Monsieur le ministre, permettez-moi, tout d'abord, de vous féliciter d'avoir tenu les engagements pris lors du vote de la loi de programme pour la recherche.
Je me réjouis que le Gouvernement se soit ainsi engagé sur la voie d'une rénovation ambitieuse du système national de recherche et d'innovation, en étroite collaboration avec tous les acteurs qui y concourent.
La France bénéficie d'une longue tradition d'excellence scientifique et compte des savants de grande valeur. Pourtant, il était nécessaire de donner un nouveau souffle à notre système de recherche, mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, car nos résultats semblaient insuffisants au regard de nos publications, de nos brevets et de notre rayonnement général.
Notre environnement, à l'échelle mondiale, est caractérisé par une intense compétition. Aujourd'hui, nous constatons que ce sont les pays qui ont le plus investi dans la recherche qui connaissent les meilleurs taux de croissance et le recul le plus significatif du chômage.
Le présent projet de loi de finances prolonge l'effort sans précédent du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, en augmentant, pour la troisième année consécutive, les moyens consacrés à ce secteur. Le budget de la mission s'élève à 23, 9 milliards d'euros, une somme particulièrement importante dans une période de maîtrise de la dépense publique.
En ce qui concerne la recherche, les moyens progressent de un milliard d'euros. Ils se répartissent entre deux tiers de crédits consacrés aux organismes de recherche ainsi qu'à l'Agence nationale de la recherche, et un tiers de dépenses fiscales supplémentaires satisfaisant les objectifs fixés par la loi de programme pour la recherche.
Il faut saluer, bien sûr, l'augmentation des crédits de l'ANR, qui constitue un moyen privilégié de mise en oeuvre des grandes orientations fixées par le Gouvernement en matière de recherche.
En 2006, l'ANR a amplifié son activité de financement de projets de recherche, dans le cadre des appels à projets, auxquels elle a prévu de consacrer 615 millions d'euros. Le volume total des aides demandées a augmenté de 21 % entre 2005 et 2006.
Par ailleurs, l'ANR finance le dispositif Carnot, une mesure du Pacte pour la recherche qui a pour objectif de resserrer le partenariat entre la recherche publique et les entreprises, afin de favoriser le développement de l'innovation. La création de l'ANR a rendu de la visibilité aux chercheurs, dans la mesure où l'agence peut engager des moyens sur plusieurs années.
De même, nous ne pouvons que nous réjouir de la mise en place de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, car l'évaluation est la garantie de la qualité d'un système de recherche.
Il était temps de rationaliser notre dispositif en la matière. Il s'agissait, en effet, de l'un de nos points faibles, car la recherche française n'a pas cette culture de l'évaluation qui joue un rôle central dans les universités et les instituts de recherche du Royaume-Uni, de la Finlande, du Japon ou encore de la Suisse. À tous les stades du processus, la transparence et le respect du principe du contradictoire garantiront la justesse de l'évaluation.
Je voudrais insister sur la question du soutien aux jeunes chercheurs et de l'attractivité des carrières : 2 000 créations d'emplois publics sont prévues en 2007 ; elles font suite à celles qui sont intervenues depuis deux ans, dont 3 000 en 2006, et se répartissent également entre l'enseignement supérieur et la recherche.
Ainsi, doivent être créés dans les organismes de recherche 140 postes de chercheurs, 410 postes de personnels ingénieurs et techniciens, 200 postes de contractuels de haut niveau pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, et 100 postes de contractuels à durée indéterminée pour les établissements publics à caractère industriel et commercial, les EPIC.
Au sein de l'université, 450 emplois d'enseignants-chercheurs et 550 emplois de personnels non enseignants viendront renforcer le potentiel de recherche des établissements.
Mes chers collègues, les promesses relatives aux emplois ont donc été tenues. Attirer les meilleurs talents vers les carrières scientifiques et donner des perspectives aux jeunes chercheurs constituent des objectifs primordiaux.
Le projet de loi de finances vise à renforcer cette attractivité : 500 monitorats sont créés dans l'enseignement supérieur, ce qui devrait faciliter les décharges d'enseignement en faveur des enseignants-chercheurs qui souhaitent se consacrer à plein temps à un projet de recherche.
Pour la deuxième année consécutive, l'allocation de recherche accordée aux doctorants pour préparer leur thèse tout en enseignant à l'université sera revalorisée. Elle augmentera de 8 % à compter du 1er février 2007.
De même, à compter du 1er octobre de l'année prochaine, les allocations de troisième année de thèse connaîtront une revalorisation supplémentaire, qui portera leur valeur à 1, 5 fois le montant du SMIC.
L'effort du Gouvernement est donc significatif - en l'espace d'une législature, l'allocation aura progressé de plus de 30 % -, d'autant plus que le nombre des allocataires reste élevé : en 2007, comme en 2006, 4 000 nouveaux doctorants bénéficieront de cette aide, pour un total de presque 12 000 allocataires.
