Intervention de Ivan Renar

Réunion du 1er décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — État b

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Il précisait encore que ces aides au logement « constituent un effet d'aubaine pour les bailleurs qui, partout en France, intègrent systématiquement l'aide au logement au montant majoré d'autant de leurs loyers ».

Que dire de la santé des étudiants ? Une étude réalisée par une mutuelle étudiante révèle qu'ils sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins, faute de moyens financiers.

Ainsi la plupart des jeunes de l'enseignement supérieur se privent-ils de soins, notamment dentaires ou ophtalmologiques, qui sont trop peu remboursés. Pour remédier à cette situation préoccupante, il faudra bien un jour inscrire la mise en place d'un chèque-santé dans la loi de finances.

Je terminerai par un mot sur la logique que révèlent les choix budgétaires qui sont soumis aujourd'hui à notre vote. L'appareil de recherche et d'enseignement supérieur est désormais remodelé de façon dirigiste. En témoigne d'ailleurs le mode de désignation des membres des conseils d'administration de l'ANR, du Haut Conseil à la science et à la technologie, des jurys décernant les labels Carnot, des comités des pôles de compétitivité, de l'Agence de l'innovation industrielle... : tous sont nommés, aucun n'est directement élu par la communauté scientifique.

Les évolutions récentes, tant celles de l'évaluation que celles des modes de financement, témoignent également de cette conception dirigiste, utilitariste et concurrentielle de la recherche qui est actuellement mise en oeuvre.

Ainsi l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, contrairement aux attentes de la communauté scientifique, s'impose-t-elle aux chercheurs comme une véritable « épée de Damoclès », pour reprendre les propos du rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale - membre, lui aussi, de la majorité ! -, qui résume bien la situation : « Le plus important dans l'évaluation, c'est ce que l'on en fait. En l'occurrence, c'est le pouvoir politique, davantage que l'Agence elle-même, qui doit témoigner de sa volonté et de sa capacité à utiliser les résultats de l'Agence qu'il a portée sur les fonts baptismaux ». Ou c'est un dangereux agitateur, ou il a raison !

Le pilotage de la recherche s'opère également par le profond remaniement des modes de financement des différents acteurs de la recherche.

L'Agence nationale de la recherche, conçue pour devenir le moyen privilégié d'impulsion des grandes orientations fixées par le Gouvernement, est en passe de détenir le quasi-monopole du financement de toute nouvelle recherche en France.

Faute de moyens, les organismes et les universités sont contraints, pour survivre, de se disputer la manne de l'ANR, en compétition avec une pléiade de nouvelles entités administratives : pôles de compétitivité, réseaux thématiques de recherche avancée, instituts Carnot et autres instituts spécialisés. Le Gouvernement peut ainsi sans difficulté développer certains secteurs de recherche finalisée, où il est aisé d'obtenir un financement sans forte sélection, et étouffer d'autres secteurs plus fondamentaux, où le taux de succès des demandes est dérisoire quelle que soit la valeur des projets.

On est aussi en droit de s'interroger, monsieur le ministre, sur l'avenir des sciences humaines et sociales. Dans le contexte actuel, où prévaut la rentabilité à tous crins, il est à redouter que les recherches dans ces disciplines, déjà réduites à la portion congrue, ne soient rapidement laissées à l'abandon.

Je vous ai bien entendu tout au long de ce débat, monsieur le ministre ; mais permettez-moi de persister et de signer : l'avenir de la recherche impose d'investir massivement dans la matière grise en favorisant l'émergence de nouvelles connaissances diffusées au plus grand nombre, et donc de renoncer au discours managérial fondé sur l'obsession du court terme, de possibilités d'applications prévisibles et de la rentabilité économique rapide.

Monsieur le ministre, vous l'avez compris, le groupe CRC ne pourra voter ces crédits.

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