Intervention de François Goulard

Réunion du 1er décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Recherche et enseignement supérieur

François Goulard, ministre délégué :

Nous avons besoin que la recherche privée soit plus dynamique dans notre pays.

Il est également faux de dire que les sciences de la vie sont sacrifiées au sein du CNRS.

La présidente du CNRS a rappelé - avec son style décidé et parfois un peu catégorique - un certain nombre d'évidences, notamment qu'il fallait se soucier de la qualité des recherches conduites et définir des priorités.

Pour autant, les sciences de la vie restent un domaine d'activité majeur au sein du CNRS. Je rappelle par ailleurs que d'autres grands organismes - l'INSERM, l'INRA, le CEA, sans compter nos universités - y consacrent des efforts importants. Enfin, les sciences de la vie représentent le premier chapitre de dépenses de la recherche, tant en crédits budgétaires qu'en nombre de chercheurs qui s'y consacrent.

S'agissant des mastères de recherche, je ne vais pas infliger à vos collègues la liste des effectifs dans chaque discipline, mais je peux vous dire qu'il y a actuellement 37 000 étudiants dans ces mastères et à peu près le double dans les mastères dits professionnels.

Selon M. Sueur, les engagements en matière de création d'emploi n'ont pas été tenus. Or nous créons 2 000 emplois dans le secteur. À titre de comparaison, le plan de M. Roger-Gérard Schwartzenberg prévoyait 800 créations sur plusieurs années.

Nous créons 2 000 emplois en 2007, en raison de nombreux départs à la retraite. Nous avons un très haut niveau de recrutement : 8 500 postes dans l'enseignement supérieur et la recherche, et il serait déraisonnable d'aller au-delà.

Avec ces 2 000 créations d'emplois, nous atteindrons le niveau de recrutement de 2006, année au cours de laquelle nous avons créé 3 000 emplois. C'est une régulation tout à fait normale et un effort très significatif dans le contexte budgétaire actuel.

Monsieur Lagauche, vous avez évoqué l'allocation de recherche pour les doctorants.

Si j'étais taquin, je vous dirais que, entre 1997 et 2000, ces fameuses allocations de recherche ont pris un sérieux retard, puisqu'elles n'ont pas du tout été revalorisées. C'est la réalité !

Monsieur le sénateur, en matière d'orientation, les universités ont maintenant la possibilité de demander aux lycéens d'envoyer leur dossier d'inscription au mois de février plutôt qu'au mois de juillet, après le baccalauréat. Et vous osez dire que c'est une sélection cachée ! Enfin ! Pouvons-nous nous mettre d'accord, quelles soient nos appartenances politiques, sur le respect des réalités telles qu'elles sont ? La sélection, c'est autre chose. Elle existe dans certaines filières et ce n'est pas nouveau.

À l'université, la loi prévoit que l'inscription est libre. Elle reste libre et nous avons prévu des modalités d'inscription différentes et plus précoces. Pourquoi ? Dans l'intérêt des étudiants, pour qu'ils aient le temps de réfléchir, de faire un choix plus conscient et pour que le conseil de l'université puisse leur expliquer que leur dossier les prédispose à telle ou telle orientation. Mais c'est un conseil, la liberté d'inscription reste entière ; c'est le contraire d'une sélection.

Monsieur Othily, vous avez évoqué la recherche en Guyane. J'ai eu la chance d'aller là-bas rencontrer nos chercheurs. Ils sont sans doute moins nombreux que dans d'autres régions, mais il faut savoir que la répartition des chercheurs est très hétérogène sur l'ensemble des départements français. Ils sont très concentrés en région parisienne et dans quelques très grandes agglomérations. Dans mon propre département, nous n'avons sans doute pas plus de chercheurs qu'en Guyane. Il est vrai que nous n'avons pas les mêmes atouts de biodiversité, même si nous en avons tout de même quelques-uns.

Les organismes de recherche sont nombreux en Guyane - les raisons que vous avez évoquées l'expliquent - : le CNRS, l'IFREMER, l'INRA, le CIRAD, l'IRD, le Muséum national d'histoire naturelle, l'Institut Pasteur, et je n'oublie pas le pôle universitaire qui est en train de s'affirmer et que nous allons aider parce qu'il est nécessaire.

Bref, je suis très favorable à la constitution du pôle de recherche et d'enseignement supérieur guyanais. C'est une nécessité pour mieux fédérer ces forces de recherche, qui constituent un ensemble de très grande tenue. En effet, les équipements sont de bonne qualité- j'ai pu le vérifier moi-même - et nous avons des chercheurs de très haut niveau, reconnus à l'échelon international, sur des thèmes de recherche tout à fait spécifiques et qui sont, bien sûr, particulièrement intéressants pour notre pays.

Dans le domaine spatial - je parle sous le contrôle de M. Henri Revol - la France est le premier pays européen en matière de dépenses et de technologie. Nous consacrons environ 1, 3 milliard d'euros de crédits au secteur spatial, principalement par le biais de la dotation du CNES et de notre apport à l'Agence spatiale européenne, l'ESA.

Par ailleurs, à la fin de l'année dernière, nous avons fait reconnaître, au sein de l'ESA, le principe de la préférence européenne pour les lanceurs. C'est extrêmement important et je sais que vous y êtes sensible. Nous aurons donc, désormais, des lanceurs européens pour les satellites européens et cela profitera, bien sûr, à la Guyane où ces lanceurs sont mis en oeuvre et où de nombreuses opérations sont réalisées dans la phase préalable au lancement.

