Séance en hémicycle du 21 novembre 2007 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (89).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Mes chers collègues, voilà quelques semaines, au mois de juillet dernier, nous adoptions à l'unanimité, en commission des affaires économiques, une proposition de résolution que je vous avais soumise, portant une appréciation très critique sur la réforme de l'organisation commune de marché, OCM, vitivinicole.

Pourquoi donc réexaminer aujourd'hui un nouveau texte de ce type sur le même sujet ? La raison en est que la phase finale des négociations est en cours à Bruxelles et que le Gouvernement a besoin d'y être soutenu, tant les enjeux sont grands pour la filière et les rapports de force tendus entre la Commission européenne et les États membres, ainsi qu'au sein des États membres.

Revenons un peu en arrière, pour mieux comprendre la situation actuelle. L'Europe du vin traverse depuis plusieurs années une véritable crise : la montée en puissance des pays producteurs dits du « nouveau monde » et la diminution de la consommation sur notre continent engendrent des surproductions chroniques ainsi qu'une baisse des prix, et donc des revenus des producteurs.

Devant ce constat unanimement partagé, la Commission européenne a pris l'initiative, en juin de l'année dernière, de réformer l'OCM vitivinicole, qui date de 1999, afin d'adapter l'encadrement réglementaire du secteur aux évolutions qui l'ont marqué depuis une dizaine d'années.

Ces propositions de réforme d'inspiration très libérale - trop libérale, à mon avis -, qui vont à l'encontre de notre conception équilibrée de l'OCM, ont suscité de vives réactions d'hostilité. Pour notre part, nous avons adopté au mois de juin dernier, en commission des affaires économiques, le rapport d'information que j'avais présenté et qui était très critique à l'encontre de ce projet de réforme.

Après nous avoir assuré qu'elle avait entendu ces reproches, le commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, Mme Mariann Fischer Boel, a présenté, au début du mois de juillet, une version révisée de ses propositions de réforme. Or celle-ci ne donnait toujours pas satisfaction, car elle ne revenait pas sur les points les plus fondamentaux de la réforme. En réaction, notre commission des affaires économiques a adopté, toujours au mois de juillet, une proposition de résolution réaffirmant notre hostilité au projet de réforme et contenant des mesures alternatives.

Fort de ce texte, adopté à l'unanimité, je me suis rendu plusieurs fois à Bruxelles, accompagné de mon collègue Roland Courteau. Nous avons rencontré les principaux acteurs du dossier : Mme Fischer Boel, sa directrice de cabinet, Mme Lene Naesager, le directeur général de l'agriculture et du développement rural au sein de la Commission européenne, M. Jean-Luc Demarty, ainsi que le rapporteur italien du Parlement européen sur le texte, M. Giuseppe Castiglione. Si ce dernier nous a semblé être en concordance avec les positions françaises sur la plupart des points abordés, les responsables de la Commission, au cours d'entretiens, nous ont confirmé, en revanche, leur réticence à l'égard de toute inflexion notable du projet de réforme.

Certes, nous avons relevé certaines avancées concernant l'obligation d'arrachage : celle-ci ne concerne plus que quelque 200 000 hectares, au lieu des 400 000 hectares prévus par Mme Fischer Boel. En revanche, sur des points aussi importants que la distillation de crise, les prestations viniques ou l'enrichissement, nos interlocuteurs ne nous ont pas semblé prêts à évoluer.

Plus récemment encore, nous avons reçu, dans le cadre du groupe de travail « vigne et vin » de la commission des affaires économiques, les responsables du suivi du dossier au sein du ministère de l'agriculture. Ils nous ont confirmé que les négociations en cours étaient extrêmement serrées entre la Commission, qui cherche autant que possible à préserver son projet de réforme initiale, et les États membres, lesquels défendent des positions très variables, allant de la libéralisation totale du secteur au maintien d'une véritable OCM, et n'hésitent pas à faire ou défaire des alliances - je ne vous apprends rien, monsieur le ministre -, selon les circonstances et les sujets abordés. Au milieu se trouve la France, qui continue de défendre, par votre voix, monsieur le ministre, le modèle d'organisation de marché équilibré et durable pour lequel nous avions plaidé dans notre rapport d'information.

Le souhait de la Commission européenne est aujourd'hui de parvenir à un compromis pendant la présidence portugaise, c'est-à-dire d'ici à la fin de l'année 2007, avec la mise en place rapide, dès la prochaine récolte 2008, de cet OCM. Cela implique que des concessions soient faites de part et d'autre. Dans cette perspective, il nous a semblé utile, et même indispensable, de soutenir les représentants français, et tout d'abord vous-même, monsieur le ministre, dans les discussions.

Tel est l'objet de la présente proposition de résolution, que nous examinons le jour même où la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen débat du sujet. Après avoir rappelé l'importance et la spécificité de la filière, qui commandent le maintien d'une OCM particulière, notre texte énumère des prescriptions autour de cinq axes.

Le premier axe est la gestion du potentiel de production.

S'agissant du volet « arrachage » de la réforme, la résolution prend acte de la réduction à 200 000 hectares environ des surfaces visées et reconnaît l'opportunité de maintenir un dispositif d'incitation à l'arrachage incitatif, fondé sur le volontariat et géré à l'échelon régional. Elle rappelle également avec insistance la nécessité d'une régularisation des dizaines de milliers d'hectares illicitement plantés, tant en Espagne qu'en Italie, qui constituerait d'ores et déjà une première réponse à la situation actuelle de surproduction.

Sur le volet « libéralisation des droits », nous nous opposons catégoriquement à l'ouverture des droits à planter, en tant qu'elle serait incohérente et totalement contradictoire avec la politique d'arrachage, et risquerait de provoquer de nouvelles surproductions, qui ne pourraient qu'être distillées... bien sûr aux frais de l'Europe.

Le deuxième axe concerne les mécanismes de régulation des marchés. Réaffirmant très clairement notre hostilité au projet de suppression des différents régimes de distillation, la proposition de résolution insiste sur l'attachement de notre pays à conserver des dispositifs permettant de prévenir et de gérer les périodes de crise, récurrentes dans la filière vitivinicole. Elle rappelle également avec vigueur le nécessaire maintien, sur financement en partie communautaire, d'un dispositif de prestations viniques, indispensable pour garantir des pratiques vitivinicoles durables, respectueuses de l'environnement, notamment du point de vue du tourisme et de la protection des nappes phréatiques.

Le troisième axe porte sur les enveloppes nationales. Notre texte prend acte du projet de la Commission d'affecter une partie significative du budget de l'OCM à l'abondement d'enveloppes dont la gestion serait réservée aux États membres. Il plaide pour un gel de leur répartition entre les États, conformément aux dernières propositions, positives pour la France, de la Commission, qui préconise une ouverture maximale des types d'utilisation de ces fonds.

Le quatrième axe concerne l'enrichissement. Profondément hostile à l'interdiction de la chaptalisation, le texte prévoit de maintenir cette pratique ancestrale dans les régions où elle est traditionnellement pratiquée, comme alternative à l'adjonction de moûts concentrés qui devraient continuer à être financés par l'Union européenne.

Le cinquième et dernier axe a trait à la promotion. Soulignant à nouveau la notoire insuffisance des crédits mobilisés à cet effet, tout particulièrement à l'échelon intracommunautaire, nous demandons, dans cette proposition de résolution, la création d'instruments de suivi du marché, la mise en place d'une campagne de promotion et d'information sur une consommation modérée, ainsi que l'ouverture de crédits pour reprendre des parts de marché dans les pays tiers concernés par nos exportations. Mme Fischer Boel avait proposé de consacrer 3 millions d'euros à la promotion du vin au niveau de l'Europe, somme ridicule et tout à fait insuffisante pour un marché qui représente 70 % de la consommation des vins européens.

Je disais, au début de mon intervention, que la viticulture européenne était en danger. J'ajoute, en conclusion, qu'elle n'en reste pas moins la première au monde en termes de production, de consommation et de prestige, et que nous pouvons conserver bon espoir de la maintenir à ce niveau d'excellence, dès lors que nous nous en serons donné les moyens, notamment financiers. La présente proposition de résolution, que nous avons adoptée à l'unanimité, ce matin, en commission des affaires économiques, après l'avoir enrichie grâce aux apports très opportuns de mes collègues Roland Courteau et Gérard Le Cam, tend à y contribuer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l'OCM vitivinicole a lieu dans un contexte de crise particulièrement sévère pour nos viticulteurs. Nombre d'entre eux perdent jusqu'à 1 000 euros par hectare, certains optent pour l'arrachage, véritable crève-coeur, tandis que d'autres sollicitent le revenu minimum d'insertion, ou RMI.

Le moral est en perte de vitesse, dans nos régions, face à la violence de cette crise. Il faut en finir avec ce marasme. Il y va de la vie ou de la mort de pans entiers de notre économie et de nos territoires.

Pourtant, je l'affirme encore une fois, grâce à des efforts immenses de qualité, notre viticulture, dont les produits sont porteurs d'une image forte, a largement les moyens de ses ambitions. La diversité et la complémentarité de ses productions, l'image d'authenticité qui est la sienne, son ancrage dans de remarquables terroirs, comptent parmi ses meilleurs atouts. Ce ne sont pas mes collègues Bernard Dussaut, Marcel Rainaud, Robert Tropeano, Claude Domeizel, ou M. le rapporteur, Gérard César, qui me contrediront.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Les causes de la crise sont connues : baisse de la consommation en France, diminution de nos exportations et, enfin, affaiblissement des mécanismes de régulation du marché de l'actuelle OCM vitivinicole.

Cette OCM a montré, en effet, toutes ses limites et son impuissance face à la crise actuelle. Une réforme en profondeur, qui corrigerait les faiblesses de l'actuelle organisation, s'avère donc indispensable.

