Ce problème qui, au-delà de la santé, est un problème de société, concerne les acteurs économiques et sociaux. Il fallait donc réunir les banques, les assureurs et les malades. Le Gouvernement - et je tiens à souligner l'action déterminante de Thierry Breton - a choisi de procéder, d'abord, par la négociation, puis de consacrer les résultats de celle-ci par la loi.
Le Président de la République avait clairement fixé l'objectif à la fin du mois d'avril dans le discours qu'il avait prononcé sur la lutte contre le cancer. C'est ainsi que la convention « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », AERAS, a été conclue le 6 juillet 2006 entre l'État, les représentants des établissements bancaires, des organismes d'assurance et les associations de malades. Toutes les associations de patients qui s'étaient engagées sur la convention Bélorgey ont signé également cette nouvelle convention. Je sais que le nom d'AERAS peut prêter à discussion. Je crois que le président de la commission a une idée à proposer ; je le laisserai éventuellement en parler.
Cette convention, entrée en vigueur le 6 janvier 2007, prend la suite de la convention Belorgey. Avant celle-ci, rien n'existait .Je tiens à saluer ici le rôle de M. Belorgey.
Je souhaite revenir sur les avancées de cette nouvelle convention signée le 6 juillet 2006. Même si la convention Belorgey représentait un progrès, elle souffrait de nombreuses carences dans son application.
Tout d'abord, les assureurs nous ont indiqué que, sur 35 000 dossiers soumis au deuxième niveau d'examen de la convention, 9 000 étaient refusés au troisième et dernier niveau d'examen.
Au-delà de ces données, il est certain, et vous avez vous-même eu des témoignages dans vos permanences, que de nombreux malades n'ont pas eu la possibilité de recourir à ce dispositif, parce qu'ils n'en connaissaient pas l'existence ou qu'ils n'y ont pas eu recours parce qu'ils pensaient que les procédures seraient trop compliquées, trop longues et aboutiraient en fin de compte à un refus. Donc, ils ne s'engageaient pas dans cette voie. Certains se demandaient même s'il ne fallait pas éviter de tout dire, de pécher par omission avec un risque terrible à la clé, le risque de déchéance du contrat. Voilà les raisons pour lesquelles il était indispensable de faire évoluer les textes.
De plus, la convention ne touchait qu'un nombre restreint de personnes. Une enquête menée en 2005 par la Ligue contre le cancer montre que seules 18 % des personnes concernées entraient dans les critères de montant d'emprunt, d'âge et de durée de prêt.
Les garanties, en termes de confidentialité, ne s'étaient pas suffisamment traduites dans les faits puisque 44 % des personnes interrogées ne s'étaient pas vu offrir la possibilité d'envoi du premier questionnaire de santé sous pli fermé.
Seule l'assurance décès entrait dans le champ de la convention alors que l'assurance invalidité est aussi requise pour souscrire un crédit.
Certaines surprimes liées à l'état de santé pouvaient constituer un facteur de refus d'emprunt ou de non-accès à l'emprunt, la charge de remboursement pouvant, dans certains cas, dépasser le seuil de 33 % généralement retenu par les banques pour prêter.
Enfin, il était nécessaire de revoir les délais car l'allongement des durées de traitement des dossiers était incompatible avec la réalisation effective des transactions immobilières envisagées.
La nouvelle convention AERAS comporte des avancées sur l'ensemble de ces points.
Il s'agit, tout d'abord, d'informer pleinement sur l'existence du dispositif. Chacun devra y contribuer. Notre rôle - ne nous voilons pas la face - est non seulement de voter ce texte, mais de s'assurer que les agents de banque et d'assurance sont formés pour apporter cette information indispensable aux patients. Les banques se sont engagées à mentionner systématiquement sur les simulations de prêt l'existence du dispositif et à nommer des référents dans leurs réseaux. Jusqu'à présent, les agents des banques, notamment, n'étaient pas suffisamment conscients de l'importance du dispositif. Cette généralisation systématique est, à mon avis, un enjeu essentiel.
L'État s'engage durablement à leurs côtés notamment grâce à un site Internet aeras-infos.fr destiné à porter l'information claire et précise à tout Français qui s'interroge. Ce site a été créé le 6 janvier dernier. Depuis cette date, il a enregistré 10 000 connexions en douze jours, ce qui montre bien qu'il y avait une réelle demande.
Il s'agit aussi de remédier au problème de l'assurance invalidité, désormais pleinement intégrée au dispositif de la convention. L'examen des dossiers s'effectue à trois niveaux : l'éligibilité au mécanisme de médiation, la priorité des programmes de recherche que pilotera la commission des études et des recherches de la convention, ainsi que l'éligibilité au mécanisme de mutualisation au même titre que l'assurance décès.
Des progrès médicaux ont été faits. Il faut en tirer toutes les conclusions pour éviter les surprimes qui ne se justifient plus.
Une enquête de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, réalisée en 2006 a montré que, les cas de rémission étant aujourd'hui une réalité, il fallait en tenir compte s'agissant des simulations de prêt et de la disparition de surprimes inacceptables. §
La couverture assurantielle de ce risque est étendue au-delà de la perte totale et irréversible d'autonomie.
