Intervention de Valérie Létard

Réunion du 1er décembre 2006 à 9h30
Loi de finances pour 2007 — État b

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Cet amendement a pour objet de garantir que la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ne subira pas une baisse de 20 % en 2007. Cette baisse serait supportée, en particulier, par les personnes ayant le statut de stagiaire de la formation professionnelle, à la suite de la reconnaissance de leur statut de travailleurs handicapés.

Ces personnes sont des assurés sociaux qui, après un accident ou une maladie, ne peuvent plus exercer leur ancienne activité professionnelle. Le code de la sécurité sociale leur donne un droit à la reconversion. Ils peuvent ainsi recevoir une nouvelle formation, dispensée par des centres de réadaptation professionnelle. Les frais de fonctionnement courants de ces centres sont couverts par la sécurité sociale. Mais, en tant que stagiaires, les assurés sociaux qui y sont formés reçoivent une rémunération financée par l'État.

Or la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a annoncé aux centres de réadaptation professionnelle une baisse de 20 % de la rémunération de leurs stagiaires. Comme le mode de calcul des salaires de ces stagiaires reste inchangé, le nombre des stagiaires diminuera mécaniquement de 20 %. Cette baisse a déjà été anticipée par certaines directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, avant même le vote du présent projet de loi de finances.

La baisse de 20 % de l'enveloppe consacrée aux stagiaires de la formation professionnelle reconnus travailleurs handicapés est difficilement admissible, à plus d'un titre.

Premièrement, en diminuant le nombre de stagiaires de 20 %, cette baisse porte atteinte au droit à la reconversion professionnelle accordé aux travailleurs handicapés.

Deuxièmement, elle contredit les objectifs visés dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui mettait l'accent sur la réinsertion des personnes handicapées, notamment par l'emploi.

Troisièmement, cette réduction des engagements de l'État constitue, en réalité et in fine, un transfert de charge non compensée sur l'assurance chômage, le département et la sécurité sociale. En effet, les 20 % de travailleurs handicapés qui ne pourront plus devenir stagiaires de la formation professionnelle et réintégrer, à la suite de cette formation, le marché du travail basculeront sur l'assurance chômage ou, directement, dans le dispositif du revenu minimum d'insertion. Le département sera donc in fine le financeur de cette baisse de crédits.

Quatrièmement, il s'agit, hélas ! d'une politique tournée vers l'assistanat plutôt que vers le retour sur le marché du travail. Or je suis convaincue, monsieur le ministre, que tel n'est pas votre objectif.

C'est pourquoi, par cet amendement, nous entendons garantir un maintien de l'enveloppe de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. Cette enveloppe était de 143 millions d'euros en 2005. En 2006, elle diminuait brusquement à 80 353 000 euros. Le présent projet de loi de finances prévoit de la faire passer à 100 millions d'euros.

Le décalage entre 2005 et 2006 était tel que le Gouvernement a dû procéder à un redéploiement de crédits de 50 millions d'euros. En 2006, les crédits consacrés à ce poste ont donc été de 130 millions d'euros. En deux ans, cette enveloppe a par conséquent baissé de 30 %. De 2006 à 2007, l'enveloppe passera de 130 millions à 100 millions d'euros. En un an, ce poste diminuera de 23 %.

Afin d'éviter une telle baisse, notre amendement tend à abonder le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » de 43 millions d'euros. Ainsi, nous ne ferions que retrouver le montant de l'enveloppe de 2005 pour la formation des stagiaires de la formation professionnelle.

Aux termes de notre amendement, ces 43 millions d'euros seraient transférés à partir du programme 133 « Développement de l'emploi », au sein duquel ils seraient prélevés sur l'action 01 « Baisse du coût du travail pour faciliter le développement de territoire et de secteurs à forts potentiels d'emplois », dans la sous-action 03 « Promotion de l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie-restauration ». Les crédits visés sont ceux qui correspondent au titre 6 « Dépenses d'intervention ».

En effet, l'article 57 du projet de loi de finances pour 2007 tend à proroger et à augmenter l'aide à la restauration, dont il est prévu qu'un décret rehausse le montant maximal de 114 euros à 180 euros par mois. Les crédits correspondants seraient portés à 516 millions d'euros, l'amélioration engendrant une dépense supplémentaire d'environ 100 millions d'euros.

Or l'aide à l'emploi dans la restauration ne tient pas toutes ses promesses en termes de créations d'emploi. Certes, cette mesure devait être prise, mais peut-être faut-il la réajuster.

En 2004, la mise en place de l'aide à la restauration faisait entrevoir une progression spectaculaire de l'emploi : on citait alors le chiffre de 1, 2 million d'emplois supplémentaires susceptibles d'être créés. Pourtant, le PAP, projet annuel de performance, pour 2006 de la mission « Travail et emploi » n'a prévu, dans ce secteur, qu'une augmentation des effectifs de 22 000 salariés en 2005 et de 25 000 en 2006. Quant au PAP pour 2007, il revoit ces modestes ambitions à la baisse, avec seulement 15 700 emplois créés en 2005 et une prévision de 16 600 en 2006.

La dépense annuelle par emploi créé ressort à plus de 30 800 euros.

Notre amendement ne remet pas en cause le principe de l'amélioration de l'aide à la restauration ; il diminue seulement le montant de cette aide.

Par ailleurs, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui profite déjà des exonérations générales sur les bas salaires, bénéficiera de l'aide aux « extras » prévue à l'article 57 bis du projet de loi de finances pour 2007 et, à compter du 1er juillet 2007, de la majoration des exonérations sur les bas salaires destinée aux entreprises de moins de vingt salariés, et il recourt habituellement aux différentes formes de contrats aidés.

Ce secteur ne devrait donc pas souffrir outre mesure de ce transfert de crédits. L'adoption de notre amendement marquerait la primauté accordée par le Sénat à une politique d'équité et de réinsertion des travailleurs les plus éloignés de l'emploi par rapport à une politique de subventionnement. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez faire la synthèse entre ces deux politiques qui, j'en suis sûre, vous tiennent à coeur.

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