Il est effectivement nécessaire, monsieur le ministre, de conserver pour la filière vitivinicole une véritable organisation de marché communautaire, spécifique et dotée d'instruments de soutien adaptés.

Je souscris donc aux propos de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La Commission européenne a, certes, fait des propositions de réforme, mais il s'agit de réformes à caractère ultralibéral, oserais-je dire, pour certaines d'entre-elles et sans aucune ambition pour les autres.

Le danger est là, et la copie doit donc être revue et corrigée.

Il arrive, d'ailleurs, souvent à l'Europe de faire fausse route. Comme me le faisait remarquer le président d'une grande confédération nationale, cela n'est pas sans rappeler que ce n'est qu'après coup que l'Europe, qui a, par le passé, encouragé et financé la friche dans les grandes cultures, découvre aujourd'hui que la production est insuffisante, ce qui provoque des hausses très importantes des prix des matières premières.

Point numéro un dans l'échelle des dangers des propositions de la Commission sur l'OCM vin, la libéralisation des plantations à l'horizon 2013 est bien une mesure à caractère ultralibéral, qui met en cause l'existence même des appellations d'origine et des indications géographiques.

Voilà aussi une proposition qui menace le secteur des vins de table. En effet, la liberté de planter conduira à des plantations massives dans les pays qui bénéficient de législations fiscale et sociale plus avantageuses.

Je persiste à dire qu'il nous faut assurer la maîtrise du potentiel de production et que cela passe par un encadrement des plantations. C'est une priorité absolue, et ce n'est ni négociable ni amendable !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

C'est donc à un rejet clair et net que nous vous invitons, monsieur le ministre.

En effet, comment ne pas relever l'incohérence - sauf à penser qu'il s'agit d'un acte réfléchi de la Commission - qu'il y a à inciter, dans un premier temps, à l'arrachage de 200 000 hectares pour laisser, dans un deuxième temps, la liberté totale de planter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Ainsi disparaîtront un grand nombre d'exploitations familiales, qui laisseront, à l'horizon 2013, toute la place à de grands groupes financiers. Serait-ce, in fine, l'objectif de la Commission européenne ?

Cette proposition est, si je puis dire, « du même tonneau » que celle qui, dans les premières esquisses de propositions, visait à autoriser la vinification des moûts importés ou le mélange de vins communautaires.

Je viens d'évoquer la question de l'arrachage. Elle m'interpelle sur un deuxième plan. Je considère, en effet, que la priorité aurait dû être donnée au règlement en urgence du dossier des 120 000 ou 150 000 hectares de plantations illicites.

Certes, monsieur le rapporteur, le directeur général de l'agriculture nous a bien dit, au cours de notre rencontre à Bruxelles, que le processus était engagé avec l'Espagne et devrait se poursuivre ensuite avec l'Italie, selon un certain nombre de modalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Franchement, j'espérais mieux et plus vite, d'autant que ce dossier ne date pas d'hier.

S'agissant toujours de l'arrachage, j'insiste pour réaffirmer que cette mesure doit être non pas une fin en soi, mais un dispositif suffisamment encadré et intelligent pour éviter de trop grandes coupes dans notre potentiel de production.

Ce dispositif doit aussi être accompagné des outils nécessaires pour éviter la disparition des vignes en zone difficile, ainsi que le « mitage » des vignes et les atteintes aux paysages.

Par ailleurs, il est regrettable que la proposition que nous avons formulée auprès de la Commission européenne sur l'arrachage temporaire se soit perdue dans les sables.

On me dit enfin que l'arrachage, pour moi un véritable crève-coeur, peut aussi être un moyen d'accompagnement social pour des viticulteurs en difficulté. Certes, mais ne pouvait-on régler ce problème social par d'autres moyens que par la destruction d'une partie du potentiel de production, surtout lorsque l'on affiche l'ambition de rester le premier pays viticole du monde ?

L'accompagnement social peut aussi être conforté par des formules de préretraite d'un niveau autrement plus élevé que celles qui sont actuellement en vigueur. Mais, comme il s'agit d'un cofinancement, il faut que des crédits nationaux soient disponibles.

Je rappelle qu'une telle possibilité avait été proposée par l'Union européenne pour un montant de 18 000 euros par an, cofinancés à 50 % par l'Europe et à 50 % par les États membres. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me préciser votre position sur cette question, qui mérite réflexion ?

Je veux également insister sur l'absolue nécessité de pouvoir s'appuyer sur un dispositif obligatoire de gestion de crise, complété, comme le suggère la proposition de résolution, par des instruments préventifs. Il importe, en effet, de disposer d'outils efficaces pour assurer, en cas de conjoncture difficile, l'équilibre entre l'offre et la demande, y compris par la mise en place d'outils de régulation de marché des interprofessions.

Vouloir supprimer de tels outils relève d'un calcul totalement erroné de la part de la Commission européenne. Cette dernière a-t-elle seulement réfléchi aux conséquences des surplus d'offre conjoncturels ?

Dire que ces mesures n'ont pas à être maintenues puisqu'elles ont été inefficaces par le passé, c'est ignorer que ladite inefficacité a souvent été la conséquence du caractère facultatif de la mesure et de son application, qui a presque toujours était trop tardive. Je pense, bien entendu, à la distillation de crise.

Nous avions d'ailleurs, monsieur le rapporteur, soulevé le problème en 2002, dans notre rapport sur l'avenir de la viticulture française.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Bref, monsieur le ministre, il faut absolument mettre en place un filet de sécurité pour faire face à des chocs conjoncturels parfois répétitifs.

Le calcul est tout aussi erroné pour ce qui concerne la suppression des financements viniques et des financements communautaires que propose la Commission européenne, qui semble privilégier la recherche d'économies au détriment de la prise en compte des exigences qualitatives et environnementales. Ces prestations viniques doivent être maintenues pour tenir compte de ces exigences.

Il est assez incroyable que l'on puisse oser dire, comme l'a fait la commissaire Mme Fischer Boel, que l'épandage des marcs et des lies peut constituer une solution !

Je souhaite insister sur un autre sujet, tout aussi inquiétant, celui de la libéralisation de l'étiquetage, sujet à propos duquel nous nous étions expliqués devant le directeur général de l'agriculture à Bruxelles.

La Commission européenne envisage de donner la possibilité d'utiliser, pour les vins sans indication géographique, la mention du cépage et du millésime afin de concurrencer davantage les vins des pays tiers sur le marché communautaire ainsi que sur le marché mondial.

Certes, il est nécessaire de rechercher et de développer des débouchés pour le vin communautaire, mais je considère que la proposition de la Commission aura un effet contraire à celui qui est recherché.

En effet, une telle mesure pourrait déstabiliser totalement la filière de production. Elle engendrerait la confusion dans l'esprit du consommateur, qui aurait toutes les difficultés à faire la différence, du fait de la mention du cépage et du millésime, entre les vins agréés et les vins sans discipline de production.

La lisibilité de l'étiquetage, déjà difficile, serait perturbée, le consommateur ayant du mal à faire la distinction entre un vin de pays avec indication de cépage, une AOC avec indication de cépage et un vin de table avec indication de cépage !

Certains professionnels n'hésitent, d'ailleurs, pas à dire qu'une concurrence déloyale serait ainsi créée entre deux types de produits disposant des mêmes possibilités d'étiquetage et de valorisation, alors que leurs conditions de production et d'élaboration sont totalement différentes, les uns respectant un cahier des charges qualitatif strict et les autres disposant de grandes libertés.

Je note également qu'une telle proposition ne pourra que favoriser l'apparition de mélanges de vins de différents pays de la Communauté avec indication de cépage, mais à la composition pour le moins incertaine...

Enfin, il y a fort à craindre que l'on n'ait une surproduction de vins de table avec indication de cépage, ce qui pourrait avoir pour effet mécanique de faire chuter les cours de tous les vins. On aurait alors un marché des vins de cépage à deux vitesses, c'est-à-dire à deux prix différents, et le risque serait grand que ce marché ne s'oriente vers celui qui serait le moins rémunérateur pour le producteur. Les producteurs de vins de pays estiment que l'on assisterait, si cette mesure était retenue, à la déstructuration de toute leur filière de production.

Certes, la Commission a raison de préciser qu'il existe, au niveau mondial, un développement de la consommation de vins, notamment de vins de cépage. C'est justement pour en bénéficier qu'ont été créés les vins de pays « vignobles de France », label qui confère un véritable standard qualitatif et assure une traçabilité certaine.

Je remercie à cet égard M. le rapporteur d'avoir bien voulu, ce matin, en commission, intégrer dans la proposition de résolution l'amendement que je proposais, visant à empêcher l'apposition de l'indication du cépage et du millésime sur les étiquettes des vins sans indication géographique.

Quant au régime de la chaptalisation, vous connaissez, monsieur le ministre, la position du Languedoc-Roussillon sur ce point : nous serions plutôt enclins à suivre, sur cette question, la Commission européenne, tout en faisant remarquer, entre autres raisons, que l'enrichissement par moûts concentrés rectifiés permettrait de retirer du marché national de 4 millions à 5 millions d'hectolitres de vin, ce qui, en période de surproduction, n'est pas négligeable.

J'ai cependant bien compris que, dans cet hémicycle, ma position n'était pas majoritaire sur ce dossier

M. le rapporteur, sourit

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Toutefois, au nom de l'équité, je demande le maintien des aides à l'enrichissement par moûts concentrés rectifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Concernant l'abondement d'enveloppes nationales, il est absolument nécessaire que la clé de répartition soit maintenue. C'est également, selon moi, un point non négociable.

De même, les instruments finançables dans ce cadre doivent surtout concerner les actions de recherche et de développement, les mesures de modernisation de la filière - je préfère « modernisation » à « restructuration » - ou encore le soutien aux organisations de producteurs.

