Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 1er décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Le programme « Vie étudiante » serait doté de 1, 846 milliard d'euros, soit une hausse de 6, 2 %. Soit ! Cependant, cette augmentation de moyens est principalement obtenue grâce à des transferts de crédits - on déshabille Jacques pour habiller Paul -, j'en veux pour preuve les crédits affectés aux étudiants handicapés.

Or, les dépenses des étudiants ont augmenté de 23 % en cinq ans, alors que les aides ne croissaient que de 6 % ; ces dernières ne suivent même pas l'inflation.

Les conditions de vie des étudiants se dégradent et il faut traiter la précarité, qui touche un grand nombre d'entre eux. La perte de leur pouvoir d'achat est importante et, encore une fois, le financement de l'enseignement supérieur repose de plus en plus sur eux-mêmes. Or, à cette situation, vous répondez, certes, par des bourses au mérite et par une allocation à l'installation, mais qui, in fine, ne concernent que 4 % des étudiants.

Vous aviez demandé à M. Wauquiez un rapport afin d'améliorer le système d'aide sociale aux étudiants. Ce dernier préconisait d'investir un montant supplémentaire de 250 millions d'euros, d'augmenter le nombre d'étudiants boursiers, notamment parmi les étudiants issus des classes moyennes.

Or, vous ne mettez en place qu'une seule mesure : l'allocation pour l'installation étudiante, l'ALINE. D'un montant de 300 euros, elle concernera moins de 80 000 étudiants sur les deux millions qui existent en France et elle sera versée uniquement à ceux qui s'installent pour la première fois.

Par ailleurs, les bourses et allocations d'études ne sont pas revalorisées et le projet de budget ne prend pas en compte l'inflation.

S'agissant, maintenant, du manque de moyens des universités, il est assez déshonorant de constater que la France est l'un des pays de l'OCDE qui consacre le moins d'argent à l'enseignement supérieur, notamment aux universités. La dépense de l'État par étudiant, de 8 630 euros, est très disparate selon les catégories d'établissements. Elle est inférieure de moitié pour les étudiants des universités par rapport à la somme consacrée aux étudiants des grandes écoles. La dépense par étudiant s'élève à 6 700 euros à l'université, à 13 760 euros en classe préparatoire, à 9 160 euros dans les IUT.

La dépense par étudiant à l'université reste donc très faible dans notre pays. L'université française a besoin d'un effort budgétaire de la part de la nation. Mais vous refusez d'engager la France dans cette ambition-là !

Avant de conclure, je voudrais souligner ici le travail de réflexion qui est mené par la mission d'information sur la diversité sociale et l'égalité des chances au sein des classes préparatoires aux grandes écoles, mise en place au Sénat et dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur. Des voies d'excellence existent heureusement dans les universités françaises. Il faut orienter les meilleurs élèves vers les meilleures formations, auxquelles ils n'auraient pas spontanément accès, soit en raison de leur milieu social, soit à cause de l'éloignement géographique. Je pense, en particulier, aux classes préparatoires aux grandes écoles.

Il est indispensable de parvenir à des conditions d'accès aux grandes écoles qui soient égales sur tout le territoire. Lors de l'année scolaire 2003-2004, 35 065 élèves étaient inscrits en première année de classe préparatoire, soit 8, 9 % des bacheliers de l'enseignement général, très inégalement répartis entre les établissements. Dans certains lycées, aucun élève n'accède aux classes préparatoires ; dans d'autres, plus de 80 % des élèves y parviennent.

La proportion des élèves d'origine modeste dans les quatre plus grandes écoles - Polytechnique, ENA, HEC, Normale Sup - est passée de 29 % au début des années cinquante à seulement 9 % au milieu des années quatre-vingt-dix. Si les employés et les ouvriers représentent encore 60 % de la population active, seuls 6 % de leurs enfants intègrent aujourd'hui l'ENA.

Devant l'urgence et la gravité de la situation, la mission sénatoriale poursuit actuellement ses travaux. Toutefois, dès à présent, je note avec intérêt que fleurissent, dans les programmes pour les élections de 2007, des propositions qui reprennent en substance ce que j'ai préconisé voilà quelques mois, de manière certes quelque peu hasardeuse. J'ai en effet déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi qui tend notamment à réserver des places en classes préparatoires aux grandes écoles aux 5 % des élèves les meilleurs de tous les lycées de France. Or, cette proposition, qui figure dans le projet socialiste, se retrouve désormais, mot pour mot, dans le programme législatif de l'UMP. Affaire à suivre, donc !

En conclusion, monsieur le ministre, vous nous dites que, pour la troisième année consécutive, le Gouvernement place la recherche et l'enseignement supérieur au premier rang de ses priorités. Mais quand on décide d'inscrire l'avenir des jeunes et celui de la recherche au coeur de ses préoccupations, on s'en donne les moyens ! Or, dans ce projet de budget pour 2007, je ne vois rien qui puisse réellement améliorer la situation de façon significative. Au mieux vous efforcez-vous de rattraper le retard que vous avez accumulé depuis quatre ans : nous vous sentons, d'ailleurs, très essoufflé !

Mes chers collègues, ce budget manque d'ambition et ne permet pas de résoudre les très nombreux défis auxquels l'université est confrontée. C'est pourquoi nous serons contraints de voter contre.

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