Par conséquent, l'avenir scientifique et technologique de la Guyane est assuré. Vous avez raison de vous en préoccuper, monsieur Othily, car ce sont de grands enjeux pour notre pays, dans des disciplines très différentes les unes des autres, mais qui sont également importantes pour la planète tout entière.

Monsieur Bodin, la sélection par l'échec est, en effet, une réalité, mais c'est en ayant une meilleure orientation que nous pourrons remédier à cette situation dans les premières années de l'université, en développant des formules comme le tutorat, l'examen de la situation de l'étudiant et d'éventuelles réorientations après un semestre. Voilà des méthodes qui sont efficaces pour éviter l'échec, nous essayons de les mettre en place.

Nous approuvons la majeure partie des conclusions du rapport Hetzel, qui sont des propositions de bon sens. Elles prônent, par exemple, de professionnaliser davantage les études supérieures pour que nos étudiants aient de meilleurs débouchés.

S'agissant des moyens, monsieur le sénateur, nous mettons à disposition de chaque université, fin 2006 et début 2007, deux nouveaux postes d'ingénieur d'études pour des missions d'orientation et d'insertion professionnelle que nous voulons renforcer.

Nous avons donc prévu des moyens nouveaux, contrairement à ce que vous disiez.

Quant aux droits d'inscription « illégaux », ils sont aujourd'hui un quasi-mythe. En effet, nous avons lutté contre ces pratiques. Nous avons demandé aux recteurs de déférer les universités devant les tribunaux administratifs et, cette année, on a enregistré très peu de tentatives de faire payer des frais complémentaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis d'accord avec vous pour dire que l'égalité des chances, l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur sont la mise en oeuvre d'un principe républicain absolument fondamental qui peut nous réunir.

J'ai lancé, avec Azouz Begag, un appel à projet pour promouvoir l'égalité des chances, avec des moyens financiers. Il reposera avant tout sur la volonté des établissements de se rapprocher des lycées pour faire accéder à l'enseignement supérieur des jeunes qui en ont le talent, qui en ont les capacités et qui en auront la volonté, si on le leur propose.

Nous sommes en train, non pas de réussir, mais de changer la donne, grâce à un certain nombre d'établissements qui ont accompli un travail de pionniers et qui sont de plus en plus nombreux. En effet, une soixantaine d'universités ou d'établissements d'enseignement supérieur se sont engagés résolument dans cette voie.

Monsieur Delfau, vous avez concentré votre intervention sur l'École normale supérieure.

Je reconnais avec vous que c'est un établissement absolument exceptionnel, extraordinairement prestigieux, dont l'apport est primordial dans toutes les disciplines, qu'il s'agisse des sciences dures ou des sciences humaines et sociales.

Vous parlez d'un vent de fronde. Nous savons que cette école est quelquefois frondeuse ; nous en avons eu de nombreux exemples au cours de son histoire.

Vous avez eu l'élégance de souligner que nous avions consenti des efforts financiers pour redresser sa situation budgétaire : 2 millions d'euros en 2006, 2 millions d'euros en 2007. C'est beaucoup pour une dotation globale de fonctionnement de 34, 6 millions d'euros.

Nous sommes prêts à pérenniser ces efforts, mais à une condition : que nous ayons une vision claire de la gestion, qui était « défaillante » - il faut le dire - il y a encore quelques mois. Il est normal que l'État exige davantage de rigueur quand il donne des moyens nouveaux. Je n'ai aucune raison de penser que ce ne sera pas le cas, nous pourrons donc pérenniser cette dotation supplémentaire.

S'agissant du patrimoine, nous avons beaucoup insisté pour que des travaux soient réalisés dans les laboratoires de la rue Lhomond et pour que cette rénovation soit inscrite au CPER de la région d'Île-de-France. Nous connaissons la qualité des recherches en physique qui sont menées là-bas. Le plan de rénovation et de mise en sécurité se poursuit.

Voilà ce que je peux vous dire ce soir, mais sachez que nous sommes très attentifs à cette question, parce que cet établissement est évidemment porteur d'une part du prestige scientifique français.

Je terminerai en évoquant l'intervention de M. Jean-Pierre Sueur, qui s'est référé au mouvement « Sauvons la recherche ».

Il est vrai que, voilà quelques temps encore, nous avions des milliers de chercheurs dans la rue. Pourquoi ? Parce que, pendant de très longues années, nous n'avions pas fait collectivement l'effort nécessaire, un effort financier, certes, mais peut-être plus encore un effort de reconnaissance de l'importance de la recherche et de la science pour notre société et pour notre avenir.

Aujourd'hui, ceux qui tentent d'organiser des manifestations ne réunissent que quelques dizaines de personnes sur un parvis ou sur une place parisienne. Cela veut dire que la situation a fondamentalement changé. Pourquoi ? Parce que les chercheurs ont le sentiment d'être reconnus dans leur rôle. Vous y avez contribué par les votes que vous avez émis, par la loi que nous avons adoptée, par les moyens que nous donnons à la recherche. Un bon climat s'est instauré s'agissant des relations entre les élus de la nation et le monde de la recherche, entre notre société et notre recherche, et la situation a radicalement changé.

Ce que je souhaite, pour conclure cette intervention, c'est que cet effort ne se relâche pas. Nous en avons besoin, mais j'ai la faiblesse de penser que les orientations qui ont été prises avec vous sont, dans l'ensemble, les bonnes, que la volonté est là et que les moyens sont au rendez-vous.

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