Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 16 décembre 2009 à 14h45
Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Article 1er

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qu’on nous présente aujourd’hui suscite, à l’évidence, de nombreuses questions.

Il pose d’abord un problème de cohérence, puisque le Gouvernement veut nous faire voter une loi anticipant la création du conseiller territorial avant que cette proposition n’ait été elle-même débattue sur le fond par le Parlement. Cela montre une nouvelle fois l’absence de rigueur qui est imposée au travail législatif.

De surcroît, les échanges que nous avons eus depuis l’ouverture du débat laissent perplexe, aucune réponse n’ayant été apportée à des questions fondamentales. Combien y aura-t-il de conseillers territoriaux par département ? Avec quels ratios ? Quelles seront les modalités retenues pour en déterminer le nombre ? Quelle sera la représentation des territoires ? Quelle parité ?

À chaque fois que ces questions ont été posées, le secrétaire d'État a invariablement répondu que ce n’était pas le sujet ou que ce point serait examiné plus tard.

Ainsi, vous attendez des sénateurs qu’ils se prononcent sur la concomitance des élections des conseils régionaux et des conseils généraux, alors qu’il n’échappe à personne que ce n’est pas véritablement le sujet.

Pour apercevoir le vrai sujet, il faut regarder au-delà du décor planté avec ce projet de loi sur la concomitance, qui n’est somme toute qu’un trompe-l’œil.

En réalité, l’objectif est de changer radicalement le mode de désignation des élus du peuple dans les deux assemblées, régionale et départementale, de modifier de la même manière la nature de l’exercice des mandats de conseiller général et de conseiller régional refondus dans un mandat de conseiller territorial et, enfin, de modifier la nature des compétences des collectivités territoriales.

En somme, avec ce projet de loi sur la concomitance, vous nous demandez, contre toute logique politique ou de chronologie calendaire, d’anticiper sur un débat fondamental relatif à la réforme de notre organisation territoriale.

Le conseiller territorial que ce texte vise à instituer siégera à la fois au conseil général de son département et au conseil régional. C’est un moyen pour le Gouvernement de supprimer le quart des cantons, c’est-à-dire un millier de cantons ruraux, et ce dans des territoires où le contact effectif avec les élus est essentiel pour nos concitoyens.

Dans ces nouveaux cantons, les conseillers territoriaux seraient élus au scrutin uninominal à un tour, mode de scrutin qui présente des risques démocratiques indéniables. Ainsi, si ce scrutin avait été mis en place en 2008, 10 % des résultats des élections auraient été inversés et ce taux aurait été porté au double en 2009. Comment, dès lors, ne pas y voir une manœuvre purement politique et électoraliste de la majorité ?

En représentant à la fois les régions et les départements, le conseiller territorial cumulera les fonctions de conseiller régional et de conseiller général, qui sont éloignées, car il y a peu de chevauchements de compétences entre les départements et les régions. Il en résultera un risque de confusion des genres et de conflits d’intérêts quant à la gestion respective des deux collectivités concernées.

Le conseiller territorial parviendra-t-il à se départir du tropisme départemental lorsqu’il siégera à la région, et inversement ? Quel objectif vise-t-on ? S’agit-il d’affaiblir le département, de balkaniser la région ? Je ne crois pas qu’il soit possible de trouver un point d’équilibre dans la situation que l’on va créer.

Nous voudrions être sûrs que, au-delà de la réforme annoncée en 2014, ne se profile pas une autre étape qui mènera, à terme, à la suppression d’un échelon de collectivités, lesquelles auront été préalablement réduites à l’impuissance budgétaire et politique.

Ce projet de loi est donc un véritable chèque en blanc qui est demandé aux parlementaires au profit de l’exécutif. Il marque un recul indéniable de la liberté de gestion des collectivités territoriales et signifie, sans conteste, le grand retour des centralisateurs.

Telles sont les raisons qui justifient notre opposition résolue à cette grande manipulation.

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