de dénoncer le mode d’élection proposé. En vérité, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui constitue le premier étage d’une fusée imaginée par le Gouvernement pour atteindre le but que je viens d’évoquer.

Nous sommes d’autant plus indignés que l’on nous demande aujourd’hui, dans la précipitation, de valider une loi, de six lignes, sans nous permettre d’en débattre sérieusement ou de l’amender, pour la simple et bonne raison que pas une once d’information ne nous était parvenue à son sujet, notamment au cours de la soirée d’hier.

D’ailleurs, les textes qui sont présentés dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales sont soumis au Parlement dans un ordre défiant le plus simple bon sens.

La seule logique apparente est celle d’une précipitation fébrile destinée à permettre l’adoption dans les temps d’un projet de réforme, proposé par un exécutif qui cherche moins à satisfaire l’intérêt général ou à parfaire un système électoral qu’à privilégier l’intérêt du pouvoir ou de sa majorité.

Il en résulte une conséquence ubuesque : nous examinons aujourd’hui un texte destiné à permettre l’application pratique d’une loi dont nous n’avons pas encore débattu, et pour cause !

Cette manière de faire est d’ailleurs quasiment élevée au rang de système de la part d’un gouvernement qui finit par témoigner une forme de mépris à l’égard du Parlement.

Faut-il rappeler que le Sénat a été saisi et a débattu en séance publique de la réforme de la taxe professionnelle avant même que ne soient définies les futures compétences des collectivités territoriales ? Il y a bien d’autres exemples de ce type.

Nous sommes donc face à un système qui se voudrait coproductif de la loi, mais qui est rendu hémiplégique par un gouvernement et sa majorité. Le Parlement est quasi dépouillé, au profit de l’exécutif, d’un pouvoir législatif dont il est, ou devrait être, normalement dépositaire.

Le fait que la majorité recourt trop souvent au scrutin public, parce que le nombre de ses membres présents dans l’hémicycle est trop faible, vient encore aggraver la situation.

En vérité, les conditions d’examen de ce projet de loi sont celles d’un bateau ivre où il est très difficile de savoir qui est le capitaine et comment est constitué l’équipage.

L’objet de l’article 1er est donc d’interrompre en 2014 le mandat des conseillers généraux qui auront été élus en 2011 pour assurer la promotion d’un élu fantôme, le « conseiller territorial », qui s’installe progressivement, prend d’ores et déjà ses aises et est appelé à remplacer de manière mécanique le conseiller général.

Au sein de notre Haute Assemblée, où les conseillers généraux sont nombreux, chacun le comprendra facilement : à un moment où l’on critique de plus en plus souvent l’« éloignement » entre les élus locaux et la population, le conseiller général est, du fait de son mode d’élection et de ses compétences, un acteur irremplaçable de notre organisation territoriale.

Par conséquent, le présent article 1er porte un mauvais coup à une institution qui a fait ses preuves. C’est pourquoi nous voterons contre cet article et, au-delà, contre le projet de loi, qui n’apporte aucun élément positif par rapport aux objectifs affichés !

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