Sur ce dernier point, j'avais proposé à la commission des affaires économiques, en juillet dernier, un amendement portant sur une précédente proposition de résolution.

En effet, comme l'ont souligné des professionnels, « pour produire du vin demain, il faut améliorer notre capacité à vendre aujourd'hui ». Cela passe par un indispensable soutien aux investissements des entreprises, dans le cadre de véritables projets qui puissent redonner à ce secteur plus de compétitivité et plus de poids à l'exportation.

Autre sujet préoccupant : le transfert de compétences du Conseil vers la Commission en matière de pratiques oenologiques, par exemple l'étiquetage ou d'autres points aussi importants que ceux que je viens de citer, m'apparaît particulièrement dangereux, tant la question est décisive pour l'avenir de la viticulture européenne. Il est important, monsieur le ministre, que vous vous y opposiez.

Concernant la promotion intracommunautaire, je suis stupéfait de constater les sommes extrêmement faibles, pour ne pas dire ridicules, qui lui sont consacrées, soit environ 3 millions d'euros. Comment peut-on négliger à ce point un marché européen qui représente près de 80 % du marché mondial ?

Sur ce point aussi, nous nous rejoignons, monsieur le rapporteur, pour demander une revalorisation substantielle de ces financements, afin de mener, à l'échelle européenne, des campagnes de communication pour une consommation responsable et modérée.

La même remarque vaut pour les crédits proposés pour la promotion vers les pays tiers : des financements à hauteur de 120 millions d'euros, c'est trop peu - même si je note un incontestable progrès - pour aller à la reconquête des marchés, surtout si on les compare aux crédits consacrés à la promotion par différents pays du monde ; je pense, notamment, à l'Australie ou à l'Espagne.

Faut-t-il rappeler, en effet, que le salut de la viticulture française et européenne est à l'export, alors que la demande à l'échelle mondiale est en progression ? À l'horizon 2010, l'augmentation de la consommation sur dix ans sera, en effet, de 20 % aux États-Unis et de 20 % à 30 % en Russie ou en Chine.

À ce propos, comment ne pas saluer l'immense travail réalisé par la région Languedoc-Roussillon, qui vient d'inaugurer, à Shanghai, la Maison du Languedoc-Roussillon ? C'est la première région française - à ma connaissance - à y ouvrir une maison, afin de faire la promotion de ses vins et de ses produits durant toute l'année. Plusieurs grandes entreprises audoises du secteur viticole ont déjà signé des accords avec la Chine.

Dans le contexte actuel de crise, de telles initiatives, conjuguées à l'augmentation de la consommation mondiale, apportent une note d'optimisme : le marché vitivinicole demeure un marché d'avenir.

Enfin, je ne saurais conclure sans évoquer le thème du vin et de la santé, que nous avons évoqué ce matin en commission. §

Nous sommes convaincus qu'il faut mettre davantage l'accent sur les bénéfices pour la santé d'une consommation modérée et responsable de vin dans le cadre d'une alimentation équilibrée.

Ce point a été largement développé, en 2002, par la commission des affaires économiques dans son rapport sur l'avenir de la viticulture française. On peut y lire, en effet : « La diffusion de ce message apparaît opportune, d'une part, parce qu'il existe désormais un corpus d'études suffisamment fiables et, d'autre part, parce que les consommateurs apparaissent aujourd'hui disposés à entendre un tel message ».

Peut-être serions-nous bien inspirés de réaliser une expertise collective - c'est une proposition que je fais à la commission des affaires économiques - synthétisant les études relatives aux effets sur la santé de chaque type de boisson.

Les outils proposés par la Commission européenne ne permettront pas d'atteindre les objectifs de compétitivité, de qualité et de reconquête des marchés ; c'est ce que nous avons répété, avec Gérard César, devant la Commission européenne. C'est même le contraire qui pourrait arriver, avec un bouleversement des équilibres de la filière, si les propositions d'inspiration très libérale de la Commission européenne étaient maintenues en l'état.

Aux côtés de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal, la France se doit de jouer un rôle de leader pour constituer un front uni sur les points principaux de cette négociation.

Sur la base de cette proposition de résolution, nous soutenons M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France serait-elle la France, sans sa diversité à laquelle nous sommes tous attachés ?

Sans doute est-ce l'une des raisons pour lesquelles le projet de réforme en profondeur du secteur viticole, présenté par la Commission européenne en juillet dernier, a soulevé un tollé général chez les viticulteurs.

Il est vrai que la plupart des propositions qui sont faites par Mme Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, ne peuvent recueillir notre adhésion. Ce projet de réforme divise les vingt-sept ; il se heurte au refus de l'ensemble des pays producteurs, alors que les autres États membres souhaitent aller encore plus loin pour réduire le coût des crédits alloués à ce secteur par l'Union européenne.

Les propositions de la Commission européenne sont, en effet, fondées sur une analyse partiellement erronée de la situation de la filière vitivinicole, conduisant à des propositions mal adaptées.

Certes, l'augmentation des stocks européens est réelle, mais elle est liée davantage à une perte de parts de marché qu'à une baisse de la consommation. En effet, la consommation mondiale de vin a repris son ascension et augmente de l'ordre de 5 % par an. La nouvelle 0CM vitivinicole devrait donc non pas être axée sur une politique massive d'arrachage, mais plutôt sur une politique de communication, de promotion et d'accompagnement, pour une adaptation des produits aux consommateurs.

Si la nécessité d'une nouvelle réforme de l'OCM vitivinicole fait aujourd'hui consensus chez l'ensemble des acteurs de la filière à l'échelle européenne, la France, premier pays viticole de l'Union européenne, doit faire entendre sa voix pour s'opposer à un certain nombre de dispositions de la réforme qui vont clairement à l'encontre des intérêts de la viticulture française et européenne ainsi que des objectifs de compétitivité.

Face aux propositions de la Commission européenne, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé d'établir un rapport d'information sur le sujet. Elle l'a confié à notre collègue Gérard César, président du groupe d'études de la vigne et du vin, à qui je tiens à rendre hommage pour l'important travail qu'il a réalisé, avec la grande compétence qu'on lui connaît.

En ma qualité de vice-présidente de ce groupe d'études, de représentante d'un département de viticulture, le Rhône, et aussi d'élue locale du Beaujolais, je veux, aux côtés de mon collègue Gérard César, plaider pour le maintien d'une OCM spécifique au secteur vitivinicole.

Les observations critiques et les propositions du rapport d'information sénatorial ont été soutenues par nos collègues devant la Commission européenne à Bruxelles, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, et ont permis d'entrevoir des possibilités de négociation sur certains sujets. Néanmoins, de nombreuses divergences d'approche ont été confirmées sur la majorité des éléments de réforme. C'est la raison du dépôt de la proposition de résolution que le Sénat s'apprête à adopter ce soir, qui réaffirme les positions françaises sur le projet de réforme de la Commission européenne, et à laquelle le groupe UMP apporte son entier soutien.

On ne peut pas dire que la Commission européenne n'ait tenu aucun compte des observations qui lui ont été adressées par le Sénat ; elle n'a cependant que très partiellement amendé ses propositions par rapport aux précédentes.

Ainsi, si l'on considère ses nouvelles suggestions sur l'arrachage, on observe que son ampleur est sensiblement réduite, l'objectif retenu passant de 400 000 à 200 000 hectares. Des outils sont désormais prévus pour éviter la disparition des vignes de coteaux, le mitage des vignes, l'atteinte aux paysages. La réforme paraît donc moins exclusivement orientée vers la réduction du potentiel de production ; c'est une satisfaction.

S'agissant de la promotion, pratiquement négligée jusqu'à présent, des moyens apparaissent désormais, mais il ne s'agit que de promotion collective, pas très efficace, si ce n'est en complément d'une meilleure structuration de la filière vers la commercialisation.

Si ces avancées sont louables, elles restent toutefois largement insuffisantes au regard des besoins de soutien des produits vitivinicoles européens et des objectifs fixés par la Commission européenne, celle-ci ayant motivé la réduction de certaines aides par sa volonté d'augmenter substantiellement les moyens alloués à la conquête de nouveaux marchés.

Avec les AOC, la France possède un immense atout commercial pour gagner des marchés dans le monde. Elles constituent la locomotive du système viticole français, fondé sur une longue pratique qui a permis, au cours des siècles, d'identifier les meilleures zones aptes à la culture de la vigne et les cépages les mieux adaptés. Il importe donc qu'elles soient reconnues et protégées.

Alors que le marché mondial du vin se développe, les vignerons français doivent avoir les moyens de faire connaître et apprécier leur travail, grâce à une politique nationale et européenne de soutien à la promotion et à l'éducation au vin sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu'à aujourd'hui, afin de pouvoir résister à la pression des lobbies agro-industriels mondiaux du vin.

Les crédits mobilisés pour la promotion dans le secteur du vin sur le marché intracommunautaire sont notoirement insuffisants et nous demandons leur revalorisation substantielle afin de mener, à l'échelle européenne, une campagne de communication pour une consommation responsable et modérée. Nous demandons également une revalorisation des crédits affectés à la promotion vers les pays tiers, ainsi que la possibilité de les utiliser en vue de financer directement des projets d'entreprises.

Par ailleurs, la Commission européenne ne propose plus de lever l'interdiction de vinifier des moûts importés, ni d`autoriser le coupage entre vins communautaires et vins non communautaires. Cette évolution significative fait suite, encore une fois, aux observations très pertinentes du Sénat

Il s'agit là de quelques sujets de satisfaction pour le Sénat, la commission des affaires économiques et le groupe sénatorial d'études de la vigne et du vin.

Malheureusement, plusieurs aspects des autres propositions définitives restent très préoccupants, et donc inacceptables pour la filière vitivinicole française.

C'est le cas, notamment, de la suppression du régime des droits de plantation à partir de 2013.

