Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le continent européen, leader mondial du secteur vitivinicole, jouit d'une réputation d'excellence dans ce domaine.
Couvrant environ 45 % des superficies viticoles de la planète, assurant en moyenne 59 % de la production mondiale de vin et représentant près de 54 % de la consommation mondiale en 2005, le secteur vitivinicole européen reste à la fois le plus grand exportateur et le premier importateur au monde, et continue d'apporter une contribution très positive au solde du commerce extérieur de l'Union européenne.
La France jouit elle-même d'une place à part en Europe : premier producteur mondial, elle est le pays de référence de la civilisation du vin.
Dans un essai intitulé Mythologies, Roland Barthes écrivait en 1957 : « Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture ».
C'est pourquoi il est indispensable de préserver notre capital vitivinicole, que celui-ci soit agricole, humain, économique et culturel - je dis bien préserver, et non conserver, car des adaptations sont indispensables, eu égard à la crise récurrente que traverse l'ensemble de la filière depuis quelques années.
Les causes de ces difficultés sont connues ; il s'agit de pratiques de consommation en pleine mutation, d'une baisse de la consommation en Europe, compensée par une hausse sur les nouveaux marchés, tels l'Asie ou l'Océanie, et d'une concurrence accrue des vins du nouveau monde.
Face à cette situation, qui est dramatique pour nombre de nos viticulteurs, il est indispensable de réformer l'outil d'accompagnement qu'est l'OCM vitivinicole. Cette dernière, instaurée en 1962, a été modifiée à plusieurs reprises. Son ultime révision, entrée en vigueur le 1er août 2000, a consolidé en un même texte l'ensemble des dispositions communautaires applicables au secteur. Elle visait à favoriser les restructurations et à réduire les soutiens au marché, qui avaient tendance à se transformer en aides permanentes.
Ainsi, deux voies ont été privilégiées.
Tout d'abord, la simplification des mécanismes de marché par la rationalisation des différents types de distillation, l'accroissement de leur transparence et l'introduction de plus de subsidiarité.
Ensuite, l'intégration d'un nouvel instrument visant à financer la restructuration et la reconversion des vignobles, afin d'orienter la production vers des débouchés plus rémunérateurs.
Toutefois, cette réforme n'a pas permis d'éviter certaines dérives, ce qui rend aujourd'hui indispensable une nouvelle adaptation des instruments.
Elle a échoué, en premier lieu, à prévenir un déséquilibre entre l'offre et la demande, en particulier à la suite d'une récolte importante. Ainsi, la stabilisation du vignoble communautaire n'a pas empêché une surproduction globale liée à la hausse des rendements dans certains États membres, et plusieurs millions d'hectolitres de vin ont dû être distillés durant les dernières campagnes.
L'OCM de 1999 n'a pas non plus favorisé la conquête de nouvelles parts de marché : les exportations européennes se contractent, alors que les importations de vins de pays tiers ne cessent d'augmenter. Le développement des marchés constaté à l'échelle internationale n'a donc pas profité aux producteurs européens, et ce parce que la compétitivité de notre secteur vitivinicole a stagné.
Les instruments de distillation, censés offrir des débouchés artificiels aux surplus de production, ont été dévoyés. En effet, les producteurs ont pris l'habitude d'y souscrire en fonction de l'écart entre le prix de la distillation et celui du marché et de s'en servir à plus long terme comme d'un débouché structurel pour leur production.
Ainsi - pour parler d'un vignoble que nous connaissons bien, Mme Lamure et moi -, alors que la saison du beaujolais nouveau bat son plein, je souhaite rappeler la situation dramatique de certains viticulteurs du Beaujolais : deux cents à trois cents exploitations se trouvent en difficulté et quarante sont à la limite de la faillite, et ce malgré le plan de sauvetage du Beaujolais et le plan d'arrachage et de soutien à la commercialisation et à la promotion mis en place par le département du Rhône, conjointement avec la profession. La sortie de crise est, aujourd'hui, difficilement envisageable.
