Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » représente un budget de 12, 64 milliards d'euros, soit une somme considérable. Pourtant, alors qu'il s'agit d'une priorité affichée par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, je constate une baisse des crédits de 4 %. Les explications avancées par nos excellents rapporteurs pour justifier ce désengagement ne me convainquent pas et j'attends avec impatience votre point de vue sur la question.
Plus généralement, je note une inflation continue des aides aux entreprises et aux services de proximité afin de diminuer artificiellement le coût du travail. Les chiffres donnent le vertige, et le résultat est loin de correspondre aux engagements financiers de la nation, puisque le chômage, s'il est en baisse, reste l'un des plus élevés de l'Union européenne, et que s'aggravent la précarité et le temps partiel.
Je ne formule pas ces observations au nom d'une opposition de principe ; il faut y voir un appel à une remise à plat de la politique de l'emploi engagée depuis les années quatre-vingt-dix.
Comment passer d'une politique subie et passive, caractérisée par l'addition de mesures de lutte contre le chômage - généralisation des exonérations sociales des entreprises, système d'indemnisation en cas de perte d'emploi, multiplication des emplois dits « aidés », qui sont source de précarité et de désaffiliation sociale, augmentation incessante du nombre des RMIstes -, à une politique du plein emploi avec statut et formation pour chaque salarié, grâce à la mutualisation des budgets consacrés par l'État, les collectivités territoriales et l'ASSEDIC ? Bref, comment remettre progressivement au travail la plus grande partie des trois ou quatre millions de Français qui en sont, pour partie ou complètement, séparés ?
Je sais combien une telle attitude est étrangère à notre culture économique - j'en fais l'expérience ici même depuis fort longtemps -, je sais qu'elle est peu compatible avec les pratiques traditionnelles des partenaires sociaux et des divers acteurs de terrain, y compris, trop souvent, les élus locaux. Pourtant, il n'y a pas d'autre voie, alors que les délocalisations d'entreprises vers des pays à faible coût de main-d'oeuvre détruisent chaque jour un peu plus notre tissu industriel.
Vous avez d'ailleurs tenté d'apporter un petit élément de réponse, monsieur le ministre, avec la création des maisons de l'emploi. L'idée de territorialiser la politique de la formation et du retour à l'emploi est bonne. Vous y avez ajouté la volonté de rapprocher, au sein d'une structure unique, le service public de l'emploi, les diverses agences ainsi que les élus locaux.
Voilà longtemps que nous attendions cette mesure et que je la préconisais. Je l'avais d'ailleurs soutenue ici même lorsque j'étais à la tête du Réseau national des comités de bassin d'emploi, et je la fais vivre depuis fort longtemps autour de ma commune, sur le bassin d'emploi du Lodévois-Coeur-d'Hérault.
Mais que de réticences encore entre partenaires ! Que de trous dans la carte d'implantation des maisons de l'emploi ! Pourquoi, par ailleurs, avoir laissé se créer une seconde structure là où existait déjà une maison des entreprises ? Ainsi, celle que j'ai fondée sur ma commune et qui rayonne sur tout le bassin d'emploi fêtera la semaine prochaine son vingtième anniversaire. Elle a vu l'an passé se mettre en place une maison de l'emploi, conformément à vos directives. Je vous rassure, monsieur le ministre, avec mes collègues élus et vos services déconcentrés, nous avons évité la concurrence et su additionner nos engagements, mais au prix d'une perte d'énergie considérable. Quel dommage !
Où en êtes-vous, monsieur le ministre, sur le chantier des maisons de l'emploi ? Avez-vous l'intention de faire le bilan de l'action de toutes les structures territoriales spécialisées dans le développement économique et l'emploi ?
L'identification et la promotion des très petites entreprises, les TPE, est un autre problème qu'il faudrait prioritairement s'attacher à résoudre. Pendant longtemps, lorsque j'utilisais cette expression, on me corrigeait : il fallait parler des petites et moyennes entreprises, les PME. Eh bien, Non ! Il s'agit bien des TPE.
Depuis des années, je me bats pour que soient reconnues la spécificité et l'utilité de la très petite entreprise, celle qui compte moins de vingt salariés et est située dans le secteur de la production. Trop souvent, elle est confondue avec la PME, alors que le statut du chef d'entreprise, les moyens qu'il peut déployer, la forme même que prennent son engagement et celui de ses salariés, ne sont en rien comparables à l'entreprise de cinquante, de cent ou de deux cents salariés.
À l'échelon local, avec ma maison des entreprises, sur un bassin d'emploi sans tradition industrielle, longtemps voué à la monoculture de la vigne, et atteignant aujourd'hui encore des taux records de chômage, j'ai fait, avec les chefs d'entreprise, un travail fin d'appui à leurs efforts de développement. Nous avons obtenu des résultats tangibles non seulement en matière d'emploi, mais également et surtout - ce qui est plus important encore - en matière de culture d'entreprise et de développement économique, sur une base de respect des salariés et en partenariat avec l'éducation nationale. Ce fut long, mais nous y sommes parvenus, monsieur le ministre.
Or, j'ai le sentiment de travailler dans l'indifférence générale au plan national.
Faire baisser statistiquement le nombre de chômeurs est la préoccupation majeure, je n'ose dire unique, de tous les gouvernements. Analyser le rôle des TPE, favoriser leur professionnalisation, les encourager à l'innovation, mettre en place des formes mutualisées d'appui à l'exportation, sont autant de chantiers qui, s'ils existent localement, n'ont pas encore trouvé de relais au sein de la politique nationale.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations iconoclastes, en tout cas un peu hors des sentiers battus, que je voulais formuler sur la politique de l'emploi. Cela fait maintenant plus de vingt ans que je tiens ces propos à cette tribune, sans grand succès jusqu'ici, il est vrai, mais je ne renonce pas ! Avec l'appui de vos services déconcentrés, du conseil général et de la région, sans oublier le corps préfectoral, je m'efforce de faire vivre, sur le terrain, les idées que je viens de développer pour montrer qu'elles sont efficaces, y compris en termes de créations d'emploi. J'aimerais connaître votre sentiment sur cette orientation pragmatique, monsieur le ministre, vous qui avez oeuvré à Valenciennes, en prenant le contre-pied des débats idéologiques sur le temps de travail, les délocalisations ou le travail au noir.
Pour ce qui concerne l'ensemble du projet de budget, nous nous connaissons, monsieur le ministre, et vous savez quelles sont mes convictions politiques. Je partage largement le diagnostic que vient de faire Mme Le Texier, au nom du groupe socialiste, notamment sur ce puits sans fond que représentent les aides au secteur de l'hôtellerie-restauration. Et je pense que ce sentiment est partagé sur de nombreuses travées, même s'il n'est pas explicitement exprimé. Quel gâchis de l'argent public que de le déverser ainsi, sans contrepartie, ...