Pour financer les « bourses Descartes », qui permettent à nos chercheurs les plus brillants de continuer à s'investir sur le territoire national, limitant ainsi la fuite des cerveaux, 0, 9 million d'euros sont programmés.
Enfin, des crédits supplémentaires sont ouverts pour favoriser l'insertion des post-doctorants en entreprise.
Si toutes ces mesures sont très positives, le présent débat doit être aussi l'occasion, me semble-t-il, de souligner la faiblesse profonde du système universitaire français de recherche, qui n'occupe pas la place qui devrait être la sienne.
Le modèle anglo-saxon a fait ses preuves : l'université y est l'unité de base et la référence en matière de recherche académique.
En France, historiquement, la recherche s'est construite différemment. Les grands organismes spécialisés, tels que le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ou l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, ont assuré des activités de recherche, tandis que les universités exerçaient essentiellement une mission d'enseignement. La massification de l'enseignement supérieur a également joué au détriment des activités de recherche dans les universités, qui comptaient 1 470 000 étudiants en 1995 contre 660 000 en 1970.
Je m'associe au voeu de ma commission, qui souhaite voir les résultats des expérimentations menées avec les PRES, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, ou les réseaux thématiques entraîner une évolution des mentalités suffisante pour envisager de mettre en place, dès que possible, la nouvelle gouvernance dont les universités françaises ont tant besoin.
J'ajouterai quelques mots, en sortant du contexte spécifique de la recherche, sur l'aide apportée, cette année, par l'État aux étudiants.
Le projet de budget fait une place importante à l'amélioration des conditions de vie étudiante en augmentant les crédits destinés à cette politique de plus de 4, 31 %. Ainsi, les bourses au mérite croissent-elles. Il en est de même pour les bourses de mobilité et pour l'allocation d'installation étudiante, l'ALINE, qui accompagne l'étudiant quittant son foyer familial.
Par ailleurs, la réhabilitation des résidences universitaires se poursuit. Grâce aux moyens fournis, 5 000 chambres devraient être mises aux normes actuelles de confort et d'équipement alors que 5 000 nouveaux logements seront mis en chantier. Je précise cependant que, pour tenir les objectifs - 70 000 chambres rénovées et 50 000 construites d'ici 2015 -, il faudrait accélérer les programmes de réhabilitation et de construction de résidences.
En outre, 7, 5 millions d'euros permettent de faciliter l'accès des étudiants handicapés aux études universitaires, au moyen de dispositifs d'accueil et de soutien et de la mise en place d'équipements spécifiques.
Je tiens, par conséquent, à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre détermination à mener une politique ambitieuse en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, et de l'égalité des chances.
Je souhaiterais maintenant, comme d'autres de mes collègues, attirer votre attention sur le problème de l'application de la LOLF en ce qui concerne l'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'agriculture.
Dans le cadre de son application, la subvention octroyée par l'État émarge au programme 142 de la MIRES. En début d'exercice, une réserve de précaution de 5 % des crédits de fonctionnement a été gelée, puis dégelée en totalité, mais uniquement pour les établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'éducation nationale, et pas du tout pour ceux qui sont placés sous tutelle du ministère de l'agriculture. Je souhaite donc vous alerter sur ce point.
L'esprit même de la LOLF implique une gestion des crédits de l'État par grande mission, sous contrôle des parlementaires, sans distinction des découpages ministériels traditionnels.
Or, l'enseignement supérieur agricole offre une véritable spécificité. Il a souvent été le moteur dans l'innovation pédagogique et est cité en exemple pour sa capacité d'insertion professionnelle des diplômés. Une égalité de traitement est indispensable ; c'est une question de cohérence.
En ce qui concerne l'investissement, force est de constater que, notamment dans les quatre écoles nationales vétérinaires, les contrats passés avec l'État sont loin d'être respectés. Les crédits de paiement ne représentent, en effet, qu'une très faible part des autorisations d'engagement. Il manque entre 1 et 2 millions d'euros dans chacune de ces écoles.
Comment, dans ces conditions, faire face aux enjeux majeurs à l'échelon national ou international ? Je tiens, monsieur le ministre, à vous faire part de l'inquiétude des personnels et de l'ensemble des établissements au regard de cette situation.
Enfin, je conclurai en évoquant le succès du projet ITER. L'enjeu est considérable dans un contexte où les efforts de recherche sur les énergies de substitution aux combustibles fossiles doivent s'accroître fortement au niveau mondial. Le choix de Cadarache pour construire ce réacteur de recherche est le résultat d'un engagement très fort de l'État au plan national et au niveau déconcentré. La dynamique créée autour de ce projet vient à propos pour nous encourager à poursuivre nos efforts et notre réflexion.