Dans la perspective de l'évaluation, une concertation organisée par l'État entre les représentants des assureurs et les associations de malades a permis de déboucher sur un accord quant au suivi statistique des engagements pris par les assureurs sur la garantie invalidité.
Un indicateur établi sur cette question sera alimenté par deux sources : les assureurs et les enquêtes sur échantillons commanditées par la commission de suivi et de proposition, qui sera vigilante quant à la montée en charge de la couverture assurantielle du risque invalidité.
Il s'agit également d'assurer une plus grande transparence pour l'octroi des polices d'assurance.
Les refus d'emprunt liés à des raisons de santé ou les restrictions de couverture devront être motivés ; l'assureur devra obligatoirement mentionner, lors des refus, la possibilité de demander par écrit au médecin de l'assureur de lui communiquer directement, ou par l'intermédiaire d'un médecin de son choix, les raisons médicales du refus.
Le programme de recherche couvrira les pathologies les plus problématiques pour l'accès à l'emprunt et à l'assurance. Trop souvent, les critères appliqués par les assurances étaient trop restrictifs ou en réel décalage par rapport au progrès médical.
Il s'agit, en outre, de mettre en place une commission de médiation en cas de litige. La possibilité de saisine de cette commission de médiation sera systématiquement indiquée aux personnes recevant un refus ou même une restriction d'assurance.
Par ailleurs, le montant des surprimes liées à l'état de santé sera rendu plus supportable.
La prime d'assurance sera plafonnée à 1, 5 point de taux effectif global pour les emprunteurs dont les revenus ne dépassent pas le plafond de la sécurité sociale, soit 30 000 euros par an, ce qui couvre la part la plus importante des emprunteurs potentiels. Par exemple, dans le cas d'une personne de quarante ans qui souscrit un prêt immobilier pour un montant de 100 000 euros sur une durée de quinze ans au taux de 3, 5 % et dont l'assureur a évalué le risque de surmortalité à 400 %, le mécanisme de mutualisation prendra en charge 370 euros par an de la prime d'assurance, soit 5 550 euros sur la durée du prêt, qui est de quinze ans.
De plus, les critères d'éligibilité à la convention ont été élargis.
Pour les emprunts immobiliers et professionnels, la durée est déplafonnée dès lors que l'âge de l'emprunteur ne dépasse pas soixante-dix ans au terme du prêt, le montant du prêt passant d'un en-cours de 250 000 euros à 300 000 euros, ce qui couvre aussi plus largement les besoins.
L'âge en deçà duquel les demandeurs de crédits à la consommation sont exonérés de questionnaire de santé est relevé de quarante-cinq à cinquante ans, et l'en-cours est porté de 10 000 euros à 15 000 euros. Pour prendre l'exemple d'un achat aussi fréquent que celui d'un véhicule automobile, s'il n'était pas envisageable auparavant de financer autre chose qu'une petite voiture, avec 15 000 euros, on ouvre des possibilités supplémentaires, notamment s'il y a revente de l'ancien véhicule. La durée du prêt reste fixée à quatre ans.
Les banques s'engagent à accepter les garanties alternatives - caution ou assurance individuelle - dès lors qu'elles offrent la même sécurité.
Enfin, en invitant les personnes concernées à anticiper au mieux leur demande et en leur ouvrant le droit de faire réaliser par les assureurs des simulations à blanc, nous répondons à une demande récurrente.
Le projet de loi institutionnalise, dans son article 1er, l'obligation, pour les banques et les assureurs, de négocier une convention triennale avec l'État et, bien sûr, les associations de patients et d'usagers du système de santé, que je remercie très sincèrement de leur apport, car elles ont permis de faire évoluer la situation.
L'article 2 crée un article dans le code de la santé publique qui fixe les rubriques que doit impérativement comprendre la convention.
L'article 3 permet l'intervention du pouvoir réglementaire en cas de carence des parties conventionnelles. Il prévoit la possibilité d'extension par décret à un secteur si une des trois « familles » d'assurance ne conclut pas la convention. Il prévoit également, en cas de rupture ou d'absence de renouvellement de la convention, la possibilité pour le Gouvernement de se substituer aux parties conventionnelles pour édicter les garanties offertes aux personnes malades.
L'article 4 confie à l'instance de suivi le soin d'effectuer une évaluation du dispositif qu'elle transmet au Parlement et au Gouvernement dans les six mois qui précèdent l'échéance de la convention.
L'article 5 prévoit la transmission de ce rapport, à titre dérogatoire, dans les dix-huit mois suivant l'entrée en vigueur de la convention du 6 juillet 2006, soit à la mi-2008. Compte tenu de son importance et de l'urgence de sa mise en place, nous avons souhaité que l'entrée dans le champ du dispositif de l'assurance invalidité soit évaluée dès cette date.
Par ces deux articles, le Parlement est placé, aux côtés du Gouvernement, en situation de garant de la bonne application des nouvelles mesures, rôle qui, je le sais, madame le rapporteur, vous tient particulièrement en coeur et je suis moi-même très attaché à ce que l'on peut appeler le SAV, ou « service après vote », des dispositions qui sont soumises au Parlement.