Cette dérégulation complète nous semble très dangereuse. Le système des droits de plantation est nécessaire et doit absolument être maintenu, sinon on s'acheminera très rapidement vers un déséquilibre du marché. Avec une dérégulation complète en 2013, on verra rapidement la production des nouveaux vignobles s'ajouter brutalement à celle des vignobles existants et l'on connaîtra une nouvelle crise de surproduction. De plus, on risque d'assister à une délocalisation des vignes pour profiter de la réputation de certaines zones.

Le deuxième sujet très controversé est celui de l'interdiction de la chaptalisation. L'enrichissement en saccharose constitue pourtant une pratique traditionnelle, quasi immémoriale, dans de nombreuses régions de l'Union européenne. Cette méthode, qui permet de doser très finement l'augmentation du degré d'alcool souhaité, entre dans le processus qualitatif. Son abandon conduirait à de substantiels surcoûts pour des producteurs déjà confrontés à d'importantes contraintes économiques et impliquerait d'y substituer un enrichissement par moûts concentrés, dont la majeure partie proviendrait d'autres pays que la France. Il ne paraît donc pas opportun de modifier la législation sur le sujet.

Enfin, il est impératif de conserver un filet de sécurité en cas de crise conjoncturelle, c'est-à-dire de garder un dispositif de distillation de crise obligatoire, complété par des instruments préventifs propres à amortir les chocs conjoncturels du secteur et les conséquences des aléas climatiques. La suppression de la totalité des distillations empêcherait la souplesse nécessaire liée à ces variations de production. Abandonner les instruments majeurs de gestion de la production viticole européenne relève d'une politique absurde.

Avec mes collègues, nous estimons totalement inopportun de vouloir supprimer l'ensemble des mesures de régulation du marché, qui plus est de façon brutale et radicale. Il n'est pas pensable de faire peser sur les exploitations des risques lourds et imprévisibles que des mécanismes de régulation des marchés adaptés permettent de prévenir.

Je voudrais, pour terminer, évoquer l'aspect environnemental, qu'il me semble important de faire valoir dans les négociations.

La Commission européenne veut supprimer le régime des prestations viniques, système obligatoire de traitement des sous-produits. Ce projet nous paraît en tout point critiquable. Ce mécanisme est, en effet, indispensable à la qualité et au respect de l'environnement : d'une part, il préserve la qualité des vins en évitant le sur-pressurage des raisins et la filtration excessive des lies ; d'autre part, il préserve l'environnement en évitant la dispersion dans la nature et dans l'atmosphère des sous-produits de vinification, qui sont très polluants. Ce dernier point est essentiel.

A l'heure où l'Union européenne s'oriente résolument vers des modes de production respectueux de l'environnement et qu'elle est en passe d'adopter une directive visant à garantir l'absence de pollution des sols, il serait pour le moins malvenu que la viticulture communautaire s'engage sur une telle voie. Mme Fischer Boel porte pourtant bien le titre de commissaire européen à l'agriculture et au développement durable...

Ainsi, le projet de réforme de la Commission européenne constitue, pour nous, une remise en cause des efforts du monde viticole, notamment français, en matière de qualité. Jusqu'au début des années quatre-vingts, les vins de table représentaient près de la moitié de la production de la région Rhône-Alpes. La récolte est aujourd'hui composée de 90 % de produits sous signe de qualité, dont 70 % en AOC, ce qui traduit bien la reconversion qualitative de l'encépagement engagé dans les principaux vignobles et l'évolution maîtrisée du potentiel de production dans les zones d'appellation.

Loin de résoudre la crise viticole, le projet de réforme de la Commission européenne risque de nous conduire au désastre économique, social et territorial. Les seuls bénéficiaires de cette réforme seront les pays producteurs du Nouveau monde, les sociétés de négoce international, la grande distribution et, sans doute aussi, les spéculateurs fonciers.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

L'heure est grave. L'avenir de la viticulture française, de milliers de vignerons et de territoires entiers est en jeu.

Avant toute décision engageant la France sur le projet de réforme de l'OCM vitivinicole, nous vous demandons, monsieur le ministre de l'agriculture, de vous engager solennellement devant la Haute Assemblée à défendre tous les points de cette proposition de résolution devant la Commission européenne, et de vous battre pour une politique européenne du vin ambitieuse, tournée vers des mesures de développement et de reconquête des marchés, et non pas vers l'abandon de nos terres viticoles, de nos savoir-faire et de notre culture de la vigne.

Nous comptons sur votre détermination, dont évidemment nous ne doutons pas, pour infléchir la position communautaire.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est de rares occasions où les sénatrices et les sénateurs savent mettre leur énergie en commun afin de s'élever contre les graves atteintes de la politique libérale menée par la commission européenne.

La cause du Vin - avec un grand V - a su réunir nos forces.

Il faut dire que l'objectif de la réforme de l'OCM est d'introduire dans l'Union européenne un modèle vitivinicole industriel et productiviste, accompagné de techniques oenologiques correctives, et même reconstructives, qui contredisent largement l'exigence de qualité et de diversité des vins européens.

Ainsi, sous couvert de satisfaire les goûts des consommateurs et de mettre un terme à la crise vitivinicole, les instances européennes proposent de démanteler les dispositifs de régulation du marché et de libéraliser les pratiques oenologiques, afin de fabriquer un vin de masse, standardisé, sans identification géographique.

Le règlement communautaire est d'une étonnante clarté quant aux intentions de la Commission. Ainsi, le paradoxe, souligné par tous, qui tient à la poursuite de la politique d'arrachage, avec un système d'aides dégressif, au moment même où l'on envisage la libéralisation des droits de plantation à l'horizon 2013, répond, en réalité, à une logique effroyable.

Le dogme de la compétitivité s'impose à nos viticulteurs, alors que la qualité des vins, le savoir-faire et le lien entre le vin et son terroir - en un mot, tout ce qui a permis à nos vins de bénéficier d'une forte valeur ajoutée - se trouvent balayés d'un revers de main.

L'objectif de l'Union européenne est de sortir du marché à moindre coût, « dans la dignité », ceux qui ne sont pas compétitifs, et de permettre aux autres d'augmenter encore leurs surfaces de production vinicoles et leurs rendements.

Et ce n'est pas l'arrachage de 200 000 hectares de vignes, au lieu des 400 000 initialement annoncés, présenté par Marianne Fischer Boel comme un recul de Bruxelles, qui changera quoi que ce soit à cette réalité.

La réduction du potentiel de production constitue, en effet, une question délicate. Estimé à plus de deux millions d'hectolitres par an d'ici à 2010, le marché mondial du vin est porteur. Une politique d'arrachage systématique, considérée comme le dernier recours pour des viticulteurs exsangues qui n'auraient pas d'autre choix, risque donc de représenter une véritable démission face à la concurrence mondiale.

Ainsi, Mme Pascale Oriol, la directrice d'une fédération départementale de caves coopératives, expliquait : « Il faut être lucide. Les viticulteurs entament leur troisième année sans revenus ».

Le coût direct de cette politique représente plus de un milliard d'euros de fonds communautaires, sans parler des conséquences économiques, sociales, territoriales ou même environnementales induites. Quand ils auront touché leurs subventions et que leur potentiel de production aura diminué, que restera-t-il aux viticulteurs ? Aucune mesure d'accompagnement sur le long terme n'est prévue !

Alors que quasiment tous les vignobles du monde se développent, ceux des pays européens se sont réduits en 2006. En passant à 51, 7 millions d'hectolitres prévus en 2006, contre 52, 1 millions d'hectolitres produits en 2005, la France est le pays européen qui a le plus diminué sa production de vin.

Or, la consommation de vin dans le monde, notamment en Europe du Nord et dans les nouveaux États membres de l'Union européenne, a crû de 1, 4 % en 2006, ce qui pose sérieusement la question d'une éventuelle sous-production d'ici à dix ans - je constate, d'ailleurs, que nous sommes unanimes à percevoir ce danger, devenu depuis peu une réalité pour des productions qui connaissaient des excédents voilà quelques années.

Toutefois, si le risque de sous-production ne doit pas être négligé, il serait désastreux pour l'environnement et les cours du vin de tomber dans l'excès inverse et de libéraliser les droits de plantation.

Dans sa proposition de résolution, la commission des affaires économiques prend très clairement position sur ces questions, et nous espérons que le Gouvernement français sera intransigeant s'agissant de la libéralisation des droits de plantation.

Dans son projet de règlement, la Commission européenne propose également de supprimer la quasi-totalité des outils de gestion du marché. Ainsi, les aides à la distillation des sous-produits viniques, qui visent à favoriser la qualité du vin en évitant le sur-pressage et à préserver l'environnement en assurant l'élimination de sous-produits très polluants, les aides à la production d'alcool de bouche et à la distillation des vins issus de variétés à double classement, les aides au stockage privé, ainsi que les restitutions à l'exportation ne seraient pas maintenues.

Nous approuvons la proposition de résolution de la commission des affaires économiques, qui estime nécessaire de conserver un dispositif de crise obligatoire. En effet, si les outils de gestion n'ont pas toujours fait preuve d'une efficacité structurelle, ils ont permis à de nombreux producteurs de traverser les crises.

En ce qui concerne la libéralisation des pratiques oenologiques, la Commission a toujours pour objectif d'aligner nos productions sur les pratiques viticoles et commerciales extracommunautaires, même si elle a dû abandonner en cours de route sa vieille idée qui consistait à autoriser les importations de moûts destinés à la vinification et l'assemblage de vins de l'Union européenne et de vins importés.

Pour les vins destinés à l'exportation, les restrictions applicables pour les pratiques oenologiques sont celles qui sont reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin, OIV. Si la référence qui est faite à cette organisation est plus rassurante qu'un renvoi à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, il est important de noter que, même au sein de l'OIV, les exigences en matière de pratiques oenologiques ont été dangereusement revues à la baisse.