Nous nous trouvons donc à la croisée des chemins. Toutefois, il faut garder à l'esprit que la réforme de l'organisation commune de marché conditionne l'avenir de la viticulture. C'est pourquoi le projet initial de réforme de l'OCM, proposé par la commissaire européenne, Mme Fischer Boel, le 22 juin 2006, était totalement inacceptable en l'état.
Après un an de négociations et de confrontations entre les parties prenantes, plusieurs avancées ont eu lieu, permettant à la commissaire européenne de présenter, le 4 juillet dernier, de nouvelles propositions notablement amendées.
L'arrachage reste volontaire et il serait limité à 200 000 hectares. Pour inciter les viticulteurs qui souhaitent se retirer, la prime serait supérieure la première année de 30 % aux niveaux actuels, puis dégressive pendant cinq ans.
Par ailleurs, les États membres auraient la possibilité d'aménager l'arrachage, « pour éviter des difficultés d'ordre social ou environnemental ».
La commissaire européenne à l'agriculture, Mme Fischer Boel, a également intégré dans son plan une politique de promotion, dont l'absence, dans ses premières propositions l'année dernière, avait été critiquée.
L'interdiction d'importer des moûts destinés à la vinification et de mélanger des vins européens avec des vins importés est maintenue.
La Commission européenne prévoit d'opérer des transferts de fonds du budget du développement rural en faveur de la viticulture, afin de développer plusieurs mesures : aide à l'installation de jeunes viticulteurs, aide à la commercialisation, aide à la formation, aide aux organisations de producteurs, aide à l'entretien des « paysages à valeur culturelle », retraite anticipée. Les régions vinicoles passant en paiement unique seront soumises à l'écoconditionnalité.
L'arrachage, la restructuration des vignes, la vendange en vert « devront satisfaire à des exigences minimales en matière d'environnement ».
Malgré la vive opposition des gouvernements et des organisations professionnelles, Mme Fischer Boel entend supprimer le régime des droits de plantation à compter du 1er janvier 2014, de manière à permettre aux viticulteurs compétitifs « d'accroître leur production ». Sont également prévues la suppression de la distillation de crise, de la distillation alcool de bouche, de la distillation des sous-produits, la fin de l'aide au stockage privé et l'interdiction de l'enrichissement par ajout de sucre.
Même si elles sont moins radicales que les précédentes, ces propositions ne peuvent nous satisfaire, ni apporter de solutions viables à nos viticulteurs.
Tout d'abord, on ne peut que souligner l'incohérence des propositions de la Commission européenne en matière de gestion du potentiel de production.
En effet, celle-ci suggère à la fois de réduire les capacités de production en procédant à un arrachage massif et de favoriser l'extension de ces capacités en supprimant le régime d'encadrement des droits à plantation et replantation. Il y a là une contradiction manifeste !
De plus, nous pouvons craindre que la libéralisation des droits de plantation ne soit néfaste à l'économie vitivinicole de chaque région et à l'organisation même de toute la profession. Dans les secteurs de vignes à appellation, elle pourrait ainsi conduire à des plantations sans contrôle et à des choix individuels là où, jusqu'à présent, la gestion collective avait toujours prévalu. Quant aux secteurs hors appellation, la fin du contrôle des plantations pourrait entraîner l'apparition d'un vignoble de vin de table en bordure de l'aire d'appellation.
C'est pourquoi je partage pleinement la position du rapporteur, auteur de cette proposition de résolution. Comme l'ensemble des membres du groupe UC-UDF, je suis fermement opposée à la libéralisation des droits à plantation et suis contre tout traitement différencié entre vins de table et vins d'appellation.
Je me félicite néanmoins des dernières avancées du comité spécial agricole du 5 novembre dernier, qui laissent espérer un compromis sur le futur régime d'arrachage agricole.
En ce qui concerne le régime des distillations, je suis là encore pleinement d'accord avec M. César...