Intervention de Gérard César

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Gérard CésarGérard César, rapporteur :

À l’article 6, une visibilité accrue est conférée à l’Observatoire des prix et des marges, rebaptisé « Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires », s’est vu doté d’une visibilité accrue par la désignation d’un président. En outre, des dotations financières nouvelles sont prévues. Le président et son équipe doivent en effet avoir les moyens de faire fonctionner cette instance.

La commission a également souhaité renforcer l’Observatoire des distorsions de concurrence, pour qu’il puisse comparer, dans le domaine agricole, les mesures prises dans notre pays et à l’étranger, que ce soit en Europe ou dans les pays tiers.

Hier après-midi, sur l’initiative du Président de la République, nous avons rencontré à l’Élysée les représentants de la grande distribution et ceux des organisations professionnelles, pour signer un accord de modération des marges de la distribution applicable à l’ensemble de la filière des fruits et légumes frais pendant les situations de crise conjoncturelle. Ce point important mérite d’être souligné.

À l’article 7, la commission a renforcé la capacité à agir des interprofessions, notamment concernant l’élaboration d’indicateurs de tendance des marchés. L’idée n’est pas d’aboutir à des prix administrés, mais de donner aux acteurs des éléments contribuant à leur information. Les producteurs sont souvent mal informés, ce qui ne les met pas en position de force dans les négociations.

Concernant l’assurance contre les aléas climatiques – dont vous avez également parlé, monsieur le ministre –, la commission a approuvé la généralisation proposée. La LMAP s’inscrit donc dans le prolongement de la loi d’orientation agricole et de la décision prise par la France, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, de mobiliser 100 millions d’euros supplémentaires pour subventionner les primes d’assurance contre les aléas climatiques.

La commission a adopté un amendement signé conjointement par M. Soulage et moi-même, permettant de clarifier les règles de fonctionnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Je salue au passage le travail accompli depuis plusieurs années sur ce sujet par notre collègue.

Enfin, si nous partageons l’idée que l’agriculteur est un entrepreneur qui doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour gérer les risques sur son exploitation, nous n’avons pas souhaité permettre la création par ordonnance d’un statut d’agriculteur-entrepreneur, qui suscitait trop d’interrogations.

Au titre III, la commission a procédé à deux modifications importantes.

D’une part, à l’article 13, la nouvelle taxe sur les plus-values de cessions de terrains agricoles devenus constructibles a été supprimée. Elle n’était pas illégitime, mais, dès lors qu’il s’agissait de lutter contre la surconsommation de terres agricoles, il fallait en affecter le produit au financement d’actions tendant au maintien d’activités agricoles sur le territoire, notamment à l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, qui nous paraît primordiale pour l’avenir de notre agriculture. Il n’était pas possible de prendre une initiative parlementaire en ce sens, mais nous attendons que le Gouvernement fasse des propositions.

D’autre part, la commission a institué le compte épargne d’assurance pour la forêt, afin d’aider au développement du marché de l’assurance des bois et forêts. La forêt française reste en effet une « belle endormie », qu’il convient d’exploiter davantage, plutôt que de recourir à des importations de pays ne respectant pas toujours les règles d’une gestion durable de la forêt.

Je laisserai mon collègue co-rapporteur, M. Charles Revet, vous parler du titre IV relatif à la pêche maritime et à l’aquaculture, thème qui lui est cher.

Le titre V a également été modifié, pour permettre la pleine application de la LMAP à l’outre-mer.

La commission ne s’est pas contentée d’examiner les dispositifs proposés par le Gouvernement dans le projet de loi. Elle a, de sa propre initiative, ouvert deux chantiers.

D’une part, l’accompagnement à l’installation fait l’objet de deux articles additionnels, notamment afin d’encourager l’installation sous forme sociétaire. Là aussi, les professionnels attendent une unification du statut social des porteurs de projet d’installation, à propos de laquelle nous espérons des propositions du Gouvernement.

D’autre part, la commission a ouvert un volet social et fiscal, la question des charges étant fondamentale. Elle a adopté plusieurs dispositifs fiscaux, sur lesquels nous pourrons revenir en détail au cours de la discussion des articles.

Certes, les mesures proposées ne représentent pas des sommes faramineuses, mais nous avons essayé, compte tenu du contexte, d’obtenir des avancées. J’espère que la discussion en séance publique permettra quelques aménagements supplémentaires, car des attentes subsistent.

D’abord, il est indispensable, pour permettre le développement de l’assurance, de mettre en place un dispositif pouvant aller jusqu’à la réassurance publique, en complément de la réassurance privée, pour faire face à des évènements climatiques exceptionnels et massifs.

Ensuite, il existe des attentes qui excèdent le champ du texte. Face à la crise, il est souhaitable que l’État joue un rôle d’accompagnement et de réorientation des agriculteurs. La seule solution ne doit pas être l’arrêt de l’activité. Il faut aider à la reconversion des exploitations, lorsque celle-ci leur permet d’être viables à moyen terme.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, nous avons des attentes à l’échelon européen. La commission des affaires européennes, présidée par M. Jean Bizet, et la commission de l’économie, présidée par M. Jean-Paul Emorine, viennent de créer un groupe de travail conjoint sur la réforme de la politique agricole commune.

Le Parlement devra peser sur les négociations. Au cours de la discussion de la LMAP, nous devons réaffirmer notre souhait d’une meilleure régulation européenne des marchés, pour porter plus fermement encore cette exigence auprès de nos partenaires européens, nombreux à se rallier aujourd’hui à cette position, grâce à votre précieux concours, monsieur le ministre.

Je conclurai par deux mots-clefs : compétitivité et modernisation.

La compétitivité est aujourd’hui essentielle : elle n’est pas un choix, mais une contrainte. Toutefois, nous ne devons pas limiter notre recherche à la compétitivité-coût. L’agriculture française est riche de ses filières de qualité, mais aussi de ses terroirs. Sachons les valoriser, et nous permettrons à toute une agriculture de petites et moyennes exploitations de trouver sa place dans l’économie agricole, avec des niveaux de rémunération acceptables.

La modernisation est un outil et un mouvement perpétuel. Parler de modernisation aujourd’hui ne signifie pas que l’agriculture française ne s’est pas modernisée pendant toutes ces années. Au contraire, beaucoup d’efforts ont été faits. Il s’agit simplement de donner à notre agriculture les armes pour se battre dans la compétition mondiale.

Ce projet de loi propose un chemin qui n’est ni le « tout-marché » ni la régulation par les outils du passé, que la France, au demeurant, n’a pas les moyens de mettre en œuvre toute seule. Aux illusions, aux proclamations vaines, je préfère la responsabilisation des acteurs. Ce texte traduit une profonde confiance dans notre agriculture, mais aussi dans sa capacité à rebondir après la crise.

L’agriculture reste essentielle à notre pays. Comme le disait le Président de la République dans un récent entretien avec la presse spécialisée agricole, « l’agriculture, en matière économique, c’est aussi important que le spatial, que l’aéronautique ou que l’industrie. »

J’ajoute que l’agriculture est également vitale pour la vie de nos territoires, dans tous ses aspects, pas seulement économiques.

Je ne doute pas que nos travaux seront l’occasion d’échanges passionnants et passionnés, qui permettront d’enrichir encore ce projet de loi.

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