Toutefois, nous nous réjouissons de l'abandon du projet imaginé initialement, aux termes duquel les vins destinés à l'exportation auraient pu être fabriqués conformément aux pratiques oenologiques applicables dans le pays de destination.

S'agissant de cette dérogation pour les vins à l'exportation, nous restons très sceptiques, car nous craignons certains abus, des fraudes et, plus tard, la légalisation de fait de pratiques jusque là interdites.

Cela dit, il semblerait qu'une partie du monde viticole y soit favorable, notamment pour vendre à l'étranger un certain type de produits de moindre qualité.

Dès lors, il est fondamental, selon nous, que la dénomination « Vin » soit réservée aux produits issus de la fermentation de raisins frais et de moûts frais, respectant les pratiques oenologiques traditionnelles reconnues à l'échelle communautaire.

Pour promouvoir nos vins à l'échelon international, il est important d'interdire la vente de produits fabriqués sans contrainte, de manière industrielle et sous le même nom que des vins réalisés de manière classique.

Par ce biais, on pourrait anticiper certaines des difficultés qui ne manqueront pas de surgir avec les vins de fruits, les vins intercontinentaux, les assemblages de vins fractionnels et les vins aromatisés.

Nous avions déposé un amendement en ce sens en commission, mais nous ne l'avons pas maintenu, dans la mesure où il existe aujourd'hui une définition du vin dont nous tâcherons de faire en sorte qu'elle joue pleinement son rôle dans le règlement de ces difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

En ce qui concerne l'interdiction de la chaptalisation, il est très difficile de prohiber l'ajout de sucre de canne ou de betterave dans le vin, qui constitue une pratique très ancienne, très répandue dans les vignobles du Nord et très difficile à contrôler. Néanmoins, il est essentiel de maintenir l'aide aux viticulteurs qui utilisent les moûts de raisins concentrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Enfin, la question de la détermination des pratiques oenologiques et de l'étiquetage doit relever de la compétence du Conseil européen.

En ce sens, nous nous félicitons que la commission des affaires économiques ait repris notre amendement visant à affirmer notre opposition à tout transfert de compétence. En effet, celui-ci reviendrait à abandonner entièrement ces questions à la Commission, qui disposerait alors d'un pouvoir d'initiative, d'élaboration des textes et de décision !

En conclusion, la réforme que propose la Commission dans son projet de règlement est dangereuse pour nos vignobles et nos vignerons. Ces derniers sont frappés par la crise vitivinicole et, pour certains d'entre eux, par la baisse chronique de leurs revenus. Or ces problèmes ne seront pas réglés par la promotion d'une viticulture de masse standardisée et concentrée dans quelques grandes exploitations, au contraire.

Il sera malheureusement très difficile pour la France de faire entendre sa voix face à une Commission européenne résolue et dévastatrice. Toutefois, qu'un consensus ait été trouvé au Sénat sur la nécessité de résister à cette politique nous rend optimistes quant à la défense d'une viticulture classique et de qualité.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vin est le produit d'une longue histoire et de nombreux savoir-faire. Il est habité par son lieu de production, il comporte une forte dimension intergénérationnelle et possède un pouvoir de sociabilité. C'est pourquoi nous ne devons pas accepter la disparition de ce produit et des centaines de milliers d'exploitations qui lui donnent sa richesse et sa diversité.

Il suffit d'écouter Baudelaire faire chanter « L'âme du vin » pour le comprendre :

« Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,

De peine, de sueur et de soleil cuisant

Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;

Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant ».

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mon cher collègue, merci de cette très belle conclusion !

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le continent européen, leader mondial du secteur vitivinicole, jouit d'une réputation d'excellence dans ce domaine.

Couvrant environ 45 % des superficies viticoles de la planète, assurant en moyenne 59 % de la production mondiale de vin et représentant près de 54 % de la consommation mondiale en 2005, le secteur vitivinicole européen reste à la fois le plus grand exportateur et le premier importateur au monde, et continue d'apporter une contribution très positive au solde du commerce extérieur de l'Union européenne.

La France jouit elle-même d'une place à part en Europe : premier producteur mondial, elle est le pays de référence de la civilisation du vin.

Dans un essai intitulé Mythologies, Roland Barthes écrivait en 1957 : « Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture ».

C'est pourquoi il est indispensable de préserver notre capital vitivinicole, que celui-ci soit agricole, humain, économique et culturel - je dis bien préserver, et non conserver, car des adaptations sont indispensables, eu égard à la crise récurrente que traverse l'ensemble de la filière depuis quelques années.

Les causes de ces difficultés sont connues ; il s'agit de pratiques de consommation en pleine mutation, d'une baisse de la consommation en Europe, compensée par une hausse sur les nouveaux marchés, tels l'Asie ou l'Océanie, et d'une concurrence accrue des vins du nouveau monde.

Face à cette situation, qui est dramatique pour nombre de nos viticulteurs, il est indispensable de réformer l'outil d'accompagnement qu'est l'OCM vitivinicole. Cette dernière, instaurée en 1962, a été modifiée à plusieurs reprises. Son ultime révision, entrée en vigueur le 1er août 2000, a consolidé en un même texte l'ensemble des dispositions communautaires applicables au secteur. Elle visait à favoriser les restructurations et à réduire les soutiens au marché, qui avaient tendance à se transformer en aides permanentes.

Ainsi, deux voies ont été privilégiées.

Tout d'abord, la simplification des mécanismes de marché par la rationalisation des différents types de distillation, l'accroissement de leur transparence et l'introduction de plus de subsidiarité.

Ensuite, l'intégration d'un nouvel instrument visant à financer la restructuration et la reconversion des vignobles, afin d'orienter la production vers des débouchés plus rémunérateurs.

Toutefois, cette réforme n'a pas permis d'éviter certaines dérives, ce qui rend aujourd'hui indispensable une nouvelle adaptation des instruments.

Elle a échoué, en premier lieu, à prévenir un déséquilibre entre l'offre et la demande, en particulier à la suite d'une récolte importante. Ainsi, la stabilisation du vignoble communautaire n'a pas empêché une surproduction globale liée à la hausse des rendements dans certains États membres, et plusieurs millions d'hectolitres de vin ont dû être distillés durant les dernières campagnes.

L'OCM de 1999 n'a pas non plus favorisé la conquête de nouvelles parts de marché : les exportations européennes se contractent, alors que les importations de vins de pays tiers ne cessent d'augmenter. Le développement des marchés constaté à l'échelle internationale n'a donc pas profité aux producteurs européens, et ce parce que la compétitivité de notre secteur vitivinicole a stagné.

Les instruments de distillation, censés offrir des débouchés artificiels aux surplus de production, ont été dévoyés. En effet, les producteurs ont pris l'habitude d'y souscrire en fonction de l'écart entre le prix de la distillation et celui du marché et de s'en servir à plus long terme comme d'un débouché structurel pour leur production.

Ainsi - pour parler d'un vignoble que nous connaissons bien, Mme Lamure et moi -, alors que la saison du beaujolais nouveau bat son plein, je souhaite rappeler la situation dramatique de certains viticulteurs du Beaujolais : deux cents à trois cents exploitations se trouvent en difficulté et quarante sont à la limite de la faillite, et ce malgré le plan de sauvetage du Beaujolais et le plan d'arrachage et de soutien à la commercialisation et à la promotion mis en place par le département du Rhône, conjointement avec la profession. La sortie de crise est, aujourd'hui, difficilement envisageable.

Nous nous trouvons donc à la croisée des chemins. Toutefois, il faut garder à l'esprit que la réforme de l'organisation commune de marché conditionne l'avenir de la viticulture. C'est pourquoi le projet initial de réforme de l'OCM, proposé par la commissaire européenne, Mme Fischer Boel, le 22 juin 2006, était totalement inacceptable en l'état.

Après un an de négociations et de confrontations entre les parties prenantes, plusieurs avancées ont eu lieu, permettant à la commissaire européenne de présenter, le 4 juillet dernier, de nouvelles propositions notablement amendées.

L'arrachage reste volontaire et il serait limité à 200 000 hectares. Pour inciter les viticulteurs qui souhaitent se retirer, la prime serait supérieure la première année de 30 % aux niveaux actuels, puis dégressive pendant cinq ans.

Par ailleurs, les États membres auraient la possibilité d'aménager l'arrachage, « pour éviter des difficultés d'ordre social ou environnemental ».

La commissaire européenne à l'agriculture, Mme Fischer Boel, a également intégré dans son plan une politique de promotion, dont l'absence, dans ses premières propositions l'année dernière, avait été critiquée.

L'interdiction d'importer des moûts destinés à la vinification et de mélanger des vins européens avec des vins importés est maintenue.

La Commission européenne prévoit d'opérer des transferts de fonds du budget du développement rural en faveur de la viticulture, afin de développer plusieurs mesures : aide à l'installation de jeunes viticulteurs, aide à la commercialisation, aide à la formation, aide aux organisations de producteurs, aide à l'entretien des « paysages à valeur culturelle », retraite anticipée. Les régions vinicoles passant en paiement unique seront soumises à l'écoconditionnalité.

L'arrachage, la restructuration des vignes, la vendange en vert « devront satisfaire à des exigences minimales en matière d'environnement ».

Malgré la vive opposition des gouvernements et des organisations professionnelles, Mme Fischer Boel entend supprimer le régime des droits de plantation à compter du 1er janvier 2014, de manière à permettre aux viticulteurs compétitifs « d'accroître leur production ». Sont également prévues la suppression de la distillation de crise, de la distillation alcool de bouche, de la distillation des sous-produits, la fin de l'aide au stockage privé et l'interdiction de l'enrichissement par ajout de sucre.

Même si elles sont moins radicales que les précédentes, ces propositions ne peuvent nous satisfaire, ni apporter de solutions viables à nos viticulteurs.

