Monsieur le ministre, je tiens à vous interroger sur le budget que le projet de loi de finances pour 2007 consacre à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, qui n'est pas un établissement d'enseignement supérieur parmi d'autres : le poids de Normale Sup dans notre histoire est si considérable que toute crise ou, même, tout risque de voir son rayonnement affaibli est intolérable.
Or la presse, relayant des informations connues dans le milieu universitaire, vient de faire état d'un vent de fronde de l'ensemble des directeurs des départements de lettres et de sciences humaines contre le style de gestion de la direction de l'établissement et contre certaines orientations que celle-ci a décidées.
Il ne m'appartient pas, en tant que parlementaire, de porter un jugement sur le conflit en cours. En revanche, il est de mon devoir de vous questionner sur la dimension budgétaire qui, pour partie sans doute, explique cette levée de boucliers.
J'observe que la situation financière de l'école a connu une dégradation importante entre 1997 et 2005. Pendant tout ce temps, la dotation de fonctionnement versée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est restée quasi étale. Faute d'une part suffisante d'autofinancement, la direction et le conseil d'administration n'ont pu faire face et ont subi un important déséquilibre budgétaire pendant plusieurs années.
C'est justement grâce à votre intervention, monsieur le ministre, et à l'octroi d'une dotation supplémentaire pour 2006 et 2007, que la situation budgétaire a pu être rétablie et que le calme est revenu. De cela, il convient de vous donner crédit. Pourtant, rien n'est définitivement réglé, comme le montre le climat de défiance qui règne au sein de l'établissement.
Le constat est clair : le budget de l'École normale supérieure, trop longtemps sous-doté, n'a pas permis d'assurer l'entretien d'un patrimoine de 130 000 mètres carrés et encore moins d'effectuer les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux aux normes de sécurité.
Dans ce contexte, vous sachant sensible à ce problème, je me tourne vers vous pour vous demander instamment d'accepter un arbitrage budgétaire favorable sur trois points cruciaux.
Il faut, d'abord, annoncer que la dotation de fonctionnement exceptionnelle a vocation à être intégrée au budget normal de l'établissement au-delà de 2007, ce qui serait véritablement un pas de géant !
Il convient, ensuite, d'attribuer des crédits exceptionnels, afin d'équilibrer le budget de fonctionnement de la bibliothèque et de désamorcer ainsi l'un des principaux sujets de conflit entre la direction et les départements de lettres et de sciences humaines.
Il importe, enfin, d'envisager un programme pluriannuel de travaux, pour rénover les édifices et assurer les normes de sécurité et d'hygiène qu'exigent ces lieux publics.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je me permets de vous demander dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2007. En prenant ces engagements avant le prochain conseil d'administration, qui s'annonce crucial, vous désamorceriez la crise et vous rendriez sa sérénité à une institution qui, depuis sa fondation en 1794, sous la Révolution, n'a cessé d'illustrer l'histoire de notre pays.
Encore récemment, elle a vu l'un de ses anciens élèves décrocher une médaille Fields, c'est-à-dire l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques. D'ailleurs, peut-être un futur Jean-Paul Sartre fait-il partie de l'une des promotions qui en ce moment même suivent un cursus de lettres ou de sciences humaines...
Au nom du Gouvernement, monsieur le ministre, faites ce geste et la tension actuelle s'apaisera. Les personnels, la direction et le conseil d'administration pourront alors de nouveau envisager l'avenir avec confiance.