Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « l'emploi demeure incontestablement une priorité de nos politiques publiques », estimait M. Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Travail et emploi ». Au regard du quotidien de millions de nos concitoyens, j'ai envie d'ajouter « heureusement ! ».
Voilà quarante-huit heures, le Premier ministre annonçait qu'avec 8, 8 % de demandeurs d'emploi le chômage était resté stable au mois d'octobre. Il ajoutait que la baisse des derniers mois était « une performance qu'il faut saluer » et qu'elle était « non écrite d'avance ». Permettez-moi de ne pas céder à cet enthousiasme et de replacer ces chiffres dans le contexte national et international et dans la perspective de cette fin de législature.
Dans son rapport pour avis, M Souvet considère que les efforts menés en faveur de la création d'emplois depuis 2002 commencent à porter leurs fruits. Ainsi, quatre années auront été nécessaires pour que les politiques de deux gouvernements successifs - avec, d'ailleurs, un certain nombre de revirements, sur lesquels je reviendrai - permettent de revenir à la situation du mois de janvier 2002.
En 2002, souvenons-nous, le Gouvernement voulait rendre ses lettres de noblesse à « la valeur travail », alors que les plans sociaux se succédaient ; il voulait permettre à qui le souhaitait « de travailler plus pour gagner plus », alors que les chiffres de la précarité commençaient à exploser ; il voulait enfin prétendument « redonner confiance », alors que le ministre en charge du travail de l'époque « cassait » les contrats aidés, « cassait » le dialogue social et commençait à démembrer le code du travail. Cette politique de destruction a atteint des sommets, et nos concitoyens le savent parfaitement. Ils en ont été les premières victimes.
Au mois de juin 2005, à l'occasion de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, M. de Villepin, dressait un bilan tout aussi sévère et déclarait : « la vérité, c'est que le chômage atteint un niveau inacceptable : plus de 10 % de chômeurs ». Quel aveu ! Face à un tel désastre, le nouveau ministre de l'emploi a, dans les faits, désavoué son prédécesseur, au moins sur un point. Il a renoué avec la politique des emplois aidés. Désormais au nombre de 300 000, ces derniers restent cependant insuffisants et nous ne pouvons que déplorer la baisse de 16, 9 % des dotations prévues à cet effet.
En 2002 toujours, M. Raffarin déclarait : « notre projet est celui d'une France porteuse d'un nouvel humanisme ». Trois ans plus tard, son successeur voulait « une France de toutes les chances ».
Notre pays compte donc officiellement 8, 8 % de demandeurs d'emplois. Ce pourcentage cache une réalité très différente. Depuis 2002, les chiffres de la précarité ont littéralement explosé. Désormais, 1 100 000 citoyens touchent le RMI, plus de 3 000 000 perçoivent un minimum social. Ce sont donc, ayants droit, conjoints et enfants compris, plus de 6 000 000 de personnes qui vivent d'un minimum social. Cette situation est d'autant plus inacceptable que le nombre d'allocataires de minima sociaux augmente dans les mêmes proportions que diminue le nombre des chômeurs officiels, dont le chiffre tomberait bientôt en dessous de deux millions. Est-ce une réussite, monsieur le ministre, d'avoir moins de chômeurs, mais plus de RMIstes ?