Tout d'abord, on ne peut que souligner l'incohérence des propositions de la Commission européenne en matière de gestion du potentiel de production.

En effet, celle-ci suggère à la fois de réduire les capacités de production en procédant à un arrachage massif et de favoriser l'extension de ces capacités en supprimant le régime d'encadrement des droits à plantation et replantation. Il y a là une contradiction manifeste !

De plus, nous pouvons craindre que la libéralisation des droits de plantation ne soit néfaste à l'économie vitivinicole de chaque région et à l'organisation même de toute la profession. Dans les secteurs de vignes à appellation, elle pourrait ainsi conduire à des plantations sans contrôle et à des choix individuels là où, jusqu'à présent, la gestion collective avait toujours prévalu. Quant aux secteurs hors appellation, la fin du contrôle des plantations pourrait entraîner l'apparition d'un vignoble de vin de table en bordure de l'aire d'appellation.

C'est pourquoi je partage pleinement la position du rapporteur, auteur de cette proposition de résolution. Comme l'ensemble des membres du groupe UC-UDF, je suis fermement opposée à la libéralisation des droits à plantation et suis contre tout traitement différencié entre vins de table et vins d'appellation.

Je me félicite néanmoins des dernières avancées du comité spécial agricole du 5 novembre dernier, qui laissent espérer un compromis sur le futur régime d'arrachage agricole.

En ce qui concerne le régime des distillations, je suis là encore pleinement d'accord avec M. César...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. M. César est remarquable !

Sourires

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

...et la commission des affaires économiques : il me semble inutile, et même dangereux, de se priver d'un outil de régulation du marché. En effet, le secteur viticole est affecté par des aléas naturels et économiques très importants, qui font peser sur les exploitations des risques lourds et imprévisibles que des mécanismes de régulation des marchés adaptés permettent de prévenir.

Dès lors, plutôt que de supprimer cet instrument et de se priver ainsi de la possibilité d'agir sur les stocks en cas d'excédents conjoncturels, dont on peut craindre qu'ils ne soient amenés à se reproduire, il serait grandement préférable de réfléchir aux moyens de le réformer.

Au total, le coût des distillations est de 537 millions d'euros sur un budget vitivinicole communautaire de 1, 3 milliard d'euros. Depuis vingt-cinq ans, 26 millions d'hectolitres de vin environ ont fait l'objet d'une distillation, soit une part moyenne de la production soumise à distillation de 15 %. De même, la distillation dite de crise a tendance à devenir monnaie courante, alors qu'elle ne devrait être qu'exceptionnelle.

Il est donc indispensable de renforcer l'aspect préventif de la distillation et, surtout, de la rendre obligatoire, afin de renforcer son efficacité.

Toutefois, la distillation ne doit pas constituer l'unique mécanisme de gestion des excédents. C'est pourquoi vous proposez, monsieur César, dans votre excellent rapport, toute une palette de mesures auxquelles je souscris pleinement.

En ce qui concerne la politique de la qualité, il est indispensable que la définition des appellations d'origine et des indications géographiques soit modifiée pour garantir l'obligation de vinifier des vins dans l'aire de l'appellation et maintenir un lien fort avec le terroir.

Il faut également mettre en place, par le biais de l'étiquetage, une distinction claire entre les vins d'appellation d'origine protégée et d'indication géographique protégée, qui ont des contraintes de production très strictes, et les autres vins.

Il importe, ensuite, que les vins d'appellation d'origine existants soient automatiquement reconnus, enregistrés et protégés comme indication géographique, afin que l'équilibre historique du système viticole français soit préservé.

Enfin, il est nécessaire d'instaurer une politique de reconquête des marchés ambitieuse, notamment dans les marchés émergeants dont le potentiel se développe rapidement. Pour cela, la filière vitivinicole a besoin de moyens plus importants pour connaître ces marchés et y déployer des stratégies de communication et de promotion.

Pour conclure, je tiens à féliciter M. César de son initiative et à lui dire combien je m'en réjouis. J'espère, monsieur le ministre, que, à l'issue du vote de cette proposition de résolution par le Sénat, que je souhaite unanime, vous serez conforté dans votre position lors des prochaines échéances qui vous attendent.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Madame Dini, je suis conforté dans ma position avant même le vote de ce texte et je ne doute pas de l'être encore plus après !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de commencer par saluer le travail du Sénat sur cette question.

Je n'en suis pas étonné. En effet, le temps n'est pas si lointain où je faisais partie de la Haute Assemblée ; j'ai donc pu mesurer à cette époque la précision, la compétence, le scrupule dont elle fait preuve dans le suivi tant de l'action du Gouvernement - assumant ainsi la fonction de contrôle qui incombe au Parlement - que de la politique de la Commission européenne, organe exécutif européen aux côtés du Conseil européen et du Parlement européen, ce qui est très important, . Je le mesure aujourd'hui en tant que ministre comme j'ai pu le faire naguère en tant que commissaire européen.

C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de ce travail solide sur lequel je compte beaucoup m'appuyer.

Je me souviens d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous avez été le premier parlementaire à frapper à ma porte pour évoquer avec moi votre précédent rapport sur le sujet, alors que je n'étais ministre de l'agriculture et de la pêche que depuis quelques heures !

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Vous avez ensuite déposé une première proposition de résolution, en en reprenant les principales conclusions. Aujourd'hui, alors que la négociation communautaire entre dans sa dernière ligne droite, vous proposez le vote d'une nouvelle proposition de résolution, afin que le Sénat exprime une fois encore de manière claire et détaillée sa position par rapport au projet de réforme de la Commission.

Je tiens à vous dire d'emblée, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'adhère pleinement aux conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de résolution, qui affirme avec force les priorités que nous devons défendre dans cette dernière phase de la négociation.

Elle correspond entièrement à la position que je continuerai de défendre jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la fin de cette année, puisque la présidence portugaise espère conclure cette difficile négociation avant la fin du mois de décembre prochain. Je le ferai dès demain matin, puisque je me rends à Bruxelles pour rencontrer Mme Fischer Boel à ce sujet.

J'emporterai, d'ailleurs, avec moi le texte de cette proposition de résolution, ...

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

...qui sera un appui très précieux lors de ces discussions communautaires. En effet, en tant qu'ancien commissaire européen, je peux témoigner que la Commission est sensible au fait qu'un ministre s'exprime sur un dossier, fort de l'unanimité du Parlement de son pays et des professionnels concernés. Je ne prétends pas que ce soit toujours déterminant, mais cela compte. Le débat que nous avons ce soir est donc important.

Le 4 juillet dernier, la commissaire à l'agriculture Mme Fischer Boel a présenté un projet de réforme profonde de l'OCM vitivinicole, qui affiche la volonté de redonner à la viticulture européenne toute sa compétitivité sur un marché mondial en expansion.

Nous pouvons partager cet objectif. À l'heure où les « nouveaux marchés », comme les États-Unis et le Japon, sont en progression et où de nouveaux marchés émergents, comme la Chine ou l'Inde, ouvrent de vraies perspectives, la viticulture européenne, riche d'une grande histoire et d'une longue tradition de qualité, est capable, sans état d'âme, sans complexe et de manière offensive, de se positionner avec succès sur tous ces marchés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec plus de 7 milliards d'euros, les vins et spiritueux représentent de très loin le premier poste d'excédents de nos exportations agroalimentaires. Le marché mondial est porteur, nous devons être à même d'en tirer tous les bénéfices.

Toutefois, si je partage totalement la perspective de conquête que propose la Commission, je suis beaucoup plus réservé sur certaines voies qu'elle préconise, pour ne pas dire que j'y suis parfois totalement opposé.

Redonner de la compétitivité, c'est certainement desserrer des contraintes, c'est certainement moderniser nos dispositifs, mais ce n'est sûrement pas le libéralisme sans règle.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Je reprends en cela les propos très justes qu'a tenus Roland Courteau.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler ma position sur les différents sujets en discussion, telle que j'ai eu l'occasion de l'exposer très fréquemment, que ce soit à la commissaire européenne, Mme Fischer Boel, au ministre portugais de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, M. Jaime Silva, président en exercice du Conseil européen, à mon collègue hongrois à Budapest lundi dernier, ou en Italie avant-hier, et comme je le referai dès demain. Je continuerai d'ailleurs à m'entretenir avec tous mes collègues et partenaires, puisque, dans ce domaine comme pour ce qui concerne l'ensemble des questions agricoles et piscicoles, nous sommes dans une perspective totalement européenne.

Je tiens à souligner ici que cette position a fait l'objet de discussions suivies avec les professionnels, qui ont été associés à son élaboration. Je compte donc la défendre jusqu'au bout, avec la même détermination.

Le premier point, qui est le plus important, le plus central et sur lequel je ne cèderai pas, porte sur les droits de plantation.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Le maintien du régime actuel des droits de plantation est une demande absolument essentielle pour moi.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Sans cela, nous perdons l'outil principal de maîtrise de la production, comme l'a dit avec beaucoup de force Élisabeth Lamure.

Proposer dans le même temps la libéralisation totale des plantations et un important plan d'arrachage constitue d'ailleurs - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur - un véritable paradoxe.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Le secteur européen de la viticulture n'est pas encore suffisamment adapté. Il serait totalement prématuré de démanteler dès 2013 notre seul dispositif de gestion structurelle de la production communautaire ; il faut le maintenir bien au-delà.

Par ailleurs, la maîtrise du potentiel de production n'a de sens que si elle concerne l'ensemble de la production, c'est-à-dire tous les types de vin et, bien sûr, tous les pays producteurs. Il est donc totalement hors de question pour moi d'accepter un dispositif qui serait maintenu seulement pour certains vins ou pour certains pays.

Vous l'aurez compris, c'est un sujet sur lequel il ne nous sera pas possible de transiger.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Le deuxième point concerne l'arrachage, qui constitue un autre élément structurel ; vous l'avez évoqué les uns et les autres.

