Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur » intervient à un moment de vérité, après un événement qui a marqué le printemps de cette année. En effet, la forte réaction des jeunes étudiants, lors du vote du contrat première embauche, le CPE, a mis en lumière, si besoin en était, le fait que l'accès à l'emploi pour les jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, est aujourd'hui un parcours du combattant qui commence tôt et qui se poursuit sur les bancs de la faculté, alors que la détention de diplômes universitaires a souvent été présentée comme le « sésame » de l'entrée dans une vie active assurée.
La mission budgétaire que nous examinons ce soir devrait donc permettre de répondre clairement à ce que, par deux fois, les enseignants, les chercheurs et les étudiants sont venus vous demander Malheureusement, à voir le projet de budget tel qui nous est proposé aujourd'hui, je suis convaincu qu'il ne sera pas à la hauteur des réformes nécessaires.
Je limiterai mon propos à trois points qui me semblent importants : l'orientation des lycéens et des étudiants, les conditions de vie des étudiants, le manque de moyens des universités.
Je traiterai, d'abord, de l'orientation.
L'obtention du baccalauréat fait partie du pacte républicain ; dès lors que ce premier diplôme universitaire est acquis, l'entrée en faculté ne peut être refusée. Elle est et devra rester libre pour tous les bacheliers. Cela exclut donc toute sélection. Pourtant, dans les faits, cette dernière est pratiquée. Comment ? Par l'échec.
Nombreux sont les étudiants, surtout parmi les titulaires d'un baccalauréat technologique ou professionnel, qui ont été mal orientés et qui sortent du système universitaire sans diplôme.
La solution reste l'orientation dès la terminale, mais aussi en premier cycle universitaire. Il faut, pour cela, un encadrement adéquat. Or, lorsque l'on compare, pour chaque étudiant, l'encadrement ainsi que les moyens d'une université, d'un IUT ou d'une classe préparatoire, on constate des différences importantes.
Et, encore une fois, le projet de budget que vous nous proposez aujourd'hui, pour la création de postes d'encadrement, reste bien en deçà de ce qui serait nécessaire afin de résoudre ce problème. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont déjà été cités.
En effet, il est insuffisant pour réguler les besoins engendrés par la réforme « LMD », licence-master-doctorat, aux termes de laquelle, par exemple, de nouveaux diplômes à forts besoins d'encadrement ont été créés - master et licence professionnels - et certains cursus ont été diversifiés.
Monsieur le ministre, pour faire face aux défis de l'orientation, vous proposez aux lycéens de terminale de pouvoir effectuer une préinscription au mois de février ou de mars, afin de lutter contre l'échec en premier cycle. Il faut, pour cela, assurer une meilleure visibilité des filières et aider l'élève à appréhender un changement de cadre, bref, de plus en plus personnaliser les mesures d'orientation et d'accompagnement.
Expliquez-moi comment vous allez vous y prendre pour réussir cet ambitieux chantier, alors que ce projet de budget ne propose rien pour améliorer le service universitaire d'information et d'orientation : en France, il y a actuellement un conseiller d'orientation-psychologue pour 10 000 étudiants !
Pour faire face au problème de l'employabilité des jeunes étudiants, vous avez demandé un rapport à M. Hetzel. Le Premier ministre vient d'annoncer de nouvelles mesures : mise en place de services des stages dans les universités, observatoires des parcours des étudiants, développement des enseignements transversaux, comme les langues et l'informatique, systématisation des modules de projet personnel et professionnel en licence. Soit ! Mais, encore une fois, ce sont des effets d'annonce : on annonce, on annonce, et, quand on lit le projet de budget, rien ! Ce sont des promesses qui n'auront pas d'application directe et immédiate alors que des moyens financiers et humains sont nécessaires !
Abordons la question des conditions de vie des étudiants.
La crise du CPE a ouvert les yeux à certains sur l'extrême précarité dans laquelle ils vivent. Entre des universités qui s'octroient de nouveaux droits d'inscription « illégaux », entre le coût du logement qui pèse de plus en plus lourd dans leurs budgets, avec des bourses qui sont distribuées au compte-goutte et ne suffisent plus à couvrir leurs besoins élémentaires, les étudiants ne peuvent étudier dans de bonnes conditions, voire abandonnent leurs études en cours d'année.
Est-il normal de retrouver des étudiants dans les files d'attente des Restos du Coeur ? Cela existe ! Est-il normal qu'ils « enchaînent » de plus en plus des emplois mal rémunérés, voire qu'ils se prostituent, comme l'ont montré certains reportages diffusés à la télévision, pour pouvoir tout simplement payer leurs études ?