Intervention de Ivan Renar

Réunion du 1er décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Pour combattre la désaffection des carrières scientifiques, phénomène aggravé par l'exil de nombreux doctorants et post-doctorants, la majorité des acteurs du système national de recherche affirme qu'il est urgent de rendre les rémunérations des chercheurs plus attractives, de mettre à leur disposition l'équipement nécessaire pour développer leurs travaux, ou encore de créer les conditions permettant aux organismes de disposer d'une plus grande réactivité, notamment en matière d'ouverture de postes.

De même, il apparaît de plus en plus indispensable d'établir un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, afin de donner des perspectives aux jeunes scientifiques et, plus largement, d'offrir une vision stratégique de l'avenir de la recherche française. Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie rappelle cette année encore qu' « il a en de nombreuses circonstances recommandé qu'une véritable politique de l'emploi et de recrutement pour l'ensemble de la recherche publique française soit mise en place, prenant en compte non seulement le volume global mais aussi la dynamique des disciplines et leurs évolutions ». Ces recommandations resteront, cette année encore, lettre morte.

Plus grave encore, en dépit des engagements pris, le Gouvernement n'affichera, en 2007, que 2 000 créations d'emplois pour la recherche et l'enseignement supérieur sur les 3 000 postes promis. Il faut, en outre, noter que seuls 1 550 postes statutaires seront créés, du moins en théorie, puisque les EPST ne disposeront pas des moyens budgétaires nécessaires pour financer la création des nouveaux emplois.

Dans le registre des promesses non tenues, je rappellerai également qu'il avait été annoncé que le montant de l'allocation de recherche serait porté à 1, 5 fois le SMIC dès le 1er janvier prochain. Cette revalorisation, très attendue par les jeunes chercheurs, ne concernera finalement que les seuls doctorants en troisième année et ne prendra effet qu'à la rentrée 2007. La grande majorité des jeunes chercheurs demeurera donc en situation précaire.

Dès lors, s'étonnera-t-on encore du nombre élevé d'abandons en cours de thèse ou plus tôt, de la profonde désaffection pour des études longues et exigeantes, dont les débouchés sont à l'heure actuelle plus qu'incertains ? Ces phénomènes ne peuvent être enrayés que par la mise en oeuvre d'une politique volontariste assurant un financement décent aux jeunes poursuivant un cursus doctoral offrant des perspectives d'emploi durable, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé.

Il serait, en effet, grand temps que les entreprises reconnaissent les compétences spécifiques des docteurs. Ceux-ci connaissent les savoirs formels acquis à la frontière de leur spécialité scientifique, qui se révèlent très utiles pour assumer des fonctions d'expertise pointue, et sont également des vecteurs de savoir-faire originaux, qui les distinguent des ingénieurs ou des gestionnaires, auxquels on les compare pourtant trop souvent, à leur désavantage.

Acquises dans leur premier parcours professionnel et au cours de leur thèse, ces compétences constituent des aptitudes peu banales : capacité d'identifier des problèmes et d'expérimenter des méthodes nouvelles, savoir expérimental en matière de validation et d'évaluation d'idées nouvelles, expérience des projets collectifs, appartenance à des réseaux nationaux ou internationaux au contact immédiat des meilleurs experts.

Toutefois, rares sont les entreprises qui ont pris conscience de l'atout que représentent les docteurs. Face aux nombreux défis que la France doit relever pour s'engager pleinement dans l'économie de la connaissance, il paraît urgent d'inciter les employeurs privés à embaucher les jeunes chercheurs issus de l'enseignement universitaire.

La question de l'emploi scientifique demeure fondamentale pour rétablir un cercle vertueux ; la promesse d'emplois stables, justement rémunérés, devrait contribuer à attirer notre jeunesse vers les filières scientifiques et la recherche. Encore faudrait-il que les entreprises acceptent de s'ouvrir à une culture de la recherche, certes risquée mais aussi porteuse d'avenir. De ce point de vue, il est intéressant de constater que des groupes comme L'Oréal, Bouygues ou Roquette se sont inscrits dans une telle démarche, estimant à juste titre qu'une entreprise n'investissant pas dans la matière grise est à court terme menacée.

Favoriser l'émergence d'un important corpus de docteurs impose de s'engager résolument dans la lutte contre l'échec dans l'enseignement supérieur. Pour cela, il est nécessaire de renforcer significativement l'encadrement et l'orientation des étudiants - je dis bien orientation et non sélection !

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