Dans certains cas, nous le savons, l'arrachage du vignoble est encore nécessaire pour adapter l'offre à la demande. Il doit être maîtrisé et raisonné, afin de conserver un objectif cohérent, défini par zone de production, comme l'a souligné Élisabeth Lamure. La mesure d'accompagnement doit être incitative et fondée sur le volontariat, ce que le Sénat avait d'ailleurs proposé.

Comme vous le précisez à juste titre dans votre proposition de résolution, monsieur le rapporteur, il n'est pas possible d'engager une action structurelle sur le vignoble sans régler auparavant le problème des plantations illicites pratiquées dans certains États membres. Je l'ai rappelé à la Commission.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Cela me permet de répondre à la question que m'a posée M. Courteau.

Comme le prévoit la Commission, les propriétaires de vignes plantées avant le 1er septembre 1998 doivent s'acquitter de droits majorés, et les vignes plantées après cette date doivent être arrachées.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Nous sommes loin du compte !

Le troisième point a trait à la distillation de crise.

Au-delà de la maîtrise du potentiel de production, il est impératif de conserver des outils de régulation des marchés, pour les raisons qu'a très précisément exposées Muguette Dini.

La production viticole est particulièrement fluctuante d'une année sur l'autre : nous devons maintenir un dispositif qui permette de faire face aux crises cycliques de la production. La distillation de crise, qui, bien sûr, n'est pas un but en soi, est un outil efficace, notamment dès lors qu'elle peut être rendue obligatoire, par exemple par le biais d'accords interprofessionnels.

Je suis ouvert pour discuter des modalités d'encadrement et de financement de cette mesure dans le cadre de nos enveloppes nationales, mais il est absolument indispensable de prévoir cette distillation dans des conditions qui garantissent son efficacité.

Je demanderai donc à la commissaire Mme Fischer Boel, comme vous le suggériez, monsieur le rapporteur, que cette mesure soit réintroduite dans le projet de la Commission.

J'en viens au quatrième point : l'enrichissement. Vos travaux très approfondis, monsieur le rapporteur, vous ont conduit à refuser la suppression de la chaptalisation proposée par la Commission.

En effet, il serait infondé de rejeter cette méthode qui fait partie, comme l'a souligné M. Le Cam, des pratiques traditionnelles dans plusieurs régions de France et d'Europe. Je suis ouvert à un développement des méthodes soustractives autorisées par l'Office international de la vigne et du vin, mais l'ajout de saccharose doit rester possible, au côté de l'ajout de moût concentré rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Il est certainement possible de discuter des marges d'enrichissement tolérables ; mais, là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas possible de remettre en question des pratiques réelles et anciennes, qui concernent non seulement le nord ou l'est de la France, mais aussi des régions viticoles très importantes, en particulier le Bordelais et la Bourgogne.

Un cinquième point, celui de la mention du cépage sur les vins sans indication géographique, a été évoqué notamment par M. Roland Courteau. Vous le soulignez dans votre rapport, monsieur César, cette question est sensible. Il est important de tenir compte du marché mondial, de ses attentes, de son mode de fonctionnement.

La mention du cépage est aujourd'hui réservée aux vins à indication géographique. Pour ma part, je suis réservé sur l'extension de la mention de cépage aux vins sans indication géographique : d'une part, il ne faudrait pas contrarier les efforts importants entrepris par les producteurs français de vins avec indication géographique et, d'autre part, il convient d'être très vigilant sur l'information et la protection des consommateurs.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Ainsi, toute extension de la mention de cépage ne peut être envisagée que dans un cadre parfaitement défini, apportant des garanties très fortes sur les conditions d'usage du nom du cépage. Un système parfaitement fiable de cahier des charges communautaire et d'agrément national devrait alors être mis en place.

Le sixième point a trait aux prestations viniques. Nous l'avions déjà évoqué au cours de notre tout premier entretien, monsieur le rapporteur, voilà cinq mois.

Les prestations viniques, c'est-à-dire la distillation des sous-produits, jouent un rôle à la fois qualitatif - elles évitent le surpressurage du raisin - et environnemental essentiel. Je suis très engagé, vous le savez, sur la question de l'environnement, aussi suis-je très attentif à votre argument.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

La Commission a rayé ces bienfaits d'un trait de plume, d'ailleurs de façon totalement contradictoire avec ses objectifs affichés de défense de la qualité et de l'environnement. Pour moi, ce n'est pas acceptable.

Il est donc nécessaire de continuer à favoriser cette pratique, même si nous devons très certainement chercher à en diminuer le coût.

Je partage la position que vous avez exprimée sur ce sujet, monsieur Courteau : les décisions en matière de prestations viniques doivent rester de la compétence du Conseil.

Le septième point concerne les enveloppes nationales.

Dans les premiers jours qui ont suivi ma nomination, au mois de juin dernier, j'ai rencontré Mme Fischer Boel afin d'évoquer la proposition de répartition des enveloppes nationales, qui ne nous convenait pas. Nous avons ainsi obtenu une amélioration sensible de la clé de répartition permettant de déterminer le montant des enveloppes nationales, vous l'avez rappelé, en faisant augmenter la part liée aux données objectives - la surface et le volume produit -, plutôt que les seules données historiques. C'est à la fois plus logique et plus réaliste.

Ces enveloppes nationales joueront un rôle très important dans la nouvelle Organisation commune de marché. La France disposerait, en régime de croisière, d'une enveloppe de 200 millions d'euros environ et de 150 millions d'euros en 2009.

Il est toutefois indispensable que la liste des opérations finançables soit complétée judicieusement en ajoutant, par exemple, des actions de recherche et de développement, ainsi que des actions de restructuration des entreprises, y compris des entreprises d'aval ; je pense aux caves coopératives et aux entreprises de négociants.

Cela permettrait de compléter le dispositif auquel travaillent les professionnels par la mise en place, au niveau national, d'un fonds d'investissement pour les entreprises viticoles.

Le huitième point, que Mme Dini a rappelé, est la promotion. Le projet de la nouvelle OCM accorde une place centrale aux actions de promotion. Je crois que c'est une bonne chose, mais il faut aller encore plus loin dans cette direction. Les chiffres que M. Le Cam a cités sont justes et prouvent que nous avons raison de vouloir conquérir des marchés de manière volontariste.

Ainsi, il faut que les entreprises puissent être éligibles aux programmes de promotion sur les pays tiers, pour lesquels, je vous le rappelle, la France percevra une enveloppe annuelle spécifique de 32 millions d'euros. En outre, il faut introduire la possibilité d'actions collectives de communication sur le marché intérieur, qui représente encore les deux tiers de la consommation mondiale, afin de soutenir une consommation responsable du vin. Enfin, les études de marché devraient pouvoir entrer dans le cadre de ces financements.

Je voudrais évoquer un point dont vous n'avez pas traité aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs : le projet de la Commission de transférer, à terme, 400 millions d'euros du premier vers le second pilier de la PAC - 100 millions d'euros en 2009 pour arriver à 400 millions d'euros en 2014 -, soit un tiers du budget total.

Ce niveau me semble très exagéré, compte tenu des missions qui devront, à budget constant, être financées dans le cadre de l'enveloppe nationale. En outre, le transfert de fonds vers le second pilier ne doit pas constituer une perte pour les filières viticoles. Ces nouveaux fonds doivent pouvoir être ciblés vers des actions concernant la viticulture.

Cette position vaut également pour la réforme de la PAC, sur laquelle la Commission a ouvert hier le débat. S'il doit y avoir des transferts de crédits vers le second pilier - je préfère, pour ma part, que l'on conforte le premier pilier, le pilier communautaire dont relèvent les questions économiques - je m'attacherai à ce que ceux-ci soient attribués, d'une manière ou d'une autre, à l'agriculture.

Vous le voyez, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ces différents sujets, votre proposition de résolution rejoint les positions que je défendrai dans les discussions sur la nouvelle OCM.

Cette négociation sera difficile. Sachez que nous mettrons tout en oeuvre pour aboutir à une OCM forte, acceptable par tous, dans l'esprit de la résolution que vous présentez.

La nouvelle OCM doit être le cadre d'un développement équilibré et durable de la viticulture européenne. Pour cela, elle doit assouplir sans démanteler, elle doit libérer sans fragiliser, elle doit être offensive et efficace.

Dans cette perspective, le Président de la République m'a confié, sur le plan national, la mission de bâtir un plan de modernisation de la viticulture, afin de conquérir, ou de reconquérir, toute notre place sur le marché mondial.

C'est ainsi que, le 11 octobre dernier, j'ai invité l'ensemble des professionnels à travailler autour de trois grands thèmes : premièrement, la recherche-développement et le transfert de connaissances ; deuxièmement, la compétitivité des entreprises, exploitations viticoles et entreprises d'aval ; troisièmement, enfin, l'organisation et la gouvernance de la filière.

Sur ces trois sujets, les groupes de travail me feront leurs premières propositions à la fin de l'année. Je m'attacherai à vous en informer et à vous consulter à leur sujet. La réflexion sera ensuite finalisée afin qu'un ensemble cohérent de mesures puisse être élaboré avant la fin du premier trimestre de l'année 2008.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, inspiré par Roland Barthes et par Charles Baudelaire, conforté par la force unanime de votre résolution, vous pouvez compter sur ma propre détermination ! §(Applaudissement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vous remercie, monsieur le ministre. Le Sénat a apprécié vos propos.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires économiques.

J'en donne lecture :

Le Sénat ;

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de règlement portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (COM [2007] 372 du 4 juillet 2007) ;

Rappelant l'importance, sur les plans commercial, territorial, environnemental et culturel, de la filière vitivinicole à l'échelle européenne ;

Considérant que cette dernière, affectée depuis plusieurs années par une grave crise structurelle, conserve de grandes potentialités de développement sur un marché mondial en expansion ;

Reconnaissant que l'actuelle organisation commune de marché (OCM) n'est plus adaptée aux évolutions récentes de la filière et doit être réformée en vue d'asseoir les producteurs européens dans leur position traditionnelle de leaders du secteur ;

Soulignant la nécessité, au regard des particularités de la filière, de conserver une organisation du marché communautaire spécifique dotée d'instruments de soutien adaptés ;

Prend acte de l'affectation d'une part importante du budget de l'OCM à l'abondement d'enveloppes nationales, souhaite que la clef de répartition en soit maintenue et demande à ce que les instruments finançables par ce moyen soient extensivement entendus, incluant notamment les actions de recherche et développement, les mesures de restructuration de la filière ou encore le soutien aux organisations de producteurs ;

Consent à la reconduction d'un dispositif d'incitation à l'arrachage pluriannuel, dégressif, basé sur le volontariat et géré par bassin de production, tout en rappelant que la régularisation des plantations illicites dans certains États membres doit être menée à terme, ainsi que s'y est engagée la Commission européenne ;

S'oppose fermement au projet de libéralisation des droits à plantation à l'horizon 2013, qui serait totalement contradictoire avec la politique d'arrachage ;

Insiste de façon très appuyée sur la nécessité de conserver un dispositif de distillation de crise obligatoire, complété par des instruments préventifs, propres à amortir les chocs conjoncturels affectant régulièrement le secteur ;

Demande également très fermement le maintien du régime des prestations viniques et ses financements communautaires en tant qu'il permet, en les incitant à donner à traiter le sous-produit de leurs récoltes, de garantir le respect par les producteurs des contraintes environnementales ;

Souhaite que les projets de transfert, pour le secteur vitivinicole, d'enveloppes financières du premier vers le second pilier de la politique agricole commune (PAC), soient révisés au regard des actions réellement à mener ;

Refuse que soit supprimé le régime de la chaptalisation, ancré de façon traditionnelle dans de nombreux territoires viticoles européens, et demande à ce que soit conservé un dispositif d'enrichissement respectueux des spécificités locales ;

S'oppose à tout transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne, s'agissant en particulier de l'étiquetage et des pratiques oenologiques ;

S'oppose à l'ouverture sans conditions à tous les vins de la possibilité d'indiquer sur l'étiquette le cépage et le millésime. S'oppose également très fermement à toute autorisation d'assemblage entre des vins de différents États membres ;

Juge notoirement insuffisants les crédits mobilisés pour la promotion dans le secteur du vin sur le marché intracommunautaire, et demande par conséquent leur revalorisation substantielle en vue de mener à l'échelle européenne une campagne de communication pour une consommation responsable et modérée, ainsi que la mise en place d'un observatoire du marché vitivinicole ;

Demande également une revalorisation des crédits affectés à la promotion vers les pays tiers, ainsi que la possibilité de les utiliser en vue de financer directement des projets d'entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je ne suis saisi d'aucun amendement.

Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution, je donne la parole à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, bien que n'étant pas membre de la commission des affaires économiques, j'ai suivi ses travaux avec intérêt. Je voudrais porter ici le témoignage d'un membre de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des affaires étrangères du Sénat ayant vécu très directement l'évolution exceptionnelle de la viticulture dans cette grande région viticole qu'est le Languedoc-Roussillon.

Je veux rendre hommage à l'auteur de cette proposition de résolution, notre ami Gérard César, à la fois en tant que Languedocien-Roussillonnais, mais aussi en tant que membre et ancien responsable, à l'échelon européen, du Comité des régions. Je crois, en effet, que c'est rendre service à l'Europe que d'adopter des positions aussi fermes. Ainsi, je me réjouis que le rapporteur de la commission des affaires économiques ait réussi à créer un consensus, au-delà des différentes sensibilités politiques et territoriales.

Je souscris à cette proposition de résolution parce qu'il est capital que la France puisse être portée, dans les débats européens, par l'unanimité du Sénat, des territoires et des régions viticoles. Je suis convaincu qu'un tel consensus politique et territorial est un élément déterminant qui peut conforter la position de notre pays dans les négociations européennes. M. le ministre, ancien commissaire européen, le sait mieux que quiconque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous nous opposons tous fermement au projet de libéralisation des droits à plantation, en totale contradiction avec la politique d'arrachage.

En Languedoc-Roussillon, près de 100 000 hectares de vignes ont été arrachés et la production a diminué de manière conséquente. Après de tels efforts d'arrachage, comment pourrions-nous accepter l'idée de libéraliser des plantations n'importe où et n'importe comment ? Et je suis un libéral, il ne s'agit donc pas d'un choix doctrinaire !

Il est donc essentiel que nous affirmions que l'arrachage ne peut être qu'une réponse limitée, maîtrisée, à laquelle nous sommes globalement défavorables et que nous n'acceptons que dans des conditions particulières.

J'espère d'ailleurs qu'il sera permis aux régions qui ont appliqué la politique d'arrachage de relancer des productions agricoles, par exemple de protéines végétales. En effet, il n'y a rien de plus abominable que des terres abandonnées, des terres non cultivées qui abiment le paysage, font courir le risque d'incendies et perdre un potentiel de production. À l'heure du développement des biocarburants, alors qu'une grande unité de production de diester a été ouverte à Sète, il importe que nous puissions revaloriser les friches. Nous sommes contre les friches !

Je dis qu'il faut être prudent par rapport aux analyses qui nous expliquent que l'on connaît des surproductions. On peut le voir cette année ! Nous avons donc besoin de régulation, de distillation.

S'agissant de la chaptalisation, j'espère que M. le rapporteur ne m'en voudra pas, mais je ne partage pas son point de vue. Dans ma région, elle est interdite. Il faut dire que j'ai connu trop de vins européens qui n'étaient pas de très bonne qualité et qu'on améliorait par le saccharose. Je pense -qu'ils me pardonnent - à nos amis allemands !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Effectivement !

C'est pourquoi je suis partisan de l'interdiction. Toutefois, pour ne pas mettre à mal ce beau consensus, et parce qu'il a été dit qu'on encouragerait les moûts concentrés, je m' « écraserai », comme on dit chez moi.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous devons tous faire des efforts !

Cela étant, je voudrais insister sur un point, qui n'a pas été assez abordé à mon sens.

Dans le domaine de la promotion, osons dire clairement que le vin, à condition qu'il soit consommé dans des conditions maîtrisées, n'est pas dangereux pour la santé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Voyez que l'on peut se retrouver, même si, sur le terrain, c'est parfois un peu dur ! En tout cas, à Bruxelles, il faudra que nous soyons tous ensemble.

Il est essentiel de valoriser cet aspect, et je vous demande de nous soutenir, monsieur le ministre. Je vous signale que des recherches importantes ont été menées au sein de l'Institut européen vin et santé des régions viticoles. Le professeur Rossi a ainsi démontré que, bu dans des conditions maîtrisées, le vin non seulement n'était pas dangereux, mais qu'il était surtout positif pour la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Et c'est le médecin qui vous parle !

À cette occasion, permettez-moi de rendre hommage à un grand défenseur de la viticulture, je veux parler du député Paul-Henri Cugnenc. Ce grand patron de médecine avait organisé à Béziers une rencontre entre des hautes autorités médicales et le monde de la viticulture, qui a montré que la recherche scientifique permet d'affirmer que le vin peut être un produit utile pour la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Sachez qu'il ne s'agissait pas là d'une approche démagogique pour faire plaisir aux viticulteurs, qui sont déjà emplis de bonheur d'exercer ce métier extraordinaire !

De toute façon, nous le savons tous, le vin est un facteur de convivialité et de joie. De plus, la viticulture favorise le développement durable.

Monsieur ministre, nous défendrons tous, chacun à notre poste, l'avenir de la viticulture, qui représente non seulement un élément indispensable de nos paysages, mais aussi un facteur essentiel de la culture française et européenne.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Je suis touché par le consensus qui se dégage. C'est pourquoi je tiens à saluer le rapport de grande qualité de Gérard César et la pertinence avec laquelle ont travaillé la commission des affaires économiques et le groupe d'étude de la vigne et du vin du Sénat.

Monsieur le ministre, moi qui suis du Périgord où, je ne sais pas si vous le savez, on produit le vin du bergeracois, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

... je voudrais vous dire que mes vignerons vont mal. Ils ont un peu perdu le fil conducteur. Néanmoins, ce beau consensus et l'intervention passionnée que vient de faire à l'instant Jacques Blanc nous ouvrent des perspectives.

Par conséquent, si, demain matin, vous ne partez pas galvanisé à Bruxelles en vue de retourner la position de la Commission européenne, nous ne serons pas très contents.

Nous avons entendu vos propos et je pense que l'ensemble des groupes vous fait confiance. En tout cas, le groupe UMP, que je représente, soutient cette proposition de résolution avec beaucoup d'enthousiasme.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. Pour le représentant du Rhône, et également du Beaujolais, que je suis, la tâche m'est grandement facilitée.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution n° 68 rectifié.

La proposition de résolution est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. Je constate que la proposition de résolution est adoptée à l'unanimité.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En application de l'article 73 bis, alinéa 11, du règlement, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.

À titre personnel, permettez-moi d'ajouter que je suis heureux d'avoir participé à cette oeuvre commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision-cadre du Conseil modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3696 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3697 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'ai reçu de M. Gérard César un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur sa proposition de résolution (68 rect.) présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (n° E-3587).

Le rapport sera imprimé sous le n° 89 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'ai reçu de M. Hubert Haenel un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur le dialogue avec la Commission européenne sur la subsidiarité.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 88 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 22 novembre 2007 à onze heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

Discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (90, 2007 2008).

Rapport (91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

- Discussion générale.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie : jeudi 22 novembre 2007 à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinq.