Séance en hémicycle du 18 mai 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • exploitation
  • l’agriculture
  • producteur
  • pêche

La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de cinq députés de la Diète de Croatie, conduite par le président de la commission des lois, le docteur Goran Marić.

M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Cette délégation est accompagnée de notre excellente collègue Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Cette délégation participera demain, sur l’initiative du rapporteur général du budget, M. Philippe Marini, à une réunion de la commission des finances du Sénat consacrée notamment à la Croatie, pays avec lequel nous entretenons des liens d’amitié étroits.

Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que nos collègues croates portent à notre institution. Je garde un excellent souvenir de la visite officielle que j’ai effectuée à Zagreb, en octobre dernier, en compagnie de Mme André.

Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays, et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue.

Nouveaux applaudissements

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (procédure accélérée) (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise agricole que nous vivons marque la fin de trente ans d’histoire agricole française et européenne. Elle constitue un tournant majeur pour notre agriculture.

Notre responsabilité à tous, parlementaires ou membres du Gouvernement, est de défendre un secteur stratégique pour notre nation. Je veux dire ici, au moment où nous commençons l’examen d’un projet de loi d’une importance décisive pour elle, que je crois dans les forces et les atouts de l’agriculture française.

Agriculture ne veut pas dire seulement tradition et passé ; agriculture veut dire aussi innovation, recherche, compétitivité, développement durable et, tout simplement, pour la France, avenir.

Encore faut-il que nous soyons lucides sur la nouvelle donne agricole mondiale qui est en train de se dessiner. Cette dernière est source d’une volatilité des prix insupportable pour la grande majorité des agriculteurs. En un an, le prix du blé peut passer de près de 300 euros la tonne à 100 euros à peine ; en un an, le prix du lait peut passer de plus de 400 euros la tonne à moins de 230 euros ; en un an le prix des matières premières peut varier selon une fourchette de 50 % à 80 %.

Dans cette nouvelle donne agricole mondiale, on voit aussi apparaître de nouveaux acteurs, comme l’Inde, la Chine, le Brésil ou la Russie.

Hier, nous n’avions que peu de concurrents quand nous exportions du blé à destination de l’Égypte, du Maroc, de l’Algérie ou d’autre pays africains. Aujourd’hui, nous devons compter avec tous les pays du bassin de la mer Noire.

Hier, nous n’avions pas à nous soucier de la production de beurre et de poudre de lait dans les pays éloignés, comme la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui, nous savons qu’une production excédentaire dans ce pays peut déstabiliser l’ensemble du marché laitier mondial.

Hier, nous étions seuls à maîtriser certaines techniques de production agricole. Nous savons aujourd’hui que le Brésil, la Chine ou l’Inde sont sur le point de les dominer aussi bien que nous, si tel n’est pas déjà le cas. Certains pays sont même parfois capables d’aller plus loin.

Cette nouvelle donne agricole mondiale, c’est aussi une politique agricole commune en cours de redéfinition.

En 1957, notre seul objectif était de produire le plus possible pour nourrir chacun. Pour l’atteindre, le seul moyen était une gestion administrée de l’offre. Demain, nous devrons répondre à la demande. Demain, nous devrons nous adapter toujours davantage aux exigences du consommateur.

À monde nouveau, agriculture nouvelle. Il est temps de donner les moyens à notre agriculture de relever les défis immenses auxquels elle doit faire face : le défi de la volatilité, pour stabiliser les revenus des agriculteurs ; le défi de la compétitivité, pour redonner de la puissance à notre agriculture face à la concurrence de nouveaux acteurs ; le défi de l’environnement et de la sécurité sanitaire, enfin, pour répondre aux attentes des consommateurs et prendre en compte les impératifs de développement durable et de sécurité sanitaire.

La présentation de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche intervient donc à un moment décisif pour notre agriculture. Ce texte donnera aux agriculteurs les instruments nécessaires pour faire face à cette nouvelle donne agricole mondiale.

Notre agriculture a d’abord besoin d’un cap politique : ce cap, c’est celui de l’alimentation.

C’est une évidence, la fonction première de l’agriculture est de nourrir. La légitimité de notre agriculture tient à la qualité de l’alimentation qu’elle apporte à tous les Français. C’est pour cela que le Gouvernement a tenu à ce que le titre Ier du projet de loi vise à mettre en place une politique publique de l’alimentation.

Cette politique publique doit garantir une alimentation saine à tous les Français, en rassemblant des instruments d’intervention jusque-là dispersés. Elle reposera sur des objectifs nutritionnels contraignants et contrôlés pour la restauration collective, en particulier scolaire et universitaire.

Personne ne peut se résigner à l’augmentation de l’obésité en France, même si ce phénomène est mieux contenu que dans d’autres pays développés ; personne ne peut se résigner à ce que ce problème de santé publique se concentre sur les personnes aux revenus les plus faibles : la question de l’alimentation est avant tout une question sociale.

Cette politique publique de l’alimentation défendra aussi un nouveau modèle de commercialisation des produits, pour mettre fin aux aberrations que nous constatons tous. Il n’est pas raisonnable, en effet, que les produits agricoles parcourent en moyenne 2 000 kilomètres, avant de se retrouver sur la table du consommateur ! Nous développerons donc les circuits courts, en modifiant le code des marchés publics et en préservant les terres agricoles à proximité des grandes agglomérations.

Au-delà de ces mesures, c’est un modèle alimentaire que nous voulons défendre : contre l’uniformisation des produits, nous défendons la diversité du goût ; contre la confusion de l’origine et des labels, nous défendons la transparence et l’identification des produits.

Mais il n’y aura pas d’alimentation sans agriculteurs, et pas d’agriculteurs sans un revenu stable et décent pour chacun d’entre eux.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le premier objectif du projet de loi que le Gouvernement vous présente aujourd’hui est donc de garantir aux agriculteurs un revenu qui leur permette de vivre dignement de leur travail.

Il n’est pas acceptable que des milliers de producteurs, en France, vendent leurs produits au-dessous de leur coût de revient. Il n’est pas acceptable que des biens agricoles qui ont demandé de la patience, du temps et de l’énergie soient produits à perte.

Pour atteindre cet objectif, nous devons changer de modèle économique. Trop de producteurs investissent des sommes considérables pour moderniser leur exploitation, pour se doter d’équipements performants, sans savoir ce qu’ils vont toucher à la fin du mois. Pour leur donner de la visibilité sur leurs revenus, nous allons mettre en en place des contrats écrits obligatoires mentionnant un prix, un volume et une durée.

Je connais, bien entendu, les inquiétudes des producteurs par rapport aux contrats. Je veux leur dire que nous avons entouré ceux-ci de toutes les garanties nécessaires.

Première garantie : ce sont les interprofessions qui négocieront en première instance les contrats, afin que les particularités de chaque filière soient respectées.

Deuxième garantie : les pouvoirs publics garderont une capacité d’examen concernant la mise en œuvre de ces contrats.

Troisième garantie : les interprofessions pourront fixer des indicateurs de tendance de marché qui serviront à la conclusion des contrats.

Ce modèle de contrat ne se limitera pas, j’en suis convaincu, au seul territoire français. Il deviendra une référence en Europe. Il a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une réflexion approfondie au sein de la Commission européenne.

Je veux également être clair sur un point : les contrats seuls ne feront pas tout. Ils devront s’appuyer sur une régulation des marchés à l’échelle européenne pour stabiliser les prix et nous permettre de réagir en cas de crise. Un observatoire des volumes, de nouveaux outils de gestion des marchés, des instruments d’intervention plus flexibles et plus efficaces me paraissent donc indispensables. Nous avons engagé ce combat pour la régulation des marchés, à l’échelle européenne ; nous le mènerons jusqu’au bout.

Face à la multiplication des aléas économiques, climatiques et sanitaires, nous devons aussi offrir des garanties plus solides aux producteurs.

Les dérèglements climatiques, l’intensification des échanges et la spéculation sur les marchés des matières premières ont conduit, depuis quelques années, à des phénomènes de sécheresse ou d’inondation de plus en plus fréquents, à des crises sanitaires multiples et à l’accroissement de la volatilité des prix. Il ne s’agit pas de nier cette réalité, mais de donner aux agriculteurs les moyens d’y faire face.

Pour cela, il est indispensable de renforcer les dispositifs assurantiels. Pour la première fois dans l’histoire de notre agriculture, nous allons donc mettre en place des dispositifs assurantiels pour l’ensemble des filières agricoles, sans exception. Le Gouvernement étudiera un mécanisme de réassurance publique qui avait été écarté jusqu’à présent. Avec l’aide de l’Europe, il maintiendra également un niveau élevé de subvention des assurances, à hauteur de 65 %, de façon à inciter le plus grand nombre d’agriculteurs possible à s’engager dans cette voie.

Cet engagement de l’État signifie que l’assurance sera de la responsabilité de tous, pour une meilleure répartition des responsabilités entre les producteurs et la puissance publique.

Ces garanties plus solides passent aussi par une refondation du Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui continuera à indemniser les dégâts climatiques, mais dont le champ d’intervention sera élargi aux risques sanitaires et environnementaux. Cela ne dispensera cependant pas les agriculteurs de mettre en place des fonds de mutualisation, qui seront soutenus par l’État. Donner plus de responsabilités à chacun contribuera aussi à assurer l’avenir de l’agriculture.

Les aléas touchent également la forêt, et ce de manière plus fréquente. La tempête de 1999 devait être la « tempête du siècle ». Or, nous l’avons vu, dix ans plus tard, la tempête Klaus s’est révélée plus grave encore. Nous développerons donc aussi des assurances destinées à couvrir le risque de tempête en forêt, pour que les forestiers disposent des mêmes outils que les autres agriculteurs.

Avec ces nouveaux instruments économiques, nous pourrons engager une profonde rénovation des circuits de commercialisation des produits agricoles.

Les producteurs doivent d’abord se regrouper en organisations de producteurs et au sein d’interprofessions : plus ils sont dispersés, plus ils sont en position de faiblesse pour négocier les prix avec l’aval de la filière ; plus ils seront unis et organisés, plus ils seront forts. La future loi nous permettra donc de dresser le bilan de l’organisation économique des producteurs, pour en tirer toutes les conséquences. Nous continuerons les négociations avec la Commission européenne afin d’obtenir les aménagements nécessaires au droit de la concurrence et de permettre aux producteurs de mieux se regrouper face aux industriels et aux distributeurs.

Nous voulons aussi rééquilibrer le partage de la valeur au sein de la filière alimentaire, notamment dans le secteur des fruits et légumes.

Nous supprimerons totalement les pratiques de remises, rabais et ristournes. Nous encadrerons le prix après vente : plus aucun fruit ou légume qui n’aura pas été commandé ne pourra se retrouver sur un marché ; plus aucun fruit ou légume ne pourra quitter une exploitation sans que les modalités de fixation de son prix aient fait l’objet d’un contrat écrit.

La grande distribution appliquera enfin une baisse automatique de ses marges en période de crise, sur la base de l’accord signé hier sous l’égide du Président de la République et qui sera applicable dès cet été.

Pour nous assurer que ces instruments donneront des résultats, nous renforcerons l’Observatoire des prix et des marges. Ce dernier étudiera tous les produits agricoles, sans exception, et analysera les coûts de production. Il rendra un rapport au Parlement. Son président aura la responsabilité d’analyser les données et de procéder aux interprétations nécessaires.

Toutes ces décisions dessinent une nouvelle organisation des filières agricoles. Elles expriment une solidarité nouvelle et indispensable entre leurs différents acteurs : distributeurs, industriels et producteurs. Car nous devons tous en avoir conscience : ce n’est pas en opposant les uns aux autres que nous trouverons des solutions aux difficultés actuelles. C’est au contraire en travaillant ensemble, en répartissant les efforts de manière équitable, en améliorant notre organisation économique et en rééquilibrant les rapports de force au profit des producteurs que nous dégagerons des voies d’avenir.

La France est la première puissance agricole européenne. Elle ne le restera que si elle préserve ses terres agricoles.

Dans cette perspective, le projet de loi tend à mettre en place un observatoire national chargé d’étudier la consommation des terres agricoles, d’identifier les zones de plus grande perte et de proposer des moyens pour éviter une telle situation. Nous ne pouvons pas continuer à perdre 200 hectares de terres agricoles chaque jour, soit l’équivalent d’un département tous les dix ans.

Nous créerons des commissions départementales, composées de professionnels et d’élus des collectivités, ayant pour mission de donner un avis sur les déclassements de terres agricoles.

Nous proposons enfin d’instaurer une taxe sur la spéculation des terres agricoles. Je souhaite que son produit soit affecté en priorité à l’installation des jeunes agriculteurs.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Pour que la France reste la première puissance agricole européenne, elle doit non seulement garder ses terres agricoles, mais aussi poursuivre ses efforts en matière d’innovation. L’innovation a fait la force de notre agriculture. C’est elle qui nous permettra de conserver une agriculture performante et durable.

Pour cela, nous accompagnerons les exploitations, par exemple en encourageant le développement de la méthanisation.

Ce processus permettra aux exploitants d’utiliser les effluents d’élevage et de les traiter ; ils pourront ainsi produire de l’énergie, afin d’améliorer leur autonomie énergétique ou de la revendre, qu’il s’agisse de gaz ou d’électricité, pour en tirer un revenu complémentaire, comme cela se pratique dans toutes les grandes puissances agricoles européennes, en particulier en Allemagne et aux Pays-Bas.

Une agriculture durable est dans l’intérêt de tous, qu’il s’agisse des citoyens, de plus en plus attentifs à la qualité de leur environnement, ou des agriculteurs eux-mêmes, qui ont fait des efforts considérables d’adaptation au cours de ces dernières années et qui doivent réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Agriculture et développement durable vont de pair, pourvu que nous respections le rythme d’adaptation des exploitants et la nécessaire harmonisation des règles européennes.

Le Gouvernement a souhaité que le présent projet de loi concerne aussi la pêche. En effet, en 2012, la réforme de la politique commune des pêches précédera celle de la politique agricole commune. Il est indispensable de doter ce secteur, qui a déjà fait d’énormes efforts de restructuration, d’outils performants avant la réforme.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle dans le domaine des produits de la mer. Les importations, qui représentent 80 % de notre consommation, s’élèvent à 4 milliards d’euros et notre production à 1, 5 milliard d’euros seulement, alors que la France possède la deuxième zone de pêche du monde.

Nous allons donc réformer la gouvernance des pêches et de la conchyliculture, en clarifiant les rôles des différentes organisations et en leur confiant de nouvelles responsabilités.

Nous allons également améliorer les relations entre pêcheurs et scientifiques, en mettant en place un comité de liaison scientifique et technique. Nous leur permettrons de travailler ensemble à l’évaluation des ressources, afin que les décisions de gestion des stocks soient acceptées par tous.

Enfin, nous développerons la pisciculture marine en France, car malgré le formidable potentiel de nos côtes maritimes, elle ne couvre que 15 hectares.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Nous faciliterons l’accès aux espaces maritimes dans le respect des règles environnementales.

Pour que le présent projet de loi soit complet, le Gouvernement a souhaité que l’outre-mer fasse l’objet d’un titre à part entière. Les états généraux de l’outre-mer, lancés par le Président de la République en 2009, ont fait ressortir très clairement la nécessité de favoriser la diversification agricole dans ces territoires.

En effet, comment accepter que le taux de chômage y soit supérieur à 20 %, alors que l’agriculture représente un gisement d’activité si important ? Comment accepter que seulement 17 % de la viande de bœuf consommée en Guyane soit produite localement ou que la part du lait local ne représente que 5 % de la consommation en Martinique ? Les marges de progrès existent ; le dynamisme de la filière de la banane en est la preuve.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que le Gouvernement vous présente aujourd’hui prévoit donc les mesures nécessaires au renforcement des chambres d’agriculture, à la préservation du foncier agricole et au développement de la pêche et de l’aquaculture. Il y a urgence : si rien n’est fait, il n’y aura plus, dans trente ans, de terres agricoles aux Antilles.

L’agriculture est un secteur d’avenir, non un reliquat du passé. Activité stratégique pour la nation, au même titre que l’énergie, l’industrie ou la défense, elle est un pilier, et non une composante accessoire de notre économie.

Ce projet de loi s’inscrit dans une stratégie globale du Gouvernement pour construire une nouvelle donne agricole.

Le plan de soutien exceptionnel à l’agriculture, décidé par le Président de la République et doté de 1, 8 milliard d’euros, a permis aux exploitations de surmonter leurs difficultés conjoncturelles.

Les plans de développement, filière par filière, que j’annoncerai dans les prochains mois permettront de redonner à nos entreprises agricoles la compétitivité qui leur est indispensable.

Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche dont nous commençons aujourd'hui l’examen permettra à nos producteurs et à nos pêcheurs de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens et de dégager un revenu décent pour prix de leur travail.

À l’échelon européen, nous continuerons à défendre un modèle de régulation des marchés agricoles et le maintien d’une politique agricole commune forte.

Au plan international, nous soutiendrons également l’idée de régulation agricole, notamment lors de la présidence française du G20.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce au travail remarquable qui a été effectué en commission, sous la présidence de Jean-Paul Emorine et avec le concours des rapporteurs, Gérard César et Charles Revet, qui ont permis d’améliorer le texte du Gouvernement, la France disposera des moyens de rester la première puissance agricole européenne et un acteur agricole majeur dans le monde de demain.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà moins de cinq ans, nous adoptions, dans cette enceinte, la loi d’orientation agricole pour donner à notre agriculture de nouveaux instruments de développement : regroupement des producteurs, modernisation du cadre juridique et fiscal applicable aux exploitations, encouragement à la diversification.

Peu d’entre nous imaginaient alors que le monde agricole connaîtrait tant de bouleversements en quelques années. En raison de la hausse des cours, il a vécu deux années exceptionnelles, le sommet ayant été atteint en 2007, essentiellement pour les grandes cultures ou le lait. Mais la chute n’en a été que plus brutale : depuis la mi-2008, les prix sont orientés à la baisse et la quasi-totalité des productions sont aujourd’hui en crise.

Notre agriculture connaît une situation inédite : après une première baisse de revenu de 23 % en 2008, les exploitants en ont enregistré une de 32 % en 2009. Aucun autre secteur de l’économie n’est aussi durement touché.

Le secteur du lait est emblématique. La vie des éleveurs laitiers est contraignante, mais leur revenu était considéré comme relativement stable. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, et, depuis maintenant deux ans, les acteurs du marché n’arrivent pas à se mettre d’accord.

Les apports de la loi d’orientation agricole n’ont pas été balayés, mais la situation actuelle justifie que le législateur intervienne de nouveau, par le biais de l’examen du présent projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Ce texte fait suite au grand débat sur l’agriculture lancé à l’automne dernier. Il est marqué par un double impératif : à court terme, répondre à l’urgence de la crise agricole ; à moyen terme, préparer notre agriculture aux changements prévisibles de la politique agricole commune après 2013.

L’urgence est telle qu’elle a été prise en compte avant même la discussion du présent projet de loi : le plan de soutien exceptionnel à l’agriculture a permis d’injecter plus de 1, 6 milliard d’euros dans les exploitations, selon un bilan établi le mois dernier par notre collègue député Nicolas Forissier, nommé médiateur national pour le plan précité.

Par ailleurs, la loi de finances rectificative pour 2010 votée au mois de février dernier a prévu l’application, au 1er janvier de cette année, d’une exonération des charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels, ce qui donnera une bouffée d’air aux producteurs de fruits et légumes et aux exploitants viticoles, en particulier.

Le texte qui nous est soumis vise donc non seulement à répondre aux enjeux de court terme, mais aussi à fournir les instruments d’une politique agricole ambitieuse et rénovée.

Je salue au passage le choix du Gouvernement de saisir en premier le Sénat du présent projet de loi. Monsieur le ministre, nous y sommes très sensibles.

Ce choix est une marque de confiance en la qualité du travail sénatorial. Il montre aussi que, lorsqu’il y a urgence, le Sénat sait répondre présent.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné sur ce texte plus de cent-dix représentants d’entreprises ou d’organisations professionnelles, afin d’établir un diagnostic et une analyse partagés.

L’ensemble des personnalités rencontrées se sont accordées sur un point : le fonctionnement de l’économie agricole est aujourd’hui gravement perturbé, comme en témoignent les trois caractéristiques suivantes.

Première caractéristique : l’instabilité des prix est devenue extrêmement forte, d’une campagne à l’autre, mais aussi au cours d’une même année. L’agriculteur n’a plus de visibilité, plus de repères, tant les prix varient. Et ce phénomène concerne non plus les seules productions saisonnières très marquées par les conditions climatiques, comme les fruits d’été, mais toutes les filières.

Deuxième caractéristique, moins nouvelle : le producteur a peu de pouvoir pour influer sur les cours. Malgré des efforts d’organisation, qui doivent encore être poursuivis, les agriculteurs restent petits et faibles face à l’aval des filières, beaucoup plus concentré.

Troisième caractéristique : l’agriculture est désormais pleinement exposée à la concurrence internationale. Après les réformes successives de la PAC, les prix mondiaux guident les marchés et s’imposent désormais aux agriculteurs européens. Il est illusoire de penser construire une quelconque digue pour y échapper. Si nous sommes trop chers, l’industrie ou la distribution se fourniront à l’étranger, comme c’est parfois déjà le cas aujourd’hui.

Face à ces évolutions, le monde agricole porte une double demande d’organisation et de régulation.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, sera l’un des leviers d’une stratégie globale consistant à orienter la politique agricole vers plus de régulation. Je constate avec intérêt l’évolution des jugements sur ce texte. Ne nous faisons pas d’illusion : la LMAP n’est pas une baguette magique qui résoudra d’un seul coup l’ensemble des problèmes de la filière agricole. Aucune loi nationale concernant l’agriculture ne saurait l’être, d’ailleurs.

Il faut juger le texte pour ce qu’il est : une boîte à outils qui met en place des instruments utiles par leur combinaison : contrats, interprofessions, moralisation des relations commerciales pour la filière des fruits et légumes, assurance, plan régional de l’agriculture durable et foncier agricole. Toutes les mesures proposées vont dans le bon sens : celui du rééquilibrage des forces par une meilleure organisation des producteurs, la restructuration des marchés et l’organisation des filières.

La commission n’a pas remis en cause l’équilibre général du texte. Elle l’a toutefois beaucoup modifié, adoptant 123 amendements, provenant de tous les groupes. Elle a aussi réduit le nombre des ordonnances prévues par le projet de loi. De même, elle souhaite très clairement que le nombre de rapports soit le plus faible possible.

S’agissant du titre Ier, la commission a approuvé l’orientation prise en faveur d’une politique de l’alimentation, nouveau fondement de la légitimité d’une intervention publique dans le domaine de l’agriculture. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir choisi de poser les fondements d’une politique publique de l’alimentation dans ce texte. En effet, tout est lié en matière d’agriculture et de consommation.

Le contenu du programme national pour l’alimentation a été enrichi, notamment pour permettre des actions en faveur des circuits courts.

L’alimentation passe par la connaissance des produits consommés. Aussi, la commission a ajouté un article 1er bis, qui fournit une base juridique pour imposer l’étiquetage obligatoire de l’origine des produits alimentaires, bruts ou transformés.

Les modalités d’application sont renvoyées à un décret, mais cet article permettra d’avancer. La commission appuie, par son texte, la position de la France dans les négociations menées actuellement au niveau européen pour modifier le règlement sur l’étiquetage des denrées alimentaires. Connaître la provenance de ce qu’il mange est un droit fondamental du consommateur.

La commission a également ajouté, au sein du titre Ier, un article concernant la formation obligatoire des professionnels en matière d’hygiène alimentaire et, sur proposition de notre collègue Françoise Férat, un article visant à moderniser l’enseignement agricole.

Le titre II est le cœur du texte. Nous avons souhaité en améliorer la rédaction pour que chacun des outils qu’il contient soit plus efficace.

À l’article 3, relatif aux contrats obligatoires, le texte de la commission tend à mettre en place un principe de subsidiarité : l’intervention des pouvoirs publics pour imposer le contrat ne sera possible que si l’interprofession n’arrive pas à s’entendre. Ce point me paraît très important.

Aux articles 4 et 5, la commission a souhaité renforcer l’encadrement des pratiques commerciales dans le secteur des fruits et légumes, en décidant, d’une part, que toute vente de fruits et légumes devrait faire l’objet d’un accord de prix conclu à l’avance, interdisant de fait la pratique du prix après vente et, d’autre part, que la pratique des trois « R » – remises, rabais et ristournes – serait désormais totalement proscrite, alors que votre texte, monsieur le ministre, ne prévoyait une telle interdiction qu’en cas de crise conjoncturelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

À l’article 6, une visibilité accrue est conférée à l’Observatoire des prix et des marges, rebaptisé « Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires », s’est vu doté d’une visibilité accrue par la désignation d’un président. En outre, des dotations financières nouvelles sont prévues. Le président et son équipe doivent en effet avoir les moyens de faire fonctionner cette instance.

La commission a également souhaité renforcer l’Observatoire des distorsions de concurrence, pour qu’il puisse comparer, dans le domaine agricole, les mesures prises dans notre pays et à l’étranger, que ce soit en Europe ou dans les pays tiers.

Hier après-midi, sur l’initiative du Président de la République, nous avons rencontré à l’Élysée les représentants de la grande distribution et ceux des organisations professionnelles, pour signer un accord de modération des marges de la distribution applicable à l’ensemble de la filière des fruits et légumes frais pendant les situations de crise conjoncturelle. Ce point important mérite d’être souligné.

À l’article 7, la commission a renforcé la capacité à agir des interprofessions, notamment concernant l’élaboration d’indicateurs de tendance des marchés. L’idée n’est pas d’aboutir à des prix administrés, mais de donner aux acteurs des éléments contribuant à leur information. Les producteurs sont souvent mal informés, ce qui ne les met pas en position de force dans les négociations.

Concernant l’assurance contre les aléas climatiques – dont vous avez également parlé, monsieur le ministre –, la commission a approuvé la généralisation proposée. La LMAP s’inscrit donc dans le prolongement de la loi d’orientation agricole et de la décision prise par la France, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, de mobiliser 100 millions d’euros supplémentaires pour subventionner les primes d’assurance contre les aléas climatiques.

La commission a adopté un amendement signé conjointement par M. Soulage et moi-même, permettant de clarifier les règles de fonctionnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Je salue au passage le travail accompli depuis plusieurs années sur ce sujet par notre collègue.

Enfin, si nous partageons l’idée que l’agriculteur est un entrepreneur qui doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour gérer les risques sur son exploitation, nous n’avons pas souhaité permettre la création par ordonnance d’un statut d’agriculteur-entrepreneur, qui suscitait trop d’interrogations.

Au titre III, la commission a procédé à deux modifications importantes.

D’une part, à l’article 13, la nouvelle taxe sur les plus-values de cessions de terrains agricoles devenus constructibles a été supprimée. Elle n’était pas illégitime, mais, dès lors qu’il s’agissait de lutter contre la surconsommation de terres agricoles, il fallait en affecter le produit au financement d’actions tendant au maintien d’activités agricoles sur le territoire, notamment à l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, qui nous paraît primordiale pour l’avenir de notre agriculture. Il n’était pas possible de prendre une initiative parlementaire en ce sens, mais nous attendons que le Gouvernement fasse des propositions.

D’autre part, la commission a institué le compte épargne d’assurance pour la forêt, afin d’aider au développement du marché de l’assurance des bois et forêts. La forêt française reste en effet une « belle endormie », qu’il convient d’exploiter davantage, plutôt que de recourir à des importations de pays ne respectant pas toujours les règles d’une gestion durable de la forêt.

Je laisserai mon collègue co-rapporteur, M. Charles Revet, vous parler du titre IV relatif à la pêche maritime et à l’aquaculture, thème qui lui est cher.

Le titre V a également été modifié, pour permettre la pleine application de la LMAP à l’outre-mer.

La commission ne s’est pas contentée d’examiner les dispositifs proposés par le Gouvernement dans le projet de loi. Elle a, de sa propre initiative, ouvert deux chantiers.

D’une part, l’accompagnement à l’installation fait l’objet de deux articles additionnels, notamment afin d’encourager l’installation sous forme sociétaire. Là aussi, les professionnels attendent une unification du statut social des porteurs de projet d’installation, à propos de laquelle nous espérons des propositions du Gouvernement.

D’autre part, la commission a ouvert un volet social et fiscal, la question des charges étant fondamentale. Elle a adopté plusieurs dispositifs fiscaux, sur lesquels nous pourrons revenir en détail au cours de la discussion des articles.

Certes, les mesures proposées ne représentent pas des sommes faramineuses, mais nous avons essayé, compte tenu du contexte, d’obtenir des avancées. J’espère que la discussion en séance publique permettra quelques aménagements supplémentaires, car des attentes subsistent.

D’abord, il est indispensable, pour permettre le développement de l’assurance, de mettre en place un dispositif pouvant aller jusqu’à la réassurance publique, en complément de la réassurance privée, pour faire face à des évènements climatiques exceptionnels et massifs.

Ensuite, il existe des attentes qui excèdent le champ du texte. Face à la crise, il est souhaitable que l’État joue un rôle d’accompagnement et de réorientation des agriculteurs. La seule solution ne doit pas être l’arrêt de l’activité. Il faut aider à la reconversion des exploitations, lorsque celle-ci leur permet d’être viables à moyen terme.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, nous avons des attentes à l’échelon européen. La commission des affaires européennes, présidée par M. Jean Bizet, et la commission de l’économie, présidée par M. Jean-Paul Emorine, viennent de créer un groupe de travail conjoint sur la réforme de la politique agricole commune.

Le Parlement devra peser sur les négociations. Au cours de la discussion de la LMAP, nous devons réaffirmer notre souhait d’une meilleure régulation européenne des marchés, pour porter plus fermement encore cette exigence auprès de nos partenaires européens, nombreux à se rallier aujourd’hui à cette position, grâce à votre précieux concours, monsieur le ministre.

Je conclurai par deux mots-clefs : compétitivité et modernisation.

La compétitivité est aujourd’hui essentielle : elle n’est pas un choix, mais une contrainte. Toutefois, nous ne devons pas limiter notre recherche à la compétitivité-coût. L’agriculture française est riche de ses filières de qualité, mais aussi de ses terroirs. Sachons les valoriser, et nous permettrons à toute une agriculture de petites et moyennes exploitations de trouver sa place dans l’économie agricole, avec des niveaux de rémunération acceptables.

La modernisation est un outil et un mouvement perpétuel. Parler de modernisation aujourd’hui ne signifie pas que l’agriculture française ne s’est pas modernisée pendant toutes ces années. Au contraire, beaucoup d’efforts ont été faits. Il s’agit simplement de donner à notre agriculture les armes pour se battre dans la compétition mondiale.

Ce projet de loi propose un chemin qui n’est ni le « tout-marché » ni la régulation par les outils du passé, que la France, au demeurant, n’a pas les moyens de mettre en œuvre toute seule. Aux illusions, aux proclamations vaines, je préfère la responsabilisation des acteurs. Ce texte traduit une profonde confiance dans notre agriculture, mais aussi dans sa capacité à rebondir après la crise.

L’agriculture reste essentielle à notre pays. Comme le disait le Président de la République dans un récent entretien avec la presse spécialisée agricole, « l’agriculture, en matière économique, c’est aussi important que le spatial, que l’aéronautique ou que l’industrie. »

J’ajoute que l’agriculture est également vitale pour la vie de nos territoires, dans tous ses aspects, pas seulement économiques.

Je ne doute pas que nos travaux seront l’occasion d’échanges passionnants et passionnés, qui permettront d’enrichir encore ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –Mme Françoise Férat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner à mon tour la qualité du travail mené en commun avec les services du ministère.

J’évoquerai plus particulièrement le volet du projet de loi relatif à la pêche et à l’aquaculture, que l’on a parfois tendance à oublier, alors qu’il n’est pourtant pas anecdotique.

Avec six articles, le titre IV du projet de loi répond à un double impératif : développer l’exploitation de la mer et moderniser la gouvernance des pêches maritimes et de l’aquaculture.

Je me permettrai tout d’abord d’insister sur l’impératif de développement de la production. La France importe aujourd’hui de 80 % et 85 % des produits de la mer qu’elle consomme, alors qu’elle dispose, avec les États-Unis, de la plus grande zone économique maritime du monde. Sa façade maritime est immense, même si l’on ne prend en compte que les territoires métropolitains ; elle l’est plus encore si l’on considère l’étendue des espaces maritimes de l’outre-mer. Il y a là un grand paradoxe !

Au sein de la filière des produits de la mer, l’aquaculture marine est très peu développée. Elle repose essentiellement sur la conchyliculture, et en particulier sur l’ostréiculture. La pisciculture marine est marginale : avec moins de 8 000 tonnes produites chaque année et un chiffre d’affaires d’un peu plus de 50 millions d’euros, notre pays n’est pas à la hauteur de ses potentialités. Il nous faut impérativement développer celles-ci, pour améliorer la couverture de nos besoins. N’oublions pas, par ailleurs, que la mer constitue un enjeu important en vue de la satisfaction des besoins alimentaires futurs de l’humanité.

L’article 19 du projet de loi vise à sortir de ce sous-développement. Conformément aux recommandations du rapport Tanguy de 2008, il prévoit un zonage des sites propices à l’aquaculture sur le littoral. En effet, dans ce domaine, l’absence d’une carte des sites possibles constitue le principal obstacle aux projets, qui, du coup, sont constamment contestés au nom d’usages différents, et peut-être plus rémunérateurs, du littoral.

La commission a souhaité améliorer le texte en renforçant le schéma régional de développement de l’aquaculture, qui devra être établi dans l’année suivant la promulgation de la loi et qui sera placé au même niveau que les autres documents de planification.

Par ailleurs, la commission a introduit un article additionnel visant à mettre davantage en cohérence les schémas régissant l’utilisation du littoral, à travers la création d’une conférence régionale sur l’utilisation de la mer et du littoral, qui se réunirait tous les cinq ans.

En effet, les différents schémas ne doivent pas conduire à empêcher purement et simplement l’activité économique de prospérer sur le littoral ! Or cette tendance est à l’œuvre, et elle fait peser une menace sur notre potentiel de production d’origine marine. Mettons un terme à cette évolution, pour retrouver le chemin de l’ambition en matière de pêche et d’aquaculture !

Moderniser la gouvernance de la pêche et de l’aquaculture constitue le second objectif du titre IV. Plusieurs outils sont mobilisés dans cette perspective.

Tout d’abord, scientifiques et pêcheurs sont incités à développer une analyse commune de l’état de la ressource au sein d’un comité de liaison scientifique et technique. Il faut qu’ils constatent ensemble la réalité de la situation, ce qui devrait permettre d’améliorer leur compréhension des problèmes et d’éviter certains conflits ! La commission a approuvé la création de cette instance ; elle a prévu également que les analyses devront pouvoir être effectuées en situation réelle, à bord des navires de pêche.

Ensuite, le texte donne davantage de responsabilités aux organisations de producteurs : gestionnaires des sous-quotas, elles distribueront désormais également les autorisations de pêche pour les espèces soumises aux quotas communautaires et disposeront, à l’égard de leurs membres, d’un plus grand pouvoir de sanction, afin d’améliorer le contrôle des pêches. La commission a également approuvé cette orientation.

Enfin, le dernier axe d’amélioration de la gouvernance concerne l’organisation interprofessionnelle des pêches maritimes et élevages marins. Resserrée autour des seuls producteurs, celle-ci voit le nombre de ses structures réduit, autour du comité national, des comités régionaux et des comités départementaux, ces derniers absorbant les comités locaux.

En effet, la profession n’a plus les moyens d’entretenir une organisation pléthorique : une réforme s’imposait, qui n’interdit pas le maintien, à l’échelon local, d’une structure de proximité, dès lors que celle-ci semble utile et s’appuie sur un potentiel suffisant.

L’examen de l’article 21 permettra peut-être de préciser les missions et le fonctionnement des comités des pêches à leurs différents échelons. L’article 22 prévoit de réformer dans le même sens l’organisation professionnelle de la conchyliculture.

Enfin, je signale que la commission a fait œuvre utile en précisant directement la procédure d’information et de consultation du public sur les décisions publiques relatives à l’exercice de la pêche maritime, alors que le texte initial renvoyait ce soin à une ordonnance.

À ce stade, je souhaiterais ouvrir une brève parenthèse pour indiquer que la courte période séparant le passage en commission de ce texte de son examen en séance publique a été marquée par la publication, le 7 mai dernier, de quatre ordonnances prises en application de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures de 2009. Celles-ci ont renuméroté certaines partie du code rural et intégré les divers textes législatifs concernant la pêche maritime et l’aquaculture au sein d’un nouveau titre IX de ce code, rebaptisé pour l’occasion « code rural et de la pêche maritime ». Cela obligera la commission à présenter plusieurs amendements de coordination avec la nouvelle numérotation. Espérons que nous nous y retrouverons, car ces changements confèrent un degré de complexité supplémentaire à l’examen de ce texte !

Pour en revenir au fond, la partie « pêche et aquaculture » du projet de loi n’est pas la plus visible du texte, même si elle n’en constitue pas non plus le parent pauvre. Toutefois, il faut noter que, comme pour l’agriculture, nous sommes ici dans un domaine fortement soumis à la réglementation communautaire.

Une discussion a lieu actuellement sur la réforme de la politique commune de la pêche. Le mémorandum français établi en février 2010 a jeté les bases de la position de notre pays, qui est attaché à une approche responsable et équilibrée de l’exploitation de la mer, ainsi qu’au maintien d’une intervention publique substantielle.

Cette vision est largement partagée, mais les enjeux de la pêche ne se réduisent pas à la politique commune. J’espère que la discussion au Sénat du titre IV du projet de loi permettra d’évoquer quatre aspects qui, à mes yeux, sont essentiels pour le bon fonctionnement du secteur de la pêche.

Premièrement, l’avenir de la pêche, comme celui de l’agriculture, passe par l’installation de jeunes. Or les investissements initiaux sont colossaux. Nous devrons donc être capables de mobiliser des financements pour faciliter l’acquisition de nouveaux bateaux, plus performants, notamment sur le plan énergétique, et pas seulement pour sortir de la flotte des pêches des navires obsolètes.

Deuxièmement, l’avenir de la pêche passe par la construction d’un instrument performant en aval. En effet, la transformation est un facteur clef du succès des filières : la coquille Saint-Jacques en offre un bon exemple, avec des usines de surgélation qui absorbent les pics de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Troisièmement, la question des rejets devra être traitée plus efficacement qu’aujourd’hui, car ceux-ci sont inacceptables sur les plans écologique et économique.

Il s’agit là d’un scandale d’autant plus choquant que des taux de rejet pouvant atteindre 50 % ont été signalés... Ne jetons pas la pierre aux pêcheurs : c’est souvent l’absurdité des réglementations qui explique une telle situation.

Quatrièmement, nous devrons également réfléchir au développement de la pêche lointaine, en particulier celle qui est menée à partir des territoires ultra-marins. En effet, alors que de larges espaces maritimes ne sont pas soumis à des limitations de captures, la flotte française ne prélève qu’une infime partie de leur potentiel de pêche. Ainsi, autour des îles Kerguelen, il serait vraisemblablement possible d’augmenter nos capacités de pêche.

Même si nombre de ces aspects ne font pas directement l’objet du texte qui nous est soumis, nous devons avoir ces problématiques à l’esprit lorsque nous légiférons sur la pêche et l’aquaculture.

En effet, personne ne nous demande de renoncer à une pêche et à une aquaculture compétitive. Je m’attacherai, durant cette discussion, à défendre les ambitions des pêches françaises et de l’aquaculture. Il existe là, je le répète, un important potentiel, que nous avons le devoir de développer ; dans cette perspective, il nous appartient de nous doter des moyens nécessaires.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous ici des familiers du monde agricole. Notre présence, nombreuse, n’est qu’un faible écho de la détresse de nombreux agriculteurs, notamment dans le secteur laitier, que les élus du département de la Manche connaissent bien.

La LMAP est à la fois un appui dont les agriculteurs ont besoin et une étape dans le retour vers la confiance du monde agricole. L’examen de ce projet de loi est un temps d’écoute et d’espoir. Toutefois, il doit être aussi un moment de vérité, même si celle-ci n’est ni facile à dire ni agréable à entendre. En effet, si la situation française est connue de tous, le contexte européen n’est guère plus favorable ; il est même, à certains égards, assez anxiogène.

Tout d’abord, malgré les discours apaisants du commissaire européen chargé de leur secteur, les agriculteurs ont quelques raisons de craindre que la Commission et certains États membres ne préparent le démantèlement de la PAC. Les DPU, les droits à paiement unique, sont contestés ; les aides de marché s’effritent. Le concept même d’intervention est suspect, tandis que celui de régulation peine à recevoir un contenu concret. Seul le deuxième pilier de la PAC semble trouver des appuis, mais c’est presque pire pour les agriculteurs producteurs, qui ne peuvent se résoudre à un tel glissement vers le développement rural et paysager !

Ainsi, année après année, le cadre institutionnel semble se désagréger. Nos agriculteurs ont le sentiment diffus de la fin d’une époque ou, pis encore, d’un abandon. Bien sûr, la France n’est pas à l’origine de cette évolution – nous avons tous entendu le Président de la République affirmer la plus ferme détermination –, mais l’impression générale reste d’un lent délitement.

Le deuxième élément anxiogène est l’évolution du marché européen. Une telle mise en perspective était l’objet du rapport sur le prix du lait dans les États membres de l’Union européenne, dont la commission des affaires européennes m’avait confié la rédaction l’année dernière. Comment nous situons-nous par rapport à nos partenaires ? Quelles sont les perspectives ? Sur ces deux points, il faut admettre que nous pouvons nourrir quelques inquiétudes.

En ce qui concerne les prix, il existe aujourd’hui un différentiel qui n’est pas favorable à la France : il atteint 15 % avec l’Allemagne, et jusqu’à 30 % avec d’autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Or, tant qu’il y avait des quotas, les marchés nationaux étaient relativement cloisonnés. Sans ce dispositif, ils sont ouverts, et, par conséquent, les prix sont comparés.

Un industriel qui produit pour le marché communautaire peut-il vendre au prix européen et acheter au cours français ? Peut-on reprocher à nos compétiteurs d’essayer de tirer parti de leur avantage-prix ?

Or cette compétition européenne n’en est qu’à son tout début, comme le montre l’analyse de l’évolution des marchés en 2009. En effet, face à la crise du secteur laitier, deux stratégies étaient possibles. L’une, celle de la France et de plus de la moitié des pays membres de l’Union européenne, a consisté à réduire les volumes pour faire remonter les prix ; l’autre, celle de l’Allemagne et des pays de l’Europe du Nord, dont les prix sont très compétitifs, a consisté à compenser les prix par les volumes.

En France, les importations de lait en provenance d’Allemagne ont bondi de 60 % en 2009. Les grands groupes laitiers d’Europe du Nord, eux aussi, mènent une stratégie de développement au Sud, c’est-à-dire chez nous. Nous ne pouvons les en blâmer, car nous ne pouvons nous plaindre du jeu de la concurrence quand il nous est défavorable et nous en satisfaire quand il nous est profitable : si la compétition est dure pour le lait, elle nous est favorable pour d’autres produits, des divergences existant entre secteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Effectivement !

Comment répondre ? La pire des choses serait de se fermer. On ne peut créer d’alliances à propos de la PAC en renversant les camions de ses partenaires.

À mon sens, deux issues différentes mais complémentaires s’offrent à nous : soit jouer la concurrence – nous avons des marges et des atouts pour gagner en compétitivité –, soit jouer la carte de la valeur ajoutée en organisant des filières, en impliquant les producteurs dans la fabrication de produits finis ou dans la commercialisation, en créant des concepts, en quittant le seul segment de la production pour se rapprocher du consommateur. La première finalité du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est d’opérer cette préparation.

Dans ce contexte européen particulièrement difficile pour nos éleveurs, l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est aussi l’occasion de poser quelques jalons qui pourraient être utiles pour la préparation de la prochaine PAC.

La première bataille à conduire est celle des mots et des idées. L’indépendance et la sécurité alimentaires doivent rester des objectifs prioritaires et non négociables. C’est important pour nous, Européens, mais aussi pour les autres. Nous ne pouvons faire reposer la sécurité alimentaire sur des approvisionnements extérieurs, comme le voudraient les tenants de la spécialisation internationale. Ce qui était vrai hier l’est encore plus aujourd’hui, dans le nouveau contexte d’extrême volatilité des prix. En effet, si l’Europe pourra toujours payer pour se nourrir, quel que soit le prix, les pays les plus pauvres ne le pourront pas et seront évincés. La sécurité alimentaire des Européens est donc aussi celle de tous.

Ces deux concepts de l’indépendance et de la sécurité alimentaires doivent rester au cœur de la stratégie européenne. En revanche, je crois possible de prendre quelque distance avec des notions qui nous sont familières mais qui heurtent souvent nos partenaires. Je pense, par exemple, à la préférence communautaire : c’est une demande des agriculteurs nationaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

… et il est normal, monsieur le ministre, que vous y ayez prêté attention.

Toutefois, une vision européenne m’oblige à tempérer cette ardeur. Ce concept, jugé parfois protectionniste, a toujours fait débat. Mais, dans la stratégie d’alliance que j’appelle de mes vœux, il nous faut écouter nos partenaires : disons-le clairement, ils n’en veulent pas. Faut-il en faire un drame ? Ne serait-il pas possible de nous retrouver sur des concepts de substitution plus acceptables, voire plus positifs ? Une politique de proximité et d’excellence aurait le même effet qu’une politique de préférence, sans en présenter les inconvénients. Si nous voulons sauver la PAC, il faut retravailler les concepts. Le débat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en est l’occasion.

La seconde bataille européenne est celle de l’organisation. La répétition des crises en Europe dans différents domaines a mis en lumière un défaut de réactivité et une hétérogénéité entre États membres. Ces handicaps s’appliquent aussi à la PAC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La dérégulation a entraîné la volatilité des prix. Il est important d’ajuster le temps politique au temps des marchés et, par conséquent, de donner de la réactivité à l’action européenne.

De même, la concurrence sera d’autant mieux acceptée que les producteurs auront le sentiment que les règles sont équitables et respectées. La crise monétaire a montré l’importance qu’il fallait accorder à la discipline collective. Cela vaut aussi pour l’agriculture, bien entendu. Attention, toutefois, aux comparaisons trop hâtives et partielles : il suffit de circuler en Europe pour se rendre compte que chaque État se plaint des pratiques de son voisin et concurrent, qui, lui-même, dénonce en retour telle ou telle disposition qu’il juge déloyale. Nous n’avons rien à gagner, me semble-t-il, à ce grand déballage, qui ne sera jamais exhaustif et manque de faire éclater l’homogénéité qui nous reste.

Plutôt que de nous déchirer pour trouver des fautifs, il nous faut conduire une réflexion sur ce que la PAC nous a apporté collectivement. N’ayons pas peur de son évaluation, qui permettra de déterminer, j’en suis convaincu, sa valeur ajoutée européenne, curieusement contestée aujourd’hui.

La réforme de la PAC est anxiogène parce qu’elle est portée par un discours d’abandon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il faut trouver un discours positif. Je crois que les agriculteurs sont d’accord pour de nouvelles règles du jeu, à condition de disposer des outils pour participer et des atouts pour gagner. En d’autres termes, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche peut, à travers la contractualisation, organiser les rapports entre producteurs et fabricants et tendre à les rééquilibrer. Cette loi est une étape vers la maturité d’un secteur plus organisé, mais il faudra aussi donner aux producteurs les chances de peser dans la négociation, fût-ce en faisant évoluer le droit de la concurrence.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche offre une occasion de redonner du sens à l’action collective. La PAC ne sera sauvée que si l’opinion publique a le sentiment qu’elle est utile, qu’elle lui est utile. N’ayons pas peur d’ouvrir les portes, de travailler en commun avec nos partenaires, comme avec le citoyen-consommateur. C’est ensemble que nous devons négocier ce tournant de l’histoire ; c’est ensemble que nous réussirons.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture et la pêche connaissent une situation de crise sans précédent : pertes de revenus supérieures à 30 %, remboursement d’aides qui ont été versées alors qu’elles n’étaient pas « eurocompatibles », incertitudes quant à l’avenir de la PAC après 2013…

Notre responsabilité collective est donc majeure : il s’agit à la fois d’apporter des réponses aux situations de détresse qui se multiplient et de proposer des perspectives d’avenir crédibles à nos agriculteurs et à nos pêcheurs, qui en ont tant besoin.

Malheureusement, monsieur le ministre, le texte qui nous est soumis nous semble éloigné de ces objectifs. Même si je salue le travail important des rapporteurs et de la commission de l'économie, je crains que ces mesures ne se révèlent finalement assez peu efficaces.

Nous le savons tous, les racines du mal résident tout d’abord dans les impasses du modèle libéral, à l’échelon tant mondial qu’européen ou national : loi du marché, libre-échange et dérégulation n’ont fait qu’accentuer la volatilité des prix agricoles, aggraver les crises alimentaires et amplifier la spéculation.

La crise que traverse aujourd’hui le monde agricole illustre les dérives d’un modèle à bout de souffle, privilégiant le court terme et la recherche effrénée de la production au moindre coût. En l’espèce, la question du prix des productions et des mécanismes de formation de ce prix reste cruciale.

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix –rappelons-nous les promesses de « mondialisation heureuse » ! – et plus récemment encore, les chantres de la libéralisation et de la mise en concurrence de toutes les productions et des services ont ainsi prétendu qu’il s’agissait là des solutions miracles aux déséquilibres internationaux. Nous avons, hélas ! pu en observer les effets destructeurs. Depuis 2002, les gouvernements successifs ont contribué à accentuer cette dérive qui a structurellement affaibli notre modèle en matière de pêche et d’agriculture : je pense à la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, dont l’objectif affiché n’était que de faire des exploitations agricoles des entreprises comme les autres, à la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui n’a eu aucun effet sur les prix à la consommation tout en permettant à la grande distribution d’imposer aux exploitants agricoles des prix de moins en moins rémunérateurs

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Pourtant, alors que nous ne cessons d’entendre affirmer, à cette même tribune, que les produits agricoles ne doivent pas être traités comme des biens de consommation comme les autres, force est de constater que, à l’échelon des négociations mondiales, rien ne semble bouger. Les règles de l’OMC ne prennent quasiment pas en compte les facteurs non commerciaux tels que la reconnaissance primordiale du droit à la santé, avec le principe de précaution, ainsi qu’à une alimentation suffisante et saine, la lutte contre le changement climatique, le respect des ressources naturelles et de la biodiversité, sans parler du respect des normes sociales. Monsieur le ministre, y aura-t-il enfin bientôt une véritable volonté de la France, mais aussi de l’Europe, de faire appliquer de nouveaux critères légitimes dans les négociations commerciales, garantissant la reconnaissance des spécificités de l’agriculture européenne ?

Plus grave encore demeure le problème récurrent de l’affaiblissement programmé des finances de l’État. Les lois de finances successives présentent un budget agricole sous-dimensionné et des moyens humains inadaptés pour accompagner sur le terrain les agriculteurs, ce qui laisse la place libre à une gestion de crise par à-coups, sans aucune vision de long terme.

À quoi sert-il d’afficher une volonté de réguler les relations commerciales s’il n’y a plus de moyens humains pour les contrôler ? Pourquoi promettre des outils de gestion quand il n’existe aucun moyen de les mettre en œuvre et de les évaluer dans de bonnes conditions sur le terrain ?

Dans un tel contexte, je déplore aussi le dévoiement du fameux article 40 de la Constitution, la finesse du crible différant parfois selon l’origine des amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cela étant, nul n’est à l’abri d’un oubli !

Par exemple, monsieur le ministre, l’article 40 a été invoqué contre nos amendements visant à réaffirmer l’importance du rôle de l’ex-DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la DSV, la Direction des services vétérinaires, ou des moyens de contrôle de votre ministère, …

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

… alors que nous réclamions simplement que l’État s’engage à assumer ses responsabilités !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Mme Odette Herviaux. Si ce n’est pas de la rigueur, voire de la récession, qu’est-ce donc ?

Marques d’approbations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Le nécessaire rééquilibrage des comptes de l’État ne doit ni aboutir au sacrifice des outils de gestion et d’intervention essentiels ni permettre d’opérer indistinctement des coupes claires dans des budgets ministériels stratégiques, comme l’est celui de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, puisqu’il s’agit selon vos propres termes, monsieur le ministre, d’un secteur stratégique pour la nation.

Au contraire, il conviendrait que le Gouvernement réfléchisse aux impasses d’une politique fiscale particulièrement injuste du point de vue social et singulièrement improductive sur le plan économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Il y va de la place de notre économie, du maintien des emplois de nos agriculteurs et de nos pêcheurs, de la vitalité de nos territoires et de l’équilibre alimentaire de l’Europe.

Or, comment croire encore le Président de la République lorsqu’il prétend abandonner le dogme libéral et promouvoir de nouvelles régulations, sans en définir plus concrètement le contenu, menacer la grande distribution tout en défendant et en préservant la LME, …

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

… faire la promotion du Grenelle II après avoir déclaré que les « normes environnementales, ça suffit », enfin réunir les partenaires la veille du débat pour tenter de « régler le problème » sans attendre le vote du projet de loi dont nous débutons l’examen aujourd’hui ? Quelles promesses fait-il ? Je ne reprendrai pas, à cet instant, les appréciations de certains quotidiens nationaux ou régionaux, mais tout de même : son attention se porte uniquement sur la gestion des périodes de crise dans la filière fruits et légumes, alors que ce sont toutes les filières qui souffrent !

La manifestation des céréaliers, voilà quelques semaines, est symptomatique des limites du modèle productiviste orienté vers les exportations. Ceux qui sont censés être les plus compétitifs, qui reçoivent le plus d’aides européennes, ont eux aussi été rattrapés par la crise !

Face aux désillusions et à la perte de confiance du monde agricole, le présent texte vise à généraliser la contractualisation dans un cadre privé. Si cette dernière présente l’avantage indéniable de clarifier les relations entre producteurs et acheteurs et d’anticiper ce que sera peut-être la future PAC, elle ne remplacera en rien une régulation publique de l’offre agricole à l’échelle européenne. Elle ne prend par ailleurs pas en compte les services rendus par les agriculteurs sur l’ensemble de nos territoires, services qui ont notamment été reconnus dans les CTE, les contrats territoriaux d’exploitation.

En outre, ce texte ne prête que peu d’attention aux hommes, notamment aux jeunes souhaitant s’installer, aux plus âgés en recherche de transmission ou de reconversion, aux retraités n’arrivant pas à s’en sortir avec leur maigre pension. Si l’on met cela en parallèle avec ce qui est envisagé en termes de protection du foncier, on est en droit de s’interroger !

À ce titre, l’Europe sociale que nous appelons de nos vœux consiste non pas à aligner le coût de la main-d’œuvre agricole française sur celui de certains de nos partenaires européens, mais à enclencher une dynamique d’intégration par le haut.

Enfin, en ce qui concerne le secteur de la pêche, je rappellerai tout d’abord que, lors d’une conférence sur le Livre vert qui s’est tenue à Bruxelles au mois de décembre dernier, très nombreux ont été ceux qui ont préconisé une plus grande décentralisation de la politique commune des pêches, afin de prendre en compte certaines spécificités régionales et de reconnaître la diversité des activités impliquant les intervenants du secteur. Il apparaît clairement que seule une approche territorialisée demeure susceptible de permettre une alliance solide entre l’exigence environnementale, la performance sociale et le dynamisme économique. L’uniformisation et la recentralisation de ce secteur, promues au travers du texte qui nous est soumis, ne me semblent pas tenir entièrement compte de ces préoccupations.

Les dispositions relatives à la pêche portent en effet essentiellement sur la structuration et l’organisation de la filière.

L’abandon du caractère interprofessionnel des comités des pêches contredit ainsi la recherche d’une efficacité économique, tandis que l’abandon de la gestion de la ressource aux organisations de producteurs, qui, je le rappelle, ne représentent pas tous les professionnels, peut constituer un risque de régression écologique au regard de l’implication des comités.

Ces comités locaux que vous sacrifiez sur l’autel de la rentabilité ont pourtant fourni toutes les preuves de leur utilité sociale et écologique, qu’il s’agisse de leur implication dans la mise en place de zones protégées ou de la représentation équilibrée de tous les acteurs : armateurs, patrons pêcheurs, mais aussi marins salariés. Selon les régions, leur histoire et leur lien au territoire sont différents, mais toujours très forts. Dans beaucoup de ports, notamment en Bretagne, leur disparition ne peut se concevoir sans une forte amertume.

Par ailleurs, l’absence de proposition concrète pour le financement et la pérennisation des ressources déployées dans le cadre de la restructuration de la filière interdit toute projection et plonge les professionnels dans une angoisse bien compréhensible.

Monsieur le ministre, notre ambition aurait été de faire de ce texte une vraie loi de modernisation agricole, fondatrice d’une agriculture performante, respectueuse de l’environnement, éco-productive, rémunératrice mais plus équitable, pourvoyeuse d’emplois et de productions variées dans tous nos territoires.

Nous formons donc le vœu que vous-même et les rapporteurs de la commission de l’économie soyez plus à l’écoute de l’opposition et, surtout, de la détresse des agriculteurs et des pêcheurs, faute de quoi nous ne pourrons voter ce projet de loi.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois, l’agriculture traverse une crise dont on ne perçoit pas l’issue, tant elle est profonde, durable et générale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la baisse des revenus atteint 32 % en moyenne pour toutes les productions, et même 53 % pour la filière arboricole !

Si quelques secteurs, comme celui des céréales, ont connu récemment deux années fastes avec une montée des cours en 2006 et en 2007, l’agriculture est en permanence soumise à des turbulences, et ce depuis de nombreuses années.

Déjà, en 2005, à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, nous cherchions à donner à ce secteur les moyens de faire face à des difficultés conjoncturelles récurrentes. Depuis, chaque année, lors du débat budgétaire, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », nous faisons le constat de fortes incertitudes économiques.

Bien qu’il soit très combatif et toujours prêt à s’adapter et à se moderniser, le monde agricole est gagné par le désespoir. Comment pourrait-il en être autrement alors que le travail des agriculteurs est en permanence remis en cause ? Quand ce ne sont pas les aléas climatiques qui mettent régulièrement en danger leurs récoltes, ce sont les aléas sanitaires qui frappent brutalement leurs exploitations, avec, pour couronner le tout, la menace permanente de la volatilité des cours ! Quel autre secteur de la vie économique cumule autant de handicaps venus de l’extérieur et vit ainsi dans une insécurité permanente et la peur du lendemain ? Aucun !

Le soutien des pouvoirs publics est donc indispensable afin de ne pas laisser disparaître un monde qui, malgré tout, continue de revêtir une importante dimension stratégique.

En effet, mes chers collègues, la production agricole française porte l’industrie agroalimentaire, dont le chiffre d’affaires a tout de même atteint 138 milliards d’euros en 2007 et qui contribue de façon essentielle aux exportations de notre pays.

L’agriculture est en outre garante de l’équilibre et de l’aménagement du territoire. Elle est le poumon de plusieurs milliers de communes dont la vie économique est totalement dépendante de cette activité. N’oublions pas, par ailleurs, que le défi alimentaire que nous aurons à relever demain impose de créer les conditions du maintien du plus grand nombre d’exploitations possible.

Dans cette perspective, que nous proposez-vous, monsieur le ministre ? Une loi de modernisation agricole.

Ce texte est naturellement bienvenu sur le plan du principe, même si son intitulé surprend : en matière de « modernisation », voilà longtemps que les exploitants font preuve d’une grande capacité d’innovation. Ainsi, au cours des dernières années, malgré un contexte économique défavorable, les rendements se sont améliorés dans quasiment toutes les filières. C’est une simple question sémantique, me direz-vous, mais il me semble important de veiller à donner du monde agricole l’image la plus précise et la meilleure possible.

Aujourd’hui, les agriculteurs ont surtout besoin d’une palette d’outils leur permettant de contrebalancer la libéralisation des marchés agricoles. Je regrette que le projet de loi n’aille pas vraiment dans cette direction. Certes, il contient quelques pistes, en matière de régulation interne, soutenables quant à leurs objectifs.

Oui, monsieur le ministre, il est utile de renforcer la contractualisation afin d’inscrire l’agriculteur dans une relation transparente et équilibrée avec ses acheteurs. Les producteurs de fruits et légumes attendent la suppression des remises, rabais et ristournes, la fin des « prix après-vente » et l’encadrement des annonces de prix hors lieu de vente. À cet égard, un premier pas a été franchi hier soir, avec la signature d’un accord de modération des marges et des prix ; on peut s’en féliciter.

Oui, il est également souhaitable d’encourager l’action des interprofessions pour une organisation plus solide des filières.

Oui, on peut aussi débattre de la façon dont sont organisés les producteurs.

Mais une fois que tous ces points auront été examinés, nous n’aurons pas répondu au problème de la dérégulation progressive de l’agriculture à l’échelle internationale, contexte dans lequel le modèle agricole français, soucieux de performances économiques mais aussi sociales et environnementales, a bien du mal à s’imposer.

Monsieur le ministre, l’Appel de Paris, que vous avez lancé le 10 décembre 2009, a-t-il été bien entendu par nos partenaires européens ? Que nous réserve la PAC après 2013 ? La France recherche un nouveau mode de régulation, tenant compte des efforts des uns et des carences des autres. Nos agriculteurs ne redouteraient pas la concurrence si celle-ci était loyale, nous le savons tous. Mais comment accepter que, dans un marché de plus en plus ouvert, les contraintes qui pèsent sur les agriculteurs soient différentes d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre ? L’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, sous prétexte d’assurer l’accès aux marchés, ne fait qu’organiser une grande braderie agricole. Dans ces conditions, les agriculteurs français souffrent d’un véritable désavantage compétitif. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne me paraît pas, hélas, de nature à inverser le cours des choses.

Pour apporter une réponse plus immédiate à la crise, il aurait été par exemple utile de prolonger l’effort consenti dans la loi de finances rectificative pour 2009 en faveur de l’allègement des charges, qui est un facteur clé de la compétitivité de l’agriculture. Cependant, monsieur le ministre, j’ai cru comprendre, au travers des propos que vous avez tenus hier, que telle n’était pas la direction dans laquelle nous nous engagions.

Mes chers collègues, la situation de l’agriculture est alarmante. Des milliers d’emplois vont encore disparaître si les bonnes réponses ne sont pas apportées dès aujourd’hui. Or, malgré quelques avancées, le présent projet de loi est globalement décevant, et les solutions franco-françaises qu’il comporte seront vite dépassées si notre modèle n’est pas mieux défendu au sein des instances internationales.

En tout cas, monsieur le ministre, les radicaux de gauche considèrent que ce texte ne permettra pas de répondre à la gravité de la crise que subissent les agriculteurs français.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi dit de modernisation de l’agriculture et de la pêche nous est présenté alors que la quasi-totalité des filières sont en crise. Derrière elles, ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui souffrent, mais aussi des collectivités locales qui voient leurs campagnes se vider de leurs paysans et leur agriculture se concentrer à outrance.

Nous partageons la première partie des objectifs que se fixe le Gouvernement, selon lequel « la Nation doit proposer des réponses structurelles aux secteurs de l’agriculture, de la forêt, de l’aquaculture et de la pêche qui sont stratégiques pour continuer à garantir sa sécurité alimentaire, mais aussi participer à sa dynamique économique, contribuer au défi énergétique et environnemental et répondre aux enjeux de l’aménagement du territoire et du maintien d’un tissu rural actif et performant ».

A contrario, la seconde partie de ces objectifs montre que ce texte est avant tout un projet de loi d’adaptation, et non de modernisation, puisqu’il s’agit de préparer « la poursuite des négociations du cycle de Doha à l’Organisation mondiale du commerce, la réforme de la politique agricole commune de 2013 et de la politique commune des pêches en 2012 ».

L’objectif d’adaptation au cycle libéral et interminable de Doha est pour le moins inquiétant pour notre agriculture. Il faut sortir ce secteur du champ de ces négociations.

L’objectif d’adaptation à la politique commune des pêches de 2012 et à la politique agricole commune de 2013 nous laisse profondément dubitatifs quand nous lisons le rapport de l’eurodéputé libéral britannique George Lyon, qui propose une PAC plus équitable, plus durable et plus verte. Pour ce monsieur, une agriculture « équitable » signifie une agriculture productive et compétitive bordée de « filets –minimaux – de sécurité pour gérer la volatilité extrême des marchés ». Cet exemple en dit long sur l’adaptation à laquelle il va falloir procéder !

Quant à l’aide de base à l’hectare, également prévue pour 2013, si elle n’est pas encadrée, elle peut devenir une formidable prime à l’agrandissement démesuré des exploitations, au détriment de celles de taille humaine et familiale.

Alors, modernisation ou adaptation ? Dans les deux cas de figure, il faut être vigilant, tant le terme « modernisation » a pu figurer dans l’intitulé de lois en réalité très régressives.

Je voudrais à présent revenir sur le travail de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, laquelle a amélioré le texte sur certains points sans en changer l’économie générale.

Nous apprécions cependant la suppression de l’article consacré au statut d’agriculteur-entrepreneur, ainsi que les mesures tendant au renforcement des circuits courts, de la situation des producteurs de fruits et légumes frais et du rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Nous partageons également le souhait de voir mettre en place une réassurance publique pour l’assurance-récolte, ainsi qu’une meilleure coopération entre pêcheurs et scientifiques. Voilà pour les principales évolutions par rapport au texte initial.

En revanche, nous regrettons que la commission ait supprimé l’article créant une taxation des plus-values sur les cessions de terrains, alors qu’il aurait été préférable de revaloriser celle-ci au profit des collectivités locales et de l’installation des jeunes agriculteurs.

L’article relatif à l’installation sous forme sociétaire qui a été inséré par la commission est quant à lui beaucoup trop restrictif au regard de la diversité de la demande.

Par ailleurs, si le lissage fiscal proposé relève certes de bonnes intentions, concernera-t-il l’ensemble des statuts agricoles ?

Enfin, nous regrettons que la commission, en dépit de la volonté commune affirmée par une très grande majorité de ses membres, ne soit pas revenue sur les dispositions très négatives de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Je reviendrai dans quelques instants sur l’article 3, qui est la clé du texte. Rien n’y garantit des prix rémunérateurs aux producteurs ; en l’état, les dispositions de la LME ont d’ailleurs un effet inverse.

Pour l’heure, intéressons-nous au texte de la commission, sur lequel nous sommes appelés à nous exprimer.

Au titre Ier, l’article 1er tend à définir et à mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation. Ce titre est le plus consensuel et le plus positif du projet de loi, puisqu’il s’agit de promouvoir les circuits courts et les productions locales, ainsi que d’informer les consommateurs sur l’origine des produits et sur la présence, fréquente, de colorants, de conservateurs, d’OGM et autres éléments dont les effets sur la santé humaine restent incertains.

L’enseignement général et les familles doivent prendre à bras-le-corps les questions liées à l’alimentation, à l’approvisionnement, à la préparation des mets, au repas structuré. Or le texte reste flou sur les impératifs sociétaux. Les conditions de vie de nos concitoyens, soumis à rude épreuve en matière de revenus, de rythmes de travail et de logement, ne facilitent pas une évolution positive dans ce domaine vital qu’est l’alimentation.

Quant à l’article 2, il tend à donner carte blanche au Gouvernement pour tirer les conséquences des états généraux du sanitaire. Nous en demanderons la suppression dans la mesure où il conforte la RGPP.

Le titre II est le cœur de ce texte. Ses dispositions sont censées permettre d’améliorer le revenu agricole, mais restent très éloignées des crises récentes, de leurs causes et des remèdes efficaces à y apporter.

Le titre II est intitulé « Renforcer la compétitivité de l’agriculture française ». Mais jusqu’où cette compétitivité peut-elle aller ? S’il s’agit de rivaliser avec les prix mondiaux, la bataille est perdue d’avance ; s’il s’agit de produire toujours plus de quintaux à l’hectare ou d’animaux au mètre carré, c’est très inquiétant pour l’environnement.

La contractualisation encadrée et renforcée nous est présentée comme la solution idéale. La LME, ou loi de modernisation de l’économie, restant effective, permettez-moi d’en douter, d’autant qu’une telle contractualisation existe déjà dans le code rural et de la pêche maritime et n’a pas été utilisée.

Monsieur le ministre, la seule bonne loi de nature à favoriser des revenus agricoles rémunérateurs est une loi qui fera hurler les tenants de la grande distribution. Pour l’instant, je n’entends ni ne vois rien de nouveau : les centrales d’achat continuent d’imposer leur loi d’airain, leurs propres règles, et élargissent leur dictature, y compris sur les produits biologiques, pour modéliser ce type d’agriculture, comme elles l’ont fait pour l’agriculture conventionnelle.

L’accord sur les fruits et légumes intervenu hier avec la grande distribution ne garantit en rien des prix rémunérateurs, dans la mesure où il se réfère aux années passées, au cours desquelles les prix étaient particulièrement bas. Il en faudra bien plus pour désamorcer les crises à répétition.

Nous proposerons donc d’amender cette partie du texte, afin d’interdire la vente à perte, de définir un prix plancher au-dessous duquel on ne peut vendre et un prix minimum indicatif. Nous souhaitons en outre que soient obligatoirement précisés dans le contrat le prix payé et les conditions de résiliation.

Quant au coefficient multiplicateur, voté mais rarement appliqué, il mérite d’être adapté et élargi, car il porte dans son principe l’équilibre entre producteurs et distributeurs, tout en respectant le consommateur. Il devrait être à la base d’une réflexion économique approfondie et généralisée pour assurer cet équilibre à tous les niveaux. Nous sommes ouverts à toute proposition constructive dans ce domaine, monsieur le ministre.

La réactivation de l’Observatoire des distorsions de concurrence est une bonne mesure. Pour ce qui concerne un autre observatoire, celui des prix et des marges, nous tenterons de renforcer encore ses prérogatives, dans le but notamment d’obtenir des centrales d’achat et de la grande distribution les données qu’elles refusent aujourd’hui de transmettre, sous couvert du secret commercial.

L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doit devenir un véritable outil d’information, de prospective et d’alerte de la profession, pour anticiper et éviter les crises.

À propos des interprofessions, nous entendons améliorer leur fonctionnement en promouvant une gouvernance plus démocratique. Leur incapacité à réguler les volumes et les prix témoigne non seulement des dysfonctionnements du système, victime de la dictature des marchés, mais aussi d’une docile adaptation des responsables en leur sein.

Nous l’avons dit et redit, la concentration des organisations de producteurs, coopératives ou non, n’est pas une garantie de meilleurs prix agricoles. Il existe déjà des mastodontes qui ne pèsent pas lourd face aux centrales d’achat. Plus inquiétant est le lien qui va s’établir entre les producteurs et les organisations de producteurs, afin que personne ne reste au bord du chemin, parce que « trop petit », « trop éloigné » ou « trop revendicatif ». Monsieur le ministre, la crise laitière vient de mettre ces risques en évidence. Des dispositions législatives doivent y pallier.

Par ailleurs, l’assurance récolte est un vrai sujet, auquel nous sommes tous attachés.

D'une part, le niveau de revenu est la première condition nécessaire pour que chacun puisse assurer sa récolte. D'autre part, au mécanisme prévu par le projet de loi, qui confie cette responsabilité aux grands groupes d’assurance privés, nous préférons une solution publique et mutualisée.

Monsieur le ministre, la timidité du Gouvernement en matière de réassurance publique du système proposé interpelle l’ensemble des sénateurs sur sa volonté réelle d’aboutir. Si celui-ci est adopté, il doit être non lucratif pour les grands groupes d’assurance et intégré dans leur volet « développement durable ».

Le projet de loi entérine la vision mercantile de la gestion de la forêt soutenue par Nicolas Sarkozy dans son discours d’Urmatt.

La politique engagée dans ce domaine recèle énormément de dangers pour l’avenir de notre patrimoine forestier. Elle signe l’abandon de fait du principe de la gestion multifonctionnelle de cette forêt, pourtant inscrite dans la loi, en lui appliquant une gestion purement mercantile.

La gestion forestière ne s’appréhende qu’à très long terme. Or la révolution, c'est-à-dire le temps nécessaire qui sépare deux peuplements forestiers, se situe à l’échelle du siècle. Il est donc impératif de soustraire la gestion forestière aux influences et aux aléas du marché.

C'est la raison pour laquelle le code forestier confie l’ensemble des forêts publiques françaises à l’Office national des forêts.

C'est aussi pour cette raison qu’a été institué un versement compensateur : ainsi, chaque collectivité, quelle que soit la valeur marchande de sa forêt, peut bénéficier de la même qualité de gestion.

Si le domaine forestier français va mal, la responsabilité en incombe d’abord à l’État, et doublement : il s’est désengagé du financement du service public forestier, et ce au mépris de la loi ; il prône une politique de réforme générale des politiques publiques entraînant baisse des effectifs et hausse des récoltes.

Pourtant, les tempêtes qui dévastent cycliquement la forêt française démontrent qu’il n’est pas sérieux de maintenir cette politique de réduction des effectifs, de suppression des triages et de fermeture des services administratifs de proximité.

J’en viens maintenant au titre IV, qui vise à moderniser la gouvernance de la pêche.

La mise en œuvre des dispositions qu’il prévoit va conduire aux mêmes déficiences démocratiques que celles qui existent déjà en matière agricole. M. Revet, rapporteur du texte, a raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Si les pêcheurs et les scientifiques doivent travailler ensemble, il est également urgent, eu égard aux enjeux de biodiversité, que les recommandations du Grenelle de la mer, notamment la protection des aires marines, soient mises en œuvre.

Cependant, il est à noter que la question de la situation économique et sociale des pêcheurs et de leurs familles et de toutes les activités qui en dépendent ne figure ni dans le chantier opérationnel défini par M. Borloo en avril dernier ni dans le présent projet de loi.

Monsieur le ministre, ce texte comporte certes des dispositions de bon sens, mais il ne remet pas en cause les logiques de marché, de concentration et de productivisme, qui ont fait tant de mal à la profession depuis des décennies. Vous reconnaissez vous-même que le droit européen à la concurrence doit évoluer, pour donner un peu plus d’efficacité à ce texte, notamment en matière de revenu agricole. Le fait d’attendre cette évolution d’une Europe divisée et libérale, qui se complaît dans le cadre du traité de Lisbonne, n’est-il pas un leurre ?

Aucune disposition n’interdit la spéculation sur les denrées agricoles. Rien ne limite les importations abusives extranationales ou extracommunautaires pour casser les prix à la production. De surcroît, je l’ai dit, la LME reste effective.

La profession attendait également un volet social, absent de ce texte, notamment sur le dossier brûlant des retraites agricoles et celui des préretraites. Cela permettrait à ceux qui souffrent le plus de quitter le métier dans des conditions acceptables.

Les semaines et les mois à venir nous serviront de baromètre pour mesurer les effets éventuels de ce projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui, dans son adaptation à la future PAC et aux contraintes de l’OMC, aura bien du mal à dégager une vision optimiste pour l'ensemble de l’agriculture française et européenne.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’état, nous ne pouvons voter ce texte. Nous soutiendrons ce qui va dans le bon sens paysan et nous combattrons tout ce qui porte atteinte au développement d’une agriculture durable à dimension humaine et sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l’été dernier, nous n’avons cessé de parler de la crise agricole et de la chute exceptionnelle de revenus que subissent nos agriculteurs.

À l’automne, le Gouvernement a identifié les besoins et conçu un plan de soutien à la profession. Pour l’essentiel, les besoins ont été bien ciblés et des crédits très importants ont été débloqués. Mais une grande partie d’entre eux a été accordée sous forme de prêts bonifiés, qui, malheureusement, viennent s’ajouter à la dette, déjà très lourde, des agriculteurs.

Bien entendu, au lendemain du bilan de santé de la PAC et à la veille de l’ouverture des négociations en vue d’aboutir à une nouvelle PAC pour 2013, les marges de manœuvre nationales pour moderniser et dynamiser l’agriculture sont bien étroites. Elles le sont d’autant plus dans ce contexte de crise générale, et tout particulièrement de crise budgétaire qui impose une rationalisation de la dépense publique.

Le défi est pourtant de taille : trouver des réponses appropriées à des problématiques différentes en agriculture, qu’il s’agisse des grandes cultures, de l’élevage ou de la production de fruits et légumes.

Deux de mes collègues de l’Union centriste interviendront aussi lors de la discussion générale : Daniel Dubois abordera le problème de la compétitivité et Jean-Claude Merceron vous fera part de ses réflexions au sujet de la pêche.

En ce qui me concerne, je souhaite aborder ici le chapitre des assurances, qui constitue selon moi l’innovation principale de ce projet de loi.

Dans le Sud-Ouest, de nombreux agriculteurs se sont retrouvés dans des situations dramatiques après de violentes intempéries. J’attache donc une importance toute particulière à tout ce qui touche à la problématique des assurances, et je souhaite ardemment que les choses avancent au plus vite.

Il faut sécuriser les revenus des agriculteurs. Dans cette perspective, l’assurance est un point fondamental. Autour du président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à souhaiter depuis de nombreuses années la mise en place d’une assurance récolte à l’image de ce qui est fait dans de nombreux pays.

Grâce à la participation de Bruxelles et au cofinancement de l’État et grâce à vous, monsieur le ministre, qui vous êtes battu pour ce texte, ce sera chose faite avec la LMAP que vous nous présentez. C’est un texte court, mais très important.

Je suis heureux d’avoir apporté ma pierre à l’édifice, au travers de l’amendement de réécriture de l’article 9, adopté en commission et fusionné avec celui du rapporteur, Gérard César. Je me réjouis d’avoir permis l’amélioration du fonctionnement du futur fonds national de gestion des risques en agriculture, et je remercie sincèrement tous les acteurs ayant contribué à cette avancée, particulièrement vos services, monsieur le ministre.

J’exprimerai cependant un regret : contrairement à ce qui avait été annoncé par le Président de la République, le projet de loi ne prévoit pas l’intervention de l’État en tant que réassureur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Je suis convaincu que l’assurance publique conditionne le bon développement des assurances, comme c’est le cas dans bien des pays, notamment en Italie, en Espagne et aux États-Unis.

Certes, nous sommes sur le bon chemin, mais nous risquons de perdre beaucoup de temps. Il nous faut aller plus loin.

Si, aujourd’hui, le projet de loi sécurise les agriculteurs face aux risques climatiques et sanitaires, demain, cette assurance devra être étendue aux risques économiques ; c’est à ce prix que les exploitations agricoles pourront être pérennisées dans leur diversité.

Cela étant, il n’y aura pas de développement important de l’assurance récolte sans réassurance de l’État.

En effet, il est certain que les assureurs ne seront pas en mesure de couvrir les exploitants agricoles contre ces risques, puisque les contraintes prudentielles auxquelles ils sont soumis les en empêchent, sans compter que ces règles seront considérablement renforcées avec l’entrée en vigueur de la directive européenne dite « Solvabilité II ».

Pour la France, en cas d’une couverture complète – j’insiste sur ce terme – des exploitations, le risque maximal serait de l’ordre de 4, 4 milliards d’euros, plus de quatre fois le montant annuel des primes d’assurance ainsi collectées. Les assureurs seront donc dans l’impossibilité de supporter un tel risque, qui mettrait en péril cette assurance et potentiellement leur existence.

Aujourd’hui, le niveau de protection contre ces risques susceptible d’être apporté par la réassurance privée ne dépasse guère 600 millions d’euros.

Si certains réassureurs présents sur le marché français ont pu affirmer que la réassurance privée serait à même de répondre intégralement aux besoins des assureurs, d’autres réassureurs majeurs ont exprimé des avis opposés. C’est le cas de Swiss Re et Munich Re, les deux plus grands réassureurs mondiaux, qui sont par ailleurs les deux plus gros réassureurs agricoles.

Il paraît en effet irréaliste que la France, qui peut être soumise à des aléas climatiques majeurs, ne se dote pas d’un système de réassurance à la hauteur de ses besoins. Pourquoi y aurait-il une exception française en la matière ?

Un mécanisme de réassurance publique est nécessaire. Sans cela, il n’y aura pas de développement de l’assurance multirisque climatique sur les récoltes. À l’instar de la protection contre les attentats et le terrorisme, la Caisse centrale de réassurance interviendrait ainsi en surplus des capacités de réassurance privée, avec la garantie de l’État, pour couvrir les assureurs contre des événements extrêmement coûteux, mais très peu probables. Ce mécanisme ne serait donc pas du tout mobilisé en temps normal.

Par ailleurs, les assureurs paieraient bien entendu le coût de cette réassurance à son tarif habituel. Aucun effet d’aubaine ne sera donc possible.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la question des assurances constitue l’un des enjeux essentiels de l’agriculture de demain, que le projet de loi se doit de porter.

Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous. Vous vous êtes battu, et bien battu, je l’ai déjà dit. Le Président de la République vous a entrouvert la porte sur cette question. Nous sommes derrière vous pour vous aider à entrer !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. La porte n’est pas suffisamment ouverte !

Sourires ironiques sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. L’amendement que j’ai déposé sur la réassurance publique ayant été frappé par le couperet de l’article 40 de la Constitution, j’espère que vous jugerez utile de le reprendre !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour saluer le travail fait par la commission et par les rapporteurs, Gérard César et Charles Revet, et pour vous remercier, monsieur le ministre, de nous donner l’occasion d’une réflexion approfondie sur la place de l’agriculture dans notre stratégie nationale.

Après le débat important qui a eu lieu en 2005 sur la loi d’orientation agricole défendue par l’un de vos excellents prédécesseurs, M. Bussereau, cette discussion est très opportune. Je vous en remercie et veux saluer l’action personnelle qui est la vôtre à Bruxelles, à Paris et sur le terrain auprès des agriculteurs aujourd’hui confrontés à des difficultés majeures.

Naturellement, ma responsabilité ne se limite pas à rechercher des motifs de satisfaction dans le projet qui nous est soumis. Ces motifs sont nombreux, et je voterai ce texte avec le groupe UMP, monsieur le ministre.

Je veux néanmoins attirer votre attention sur trois sujets qui me paraissent très importants.

Le premier est une menace d’ordre institutionnel. Vous êtes à la tête d’un ministère très vaste qui, non content d’avoir en charge des secteurs aussi variés que l’économie et l’alimentation, englobe une grande partie de la recherche et de la formation.

Il est inacceptable que les décisions prises pour l’agriculture se prennent durablement à l’extérieur de votre ministère. Or vos collègues de l’environnement, de la santé et de l’aménagement du territoire s’emparent petit à petit de la réflexion agricole.

Il y a là, selon moi, une dérive institutionnelle. Et si j’ai appelé avec quelques-uns de mes collègues à un « Varenne de l’agriculture »

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

C’est au Premier ministre de faire les arbitrages. En effet, quand un conflit oppose le ministère de l’agriculture à ses homologues en charge de l’alimentation, de la santé ou de l’environnement, ce n’est pas à un quelconque Grenelle, aussi loué soit-il, de rendre systématiquement des arbitrages sur les décisions qui concernent l’agriculture. Ces arbitrages, ils reviennent à la fonction interministérielle, donc au Premier ministre.

En l’occurrence, quand on discute agriculture, il ne s’agit pas d’aller contre la santé ou l’environnement. Il faut définir une stratégie globale et responsable qui pense l’agriculture.

Or dans cette perspective, on a vraiment le sentiment qu’un certain nombre des décisions qui le concernent échappe au ministère de l’agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Or nous ne voulons pas que le Grenelle fasse oublier le Varenne. C’est la raison pour laquelle nous voulons que, grâce à votre talent, monsieur le ministre, le ministère de l’agriculture se fasse entendre.

C’est une nécessité, attendue par les agriculteurs dépités de voir certaines décisions importantes prises sans intégrer la dimension agricole du sujet.

C’est ainsi que le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’aborde pas le sujet très important de l’eau. Notre collègue Alain Chatillon voulait intervenir aujourd’hui sur ce point, mais il en est empêché par un deuil dans sa famille. On a le sentiment que la politique de l’eau, richesse stratégique pour l’agriculture, doit être aussi pensée dans le domaine agricole, quitte à avoir ensuite des arbitrages avec les autres ministères.

Ouvrir un « Varenne de l’agriculture », redonner toute sa place au ministère de l’agriculture a également une importance dans le cadre de l’Union européenne, qui a aujourd’hui beaucoup de mal à définir une politique des prix.

Sur le plan national, on voit bien, en revanche, qu’il est souvent plus facile d’intervenir sur les charges. Faute de pouvoir maîtriser les prix, l’objet d’un « Varenne des charges » serait justement d’arrêter la part nationale des charges susceptible d’être allégée. Or les agriculteurs ont bien besoin aujourd’hui d’un allégement des charges dans leur compte d’exploitation !

D’ailleurs, dans son programme de 750 millions d’euros, l’Allemagne n’a-t-elle pas allégé de plus de 45 % la cotisation « accidents » supportée par les agriculteurs ? Cette question mérite réflexion : il s’agit, dans une approche à la fois très agricole et interne, de dégager ce qui relève des décisions nationales en vue de procéder aux différents allégements.

Monsieur le ministre, cette dimension est très importante pour que nos agriculteurs se sentent mobilisés. La vocation du ministère de l’agriculture, c’est moins de défendre les agriculteurs que de penser avec eux l’avenir de l’agriculture. Vous avez les talents et les capacités pour y parvenir. Nous sommes à vos côtés pour poursuivre dans cette voie. C’est cette dérive institutionnelle que je voulais souligner d’abord.

Le deuxième sujet qui me préoccupe relève, comme le premier, de la menace. Il concerne les conséquences régionales et territoriales d’une évolution de la pensée agricole très présente à Bruxelles. C’est ainsi que j’entends dire assez souvent dans les couloirs bruxellois que la bonne solution pour l’agriculture française, notamment pour l’élevage et le lait, consisterait à faire en sorte d’organiser correctement et dignement le départ de 20 % de producteurs laitiers dans notre pays. Au terme de ce raisonnement, la production laitière française serait meilleure grâce à la réduction ainsi décrétée. Cette menace-là est très préoccupante parce qu’elle ne tient pas compte de l’identité territoriale et agricole de la France.

En effet, à procéder de la sorte, on aura une grande région productrice de lait, la grande région Bretagne, élargie à son nord et à son sud. Et la production laitière disparaîtra du quart sud-ouest de la France, des zones de montagne et d’une grande partie de l’est de la France, soit des trois quarts de nos territoires français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

De telles logiques conduiraient à créer une grande région céréalière, la Beauce, et une grande région laitière, qui sera le grand Ouest. Quant à toutes les régions intermédiaires, qui constituent une grande partie de la réalité agricole de notre pays, elles seront menacées et exposées à un avenir incertain.

Quand on pense agriculture, il faut naturellement intégrer la diversité territoriale de notre pays. Et nous avons besoin d’une économie céréalière à l’extérieur de la Beauce, comme nous avons besoin d’une économie laitière à l’extérieur de la Bretagne…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

… sans que je mette en cause ni les Bretons ni les Beaucerons ! Mais il est clair que notre identité territoriale nous impose d’animer nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pour cela, nous avons besoin de conjuguer un certain nombre de productions. C’est un élément très important.

Prenons la question des allocations provisoires en matière laitière. On voit bien que les régions laitières ont besoin d’une augmentation des allocations provisoires. En effet, sinon, à force de perdre des producteurs, et donc des volumes, les coopératives auront de moins en moins de lait et verront se réduire leurs capacités financières à envisager l’avenir. Ces régions subiront finalement une sorte de double peine : après avoir perdu des producteurs, elles perdront des outils industriels, notamment des outils coopératifs.

C’est la deuxième menace sur laquelle je tenais à mettre l’accent au cours de cette intervention, monsieur le ministre. Je veux faire bien mesurer que la question agricole ne se réduit pas à des statistiques. Derrière les chiffres, il y a des personnes, qui vivent sur des territoires.

Le troisième sujet sur lequel je voulais intervenir est plus spécifique, mais néanmoins très important pour notre pays. Il concerne un secteur de l’économie laitière qui ne dépend pas de Bruxelles et pourrait nous donner l’occasion de renforcer notre souveraineté.

Je veux parler du lait de chèvre. Il s’agit d’une production nationale soustraite aux préoccupations bruxelloises. Dans ce secteur où nous ne sommes pas enfermés dans des contraintes extérieures, démontrons notre détermination ! L’interprofession vous fait des propositions d’intervention qui se chiffrent à environ 26 millions d’euros sur lesquels les producteurs et les syndicats sont prêts à prendre à leur charge 14 millions d’euros. Les coopératives sont prêtes à prendre 7 millions d’euros à leur charge sous réserve d’une aide de l’État à hauteur de 5 millions d’euros pour la gestion des stocks.

Grâce à une bonne gestion des stocks sur le plan national, nous pourrions montrer, dans ce secteur du lait de chèvre qui n’est pas une économie sous tutelle européenne, notre attachement souverain à une agriculture importante pour notre territoire.

Telles sont les trois menaces que je voulais souligner, monsieur le ministre.

Naturellement, je souligne aussi que ce texte contient des avancées considérables. C’est la raison pour laquelle, j’ai salué tout à l’heure le travail de la commission.

Mes chers collègues, je relève des évolutions très importantes, y compris pour la distribution et les contrats. Je suis très heureux de voir retenue cette logique des contrats, laquelle reprend au fond la logique des coopératives. Elles ont été les premières à mettre en place les contrats structurés qui donnent aux producteurs des assurances pour l’avenir en leur offrant cette capacité d’union.

C’est la raison pour laquelle je tiens à vous dire que, sur la distribution, j’approuve ce qui a été fait par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Une vieille expérience acquise en exerçant les fonctions de ministre des PME me fait dire que la distribution a un talent extraordinaire pour utiliser les règlements nationaux à son avantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Après moult réflexions – peut-être nourries de l’audace de l’expérience –, je pense que toute tentative sera vaine tant que l’on ne taxera pas les produits financiers.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Ne triomphez pas si vite, mes chers collègues ! En effet, le gros problème avec la grande distribution, c’est que les grandes surfaces font leurs marges plus sur les produits financiers que sur l’action commerciale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Moi, je suis pour un commerce libéral, et pas pour un commerce détourné qui est fait sur des produits financiers.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le ministre, vous avez mon estime, mon amitié et mon soutien.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ah ! si la droite dirigeait ce pays depuis quelques années, que ne verrions-nous pas dans le domaine de l’agriculture et quelles évolutions !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Parce que l’heure est grave, je voulais dire que nous savons, notamment dans cet hémicycle, ce que sont les territoires ruraux, ce qu’est l’agriculture. En effet, nous sommes tous, soit paysans, soit fils ou fille de paysans. Et nous savons combien, dans nos territoires ruraux, toute l’économie vit autour de notre histoire rurale et agricole.

Elle vit grâce à ces hommes et à ces femmes qui courbent l’échine et font un métier ô combien magnifique et enthousiasmant. Mais c’est un métier qui, depuis quelques années, ne paie plus. Comme aurait dit Fernand Raynaud, « ça eût payé », mais non, décidément, aujourd’hui cela ne paie plus !

C’est la raison pour laquelle nous devons toutes et tous, à l’occasion de cette discussion, réaffirmer, au-delà de notre soutien et de notre estime, tout le respect que nous devons au monde agricole, aux agricultrices et aux agriculteurs sans lesquels nous serions aujourd’hui peu de chose.

Comme M. Raffarin vient de le dire, ces agriculteurs sont organisés en structures, notamment en GAEC. Le travail effectué dans le cadre de la coopération est essentiel. Dans les petits départements, c’est grâce à la coopération que les agriculteurs, filière par filière, ont pu s’en sortir, sont compétitifs et peuvent vendre leurs produits.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais oublier, au cours de cette discussion, qui nous sommes, d’où nous venons et ceux qui travaillent sur le territoire.

Monsieur le rapporteur Gérard César, vous disiez tout à l’heure que c’était une bonne chose que le Gouvernement ait soumis ce projet de loi en premier lieu au Sénat. Monsieur le ministre, oui, c’est une très bonne chose ! Je vous rejoins, monsieur le rapporteur : entre le texte qui a été présenté par le Gouvernement et celui qui nous est aujourd’hui soumis par la commission, une vache n’y retrouverait pas ses petits ! Pas plus qu’une truie, d’ailleurs !

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le texte aujourd’hui en discussion nous convient tout de même mieux que celui que vous nous aviez présenté voilà quelques semaines. Il est le fruit du travail réalisé en commission et j’espère que, dans quelques jours, il nous conviendra encore mieux. Mais je n’en suis pas totalement sûr.

En effet, j’ai entendu dire tout à l’heure que 120 amendements venant de tous les groupes ont été retenus en commission. Des amendements venant de tous les groupes ? Sept ou huit de la gauche contre cent vingt et un de la droite ! Il n’en demeure pas moins que tous les groupes ont participé à l’amélioration de ce texte. Et, s’il y a un déséquilibre, certains des amendements présentés par M. le rapporteur nous conviennent tout à fait ; nous l’avons d’ailleurs dit très objectivement. En effet, lorsque les choses vont dans le bon sens, nous nous en félicitons !

Dans la crise sans précédent que traverse l’agriculture, tous les secteurs sont touchés, avec plusieurs conséquences.

Premièrement, l’agriculture française a perdu en Europe sa prééminence et son leadership. En effet, nous devons l’affirmer, là encore haut et fort, l’agriculture française ne saurait se porter au mieux dans un contexte de libéralisme économique.

Je suis heureux d’entendre que tous les orateurs, quelle que soit leur appartenance politique, se réfèrent à la régulation économique que nous réclamons depuis des années. Il faut le dire, elle est essentielle pour notre pays et pour l’Europe, particulièrement pour l’agriculture. Monsieur le ministre, c’est la raison pour laquelle notre groupe sera à vos côtés pour soutenir la régulation économique comme un axe fort de ce texte.

Deuxièmement, il n’est pas possible de poursuivre la politique du « toujours moins cher ». Il faut expliquer à nos concitoyens que les produits ont un coût. Continuer à faire des rabais, des remises, des ristournes – « les trois R » –, à baisser les prix et à solder les produits ne nous permettra pas d’avancer, car, derrière tout cela, les agriculteurs n’arrivent plus à s’en sortir.

Évidemment, avec un pouvoir d’achat en berne, voire en baisse, nos concitoyens recherchent les prix les plus bas. Mais nous devons tenir les deux bouts de la chaîne : d’un côté, les Français doivent pouvoir acheter des produits agricoles de qualité ; de l’autre, les agriculteurs doivent vivre de leur métier, de leur production.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

À cet égard, le travail qui a été accompli hier par vous-même, monsieur le ministre, et par le Président de la République nous semble important. Mais ces mesures arrivent un peu tard et nous ne sommes pas certains qu’elles pourront être appliquées, notamment celles qui concernent les fruits et légumes, que vous avez évoquées.

Ainsi, il est prévu que, lorsque le prix d’un produit chutera de 40 % au-dessous de son cours, les « trois R » seront supprimés. Mais, nous le savons, les prix se sont effondrés depuis deux ou trois ans et ont déjà baissé de 40 % ; ils n’iront donc pas beaucoup plus bas ! Nous ferons des propositions sur ce point.

Si les mesures annoncées hier constituent bien une avancée, il faut, à n’en pas douter, les encadrer et faire en sorte qu’elles puissent être adaptées à tous.

Le Gouvernement doit apporter une réponse conjoncturelle forte et identitaire, et approfondir ses aides à l’agriculture, sans quoi les mesures structurelles prévues dans ce texte risquent de ne pas servir à grand-chose. En effet, à trop tarder, il n’y aura quasiment plus d’agriculteurs aptes à réussir lorsque la loi sera mise en œuvre !

C’est la raison pour laquelle ce texte doit s’appuyer sur deux piliers : une réponse conjoncturelle forte et rapide, pour manifester aux agriculteurs français toute l’affection que nous leur portons et notre volonté de les sortir de cette crise – aujourd’hui, ils n’en sont pas totalement convaincus – et une réponse structurelle propre à offrir une vision d’avenir et une meilleure compétitivité européenne, pour montrer que l’agriculture a un avenir en Europe. Plusieurs orateurs ayant déjà évoqué ce point, je n’insisterai pas.

Monsieur le ministre, je tiens à vous décerner un deuxième satisfecit – il risque de ne pas y en avoir d’autres pendant les quinze prochains jours ! – pour avoir placé les intérêts des consommateurs et la question de l’alimentation, trop souvent oubliés à mes yeux, en tête des objectifs de votre loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est une bonne chose, et force est de constater qu’en la matière vos intentions ne sont pas feintes. Si nous avons déposé des amendements, c’est pour nous assurer que tout cela ne sera pas qu’un simple effet d’annonce – une tête de gondole ! –, sans rien derrière.

Vous avez également évoqué le revenu des agriculteurs, qui doivent pouvoir vivre de leur travail. Il est inadmissible que des produits agricoles soient vendus au-dessous de leur prix de revient : nous devons absolument prendre les mesures qui permettront de mettre fin à cette situation. Aucune autre profession en France ne serait prête à endurer ce que les agriculteurs ont accepté.

Les dispositions relatives aux marchés publics nous importent beaucoup, mais les amendements que nous avons présentés en commission ont tous été « retoqués ». Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que vous avez évoqué cet après-midi une réforme des marchés publics, sans laquelle rien ne pourra être accompli.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous devons intervenir sur les circuits courts et donner les moyens à la restauration collective et scolaire de s’approvisionner sur les territoires. Pour ce faire, il faut absolument modifier les dispositions du code des marchés publics, tout en gardant le cadre général, afin que la puissance publique, les donneurs d’ordre puissent acheter des produits alimentaires, notamment pour la restauration scolaire, sur un territoire plus recentré.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En ce qui concerne les calamités et l’assurance récolte, notre spécialiste en chef, Daniel Soulage, en a tout à l’heure beaucoup parlé, et nous y reviendrons à l’occasion de la discussion des articles.

Monsieur le ministre, vous avez signalé lors de votre intervention que, si l’assurance récolte devenait obligatoire, l’Europe ne mettrait plus sur la table les 100 millions d’euros qu’elle pourrait verser au système d’assurance que vous proposez. Nous ne partageons pas votre analyse : il s’agit non pas d’une règle, mais bien d’une question de volonté politique.

Nous devrions appliquer une règle que le Président de la République a déjà évoquée à plusieurs reprises en ce qui concerne l’agriculture : il faut faire plier l’Europe, car ce n’est pas elle qui va dicter aux États ce qu’ils doivent faire aujourd'hui. S’il n’y a pas d’assurance récolte obligatoire interrégionale et interfilières, alors il est à craindre qu’elle ne joue pas pleinement son rôle.

Pour conclure, il faut nous interroger : est-il possible de moderniser l’agriculture en période de crise ? C’est là toute la difficulté, tant il est vrai que les choses auraient été beaucoup plus faciles en phase de croissance. Mais nous devons garder à tout prix la spécificité de l’agriculture française.

Certes, la France a de grandes entreprises : elles se développent à l’export, spéculent et sont présentes sur les marchés internationaux. Mais ce qui fait la force et l’histoire de notre pays, ce sont les petites exploitations agricoles de quelques dizaines d’hectares, les agriculteurs de montagne, ceux qui font de la polyculture. Si nous n’y prêtons pas attention, ce système agricole, qui a fait notre histoire, n’existera bientôt plus. Nous ne pourrons pas vivre dans un pays dans lequel la taille des exploitations agricoles se comptera en centaines d’hectares et où, n’en doutons pas, plus aucun jeune ne s’installera.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette loi, nous devons redonner de l’espoir et offrir des perspectives pour que nos jeunes aient encore envie de s’installer et d’exercer ce beau métier. Nous voulons affirmer avec force que l’agriculture a encore un bel avenir devant elle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs ont souligné les difficultés, parfois mortelles, auxquelles sont soumises les exploitations agricoles. La diminution continue et inexorable de leur nombre l’illustre. Les installations de jeunes agriculteurs suivent aussi, en l’accentuant, cette tendance.

J’orienterai mon propos non pas sur les aléas des marchés, leur organisation et les charges des agriculteurs, mais sur les calamités administratives inventées et produites par Bruxelles.

Imaginez l’état d’esprit d’un agriculteur qui cherche à survivre et à qui on impose des charges administratives absurdes. S’il ne s’y plie pas, il est sanctionné et sa situation s’aggrave. Pouvez-vous comprendre qu’il éprouve, au-delà de l’exaspération, du ressentiment contre une Europe de plus en plus éloignée de ses préoccupations, de ses difficultés, de ses angoisses ?

Monsieur le ministre, si le politique ne reprend pas la main sur l’administratif, vous ne pouvez pas prévoir la violence des réactions.

Avez-vous essayé de remplir un dossier PAC ? Tentez l’expérience, vous allez perdre votre sang-froid ! Je voudrais vous citer quelques exemples des astreintes imbéciles auxquelles vous devrez faire face.

Tout d’abord, armez-vous de patience, du plan de votre exploitation, d’un stylo rouge et d’un stylo vert. Le rouge pour créer, modifier ou supprimer les îlots, le vert pour délimiter et identifier vos parcelles culturales et les surfaces engagées dans des mesures agroenvironnementales ou biologiques. Ne vous trompez pas de programmation, ni d’abréviation et, surtout, n’oubliez aucun formulaire ou justificatif, vous seriez immédiatement sanctionné par une administration autiste qui ne justifie son existence que par son inutile pouvoir de sanction. L’observation satellitaire permettrait la mise en application d’une RGPP agricole à un coût administratif très inférieur.

Précisez scrupuleusement la quantité d’engrais utilisée sur votre exploitation non pour l’ensemble de la surface, mais pour chacune des parcelles. Pour quelle raison ? Il y a quelques années, on épandait sur des semis de blé 150, 180, voire 200 unités d’azote et on ajoutait un raccourcisseur pour que le blé ne verse pas. Cette époque est révolue. Les intrants sont trop chers. Ayez à l’esprit que, aujourd’hui, un agriculteur vise non plus les rendements, mais les marges.

Après avoir épandu un pesticide, n’oubliez surtout pas de reporter sur la fiche son numéro d’autorisation de mise sur le marché et sa date de péremption. Pourquoi ?

Peu importe l’état de développement de vos cultures, la pluviométrie ou la température, attendez les dates autorisées pour répandre l’azote. Or qui mieux que l’exploitant lui-même peut décider du bon moment ? Si vous considérez l’agriculteur comme un entrepreneur, laissez-lui gérer son entreprise comme il l’entend.

Pour établir votre contrat d’assurance, inscrivez scrupuleusement vos rendements moyens et le prix de vente de vos récoltes sur les cinq dernières années. Pour quelle raison ? Il suffit de s’entendre avec l’assureur sur un chiffre d’affaires à l’hectare.

La liste de ces astreintes n’est pas exhaustive, hélas !

Au final, vous aurez passé un temps considérable à remplir des papiers administratifs dont la complexité et l’absurdité confinent au ridicule. La solennité de ces lieux m’interdit d’utiliser des termes plus crus.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les idées françaises faisaient leur chemin à Bruxelles. Défendre celle de la simplification administrative est une première urgence.

Vous ne souscrivez pas à ma proposition d’assurance-récolte obligatoire, car elle conduirait l’Europe à supprimer ses subventions. Pourquoi procéderait-elle ainsi si cette assurance obligatoire permet une plus grande mutualisation des risques, donc une vraie solidarité, et la survie des entreprises agricoles en cas d’accident climatique ? L’Europe ne peut pas avoir comme seul argument : « C’est comme ça parce que c’est comme ça ».

Dans l’esprit des contrats, qui sont une bonne idée, ne peut-on garantir un prix sur un rendement donné, par exemple 40 ou 50 quintaux par hectare, et laisser la possibilité de négocier la production supérieure à ce rendement au prix du marché ? Cela permettrait de garantir un revenu minimum aux exploitations. L’Europe était hostile à cette idée il y a une vingtaine d’années. La prise de conscience du rôle essentiel de l’agriculture a pu la faire évoluer.

Monsieur le ministre, les économistes prévoient que, à moyen terme, le monde sera déficitaire en produits agricoles : par conséquent, les prix augmenteront. Mettez en place une politique qui permette aux agriculteurs de survivre jusque-là !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – M. Alain Fauconnier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’agriculture est un secteur vital pour l’économie métropolitaine, elle l’est encore plus pour les RUP, les régions ultrapériphériques, que constituent les départements d’outre-mer.

Ayant milité pour l’intégration de ces derniers au sein de l’Europe, je voudrais souligner ici les bienfaits de la politique agricole commune qui a transformé l’Europe de la pénurie d’après-guerre en une Europe des excédents et fait de la Communauté économique européenne l’une des premières puissances agroalimentaires du monde.

Aujourd'hui, l’Europe traverse une triple crise : financière – nous le savons bien –, politique et, sur le plan agricole, identitaire. En effet, l’application des mesures adoptées dans le cadre du cycle de Doha a abouti à mettre en place une mondialisation que je qualifierais d’hypocrite, car elle n’est pas libérale. Si elle l’était, il n’y aurait ni mesures de dumping monétaire ou social ni manquements aux règles de l’environnement.

Pour toutes ces raisons, les agriculteurs français sont aujourd'hui confrontés à deux problèmes : la concurrence internationale, qui est faussée, et la concurrence interne. On nous dit ici et là, notamment à Bruxelles, qu’il faut en finir avec la politique agricole commune parce qu’elle coûte trop cher.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que les Européens ne devraient avoir aucun complexe en matière de libéralisme. L’excellent rapport de nos collègues Gérard César et Charles Revet montre que le pays qui subventionne le plus son agriculture est les États-Unis. Cela va des assurances aux agrocarburants…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

… en passant par le coton, qui est d’ailleurs subventionné au-delà de la valeur du produit de la récolte.

Si je soutiens le projet de loi qui nous est présenté, c’est parce qu’il s’agit d’un premier volet et que d’autres réformes plus importantes vont suivre : celle de la politique commune de la pêche, en 2012, et celle de la politique agricole commune, en 2013.

Le décor étant planté, je veux maintenant remercier vos services, monsieur le ministre, avec lesquels nous avons beaucoup travaillé cette année, ainsi que vous-même, qui avez été l’un des principaux artisans d’une décision qui devrait sauver l’économie sucrière de la Réunion, à savoir la valorisation à sa juste valeur de la biomasse de la canne. Je me réjouis que le Premier ministre ait arbitré en ce sens. La prime bagasse, qui évoluera certainement avec le temps, représentera donc un complément de revenus substantiel pour les planteurs.

Je tiens également à saluer les mesures innovantes de ce projet de loi concernant la contractualisation et l’assurance. Je souhaite que nous puissions être associés à l’ordonnance, prévue au titre V, qui sera prise concernant l’application de ce texte aux départements d’outre-mer.

Dans la perspective de la réforme de la politique commune de la pêche et de la politique agricole commune, sachez qu’un outil est à votre disposition pour aider les régions ultrapériphériques, je veux parler du traité de Lisbonne, qui reprend les dispositions de l’article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, dans l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il prend en effet en compte notre situation économique et sociale structurelle, notre éloignement, l’étroitesse de notre marché, la proximité des PMA, ou pays les moins avancés, qui, vous le savez, peuvent importer leurs produits chez nous sans payer de droits de douane. Or, comme il s’agit de produits de même nature, l’économie sucrière, la filière bananière et l’agriculture vivrière de nos régions pourraient être anéanties.

La nouvelle politique agricole commune a été voulue par le chef de l’État, par le Premier ministre et par vous-même. Je peux vous dire que nous la soutenons. D’ailleurs, nous vous félicitons de ne pas avoir baissé les bras à Bruxelles et d’avoir lancé l’Appel de Paris, qui a été signé par vingt-deux États membres.

Forts de ce rassemblement, définissons ensemble, grâce au traité de Lisbonne, une nouvelle approche de la politique agricole commune concernant les productions essentielles pour l’outre-mer – la banane et la canne, notamment – ainsi que le positionnement stratégique des RUP françaises par rapport aux PMA. Nous sommes à votre disposition pour y travailler.

Monsieur le ministre, sachez également que vous êtes assis sur un trésor, et que vous ne le voyez pas.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche, en 2012, vous pourriez donc créer un groupe de travail réunissant des parlementaires, des élus des conseils régionaux et d’autres collectivités territoriales ainsi que des représentants de l’État en charge de ces questions afin d’expertiser les ressources halieutiques dans ces régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Cet espace nous appartient collectivement. Ne laissons pas des bateaux venus de Taïwan, du Japon ou d’ailleurs piller notre poisson !

Pourquoi ne l’exploitons-nous pas nous-mêmes, me rétorqueront certains ? La raison en est simple : la Réunion est un territoire européen, et nous ne pouvons pas construire de bateaux pour pécher dans les zones économiques exclusives européennes, contrairement aux pirates.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Dans le cadre de la nouvelle politique de 2012, faisons adopter un nouveau règlement européen. Car, ne l’oubliez pas, ce qui est valable pour l’hémisphère nord ne vaut pas pour l’hémisphère sud ! Il faut donc autoriser l’armement de navires de l’hémisphère sud et travailler en joint venture avec d’autres bateaux nationaux dans les eaux qui nous appartiennent.

Telles sont les deux suggestions que je souhaitais vous faire : utilisons le traité de Lisbonne et l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour construire l’avenir des régions ultrapériphériques et définissons une nouvelle politique de la pêche afin que la France soit présente dans les zones qui lui appartiennent.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant plus de deux siècles, la monoculture de la canne à sucre a dominé l’agriculture réunionnaise. Cette culture a forgé l’histoire, l’aménagement du territoire et les rapports sociaux de cette île.

Les crises successives ayant frappé le marché du sucre ont conduit les responsables à s’orienter vers la diversification. Celle-ci s’est appuyée sur la persistance de la culture de la canne, qui assurait aux agriculteurs, dans le cadre du marché sucrier européen, des revenus garantis leur permettant de consacrer une partie de leur surface agricole à d’autres spéculations.

Aujourd’hui, 72 % de la consommation locale de fruits et légumes frais est assurée par la production locale. Les filières agricoles, autres que celle de la canne, tendent à s’organiser, à se moderniser. Cependant, tout le monde considère qu’il est encore possible et nécessaire de réduire la dépendance de la Réunion à l’égard de l’extérieur aussi bien pour les fruits et légumes que pour la viande bovine et porcine. L’effort de diversification doit donc impérativement être poursuivi, d’autant que les crises que nous avons connues et que nous connaîtrons sur les plans tant économique qu’énergétique, climatique ou alimentaire imposent aux Réunionnais d’aller le plus vite et le plus loin possible vers l’objectif de l’autosuffisance alimentaire.

Toutefois, la diversification agricole ne doit pas se faire au détriment de la canne à sucre, qui reste le pivot des unités agricoles. Outre le caractère patrimonial que revêt la filière canne à sucre à la Réunion, celle-ci constitue un savoir-faire mondialement reconnu, exporté à travers le monde tant pour la culture de la canne que pour l’industrie sucrière. Sa multifonctionnalité est également établie dans le domaine environnemental, notamment avec l’utilisation de la bagasse, qui fournit plus de 10 % de l’électricité de l’île. Plus que jamais, les agriculteurs qui acceptent de s’orienter vers la diversification doivent s’appuyer sur l’assurance d’un revenu garanti que seule la canne leur procure actuellement, dans le cadre de l’organisation commune des marchés du sucre.

Ce marché communautaire du sucre, même s’il a vu le prix de cette denrée baisser de 36 % sous la pression de l’OMC, garantit aux planteurs de canne une compensation assurée par l’État français afin que ceux-ci ne subissent aucune perte de revenu. L’autorisation de compensation a été accordée par l’Union européenne au titre de l’article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, devenu l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’OCM du sucre est ainsi un outil de lutte contre les aléas économiques et une assurance de revenus décents pour les agriculteurs : deux ambitions de votre projet de loi, monsieur le ministre.

Cependant, la fin de cette organisation du marché du sucre en 2013 crée une grande inquiétude, non seulement chez les planteurs de canne, mais aussi chez tous les agriculteurs à la Réunion et dans les Antilles. L’avenir de l’agriculture dans les DOM est subordonné à une série de questions à laquelle le texte qui nous est soumis ne répond malheureusement pas.

L’Europe va-t-elle continuer à céder devant la pression de l’OMC pour baisser le prix du sucre ? Si oui, l’Union européenne pourra-t-elle continuer à autoriser les compensations ? Dans ce cas, le gouvernement français est-il prêt à maintenir son aide aux planteurs de canne afin que leurs revenus leur permettent d’accentuer la diversification en vue de répondre aux besoins alimentaires de la Réunion, qui compte 800 000 habitants aujourd’hui et en comptera 1 million demain ?

Nos agriculteurs attendent des assurances dans ce sens, surtout que le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays andins est actuellement en cours de signature à Madrid ; accord qui, selon le Président de la République lui-même, est susceptible de remettre en cause l’ensemble de l’effort communautaire en faveur des RUP.

Concernant le titre IV du projet de loi, nous ne pouvons que saluer la volonté de structurer les activités liées à la pêche. Il en va de même pour la création du Comité de liaison scientifique et technique.

S’agissant de la composition de ce comité, qui sera précisé par décret, nous espérons que l’outre-mer pourra avoir un représentant par bassin maritime, car, grâce à ses territoires, la France possède l’une des plus grandes superficies maritimes du monde.

Toutefois, ces mesures n’ont pas l’envergure susceptible d’encourager et de soutenir durablement cette filière à fort potentiel en termes d’emplois, de capacité de pêche et d’exportation à la Réunion. À titre d’exemple, en 2008, la pêche locale a débarqué 11 000 tonnes, contre 8 200 tonnes en 2000, soit une augmentation de 30 %. Plus de 70 % de la production locale a été écoulée vers l’Europe et l’Asie, faisant de la pêche le deuxième poste d’exportations après la canne à sucre.

Ces chiffres dénotent le dynamisme de la filière. Cependant, ils ne doivent pas masquer les handicaps de ce secteur. La double appartenance de la Réunion à l’aire géographique de l’océan Indien et au contexte juridique de l’Union européenne soulève des contradictions entravant le développement de ce secteur.

En effet, les directives européennes réglementant nos zones de pêche sont prises en fonction de la situation de surpêche des mers des pays européens continentaux, où les ressources halieutiques sont menacées. À la Réunion, la situation est différente : les ressources abondantes et l’immensité du territoire maritime exploitable depuis l’île – 2, 8 millions de kilomètres carrés, soit dix fois la zone économique exclusive métropolitaine – nécessitent une adaptation des règlements communautaires, rendue possible grâce au traité de Lisbonne et à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

De plus, l’ouverture, par les accords de partenariat économique, des marchés communautaires aux produits compétitifs des pays ACP de la zone sud-ouest de l’océan Indien fragilisera les entreprises réunionnaises, qui doivent déjà faire face aux contraintes d’un marché local exigu et aux frais inhérents à l’éloignement pour les exportations et les importations, notamment d’intrants.

Enfin, alors que l’Union européenne affiche pour les régions ultrapériphériques une grande politique de coopération régionale, certains États européens concluent des accords bilatéraux avec les pays de la zone de l’océan Indien sans passer par la Réunion, qui bénéficie pourtant d’un port de pêche « industrielle », moderne et performant.

Aujourd’hui, la pêche à la Réunion représente environ 1 000 emplois et génère 67, 2 millions d’euros. C’est peu au regard de ses potentialités !

Monsieur le ministre, la filière pêche peut être porteuse d’emplois et créatrice de valeur à la Réunion. Encore faut-il se donner les moyens de cette ambition, c’est-à-dire prendre en compte ses spécificités pour mettre en place une réelle politique de pêche en outre-mer.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est censé répondre à la crise structurelle que traverse notre agriculture, laquelle plombe le revenu de nos agriculteurs depuis 2009.

Dans mon intervention, je voudrais m’attacher plus particulièrement au titre II, qui traite de la compétitivité. Il se propose notamment, en s’appuyant sur la filière et le contrat, de mieux réguler les quantités et les prix et, ainsi, de mieux sécuriser les revenus.

Mais ces instruments sont-ils à la hauteur des défis que l’agriculture doit relever sur les marchés européens ? Ces instruments sont-ils suffisants pour que la France reste la deuxième puissance agricole mondiale ?

L’agriculture française connaît, depuis une dizaine d’années, une dégradation de sa compétitivité sur les marchés, alors même que toutes les conditions sont réunies pour en faire un secteur dynamique : d’importantes surfaces disponibles, des sols et un climat assurant un bon rendement, ainsi qu’une réelle compétence technique de nos agriculteurs.

Je commencerai par dresser un tableau de la compétitivité de l’agriculture française.

Nos exportations ont diminué de 20 % entre 2008 et 2009, soit une perte de 3, 1 milliards d’euros. Les secteurs les plus touchés sont les produits laitiers, avec une diminution de 16 % ; les vins et le champagne, dont les exportations ont chuté de 22 % ; les céréales et les produits à base de céréales, qui accusent respectivement une baisse de 24 % et de 22 %.

De même, au cours des dix dernières années, les surfaces cultivées en légumes ont diminué de 15 %, alors qu’elles progressaient dans le même temps de 21 % en Allemagne et de 22 % aux Pays-Bas. C’est en particulier le cas de la culture des asperges, des fraises, des carottes.

Quant à la production porcine, elle stagne depuis une dizaine d’années, alors que l’abattage allemand de porcs a connu une croissance de plus de 35 % en dix ans.

L’Allemagne et les puissances agricoles émergentes de l’Europe de l’Est récupèrent ces parts de marché que nous perdons.

Nos producteurs, en cette période de crise, se voient offrir pour leurs produits un prix d’achat parfois inférieur au coût de revient, et cela sans que le consommateur en tire un quelconque profit !

Face à ce constat alarmant, nous doutons de l’efficacité de la proposition relative aux filières et à la contractualisation pour répondre aux défis que l’agriculture française doit relever sur les marchés européens et mondiaux.

Nous n’ignorons pas que de nombreuses réponses sont bruxelloises et que cette proposition de texte fait partie d’un ensemble plus vaste de mesures. Toutefois, nous considérons que le pilier de la compétitivité n’est pas suffisamment pris en compte dans la démarche présentée.

Nous disons oui à la filière !

Il est évident qu’une meilleure organisation des producteurs leur permettra de peser dans les négociations commerciales, à la condition qu’elles ne soient pas excessivement sectorisées territorialement.

Nous souhaitons que ces filières interprofessionnelles puissent développer des instruments favorisant la compétitivité des produits. Il s’agirait par exemple de soutenir la généralisation du transfert de propriété pour les organisations de producteurs, afin d’en augmenter la capacité commerciale.

Elles pourraient également intervenir comme médiateur auprès des parties à un contrat de vente, dans le but de prévenir les conflits entre les acteurs et non de réparer les pots cassés. Nous nous réjouissons d’ailleurs d’avoir obtenu satisfaction en commission sur ce point.

Nous disons également oui au contrat, qui fixe une quantité, une durée et un prix entre deux cocontractants.

Nous regrettons cependant que, dans des filières qui comptent parfois cinq ou six cocontractants, nous nous limitions à des accords qui prennent insuffisamment en compte le circuit global de la commercialisation.

J’attire également votre attention sur le fait que ces deux instruments, filière et contrat, n’auront une efficacité réelle qu’à condition que notre agriculture retrouve des marges de manœuvre !

C’est pourquoi le troisième étage de la fusée doit être constitué d’un observatoire de la compétitivité qui comprendrait deux sections, celle des prix et des marges et celle des distorsions de concurrence, en réalité très liées.

Pour casser la boîte noire des prix et des marges, la première section aurait la possibilité, donnée par décret, de demander l’affichage des informations et statistiques dont elle dispose devant les caisses des supermarchés dont les centrales d’achat ne jouent pas le jeu de la transparence des marges.

Le name, blame and shame cher aux Anglo-Saxons nous paraît bien plus efficace que de dérisoires amendes. Il imposerait le consommateur comme arbitre des réelles distorsions de marge entre le prix d’achat au producteur et le prix payé par le consommateur.

Enfin, la deuxième section de cet observatoire devra réaliser chaque année une étude exhaustive des distorsions de concurrence imposées à nos agriculteurs, tant dans l’application des directives communautaires que dans les multiples réglementations et normes franco-françaises. Ces dernières ont en effet, au fil du temps, corseté une agriculture à qui on demande de courir un 400 mètres haies pour résister à la crise !

Puisque la situation budgétaire du pays n’admet plus les largesses, donnons de l’air à notre agriculture en demandant à cette section d’établir d’ici à la fin de l’année le diagnostic de ces distorsions. La connaissance des distorsions européennes nous permettra de mieux négocier à Bruxelles ; le diagnostic proprement français pourra lui aboutir à un moratoire visant à supprimer rapidement tous les règlements et les normes qui pèsent anormalement sur la compétitivité de notre agriculture.

Cela rejoint l’annonce faite récemment par le Président de la République de la légalisation du seuil de 44 tonnes pour le transport des produits des secteurs agricole et agroalimentaire.

Sous ces conditions, monsieur le ministre, nous admettons que la filière et le contrat, s’appuyant sur une réelle transparence des marges et sur un réel toilettage des normes qui asphyxient notre compétitivité, pourraient redonner une partie de l’oxygène nécessaire à notre agriculture.

Voilà l’avis du groupe de l’Union centriste sur ce sujet particulier. Nous attendrons cependant la fin des débats et le vote des amendements pour arrêter une position définitive sur ce texte, car nous considérons que filière, contrat, compétitivité et transparence doivent être au cœur du dispositif visant à redonner de l’oxygène à notre agriculture !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur certaines travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise affecte durement, depuis plus d’un an, toutes les filières de l’agriculture française. Elle ne doit cependant pas nous occulter l’évolution, voire la mutation préoccupante de la dernière décennie.

À titre d’exemple, la diminution du nombre d’exploitations au niveau national, en moyenne de 19 300 par an de 2000 à 2005, s’est accélérée de 2005 à 2007, passant à 30 000 disparitions annuelles. Aujourd’hui, la simple observation locale des conséquences de la crise que nous traversons montre que le phénomène s’est amplifié et que la concentration se poursuit.

Concernant la crise elle-même, l’analyse est largement partagée. L’Europe, initialement ambitieuse dans la place accordée à l’agriculture, s’est détournée de ce qui était alors sa priorité, renvoyant aux États sa gestion courante. L’idée selon laquelle les marchés s’autorégulent dans l’harmonie, dont on perçoit aujourd’hui la naïveté, a placé les producteurs en position de faiblesse.

Quelles ont été les conséquences de la loi de modernisation de l’économie au plan national ? Qui a bénéficié de son application? On peut déjà affirmer que ce ne sont ni les producteurs ni les consommateurs !

C’est dans ce contexte, régi par la crise conjoncturelle, que le Président de la République a annoncé le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

C’est un projet de loi composite, abordant de nombreux sujets, qui se justifie par les réponses ponctuelles qu’il apporte à une profession terriblement ébranlée. C’est un projet de loi de temporisation également, en attendant 2013 avec la réforme de la PAC et 2015 avec la fin des quotas laitiers.

La LMAP est une réponse dictée par les circonstances aux attentes d’une profession désormais sans perspectives.

La commission de l’économie a procédé à de nombreuses auditions. De même, dans nos régions, nous avons noué des contacts avec des représentants professionnels de toutes sensibilités syndicales.

Nous pouvons en tirer un constat : tous jugent le cadre européen pertinent, nécessaire, voire indispensable pour l’avenir de l’agriculture. Ils font également état de l’urgence qui existe à mettre en place des règles d’équité véritablement communes et rétablissant l’égalité des chances entre les producteurs.

Il faut croire que cette nécessité est réelle et urgente puisque le Président de la République en personne s’est déclaré prêt à soutenir une épreuve de force sur le sujet.

Cependant, dans l’immédiat, qu’attendent les agriculteurs ? Ils souhaitent des prix suffisamment rémunérateurs pour assurer l’équilibre économique des exploitations ; leur stabilité et la lisibilité dans la durée, seul moyen de faire des choix de gestion sans avoir le sentiment de jouer au casino ; l’équité dans les rapports commerciaux au sein des filières, car l’asymétrie est évidente. La variable d’ajustement est toujours la production, au bénéfice de la distribution.

Le cœur de ce projet de loi est donc le titre II consacré à la compétitivité, clé de voûte de la régulation vue par le Gouvernement.

J’aborderai en premier lieu la contractualisation qui, c’est le moins que l’on puisse dire, soulève à juste titre les interrogations des agriculteurs. La crainte existe qu’elle puisse déboucher sur l’intégration. Une inquiétude s’exprime également sur la nature du transfert de propriété induite et son extension possible aux droits à produire.

Par exemple, quelle sera la nature exacte de l’obligation d’un industriel à contractualiser ? Dans la perspective de la suppression des quotas, sur quels volumes porteront les contrats ? Qu’adviendra-t-il après 2015 ? Autre grande question : le contrat prévoira-t-il que soit incluse dans les coûts de production la rémunération du producteur ? Quels moyens d’arbitrage seront mis en place pour régler les conflits ?

L’État est attendu sur les moyens qu’il entend se donner afin de veiller au respect de l’équilibre entre les contractants. Enfin, il importe que le contrat soit collectif et non pas individualisé.

Le renforcement des organisations de producteurs est le deuxième point que je souhaite aborder. Si sur le principe personne ne s’y oppose, c’est sur leur organisation, leurs compétences et leur représentativité que portent les interrogations.

L’exemple suisse justifie de telles inquiétudes. Dans ce pays, depuis la fin du système des quotas en 2009, les organisations de producteurs se livrent à une concurrence effrénée. Incapables de parvenir à un accord, elles produisent désormais des volumes de lait supérieurs aux besoins du marché, provoquant par là même la baisse des prix payés aux producteurs. Dans ce contexte, les organisations interprofessionnelles s’avèrent à leur tour incapables d’arbitrer les conflits.

Il convient donc de placer les organisations de producteurs au niveau pertinent que constituent les bassins de production, mais également d’introduire le pluralisme syndical dans les différentes instances, seul moyen de les rendre incontestables.

Cette idée, sensée et évidente, fait son chemin dans les esprits. Le moindre des paradoxes ne serait pas que ce qui se pratique partout ailleurs dans le fonctionnement des relations sociales soit considéré comme non applicable à l’agriculture.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Il en va de la crédibilité de votre démarche auprès de tous les agriculteurs !

Une dernière question, qui n’est pas sans conséquences, doit également trouver une réponse. Il apparaît en effet que le regroupement des producteurs, même à un stade modeste, serait de nature à contrevenir aux textes législatifs relatifs aux pratiques anticoncurrentielles.

Cela peut prêter à sourire quand on connaît la puissance des cinq ou sept centrales d’achat des principaux groupes de la grande distribution en France. « Selon que vous serez puissants ou misérables… », serait-on tenté de dire !

S’il y a lieu de réglementer, sans doute est-ce du côté de cette concentration anormale du pouvoir économique qu’il faudrait faire porter la vigilance et la rigueur des textes.

Par ailleurs, l’assurance aléas, qu’ils soient climatiques ou sanitaires, consiste à renvoyer au secteur privé la mission d’indemniser les producteurs et, en définitive, à exonérer l’État du rôle qui devrait être le sien. À cet égard, il existe un risque évident de disparité dans le traitement des situations.

Le récent épisode neigeux en Centre Bretagne, qui a touché plus de 1 000 exploitations agricoles, a démontré le caractère variable des réponses apportées par les assureurs.

Sauf à remettre les politiques publiques au centre du jeu, on peut s’interroger sur l’inégalité de traitement qui résulterait de ces propositions.

L’Observatoire des prix et des marges est un instrument utile à la compréhension des rapports économiques au sein des filières, de la production jusqu’à la distribution. Je ne doute pas de l’utilité de sa mise en place ; il conviendra cependant de lui donner des moyens réels de fonctionnement et d’investigation, ainsi qu’une indépendance qui rendra ses rapports incontestables.

Il importe également de connaître l’usage qui sera fait des travaux de l’observatoire. En effet, une chose est de comprendre, une autre est d’agir !

Quelles mesures seront prises, dans le cas, d’ailleurs probable, où des dysfonctionnements ou des anomalies seraient constatées ? Il a été rapporté à la commission une information selon laquelle, alors qu’une centrale d’achat a été condamnée pour abus de position dominante, la décision de justice n’a jamais été appliquée.

Certes, l’établissement d’un rapport par l’observatoire sera intéressant, au même titre que la publication du rapport annuel de la Cour des comptes, mais il sera sans doute suivi de peu d’effets si l’on en reste là.

Sur le sujet, stratégiquement essentiel, de l’installation des jeunes agriculteurs et de leur accès au foncier, le projet de loi est singulièrement muet. Dans ce domaine, le constat est éloquent et sans appel : il n’y a plus de gestion du foncier agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Depuis 2006, les commissions départementales d’orientation de l’agriculture, les CDOA, dans leur section « structures », ont été vidées de leur contenu et de leur raison d’être : désormais, le contrôle de la plupart des transferts de foncier leur échappe. De surcroît, un usage habile des formes sociétaires d’exploitations permet, par la substitution de l’un des membres, de contourner davantage encore les contrôles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Il en résulte une nouvelle concentration des moyens de production au détriment des jeunes qui cherchent à s’installer ou des exploitations en dessous du projet agricole départemental. Dans ce domaine, il faut protéger la profession d’elle-même et de certains comportements. Sur ce sujet, votre parole est attendue, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, le modèle agricole qui a été construit est désormais hors de tout contrôle ; aujourd'hui, il dévore les producteurs.

Au-delà de cette constatation, à laquelle on ne peut bien entendu se résoudre, je tiens à dire avec force, avec les membres du groupe socialiste, que nous sommes attachés à la taille humaine des exploitations, que l’agriculture ne peut pas être mise au rang d’une activité économique banale et que, à ce titre, elle doit être organisée et régulée, et, enfin, que sa fonction consiste non seulement à produire, mais aussi à contribuer à la gestion des espaces et des territoires ruraux, dont elle constitue bien souvent la dernière activité économique.

Tel est, monsieur le ministre, le sens de notre engagement dans ce débat.

Bravo ! et a pplaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, je serai donc bref afin de nous faire gagner du temps. Nous partageons tous dans cette enceinte le même constat : la situation de l’agriculture est grave.

Permettez-moi, monsieur le ministre, puisque vous le connaissez bien, de vous parler un peu du département du Gers, où se cumulent tous les problèmes qui ont été évoqués et où, en outre, un certain nombre de dérèglements climatiques ont entraîné des situations extrêmement graves, au point que le revenu des agriculteurs gersois est inférieur au RMI pour près de 40 % d’entre eux et au SMIC dans 55 % des cas. Vous l’avez compris, dans le Gers, le bonheur n’est plus dans le pré !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

En effet, mon cher collègue !

Cette situation ne peut perdurer. Tout a été dit sur le poids de l’agriculture dans l’économie, les difficultés du secteur agroalimentaire, les chiffres correspondants.

Pour ma part, j’insisterai sur le problème de la sécurité alimentaire. Cela a été dit, un certain nombre de décisions permettront, notamment, d’assurer une meilleure traçabilité, de faciliter le contrôle, de décerner des labels. Le problème de l’obésité a été évoqué, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

C’est un problème majeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

… problème certes majeur, monsieur le ministre, mais il faut peut-être avoir le courage d’aller plus loin.

D’autres problèmes existent également. Dans un territoire comme le nôtre, qui compte trois pôles de compétitivité, s’agissant de la sécurité alimentaire, nous pourrions créer une solidarité entre le consommateur et le producteur.

Le pôle de compétitivité Agrimip Innovation, présidé par Alain Chatillon, a réalisé, en relation avec le pôle cancer-bio-santé, des études accablantes sur certains produits arrivant en France et suspectés, au vu des données statistiques, d’être à l’origine de maladies bien plus graves que l’obésité.

Des réponses à ce grave problème de la sécurité alimentaire devront être recherchées, en concertation notamment entre le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche et celui de la santé et des sports.

D’une manière plus générale, comment se positionner par rapport à ce texte ? Nous en sommes tous convaincus, des solutions doivent être trouvées pour adapter l’agriculture à notre temps et pour sauver les agriculteurs dans l’attente de jours meilleurs. Dès lors, voter contre ce texte reviendrait à repousser des mesures importantes.

Tout d’abord, les relations entre le secteur de la distribution et les agriculteurs sont insuffisamment développées. C’est d’ailleurs étrange, car, sur mon territoire, la grande distribution a accepté de réduire ses marges pour raconter une histoire, celle du commerce équitable !

M. Jean-Jacques Mirassou rit

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je n’ai rien contre le commerce équitable – ma ville compte d’ailleurs quatre-vingts emplois dans ce secteur –, mais je ne comprends pas que la grande distribution réduise d’elle-même ses marges dans un souci humanitaire pour venir en aide aux populations concernées des pays en voie de développement et que, dans le même temps, il faille la contraindre pour qu’elle accepte de sauver les agriculteurs de nos territoires ! Or la situation est si grave en France que les agriculteurs sont désespérés, pour ne pas dire plus. Nous allons peut-être devoir faire face à des actes irréparables. C’est pire que du désespoir !

Sur ce point, notre groupe attend de savoir comment vous allez recevoir nos amendements pour prendre position.

Ensuite, j’évoquerai les filières courtes. Aujourd'hui, certaines situations sont ridicules. Parmi les nombreux exemples, je citerai celui des mandarines qui remontent par bateau jusqu’à Paris avant de revenir, le cas échéant, en Corse ! De même, 80 % de la viande consommée dans la capitale régionale provient de l’extérieur de la région.

Monsieur le ministre, vous venez de vous engager à modifier le code des marchés publics afin de favoriser les filières courtes. Cet engagement devra se traduire de manière concrète avant la fin de la discussion de ce texte. C’est important, car la meilleure manière de sauver les agriculteurs ou de leur donner un peu d’espoir, c’est non pas de leur verser des aides à titre de compensation, mais de leur permettre d’écouler immédiatement leurs produits sur des marchés concrets qui préservent leurs marges.

Enfin, je souhaiterais que l’on réfléchisse aussi à de nouveaux instruments de type crédit d’impôt carbone pour certaines filières. Il faut en faire bénéficier l’agriculture. Un certain nombre d’initiatives sont déjà engagées. Un pôle d’excellence rurale, appelé pôle d’expérimentation et d’application des techniques satellitaires, ou PATS, que M. le rapporteur Gérard César est venu visiter, est prêt à se lancer dans une expérimentation qui permettrait à certaines filières de bénéficier de ce dispositif. Monsieur le ministre, nous savons que vous vous battez sur ce dossier, qui n’est pas facile.

Au total, le projet de loi qui nous est soumis comporte des points positifs. Néanmoins, le groupe RDSE attendra de connaître le sort qui sera réservé à ses soixante-cinq amendements avant de prendre position sur l’ensemble du texte.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail accompli par MM. les rapporteurs, mais aussi le vôtre, monsieur le ministre, et, en particulier, votre affirmation selon laquelle l’agriculture reste l’une des grandes spéculations économiques du monde de demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Même le Mosellan que je suis, originaire d’une terre d’industrie, partage cette conviction. En Moselle, territoire de la sidérurgie et du charbon, qui compte plus d’un million d’habitants, l’agriculture reste une spéculation économique d’avenir. C’est dans ce cadre que nous devons réfléchir à la future PAC.

Je commencerai par évoquer les circuits courts. Ils sont importants, car ils permettent de commercialiser les produits agricoles sans recourir aux intermédiaires traditionnels. Le volume de production agricole susceptible de passer par ces circuits est appelé à se développer.

Pour ma part, en tant que président d’une collectivité locale, je suis prêt à vous suivre, monsieur le ministre, pour expérimenter dès que possible, avec d’autres collectivités, la meilleure façon de faire entrer les produits agricoles mosellans ou lorrains dans les cent collèges de mon département, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

… ainsi que dans les cent dix maisons de retraite, où des milliers de repas sont servis quotidiennement, ce qui est phénoménal. Puisque nous disposons de nos propres cuisines, il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres ! Il est donc possible aujourd'hui de passer à l’expérimentation des circuits courts en grandeur réelle. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous faciliter les choses en modifiant le code des marchés publics.

J’en viens maintenant au thème principal de mon intervention, la forêt, qui a été qualifiée tout à l'heure de belle endormie.

Elle est belle, parce qu’elle a reçu beaucoup de soins pendant des siècles et qu’elle a bénéficié d’investissements colossaux depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le Fonds forestier national, qui a malheureusement été supprimé pour des raisons que je n’ai toujours pas comprises, a permis de traiter plus de cinq millions d’hectares au cours des cinquante dernières années.

Mais la forêt est également fragile, comme nous l’ont démontré les tempêtes.

Cela étant, elle est globalement en bon état.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

C’est d’ailleurs le constat qui est fait par l’ensemble de nos partenaires s’agissant de la forêt française, comme de la forêt européenne de façon générale, en dépit des blessures qui ont été infligées à ces dernières.

L’ensemble des naturalistes reconnaissent que l’on peut sans danger demander plus de bois à la forêt sans compromettre ses fonctions écologiques. C’est là un point intéressant.

La forêt française couvre quinze millions d’hectares. On s’en soucie peu, mais elle représente tout de même 33 % du pays.

Or ce tiers du territoire national ne coûte pas cher au contribuable français ! §Quand on donne deux centimes à la forêt, on a l’impression de donner beaucoup ; or, faites le compte, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt ne coûte pratiquement rien.

Par ailleurs, on entend souvent dire que la forêt est complètement endormie. Permettez-moi d’objecter que la filière bois, forêt et industrie du bois, emploie aujourd'hui autant de salariés qu’il y a trente ans. Peu de secteurs réalisent une telle performance. En réalité, la forêt offre quantité de possibilités.

Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, mais le discours du Président de la République à Urmatt montre que les pouvoirs publics et le Gouvernement ont bien compris que l’on pouvait éveiller cette belle endormie, avec prudence s’entend.

Monsieur le ministre, les articles relatifs à la forêt dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche sont à mes yeux extrêmement intéressants. Je vous remercie d’avoir présenté les plans pluriannuels régionaux de développement forestier, qui constituent une innovation. Ils permettront de territorialiser une politique nationale. Cette proposition donne concrètement suite au discours du Président de la République.

À présent, permettez-moi d’évoquer la tempête de 1999 et d’aborder un problème grave. En effet, le Sénat n’a toujours pas reçu le rapport de l’administration forestière sur cette tempête. Or nous avons exigé l’an dernier de pouvoir disposer de ce rapport, car il devrait se révéler assez riche d’enseignements.

En lien, me semble-t-il, avec les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, M. le rapporteur Gérard César a déposé un amendement très positif, auquel je tiens beaucoup, visant à instituer un compte épargne d’assurance pour la forêt. Sans un tel dispositif, nous ne pourrons pas disposer, dans les années à venir, des moyens de reconstituer des forêts abîmées par la tempête. Il s’agit donc là d’une grande avancée.

Monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas opposé intellectuellement à une telle mesure. Pour ma part, je la défends ardemment. C’est la première réponse à apporter aux problèmes soulevés par la tempête.

Je terminerai en abordant un sujet que notre collègue Jean-Pierre Raffarin a également soulevé. Monsieur le ministre, pour que la mobilisation supplémentaire de bois, évoquée tout à l’heure, soit un succès, l’État doit reprendre toute son autorité en matière forestière. Sur ce point, votre administration est excellente, mais insuffisante. Les moyens dont vous disposez, à Paris comme en province, ne vous permettent pas de conduire une politique forestière responsable et respectueuse de la sylviculture.

L’agriculture moderne va revenir aux règles de l’agronomie, nous dit-on. Cette discipline, qui prône le respect des sols et des climats, représente l’avenir de l’agriculture. Étant moi-même agronome et naturaliste ardent, je suis fermement convaincu que, demain, la richesse agricole reposera sur ces techniques.

Il en va de même pour la sylviculture. Simplement, en France, nous sommes en train de l’oublier, car tout le monde aborde cette discipline de manière sectorielle, en se préoccupant de tel ou tel parasite du chêne ou de l’orme, de tel ou tel petit système d’alimentation en oligo-éléments, de tel ou de tel arbre…

Personne ne s’occupe plus de la gestion conceptuelle des grandes populations de forêt, de la sylviculture et de l’aménagement forestier ! Pourtant, compte tenu de tels enjeux, notre action en la matière se doit d’être conçue dans une perspective à vingt, à cinquante, voire à cent ans ! Mais aucun scientifique ne se préoccupe plus d’un tel sujet, pas même au sein de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, ou de l’Office national des forêts, l’ONF ! Depuis quelques années, il existe un formidable déficit de réflexion en matière forestière.

Monsieur le ministre, au-delà de la réflexion sur l’agronomie, soyez donc, et je vous y aiderai de toutes mes forces, l’artisan de la renaissance d’une école de sylviculture et d’aménagement forestier en France !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les problématiques de compétitivité et de revenu, voire de survie, réunissent aujourd’hui l’agriculture et la pêche françaises.

Au cours de leurs interventions respectives, mes collègues Daniel Soulage et Daniel Dubois viennent de fixer le cap et de présenter les mesures concrètes et cohérentes qu’il est impératif de prendre si nous voulons, ensemble, que le présent projet de loi permette aux agriculteurs d’exister encore demain grâce aux revenus de leurs productions, tout en assumant leur mission alimentaire et en poursuivant l’aménagement de notre territoire, dans une démarche de développement durable.

Pour ma part, je soulignerai les questions propres au secteur de la pêche, auquel le projet de loi réserve cinq articles, axés sur la modernisation de sa gouvernance.

La pêche connaît, elle aussi, des temps très difficiles, non seulement parce que les quantités débarquées entre janvier 2009 et janvier 2010 ont diminué de 15 %, mais également parce que ce secteur connaît une balance commerciale fortement déficitaire, à hauteur de 2, 5 milliards d’euros.

Les Français consomment bien entendu une partie importante des 730 000 tonnes de poissons pêchés par la France, mais, en réalité, 85 % des poissons sur nos étals sont importés, notamment le saumon et le cabillaud.

Certes, le projet de loi n’a pas vocation à changer les habitudes de consommation. Mais nous nous intéresserons aux quelques dispositions qu’il prévoit pour la pêche.

Le secteur halieutique compte quelque 16 000 marins embarqués et induit – je tiens à le rappeler – trois fois plus d’emplois à terre, que ce soit dans la construction navale, le ravitaillement ou la transformation des prises.

Un point positif concerne la mise en place d’un comité de liaison scientifique. En effet, il est indispensable – je porte ce message depuis longtemps – que le monde scientifique et les pêcheurs dialoguent. C’est une nécessité pour mieux appréhender et partager le diagnostic du niveau de la ressource halieutique et pour rendre plus acceptables les décisions de restriction de pêche, qui sont prises pour protéger cette ressource.

Par ailleurs, si le projet de loi modifie l’organisation de la filière, il est fondamental, et j’insiste sur ce terme, que, malgré la disparition des comités locaux, les réalités de terrain des professionnels et les enjeux locaux soient bien pris en compte au sein des comités départementaux et régionaux, comme au sein du comité national. Pour que cela soit possible, il est indispensable que les comités puissent au moins avoir la possibilité de mettre en place des antennes locales. J’ai déposé un amendement en ce sens.

En revanche, si l’échelon local doit être préservé d’une manière ou d’une autre, on ne peut que s’interroger sur la création de comités interdépartementaux destinés à concurrencer directement des comités régionaux. Ce dispositif ne me semble pas favoriser une bonne lisibilité de l’organisation de l’interprofession. De surcroît, il est de nature à occasionner des frais de structure inutiles, que, à mon avis, les professionnels n’accepteront pas de financer.

En outre, pour assurer une organisation efficace de l’interprofession, il conviendrait que les statuts des organes de représentation soient harmonisés et précisés par décret. Sont notamment concernées les indemnités et la couverture sociale. Les dispositions en ce sens que je proposerai d’intégrer dans le projet de loi contribueront à compléter le fonctionnement interprofessionnel du secteur de la pêche. Ce dernier a besoin d’une organisation plus forte, en matière d’écoute comme de prise de décision, pour enrayer l’atonie de son développement économique.

Par ailleurs, je me félicite de voir émerger l’association France Filière Pêche, dont tous les acteurs de la filière économique, de la pêche jusqu’à la distribution, viennent de signer les statuts. J’espère qu’elle saura être force de propositions pour développer et promouvoir la filière française, dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés de la filière.

Enfin, je veux souligner les efforts qui pourraient être réalisés au sein de la filière s’agissant des flottes de pêche. La pêche veut sortir des années noires de réduction de sa flotte, qui a été diminuée de moitié en vingt ans, afin de s’adapter à la politique des quotas. Ainsi, dans le port de pêche à l’anchois de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, il ne reste plus que quatre bateaux sur les vingt-quatre qui étaient en activité voilà quatre ans.

À une telle chute s’ajoute le besoin de renouveler la flotte pour des raisons de sécurité, de réduction de la dépendance au gazole et d’expérimentation de nouvelles méthodes de pêche. Heureusement, la flotte représente encore plus de 5 000 bateaux, ce qui implique des investissements colossaux.

Aussi, sur le plan fiscal, nous disposons d’un outil qu’il convient de soutenir. Il s’agit de la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en faveur de l’investissement dans les PME. Dans les faits, la limitation, qui est contraire, semble-t-il, au dispositif législatif, à une holding par secteur d’activité et par an, pénalise la collecte de fonds propres à hauteur de 250 000 euros, soit 50 investisseurs à 5 000 euros, en moyenne.

Quand on sait que, aux Sables d’Olonne, il faudrait construire un navire tous les deux ans et que, pour un navire de vingt-deux mètres, l’investissement dépasse 2 millions d’euros, il devient évident que les holdings ISF dédiés au financement des PME constituent un outil de développement par excellence. Encore est-il indispensable que plusieurs holdings puissent souscrire au capital d’une même PME. Ce serait un signal fort en direction des jeunes, pour des investissements au service d’une pêche durable.

Il existe dans le secteur de la pêche un réel dynamisme, une véritable volonté d’initiative, pour réenclencher une logique de développement. Le Gouvernement se doit de soutenir ces efforts, afin que notre économie de la pêche et de l’aquaculture exprime tout son potentiel, bien supérieur à la santé actuelle de la filière.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est notre collègue Serge Larcher, retenu en Martinique, qui devait s’exprimer sur le présent projet de loi. Je parlerai donc en son nom et en celui de nos collègues Jean-Etienne Antoinette, Georges Patient et Claude Lise.

Après la remise, en juillet 2009, d’un rapport de nos collègues Éric Doligé et Serge Larcher au nom de la mission d’information sur la situation des départements d’outre-mer, après le lancement des états généraux d’outre-mer par le Président de la République et les conclusions du Conseil interministériel de l’outre-mer le 6 novembre 2009, nous sommes surpris de constater que le Gouvernement a l’intention de traiter les problématiques des territoires ultramarins par voie d’ordonnance.

Ainsi, le Gouvernement demande au Parlement de lui accorder un blanc-seing et de renvoyer à plus tard les mesures qu’il est nécessaire de prendre dans les meilleurs délais pour nos agriculteurs.

Monsieur le ministre, quel n’est pas notre étonnement de voir ainsi renvoyer à une date ultérieure la modernisation de l’agriculture et de la pêche pour nos régions d’outre-mer, et ce malgré l’ensemble du travail accompli dans ce secteur, incluant des diagnostics très précis concernant les difficultés rencontrées sur nos territoires et des solutions ne demandant qu’à être appliquées.

La méthode consistant à conditionner les mesures spécifiques à l’outre-mer à l’adoption d’ordonnances gouvernementales est malheureusement trop fréquente. Mais, cette fois, elle est d’autant plus inacceptable que, je le répète, le diagnostic a été posé et les solutions ont été préconisées, et ce bien en amont.

Monsieur le ministre, lors du débat d’orientation sur l’agriculture et la pêche organisé au Sénat le 28 avril dernier, vous n’avez pas répondu aux préoccupations exprimées par notre collègue Georges Patient quant à l’outre-mer. Cela nous inquiète. Nous espérons que vous répondrez aujourd'hui à nos demandes, s’agissant notamment de la problématique de la pollution des sols, avec le chlordécone aux Antilles et le mercure en Guyane.

Il y a pourtant urgence à agir pour l’outre-mer, au moment où l’Europe semble nous abandonner. En effet, la Commission européenne doit entériner aujourd’hui même un accord européen de libre-échange avec le Pérou et la Colombie, accord qui constitue une menace grave pour nos principales productions agricoles, c'est-à-dire les cultures maraîchères et vivrières, le sucre, le rhum et la banane.

Cet accord pénalisera donc largement nos agricultures déjà fragilisées. De plus, nous craignons qu’il ne soit étendu ultérieurement à l’ensemble des pays d’Amérique latine. Au regard de nos préoccupations sociales et environnementales, dans quelle mesure le gouvernement français défend-il nos intérêts face à la Commission européenne ?

Monsieur le ministre, nous souhaitons que la France s’engage pour les territoires ultramarins, aux échelons tant national qu’européen, à défendre l’agriculture et la pêche, secteurs cruciaux pour nos économies.

Vous ne pouvez pas ignorer la fragilité du secteur agricole outre-mer, encore trop dépendant des filières traditionnelles, comme la canne et la banane. Ces productions méritent notre soutien et un accompagnement dans la diversification des cultures.

Vous ne pouvez pas non plus ignorer la faiblesse de la couverture des besoins alimentaires locaux et notre dépendance commerciale à l’égard de l’Europe !

Nous ne cessons de le répéter, si la richesse de la faune et de la flore est indéniable dans toutes nos régions d’outre-mer, nos ressources naturelles sont insuffisamment exploitées et valorisées.

Ces secteurs sont fragiles et connaissent de lourdes difficultés, marquées par des retards importants en matière d’infrastructures et par de nombreux freins à leur développement. Je pense, notamment, aux difficultés d’accès au crédit, à la rareté du foncier, à la faiblesse de la recherche développement, aux limites en matière de formation, notamment pour la pêche, et au manque d’organisation des filières.

Nous pourrions continuer la liste de nos handicaps et des solutions à y apporter, conformément au rapport de la mission sénatoriale et aux documents du Conseil interministériel de l’outre-mer.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas intégrer de telles mesures dès aujourd’hui dans le présent projet de loi, afin de respecter les engagements du Président de la République et de favoriser un véritable développement endogène des outres-mers ? Les amendements que mes collègues et moi-même avons déposés vont dans ce sens. J’espère que vous y porterez un intérêt particulier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi arrive en discussion au moment où l’agriculture traverse, nous le savons tous, une grave crise.

Ce texte apportera-t-il des solutions aux agriculteurs ? Ces derniers seront très attentifs aux mesures qui seront décidées par le Parlement. Nous avons, à cet égard, mes chers collègues, une grande responsabilité.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous attendiez beaucoup du Parlement pour enrichir ce projet de loi. Vous ne manquerez donc pas d’accepter les nombreux amendements que nous avons déposés et qui répondent aux attentes du monde agricole.

En tant que président du groupe d’études de l’élevage, mon intervention portera principalement sur les problèmes liés à ce secteur.

Je ferai d’abord un constat. Le commerce extérieur des viandes a diminué fortement, non seulement avec des pays tiers, mais également, de façon plus prononcée, avec les membres de l’Union européenne. Notre cheptel ovin a perdu près de 3 millions de têtes. Aujourd’hui, c’est notre troupeau bovin qui enregistre à son tour une baisse importante de ses effectifs. Enfin, dans le secteur porcin, nous avons acheté à l’Allemagne 17 000 tonnes de porc de plus que ce que nous lui avons vendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Cette production souffre des particularités territoriales, comme des fluctuations de prix, en raison, me semble-t-il, non pas d’un manque de technicité des éleveurs, mais plutôt d’une insuffisante rentabilité de la profession, qui doit s’acquitter, j’insiste sur ce point, d’une forte présence journalière.

Ce projet de loi suffira-t-il à changer les choses ? C’est ma question, c’est notre question.

Certes, il apportera des améliorations grâce à un certain nombre de mesures. Je pense à la contractualisation pour les productions vendues, à l’assurance récolte destinée à répondre aux difficultés du secteur herbager. Je pense également à la reconnaissance et à la mise sur le marché des produits locaux, via des circuits courts, ou au contrôle des marges.

Néanmoins, le fossé entre la situation actuelle et l’objectif à atteindre est si profond que les mesures prévues dans le projet de loi ne suffiront pas, je le crains, à le combler totalement.

Pourtant, monsieur le ministre, je reconnais la détermination dont vous faites preuve sur le plan national comme sur le plan européen.

De même, je salue le travail immense réalisé par nos rapporteurs, qui ont auditionné pas moins de deux cent trente-trois personnes. C’est un record ! Il témoigne de l’importance de l’effort de préparation qui a présidé à l’élaboration de ce texte.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, c’est grâce à une meilleure répartition du prix des produits alimentaires entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs que l’on trouvera une partie de la réponse.

Mais elle ne suffit pas. Il importe également de cesser de charger continuellement « la barque » des exploitations agricoles par l’augmentation des charges, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Raffarin voilà quelques instants.

Il faut aussi mettre un terme aux contraintes quotidiennes croissantes des éleveurs, Aymeri de Montesquiou l’a souligné. Les règles franco-françaises allant au-delà des normes communautaires ou plus strictes que celles en vigueur dans les autres États membres augmentent les coûts de production, les salaires et les charges sociales, et ce dans tous les secteurs, social, environnemental, sanitaire, celui des transports, ce qui nous fait perdre de la compétitivité, sans parler des services de proximité de l’État, qui n’ont pas toujours les méthodes de contrôle souhaitables.

Monsieur le ministre, l’élevage aura besoin de crédits, vous le savez. Je veux bien qu’il soit question du bien-être animal, mais je ne souhaite pas que l’on oublie pour autant le confort humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Les éleveurs ont besoin de bâtiments d’élevage pratiques et adaptés à leurs utilisations, qu’il s’agisse de la traite, de l’évacuation des fumiers ou de l’enfourragement. Cela nécessite des politiques de subventions d’investissement significatives si l’on reste aux prix actuels.

Voilà quelques jours, vous nous avez dit que les éleveurs allemands pouvaient se contenter d’un prix bas du lait parce qu’ils étaient également producteurs d’énergie.

Que de chemin nous reste-t-il à parcourir ! La route sera longue pour utiliser les lisiers, le fumier pour la biomasse, tirer parti des toits pour l’énergie solaire, exploiter les céréales de manière plus significative pour les biocarburants. Là encore, les accompagnements financiers devront être importants.

Le projet de loi apportera-t-il une réponse à la hauteur de ce challenge pour que nos élevages soient producteurs d’énergie ?

L’élevage, plus que tout autre secteur dans le domaine agricole, devra être particulièrement adaptable à l’adéquation entre production et consommation. En effet, de nombreux produits sont tributaires des conditions climatiques : par exemple, le secteur laitier et fromager enregistre des fluctuations de prix importantes pour peu que la production varie d’un infime pourcentage au-dessus ou en dessous d’un point donné.

Tous les mécanismes de régulation prévus dans ce projet loi doivent permettre une telle adéquation, avec des adaptations régionales.

Par ailleurs, nous devons amplifier nos efforts en matière de recherche, d’élaboration de nouveaux produits alimentaires et d’amélioration du patrimoine génétique, tout en veillant sans cesse à la qualité sanitaire de nos produits.

La France est particulièrement bien placée dans ce domaine, et elle doit le rester ! C’est pourquoi je défendrai avec insistance tous les amendements qui iront dans le sens de l’étiquetage, principalement des lieux de production des produits alimentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

En si peu de temps, je ne peux évoquer tous les problèmes de l’élevage français.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, nous devons veiller ensemble à ce que ce secteur puisse absolument retrouver sa compétitivité sur le plan européen, cela a été souligné, afin d’éviter, au moins, les distorsions de concurrence.

Il ne faudrait pas que nous en arrivions dans les prochaines décennies à importer nos produits alimentaires d’Amérique du Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, des États-Unis, voire de pays plus proches tels que l’Allemagne ou l’Espagne. Voyant nos montagnes et nos pâtures vides d’animaux, nos concitoyens comprendraient alors quel fut le rôle des éleveurs en France au début du xxie siècle. Ce serait une belle histoire sans retour !

Il nous revient, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’empêcher que ce scénario ne se réalise !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, malgré tous les satisfecit entendus depuis le début de l’après-midi, s’élabore dans la douleur et l’approximation !

Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement sachant que l’agriculture française traverse une crise sans précédent, qui justifie des mesures urgentes pour répondre aux attentes des agriculteurs, dont certains connaissent des situations dramatiques ?

Dans le même temps, monsieur le ministre, vous prétendez, au travers de ce projet de loi, faire changer notre agriculture d’époque pour lui permettre d’affronter les enjeux du xxie siècle.

La procédure accélérée qui a été choisie devait, à vos yeux, répondre à cette double exigence ; mais l’expérience prouve, une fois de plus, qu’il s’agit d’une mission impossible ! Les sénatrices et sénateurs que nous sommes sont bien placés pour le savoir !

Il en résulte une confusion des genres : le texte initial du Gouvernement a été malmené par votre propre majorité au cours d’une discussion où, comme à son habitude, le chef de l’État s’est invité à distance en se lançant dans des initiatives et des prises de position – ce fut encore le cas hier – dont il a le secret et qui ne sont pas de nature à rendre crédible une démarche de fond. Il aurait fallu faire preuve de sérénité et afficher une volonté politique claire.

Pourtant, vous avez, à de nombreuses reprises, évoqué l’idée d’une production agricole où la demande ne serait plus soumise à l’offre, mais où, au contraire, l’offre serait modulée par rapport à la demande.

Nous ne pouvions que nous en réjouir. Malheureusement, l’évolution du texte que nous étudions aujourd’hui rend la portée et la cohérence de vos intentions plus que discutables. Vous subissez, monsieur le ministre, cela a déjà été souligné, la pesanteur des choix idéologiques de vos prédécesseurs, qui ont été les champions de la dérégulation et les tenants de la loi du marché.

Cet héritage est lourd et difficile à porter. Il vous empêche de faire réellement « bouger » les choses, comme vous le souhaiteriez, alors que le consommateur et le producteur ont un besoin vital de se voir clairement proposer des solutions durables.

C’est ainsi que le titre Ier du projet de loi se trouve, d’une certaine façon, disqualifié, alors qu’il a pour objet de « Définir et mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation ». De notre point de vue, il ne se préoccupe pas assez d’engager une politique économique au bénéfice des populations les plus fragiles et les plus exposées à la crise.

Une politique de l’alimentation, qui prétend « assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité nutritionnelle, produite dans des conditions durables » en négligeant de s’adjoindre un volet social, est vouée à l’inefficacité.

Il faut reconnaître, néanmoins, que la majorité de la commission a accepté, au titre Ier, trois amendements déposés par le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Dans le même temps, mon cher Gérard César, les amendements que nous considérions comme les plus pertinents et les plus significatifs sur le plan social ont été rejetés ! La majorité a, par exemple, refusé que le texte mentionne l’accès des citoyens à une alimentation sûre et de qualité, dans des conditions économiquement acceptables pour tous. Transformer l’Observatoire des prix et des marges en un outil réellement opérant constitue pourtant un enjeu essentiel !

Les intervenants précédents l’ont dit, nos travées sont occupées par nombre de spécialistes en matière d’agriculture, qui ont tous à cœur de défendre leur territoire et leur production.

Pour ma part, j’évoquerai le consommateur, dont il n’a pas été suffisamment question et qui devrait rester au centre des préoccupations de chacun.

Je me référerai à deux indicateurs que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et que j’ai cités à de multiples reprises en commission.

Tout d’abord, quelle que soit la variation à la baisse de la rémunération des producteurs de lait ou de porc, les prix à l’étal ne diminuent jamais.

Ensuite, l’explosion du prix du blé voilà trois ou quatre ans a entraîné, parfois par anticipation, une augmentation très sensible du prix du pain. Aujourd’hui, le prix du blé a considérablement chuté. Pour autant, le prix du pain est resté au même niveau.

Ces deux indicateurs sont présents dans l’esprit des 65 millions de consommateurs que compte notre pays. Tant que ces données n’auront pas été modifiées de façon à les rendre plus raisonnables, donc plus admissibles aux yeux de l’opinion publique, ni vous ni nous n’aurons rempli notre mission.

Le consommateur s’intéresse rarement au mécanisme qui fait évoluer les prix de manière parfois exponentielle entre le stade du producteur et lui-même. Son souci, à lui, est de débourser la somme voulue pour acheter des produits de première nécessité.

Au travers de ces deux exemples précis et connus de tous, on peut se rendre compte que beaucoup reste à faire pour revenir à une situation normale.

Pourtant, nous sommes nombreux à être persuadés que, compte tenu des atouts de notre agriculture, il n’est pas illusoire, bien au contraire, d’envisager une réforme qui pourrait concilier les intérêts des deux bouts de la chaîne, c'est-à-dire ceux du producteur, auquel il importe de garantir des revenus décents et des perspectives d’avenir, et ceux du consommateur, qui a le droit de revendiquer des produits de qualité à des prix raisonnables.

Au moment où s’ouvre ce débat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux pas cacher mon scepticisme, voire mon pessimisme, par rapport au texte qui nous est soumis.

J’en profite également pour souligner que les agriculteurs du Sud-Ouest, particulièrement ceux de la Haute-Garonne, généralement de petits exploitants, ne peuvent pas non plus se reconnaître dans ce projet de loi.

J’espère néanmoins que la suite du débat nous permettra d’évoluer dans le bon sens !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection du foncier agricole est devenue aujourd’hui un enjeu majeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Elle revêt une urgence de plus en plus grande dans la mesure où, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pas moins de 200 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour en France.

Vous me permettrez d’insister tout particulièrement sur la protection du foncier forestier. En effet, ce dernier subit une pression très forte depuis la dernière tempête, ce qui peut laisser présager des conséquences environnementales regrettables, notamment pour la région Aquitaine, alors que le « Grenelle de l’environnement » vient d’ouvrir de réelles perspectives pour la filière bois.

On ne peut nier le caractère de service public de l’investissement forestier et tout doit être fait pour maintenir l’intégralité du massif forestier aquitain, puits à carbone et pompe à eau. Vous le savez, monsieur le ministre, après deux graves tempêtes en dix ans, les sylviculteurs du Sud-Ouest ont réellement besoin d’être convaincus de reboiser.

Le plan de soutien que vous avez mis en place a bien prévu des aides pour la valorisation du bois arraché et le reboisement, mais pas de compensation pour les pertes d’exploitation ; or, la forêt n’est pas assurée. Autrement dit, les sylviculteurs devront attendre quarante ans pour voir repousser un revenu futur. Quelles sont les professions qui disposent d’une trésorerie suffisante pour attendre aussi longtemps ? En même temps, le reboisement continu est absolument nécessaire pour maintenir les flux qui conditionnent l’existence de l’industrie du bois.

Les sylviculteurs ne sont pas des quémandeurs, monsieur le ministre ! Faut-il encore rappeler que 45 millions de mètres cubes de bois ont été abattus le 24 janvier 2009, soit l’équivalent de cinq années de production dans le massif forestier des Landes de Gascogne ? Ces volumes sont gigantesques et il faut une foi à toute épreuve pour envisager encore un avenir dans cette profession !

Faut-il également rappeler que les cours ont chuté de 80 % à 90 % après la tempête de l’an dernier, en raison de la crise financière qui a suivi, et que les prêts bonifiés mis en place pour financer le stockage des bois ont été un échec, les banques ayant hésité à prêter à des exploitations en difficulté ?

La mise en place d’un fonds assurantiel pour la forêt, réclamée après les tempêtes de décembre 1999, est donc devenue aujourd’hui incontournable si nous voulons conserver à nos massifs forestiers leur capacité à produire du bois et à alimenter une industrie. Monsieur le ministre, vous nous avez dit y être favorable, et nous nous en félicitons !

Le Sénat, et notamment sa commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a en conséquence pris l’initiative d’introduire dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture un article additionnel visant à créer un « compte épargne d’assurance pour la forêt », associé à une incitation à la souscription d’une assurance contre le risque de tempête. Ce dispositif s’appuie sur les travaux de la commission sur l’assurance du risque de tempête sur les forêts qui a rendu ses conclusions en février.

Je ne reviendrai pas sur les détails de cet article, qui sera inséré après l’article 16 et que la commission de l’économie a déjà adopté à l’unanimité. Sur ce point, je tiens à rendre hommage au rapporteur de la commission, notre excellent collègue Gérard César, qui n’a pas ménagé sa peine pour aboutir à cette solution à laquelle, bien évidemment, j’apporte mon entier soutien.

Je me permettrai, toutefois, de proposer quelques amendements visant à préciser la particularité de l’activité forestière, afin que cet article 16 bis réponde au mieux aux attentes de la profession.

En conclusion, j’ai plaisir à souligner que le discours du Président de la République à Urmatt, il y a un an, était porteur d’une nouvelle et grande ambition forestière. N’a-t-il pas rappelé que la valorisation du bois de nos forêts était stratégique pour la lutte contre le réchauffement climatique, pour l’avenir de nos territoires ruraux et pour notre économie ?

Aussi, au bénéfice de ces explications, je vous demande avec insistance, monsieur le ministre, de ne pas laisser passer l’occasion que nous offre aujourd’hui la loi de modernisation de l’agriculture ; les sylviculteurs du Sud-Ouest ne le comprendraient pas. Vous avez réglé le problème des ostréiculteurs du bassin d’Arcachon, j’ai plaisir à le rappeler à cette tribune et à vous en remercier encore ; donnez également aux sylviculteurs l’assurance qu’ils s’engagent dans le cadre d’une politique forestière durable !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauconnier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contexte : il saute aux yeux. Notre assemblée sait mieux que d’autres l’enjeu que représente l’agriculture pour notre espace rural et nos régions.

Je voudrais rapidement attirer votre attention sur trois points particuliers, monsieur le ministre.

Le premier a trait au renforcement de la compétitivité de l’agriculture française. Sur ce sujet, le projet de loi, en l’état actuel, apporte une réponse qui me semble partielle et partiale : l’agriculture n’est pas abordée dans sa diversité, laissant imaginer qu’il n’existe qu’un seul modèle, celui de l’échange macro-économique avec la dureté de ses rapports. C’est oublier une autre agriculture, dont l’espace des échanges est beaucoup plus modeste et dont la finalité ne peut se limiter aux seuls aspects de la production et de la concurrence internationale : c’est l’agriculture de la qualité, de la proximité, de la confiance. Cette agriculture attend certes une juste rémunération par le prix du produit, mais également une reconnaissance économique de son rôle sociétal au sein de son espace. Elle n’attend rien du seul « tout-marché », elle a même tout à en craindre !

Qu’y a-t-il de commun entre un producteur laitier des Hautes-Pyrénées qui produit 150 000 litres par an et un agriculteur d’un département laitier de plaine qui en produit 500 000 ou, pis encore, avec les « usines à lait » de l’Europe du Nord ? Certes, la réponse économique n’est pas facile mais, si l’on n’instaure pas plus de solidarité, de péréquation et de régulation, le « toujours plus de marché » et son système dominant feront la sale besogne aboutissant à la disparition silencieuse de milliers d’exploitations, avec les conséquences qui s’ensuivront pour nos villages, nos paysages, nos espaces qui se ferment, nos emplois…

Vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont connu les mêmes clivages entre les grandes exploitations du Nord et les petites et moyennes exploitations du bocage, du Midi, de la Bretagne et de la montagne, les uns demandant que leur situation soit confortée, les autres qu’un avenir leur soit ouvert. Cinquante ans après, peu de choses ont changé conceptuellement, si ce n’est le développement de la mondialisation.

Il y a donc urgence à établir une véritable approche régionale, comme l’ont fait tous nos partenaires européens.

Mme Odette Herviaux manifeste son approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne les moyens. Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont eu à assumer de grands bouleversements dans le secteur agricole, mais ils s’étaient donné les outils et les moyens de leur politique. Je sais que vous n’aimez pas que l’on aborde la question des moyens et vous avez le mérite de la franchise !

Vous savez le rôle qu’a joué l’enseignement agricole dans la modernisation de notre agriculture, grâce la vulgarisation agricole, au travers de son maillage de techniciens et d’ingénieurs. Vous savez encore le rôle qu’ont joué les fonctionnaires de votre ministère dans les départements et dans les régions. Il vous reste quelques minces troupes, écrasées par la tâche, croulant sous la réglementation, pour la plupart d’entre eux vacataires, contractuels démotivés, otages de la RGPP. Il ne se passe pas un jour sans qu’une structure utile vienne frapper à la porte de la région ou du département pour se faire payer, ici un technicien, afin d’éviter son licenciement, là une subvention, pour mener à bien ses actions. Telle est la dure réalité du contexte dans lequel vous allez devoir mettre en œuvre votre loi !

Mon troisième point porte sur le pluralisme. Je suis élu du bassin de production du Roquefort : l’organisation interprofessionnelle y est donnée comme exemplaire. Nous y avons connu l’époque du refus de la diversité et de la défense intenable du monopole syndical dans l’interprofession. Puis, face à l’arrivée d’un grand groupe industriel représentant 80 % de la transformation, le bon sens l’a très vite emporté. Aujourd’hui, le syndicat majoritaire et la minorité travaillent de concert et dégagent des consensus pour affronter le géant de l’agroalimentaire avec quelque succès.

La recherche de l’unité dans la diversité est toujours plus efficace que le monopole syndical, taxé de tous les maux et, en fin de compte, à tort ou à raison, de toutes les compromissions. Alors, il faut que votre projet de loi sorte enfin des faux-semblants sur ce sujet.

Je conclurai sur ce témoignage d’Edgard Pisani, qui écrivait en 2004 : « J’ai été quant à moi productiviste... hier. Cela répondait à des exigences. Je n’en ai pas de regret. J’ai la hâte obsédante de voir naître d’autres accomplissements : il nous faut intégrer toutes les variables, assumer les nouvelles complexités : participer à la civilisation moderne, contribuer aux équilibres économiques nationaux, offrir un véritable avenir aux sociétés “paysannes”, sauvegarder la nature et animer l’espace rural, venir à bout de la faim qui accable des centaines de millions d’êtres, assumer, poursuivre le progrès en le passant au filtre d’une sagesse nouvelle. »

Monsieur le ministre, cinquante ans après votre prédécesseur, vous devez relever les mêmes défis. Certes, vous arrivez au pire des moments pour l’agriculture, alors que l’Europe agricole, qui a fait notre prospérité et devrait être notre avenir, doute d’elle-même. Je crains que, malgré votre talent, les remèdes contenus dans votre projet de loi ne suffisent pas à redonner à une profession qui a perdu tout espoir l’espérance en des jours meilleurs. Les débats à venir nous montreront si nous pouvons améliorer cette situation !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi en cet instant d’avoir une pensée pour notre collègue Alain Chatillon, qui avait prévu d’intervenir cet après-midi, mais qui en a été empêché par le décès de son père. Nous lui adressons un message de sympathie.

Ce débat vient à un moment où, tout le monde l’a dit, nos agriculteurs vivent un drame, sont dans l’angoisse et s’interrogent très fortement sur leurs perspectives d’avenir. Monsieur le ministre, vous nous permettez, grâce à ce projet de loi, de leur démontrer que nous sommes sensibles à leur situation, mais aussi que nous essayons de trouver des réponses qui garantissent leur avenir.

Tout d’abord, osons le dire une fois pour toutes, notre agriculture ne représente pas un boulet, c’est une chance et un atout pour la France et pour l’Europe ! M. Fauconnier a rappelé les paroles de M. Pisani.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Vous me permettrez d’évoquer, pour ma part, les propos tenus par Valéry Giscard d’Estaing à Vassy : « L’agriculture peut être le pétrole vert de la France ».

Aujourd’hui, il faut que nos agriculteurs sentent bien que, si nous sommes mobilisés, si nous entendons mettre en place des outils pour leur assurer un meilleur revenu, une meilleure sécurité, c’est parce qu’ils rendent un grand service à la nation ! Rappelons que, sans agriculture – et l’élu de la Lozère que je suis le sait bien ! –, il n’y a aucune possibilité de vie dans l’espace rural. Si l’on veut lutter contre la désertification, si l’on veut réussir la cohésion territoriale, devenue désormais un objectif européen avec le traité de Lisbonne, nous avons d’abord besoin d’agriculture, d’exploitations à taille humaine qui maintiennent et sauvent la vie sur ces territoires ruraux. Sans une agriculture vivante, nous n’aurons ni cohésion territoriale, ni aménagement équilibré et harmonieux du territoire !

Monsieur le ministre, vous avez montré votre détermination européenne. Vous avez réussi à convaincre une majorité des vingt-sept pays européens de la nécessité d’une régulation : bravo ! Il ne s’agit pas d’un débat idéologique sur le libéralisme ou je ne sais quoi d’autre : nous avons besoin d’un marché régulé. Vous avez arraché des accords qui nous permettent d’espérer que cette régulation trouvera sa place dans la réforme de la politique agricole commune.

Permettez-moi de remercier la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a pris l’initiative d’organiser un débat d’orientation. Permettez-moi également de remercier Charles Revet, même si, en évoquant l’aquaculture, il a oublié l’aquaculture d’eau douce, qui est importante et ne doit pas être négligée !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le ministre, vous avez osé affirmer une ambition pour notre agriculture. Vous avez même su donner un sens politique nouveau à votre démarche, en consacrant l’article 1er du projet de loi à l’alimentation.

Pendant trop longtemps, l’agriculture est restée à l’écart des problèmes d’alimentation et de santé. Aujourd’hui, pour bien manger tous les jours, que ce soit dans nos cantines ou dans nos établissements sanitaires et sociaux, favorisons l’utilisation de produits issus de circuits courts – c’est le bon sens ! – et le Gouvernement devra respecter ses engagements en matière de conditions de marché.

Nous avons parlé d’une chaîne allant « des champs à l’assiette » ou « de l’assiette aux champs »… J’opterai pour l’expression « du champ à l’assiette », sachant, mes chers collègues, que nous pouvons être fiers de ce qui se fait !

Certes, comme le rappelait Jean-Pierre Raffarin, il est toujours un peu difficile pour le ministère de l’agriculture de s’imposer entre les problématiques de santé et celles d’environnement même si, en d’autres temps, c’est lui qui portait ces sujets. Je ne suis pas certain que nous revenions à une telle situation. En revanche, il est capital, monsieur le ministre, que, soutenu par le Parlement, vous puissiez affirmer votre détermination à donner ce sens politique supplémentaire à votre démarche.

Vous avez aussi su prendre en compte, dans l’élaboration du projet de loi, la nécessité pour les agriculteurs de mieux connaître leur revenu et de voir celui-ci s’améliorer. Vous avez notamment indiqué, dans votre intervention, qu’il n’était plus raisonnable aujourd’hui de se lancer dans des grands investissements sans visibilité. Les contrats que vous proposez, d’une durée suffisante, fixant prix et volumes, devront offrir cette capacité de gestion aux agriculteurs, y compris à ceux qui n’ont pas une grande exploitation agricole.

Ce point m’amène d’ailleurs à un autre volet important de votre projet : la volonté de favoriser les regroupements. Pour disposer d’interlocuteurs dans le cadre de ces contrats, il sera capital de permettre ces regroupements de petits producteurs dans les zones de montagne.

Enfin, vous vous battez aussi pour permettre aux interprofessions de développer, demain, des projets de filières. C’est tout à fait essentiel !

Cela étant dit, monsieur le ministre, permettez-moi d’insister sur la nécessité d’intégrer, dans l’ensemble de cette démarche, les problèmes liés aux territoires spécifiques.

Je pense bien sûr aux territoires de montagne, et je sais que vous avez reçu à plusieurs reprises des représentants de l’association des élus de la montagne. Là, plus qu’ailleurs, on mesure le besoin d’une agriculture vraie qui permette aux agriculteurs de tirer de leur travail l’essentiel de leurs revenus, tout en conservant les compensations octroyées aux productions en zone de handicaps naturels. Nous avons donc besoin du maintien d’une politique européenne de la montagne !

Le projet de loi aborde également le problème foncier, pour tenter de mettre fin à cette situation dans laquelle nous perdons l’équivalent d’un département de terres agricoles tous les dix ans. J’avais fait voter, à une lointaine époque, une loi sur les terres incultes, qui n’a jamais été appliquée. Peut-être aujourd’hui faudrait-il réfléchir aux moyens de mieux valoriser l’ensemble de ce potentiel…

Vous avez également prévu des dispositions pour la forêt. Dans ce cadre, il ne faut pas oublier que certaines forêts servent de pâtures et ne doivent pas être complètement fermées. Il faudra également y penser lors de l’élaboration des différents schémas régionaux mettant en œuvre la politique forestière. Un équilibre est nécessaire entre l’exploitation forestière elle-même et l’utilisation d’un certain nombre de forêts pour l’élevage pastoral.

Bien sûr, monsieur le ministre, tout ne sera pas réglé du jour au lendemain… Mais un certain nombre de réponses concrètes peuvent être apportées au travers du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

J’espère également que vous poursuivrez, avec audace, le combat européen pour – j’ose le dire – défendre la préférence communautaire. Ce n’est pas faire insulte à l’Europe ! Ce n’est pas se refermer sur soi-même ! La préférence communautaire est inscrite dans le traité de Rome : nous nous imposons des contraintes ; nous devons pouvoir tirer bénéfice de nos efforts. Nos agriculteurs doivent sentir qu’ils sont compris, que nous avons besoin d’eux et que nous allons les défendre avec vous, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est en proie au doute et l’agriculture ne fait pas exception.

Dans mon département, la Dordogne, qui est un bon exemple d’agriculture familiale, 10 % des exploitants agricoles perçoivent le revenu de solidarité active minimal, dit RSA socle, et cette proportion devrait atteindre 20 % des exploitants agricoles à la fin de l’année.

Un paysan sur cinq perçoit le RSA, tout en travaillant cinquante à soixante heures par semaine ; cela signifie que son travail ne lui rapporte pas même 1, 50 euro de l’heure ! Voilà ce que gagnent les agriculteurs les plus à la peine en ce moment. Ils se lèvent tôt et, comme cela a déjà été dit, travaillent à perte. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand les revenus globaux ont chuté en moyenne de 30 % en l’espace de quelques mois ?

Le plan d’urgence exceptionnel annoncé par le Chef de l’État en octobre dernier, essentiellement constitué des classiques prêts bonifiés, a fait long feu et n’a rien résolu des problèmes de fond.

Aussi, en abordant votre texte, monsieur le ministre, et compte tenu des cinq minutes qui me sont imparties, je n’entrerai pas dans les détails, par ailleurs exposés par certains de mes collègues, et ne poserai qu’une seule question : le cours dramatique que prend l’évolution économique de l’agriculture peut-il être inversé par les mesures que vous envisagez ? En d’autres termes, la boîte à outils proposée par M. le rapporteur Gérard César est-elle adaptée et crédible ?

Nous constatons à regret que le projet de loi qui nous est soumis est trop partiel, trop incertain et trop imprécis pour être à la hauteur de cet enjeu.

Je ne parle pas des généralités bienveillantes de l’article 1er concernant la vocation de l’agriculture dans la société française contemporaine. Nous en partageons la plupart et leur rappel n’est pas inutile. À ce propos, je vous renvoie d’ailleurs à la loi du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, qui évoquait déjà ces points.

Je veux plutôt parler du décalage entre les intentions que vous affichez et la réalité de votre politique, hier comme aujourd’hui.

Par exemple, monsieur le ministre, vous prétendez endiguer l’urbanisation galopante à la périphérie des villes pour conserver des surfaces agricoles, mais votre gouvernement continue à défiscaliser l’investissement au travers des dispositifs Scellier et Robien, ce qui multiplie à l’envie la construction, parfois dans des secteurs où elle n’est pas tout à fait utile.

Vous prétendez freiner la conversion des terres agricoles en zones à bâtir, mais vous ne faites rien pour les retraités agricoles depuis dix ans. Croyez-vous que les agriculteurs vendent leur patrimoine par plaisir ? Ne croyez-vous pas qu’ils le font aussi par nécessité, alors qu’ils touchent des retraites de misère ? Ne fallait-il pas faire l’inverse et suivre l’exemple du gouvernement de Lionel Jospin, c’est-à-dire s’occuper des retraites – c’est effectivement sous ce gouvernement qu’elles ont véritablement remonté – avant d’envisager des mesures en faveur du maintien des surfaces agricoles ?

Vous prétendez réglementer les contrats commerciaux entre acheteurs et fournisseurs. Mais, en 2008, votre gouvernement faisait voter la loi de modernisation de l’économie, réprouvée par l’ensemble du monde agricole. Cette loi légalisait les marges arrière, instaurait la liberté intégrale des prix et assouplissait les règles de l’urbanisme commercial à tel point qu’aujourd’hui les supermarchés se multiplient comme des petits pains.

Vous prétendez mettre en place des aides publiques à l’acquisition de primes d’assurance tandis que le Premier ministre ne cesse de parler d’une austérité imminente et annonce une baisse des dépenses de fonctionnement et d’intervention de 10 % pour tous les ministères sans exclusive. La rigueur s’arrêtera-t-elle aux portes de la Rue de Varenne ?

Enfin, vous déclarez être prêt à bousculer les règles du jeu européen, alors que le commissaire Dacian Ciolos, qui appartient à votre large majorité européenne, est venu affirmer ici, devant le Sénat, que la prochaine réforme de la PAC ne contrarierait pas l’ouverture à la concurrence. Or, nous le savons bien et vous l’avez dit vous-même, cette ouverture à la concurrence est insoutenable pour l’agriculture familiale de notre pays.

L’enjeu est là, monsieur le ministre, dans les limites qu’il faut apporter à la compétition internationale. Nous produisons globalement trop cher parce que nous n’avons pas basculé dans le productivisme intégral et que nous recherchons – comme vous – la qualité et la sûreté des aliments. C’est justement cela qu’il faut défendre et il vous appartiendra de le faire, dès le mois de juillet, lors de la mise en œuvre du processus de réforme de la PAC !

En effet, ne nous leurrons pas, si la réforme de la PAC vise à préparer la diminution du budget de l’agriculture en Europe et si la France perd ne serait-ce qu’une fraction des aides dont elle bénéficie à ce titre – de l’ordre de 10 milliards d’euros par an tout de même –, nous n’aurons plus les moyens d’agir de quelque façon que ce soit.

Monsieur le ministre, les agriculteurs ne croient plus aux textes qui, pour l’essentiel, sont des textes d’affichage. Ils veulent désormais, comme ils vous le rappellent tous les jours, des propositions concrètes qui soient efficaces, crédibles et rassurantes pour leur avenir et celui de leurs enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont déjà souligné de nombreux orateurs, le vote du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est un événement important, qui conditionnera l’avenir de la filière agricole française dans les trente prochaines années.

Depuis le premier grand ouvrage français Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs d’Olivier de Serres, père de l’agronomie, qui fut l’un des premiers à étudier de manière scientifique les techniques agricoles et à en rechercher l’amélioration de manière expérimentale, la France est la première puissance agricole européenne. Elle doit bien sûr le rester !

La solution à la crise que vit le monde agricole est éminemment politique et suppose un équilibre entre la recherche de l’efficacité et le développement durable de nos territoires.

La France ne peut pas jouer cavalier seul au détriment de ses partenaires européens, car cette attitude se retournerait contre elle, non seulement sur le plan de l’aménagement du territoire, mais aussi sur le plan social et économique.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez souligné les dangers venant d’un certain pays membre, ainsi que les menaces de pays émergents. Nous nous devons de soutenir cette filière qui contribue positivement à notre balance commerciale !

Si je salue le plan de soutien annoncé en octobre 2009 par le Président de la République, je m’inquiète néanmoins des perspectives incertaines de la prochaine PAC.

La variabilité, que dis-je, la volatilité des cours des matières premières et agricoles plonge nos agriculteurs dans une crise profonde et généralisée. Les revenus en yo-yo d’un certain nombre de professionnels, que ce soit le producteur de lait, le céréalier, l’éleveur de porcs ou encore le producteur de fruits et légumes, démontrent qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes efficaces, garantissant, outre la réhabilitation d’outils de régulation sur les marchés, un véritable pacte « gagnant-gagnant » entre agriculteurs et consommateurs.

Ce projet de loi, fortement enrichi par le travail en profondeur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire de notre assemblée, et l’annonce qui a suivi, hier, la table ronde entre producteurs et distributeurs au palais de l’Élysée devraient être de nature à favoriser la compétitivité et faciliter la régulation des marchés.

Il nous faut viser une certaine excellence, qu’il s’agisse de nos produits, mais aussi de la traçabilité, de la modernisation de nos exploitations ou encore des bonnes relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

En outre, pour toute importation de produits alimentaires, il apparaît indispensable de garantir des normes sanitaires, environnementales et éthiques comparables aux normes européennes. Comment l’agriculture européenne pourrait-elle rester compétitive si l’on permet l’importation de produits en provenance de pays aux normes beaucoup plus laxistes ?

Monsieur le ministre, je vous sais très lucide sur la nouvelle donne agricole mondiale et je veux ici saluer vos efforts au sein du Conseil européen, au travers de l’intense travail diplomatique que vous y menez, comme, hier encore, dans le cadre de la réouverture des négociations commerciales de l’Union européenne avec la Communauté économique des pays de l’Amérique du Sud, le MERCOSUR.

De façon plus générale, la restructuration de l’agriculture française ne doit pas être analysée d’un point de vue seulement franco-français. L’Europe s’est construite avec l’agriculture et c’est avec, et par l’Europe, que les solutions devront être apportées. C’est d’autant plus nécessaire dans un contexte d’explosion de la population mondiale, lequel devrait permettre à notre pays de trouver de nouveaux débouchés pour son agriculture.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de la discussion de ce projet de loi, nous abordons un sujet de première importance.

En effet, l’agriculture est une activité particulièrement sensible, qui revêt plusieurs dimensions : une dimension stratégique puisqu’elle vise à produire notre nourriture ; une dimension économique et sociale dans la mesure où elle crée de la richesse et de l’emploi ; une dimension socio-territoriale puisqu’elle contribue à l’aménagement du territoire ; une dimension environnementale car elle influe sur les différents compartiments de l’environnement et façonne les paysages de France ; une dimension culturelle enfin, si l’on prend en compte l’attachement de nos compatriotes à leurs paysans, qui participent de l’identité de notre pays.

Ce projet de loi introduit « une politique publique de l’alimentation » ; il était temps ! La mondialisation, l’uniformisation du goût et la dérive des pratiques alimentaires aux conséquences désastreuses, notamment en termes de santé publique, exigent que l’on se dote d’une véritable politique en la matière. Enfin !

Pour autant, je dénonce le déficit patent d’articulation entre politique agricole et politique alimentaire. Le texte en discussion ne fait que les juxtaposer. J’estime au contraire que notre agriculture devrait clairement être présentée comme le premier pilier de notre politique alimentaire : l’agriculture française a d’abord vocation à nourrir la population française. C’est une priorité de premier rang.

L’objectif de « renforcer la compétitivité de l’agriculture française » et plus particulièrement – selon vos propos, monsieur le ministre – « par rapport à celle de l’agriculture allemande », qui serait en train de nous distancer, me laisse franchement perplexe.

Cela ressemble furieusement à l’objectif affiché dans les grandes lois d’orientation agricole de 1960-1962, qui visaient à « augmenter la productivité de l’agriculture française » au nom du retard de modernisation de notre agriculture par rapport à celles de nos voisins... Manifestement, dans ce projet de loi, « modernisation » signifie « continuation » !

Pourtant, un demi-siècle s’est écoulé... Notre agriculture a connu une hémorragie d’emplois sans précédent, et contribue de moins en moins à la dynamisation de nos territoires. Elle s’est considérablement artificialisée et fragilisée : en témoigne sa dépendance extrême en énergies fossiles, directement – le gazole – et indirectement à travers la consommation croissante d’intrants. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je déplore la non-prise en compte de ces nouveaux défis.

Il nous faut impérativement favoriser l’émergence de nouveaux systèmes de production agricole plus autonomes : ce n’est pas qu’une question environnementale au vu des impacts négatifs de l’agriculture productiviste, c’est également une question stratégique, à l’heure de la raréfaction annoncée des énergies fossiles.

Ce tournant nécessaire, j’ose dire « cet impératif », ne pouvait pas ne pas être engagé dans une loi dite de modernisation.

Les dispositions introduites dans le projet de loi ne sont pas à la hauteur du défi de la régulation nécessaire des marchés agricoles.

Cette régulation est tendanciellement mise à mal par les évolutions de la PAC au cours des deux décennies passées. À cet égard, la généralisation de l’assurance récolte contre « certains risques agricoles » m’inquiète profondément.

Dans la mesure où les risques sanitaires et environnementaux et les risques liés aux calamités sont déjà couverts, il s’agit implicitement des risques de baisse des prix agricoles ; de ce fait, cette disposition n’apparaît que comme une tentative d’adaptation – réservée à ceux qui auront les moyens financiers de s’assurer – au fonctionnement erratique des marchés agricoles.

Elle signifie clairement une capitulation devant ce qu’il faut appeler « l’ardente obligation » de réguler ces marchés agricoles.

On nous propose finalement, ni plus ni moins, d’instituer un dispositif néolibéral, déjà mis en place chez certains de nos voisins, en prévision de l’abandon programmé d’une PAC digne de ce nom.

Monsieur le ministre, nous attendions une vraie « modernisation de l’agriculture », qui réponde aux nouveaux défis, une agriculture plus riche en emplois, plus autonome, et qui intègre la dimension sociale du monde agricole. Cette dimension sociale est désespérément absente du texte. Or vous ne prévoyez que des aménagements à la marge qui, de fait, ne font que conforter la fuite en avant engagée depuis des décennies !

En l’état, ce texte apparaît comme un acte manqué.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Pinton

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, agriculture et monde rural sont intimement liés par leurs développements respectifs. À cet égard, le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui nous est soumis aujourd’hui représente pour nos territoires ruraux une chance unique à saisir en matière d’aménagement et de développement. Le potentiel est immense.

« Il conviendra de préserver les principes de “taille humaine et familiale” des entreprises agricoles qui ont fait le succès de l’agriculture française dans ses fonctions de production mais aussi et surtout d’aménagement du territoire et de maintien du tissu rural ». Monsieur le ministre, cette excellente déclaration, extraite de la page 5 de l’exposé des motifs de votre projet de loi, pourrait s’appliquer dans toute sa force à l’élevage de bovins allaitants, et spécialement à l’engraissement des broutards dans les fermes qui les produisent.

Les justifications classiques des mesures décisives qui devraient être prises dans ce domaine sont bien connues.

Elles sont d’abord d’ordre microéconomique : il s’agit de l’amélioration de l’équilibre financier des exploitations traditionnelles par la création in situ de la valeur ajoutée.

Elles s’inscrivent ensuite sur un plan économique plus général ; je songe au développement d’activités connexes : abattoirs ou ateliers de découpe dans les régions plutôt pauvres qui en ont bien besoin.

Elles sont enfin d’ordre sanitaire : il s’agit ici du nécessaire maintien sur place des animaux, dont la circulation favorise la propagation d’épidémies difficilement maîtrisables, telles que la fièvre catarrhale bovine. Sur ce plan, le préjudice est d’ailleurs également économique, puisque toute nouvelle épizootie brise net la chaîne logistique de transports des bovins vers des sites d’engraissement extérieurs dont nous sommes tributaires.

Mais, à ces justifications classiques de la promotion de l’engraissement sur place des broutards, s’ajoutent désormais des arguments nouveaux.

Pour des raisons à la fois environnementales et économiques, nous percevons une fragilisation de l’activité d’engraissement en Italie, qui absorbe habituellement jusqu’à 80 % de nos broutards maigres.

Parallèlement, la production française ne parvient pas à satisfaire des besoins nationaux en augmentation. En effet, les comportements alimentaires changent en France, et la consommation de ce type de viande s’accroît.

Tout nous conduit donc à penser qu’il est plus que temps d’encourager résolument cette activité, en structurant de manière systématique et rigoureuse une filière française d’engraissement renforcée, seule susceptible de garantir une « porte de sortie » stable à nos broutards.

Nous ne pouvons continuer à dépendre, pour l’engraissement de ces jeunes bovins, d’aléas de toutes sortes, sur lesquels nous n’avons aujourd’hui aucune prise : épidémies, mutations économiques et structurelles chez nos partenaires, etc. Il s’agit désormais pour nous de devenir autonomes dans ce domaine, afin de maîtriser notre destin.

Telle est la justification de l’amendement que je vous proposerai d’introduire à l’article 1er du projet de loi, afin de faire figurer dans les objectifs de la « politique de l’alimentation » un plan national d’engraissement pour la filière des jeunes bovins.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Au moment où l’agriculture française s’interroge sur son avenir, comme sur sa place pérenne dans l’économie mondiale, nous ne pouvons que vous accompagner, monsieur le ministre, dans votre initiative de modernisation de l’agriculture, rendue indispensable pour répondre aux défis du XXIe siècle et, dans l’immédiat, redonner confiance aux agriculteurs de toutes les filières.

Je souhaiterais intervenir brièvement sur deux points.

Le premier a trait à la viticulture, l’un des fleurons de notre pays, qui connaît depuis des années de graves difficultés.

La politique de la qualité, l’organisation de producteurs, la gouvernance de la filière sont autant de points majeurs du texte qui devront permettre, demain, aux vins de France d’être à la fois visibles et forts sur les marchés mondiaux, face aux vins d’autres régions du monde souvent soutenus par un marketing de grande ampleur, pour ne pas dire insolent.

Toutefois, la filière viticole française s’inquiète de la menace régulière de la disparition des droits de plantation.

Dans la région viticole dans laquelle je suis élue, le Beaujolais, beaucoup de sacrifices ont été consentis, avec d’abord la baisse des rendements, puis l’arrachage, qui atteint des superficies importantes : 3 000 hectares sur 20 000 ; c’est 15 % du vignoble qui a disparu en deux ans.

Aussi, alors qu’il y a quelques années ont été révélés les chiffres de 400 000 hectares de plantations illicites dans plusieurs pays du sud de l’Europe, comment faire admettre aux viticulteurs français une libéralisation des plantations ?

Le deuxième point qui me tient à cœur concerne les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Lors des travaux préparatoires à l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, également appelé « LMA », il a souvent été fait référence à la loi de modernisation de l’économie, la « LME ».

J’y suis d’autant plus sensible en tant que rapporteur de cette loi que j’ai publié un rapport d’étape en décembre dernier dans lequel j’ai fait clairement apparaître des relations commerciales extrêmement dégradées, et constaté que la seule ressource d’intervention était la répression, qui elle-même d’ailleurs a du mal à s’exercer ; en effet, les victimes n’osent pas dénoncer ces pratiques par crainte des sanctions commerciales et économiques que leur appliqueraient leurs clients, les distributeurs.

Vous avez dit, monsieur le ministre : « Ce n’est pas à la LMA de réécrire la LME. » Certes, vous avez raison, mais lorsqu’on constate que la législation n’est pas respectée, non pas parce qu’elle n’est pas bonne, mais parce qu’un rapport de force s’exerce au détriment des plus faibles, n’est-ce pas notre rôle d’apporter un correctif ?

C’est pourquoi il faut se féliciter des mesures nouvelles introduites par la commission. Elle a enrichi les missions des interprofessions. Elle a souhaité interdire la pratique du prix après vente et supprimé les 3R – rabais, ristournes, remises – toute l’année, même en dehors des périodes de crise, pour le secteur des fruits et légumes. Elle a renforcé les pouvoirs de l’Observatoire des prix et des marges.

Enfin, on ne peut que se réjouir de l’initiative du Président de la République, qui a tenu hier une réunion avec les représentants des agriculteurs, de l’industrie agroalimentaire, de la distribution, réunion portant sur les relations commerciales, au terme de laquelle ont été signés des accords de modération des marges dans le secteur des fruits et légumes.

Certes, ces accords pourraient aller plus loin, ne pas se cantonner au cas de crise, mais c’est néanmoins une grande avancée pour les producteurs.

Enfin, je voudrais terminer par une réflexion plus qu’une question, liée à l’alimentation. Des chiffres ont été récemment publiés concernant la consommation de la nourriture. L’un d’eux est à mon sens effrayant : 40 % de la nourriture produite ne serait pas consommée, c’est-à-dire que 40 % de la nourriture disponible à la consommation dans notre pays, ou plus largement en Europe, serait ainsi jetée !

Monsieur le ministre, je n’attends pas de réponse ; je sais que nous sommes tous concernés, et je crois que nous ne pouvons ni rester indifférents à ce constat, ni faire l’impasse sur ce sujet qui doit d’urgence alimenter nos réflexions.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner est très attendu par les agriculteurs et les acteurs de la ruralité, car les choix que nous ferons conditionneront l’avenir d’un secteur économique majeur de notre pays, mais aussi celui de nos territoires ruraux, notamment en moyenne montagne, où les actifs agricoles représentent une part importante des emplois.

Tous les orateurs qui m’ont précédé l’ont dit, nos agriculteurs doivent aujourd’hui faire face à une crise sans précédent : c’est toute notre ruralité qui est menacée par cette situation, malheureusement inscrite dans la libéralisation des marchés.

Les plus fragiles ne peuvent plus faire face, et ce sont près de 4 % de nos exploitations qui disparaissent chaque année. Les territoires ruraux, notamment dans les zones d’élevage extensif, subissent des pertes démographiques d’une ampleur qui remet en cause leur avenir.

Nos agriculteurs, impuissants face à la volatilité des prix et au poids des grands groupes alimentaires, dont ils sont de plus en plus dépendants; nourrissent par ailleurs de vives inquiétudes face aux orientations de la PAC 2013.

Si le commissaire européen à l’agriculture a été rassurant sur ce point lors de son audition au Sénat, aujourd’hui, c’est l’incertitude pour nos agriculteurs, et toute notre société est concernée.

En effet, la maîtrise de l’évolution de la concentration urbaine, la sécurité et la qualité de notre alimentation ou encore les grands équilibres écologiques sont au cœur des débats qui s’ouvrent ici aujourd’hui.

Dans ce contexte, notre appareil économique agricole et agroalimentaire a besoin de réponses structurelles pour s’adapter à ces enjeux et aux conséquences de la mondialisation des marchés dans une Europe de plus en plus libérale.

C’est le sens de ce texte, qui a fait l’objet d’une large concertation, donné lieu à plus de cent auditions au Sénat et qui est le fruit d’un travail de fond de notre ministre, de nos rapporteurs et de la commission, travail que nous nous devons de saluer.

Cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre, c’est en tant que représentant des élus de la montagne et de l’Association des maires de France que j’évoquerai quelques sujets particulièrement sensibles… sans pour autant aborder les biens de section

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Les élus de la montagne mènent un combat incessant pour une meilleure reconnaissance des handicaps inhérents à la spécificité de leurs territoires, où les modes d’exploitation sont plus difficiles qu’ailleurs et moins rentables.

Pourtant, cette agriculture de montagne crée des produits d’une grande qualité, basée sur la richesse de nos savoir-faire, et joue un rôle fondamental pour le maintien de notre biodiversité.

Aussi, elle doit être encouragée par une juste rémunération de ses filières de qualité, qui peuvent générer une réelle valeur ajoutée, notamment en développant les circuits courts, aspect qui constitue une des orientations intéressantes du présent projet de loi

Cependant, il faudra veiller à ce que les modes de contractualisation prévus prennent en compte la spécificité de ces productions et la nature des charges qui s’imposent à elles, notamment pour les productions sous signe de qualité reconnue. C’est tout le débat de l’avenir des productions AOC qui est en jeu ici, mais aussi celui de la réelle reconnaissance d’une dénomination officielle de l’appellation « montagne » fondée sur de réels critères de qualité.

Plus généralement, dans le contexte actuel, la contractualisation est sans doute nécessaire, mais elle doit être mise en place avec le souci de ne pas conduire à l’intégration, contraire à la culture même de nos agriculteurs et à la tradition agricole, contraire à la liberté d’entreprendre.

Seule une politique vigoureuse de régulation européenne en amont pourra juguler les risques d’effets pervers de cette contractualisation et, à titre personnel, je reste convaincu que la maîtrise de la production constitue la seule vraie garantie de régulation. Après tout, il n’est peut-être pas utopique de penser que ce débat pourrait être remis sur la table sous de nouvelles formes…

En ce qui concerne le statut d’agriculteur entrepreneur, si j’estime que le fléchage des soutiens publics en faveur d’une agriculture durable et sécurisée est justifié, je partage la position du rapporteur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

… qui a conduit à la suppression de l’article.

C’est en effet au Parlement de définir le statut de l’agriculteur entrepreneur.

J’ajoute qu’il faut absolument éviter une agriculture à deux vitesses, qui verrait certains agriculteurs, notamment les plus petits, privés des soutiens publics en raison de la nature de leur statut.

Concernant les mesures qui intéressent particulièrement les collectivités, j’évoquerai trois points sensibles.

En premier lieu, le texte initial du Gouvernement prévoyait la création d’une taxe en cas de cession d’un terrain nu devenu constructible à la suite d’une modification des documents d’urbanisme ; cette taxe, qui se serait appliquée à toutes les communes, aurait été perçue par l’État alors que la compétence « urbanisme » relève des communes.

Or il existe déjà une taxe forfaitaire levée à l’initiative des communes, qui a pour vocation de compenser une part des investissements d’équipement engagés par les communes pour rendre les terrains constructibles.

La commission a choisi de supprimer l’article relatif à cette taxe : c’est une excellente initiative, car il serait difficile de déterminer sa justification, et son niveau ne la rendrait pas dissuasive.

En deuxième lieu, la commission de la consommation des espaces agricoles donne un avis consultatif sur toute question relative à la régression des surfaces agricoles.

En l’état, l’esprit du projet de loi est satisfaisant dans la mesure où l’avis de cette commission reste consultatif et que les collectivités compétentes en matière d’urbanisme sont également associées.

Toutefois, on peut regretter qu’une nouvelle entité soit créée : même s’il s’agit d’une section spécifique des CDOA, les commissions départementales d’orientation de l’agriculture, la commission de la consommation des espaces agricoles constitue en effet une nouvelle couche du « magma » des commissions auquel les élus ont de plus en plus de mal à faire face.

C’est en amont qu’il faudra mieux encadrer l’évolution de l’urbanisation, avec la généralisation des SCOT, décidée au Sénat, sur l’initiative du président de la commission de l’économie, dans le cadre du Grenelle II, ou avec une incitation plus forte à l’élaboration de documents d’urbanisme à une échelle pertinente.

Enfin, en troisième lieu, je veux parler de la restauration scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Le projet de loi rend obligatoire l’application des recommandations adressées aux collectivités et se réfère à un décret qui prescrit le contenu des règles nutritionnelles obligatoires.

Le projet d’arrêté, qui, à ma connaissance, est déjà en cours de préparation, prévoit notamment le respect de portions spécifiques par aliment, par âge et par enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Ce dispositif est inadapté à la réalité quotidienne de la grande majorité des cantines scolaires, notamment en milieu rural.

Il entraînera de nouvelles charges qui impacteront le prix des repas. Oui, il faut rendre certaines recommandations obligatoires dans l’intérêt des enfants, mais définir un cadre trop rigide pour les portions alimentaires reviendrait à exclure les circuits courts de la restauration scolaire, au bénéfice des grandes sociétés spécialisées dans la préparation des repas, ce qui irait à l’encontre de l’esprit de ce texte et remettrait en cause la pérennité de nombre de petites cantines scolaires, très appréciées en milieu rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus comme les organisations agricoles seront très attentifs à l’évolution de ce texte dans le débat parlementaire, car l’avenir de la plupart des territoires ruraux est directement lié au maintien de la présence forte d’une agriculture familiale, à échelle humaine.

C’est un enjeu capital pour un aménagement du territoire équilibré et porteur de cohésion sociale.

C’est aussi un enjeu considérable de développement durable, car nos agriculteurs sont en première ligne face à ce défi qui nous concerne tous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.

Applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture est en situation de naufrage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le ministre, pratiquement toutes les exploitations agricoles sont en perdition, dans l’ensemble des filières, les plus touchées étant les filières élevage, les filières végétales et les filières fruits et légumes.

La profession vous a lancé un appel au secours à la fin de l’été dernier ; vous leur avez lancé une bouée de sauvetage dès l’automne. Vous avez colmaté quelques brèches des embarcations en maintenant la plupart hors d’eau, mais la tempête sévit toujours !

Il vous faut consolider les embarcations si vous ne voulez pas qu’elles soient emportées par les flots de la volatilité des cours.

Le Président de la République, en commandant de la flotte, vous a invité à imaginer la boîte à outils qui devrait permettre à la profession de résister à ce grand creux et d’éviter le péril dans l’immédiat. Ainsi venez-vous défendre aujourd'hui devant le Parlement ce projet de loi de modernisation de l’agriculture.

Que faut-il attendre de la future loi ? Va-t-elle répondre de manière durable aux difficultés économiques de notre agriculture ?

Ces difficultés sont-elles conjoncturelles ou structurelles ? Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet…

Les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, ont, pour nombre d’entre elles, un caractère structurel. Elles restent cependant soumises aux aléas du marché, qu’il s’agisse de l’Observatoire des prix et des marges ou de la contractualisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Les dispositifs d’assurance concernant les aléas climatiques et les revenus devraient en partie répondre aux situations les plus préoccupantes. Cependant, ils ne permettront en aucun cas à ce stade de remettre à flot sans risque les exploitations agricoles.

Les vraies réponses, c’est de l’échelon européen que nous les attendons, avec la remise en service d’outils de régulation des marchés et la mise en place d’un filet de sécurité, comme celui que les Américains assurent à leurs agriculteurs.

Quelles sont, monsieur le ministre, les chances pour notre pays d’obtenir une réponse à ces attentes ?

Sans prix à la hauteur des coûts de production, à la couverture des amortissements et à l’obtention d’un revenu décent, cette loi risque d’être source de déception !

Quelques-uns de vos prédécesseurs avaient tenté de s’aventurer dans l’exercice auquel vous nous invitez, mais sans succès. Il leur était opposé – ou il était opposé à nos amendements – des contre-indications européennes. Je pense notamment à l’encouragement aux accords interprofessionnels ou aux groupements qui auraient pu se heurter aux règles de la concurrence.

La boîte à outils que vous nous proposez permettra sans doute le pilotage et le contrôle de certains risques, mais en quoi permettra-t-elle de peser sur les marchés pour assurer aux agriculteurs le revenu indispensable à leur survie et à la vie durable de leurs exploitations ?

Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre, à défaut de prix « porteurs », en matière de baisse des charges, d’allégement de la réglementation ou d’encouragement à la diversification dans des conditions économiques viables ?

À titre d’exemple, quelles initiatives prendrez-vous pour limiter le poids des normes, qu’elles soient sociales ou environnementales ?

Coût de la main-d’œuvre, mesures relatives aux installations classées, obligation de couverture hivernale des sols, règles relatives à l’utilisation des produits phytosanitaires, politique de soutien à la production d’énergies renouvelables, coût du transport des matières premières, service public de l’équarrissage, accès aux biotechnologies, taux de change intracommunautaire, tout cela pèse lourdement sur la compétitivité de nos exploitations.

À quelle harmonisation des normes au niveau européen faut-il s’attendre ?

Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que les agriculteurs allemands ou suédois soient plus compétitifs que les agriculteurs français ?

Enfin, pourriez-vous nous donner quelques indications quant à vos intentions en ce qui concerne le devenir du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qui reste déficitaire ?

Les attentes sont donc nombreuses : merci, monsieur le ministre, de ne pas décevoir la profession ! Vous avez déjà beaucoup œuvré pour elle, en obtenant des résultats positifs limitant la casse.

C’est l’avenir de notre agriculture qui est en jeu ; nous comptons sur vous, comme vous pouvez compter sur le soutien du Parlement dans votre combat européen pour la défense des prix et de notre économie agricole.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie chacun d’entre vous de ses remarques, de ses propositions et de ses questions. Je vais vous répondre en commençant par souligner les points d’accord, pour passer ensuite aux points, moins nombreux, de désaccord, qui ressortent de vos interventions.

Les points d’accord correspondent aux points essentiels de cette loi qui, je tiens à le dire, n’est pas une « boîte à outils » mais marque un changement important dans le cap que nous fixons à l’agriculture française.

Il y a accord d’abord sur l’objectif, à savoir l’alimentation de tous les Français ; une alimentation sûre, une alimentation saine, voilà le vrai défi de l’agriculture française, comme le défi de l’agriculture européenne sera de garantir la sécurité alimentaire et sanitaire des 500 millions de citoyens européens.

Si nous ne parvenons pas à assurer cette légitimité à l’agriculture européenne, nous n’assurerons pas en regard la légitimité nécessaire à la politique agricole commune.

Le deuxième point d’accord sur lequel je tiens à insister dès maintenant et qui a été souligné en particulier par Jacques Blanc et Pierre Jarlier, c’est la nécessité de préserver la diversité de l’agriculture française.

Notre agriculture ne ressemble pas et ne ressemblera jamais à l’agriculture de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark ou d’autres pays du Nord. Ce n’est pas souhaitable, ce n’est pas ce qu’attendent les agriculteurs et ce n’est pas l’intérêt de notre pays.

Il est bon de rappeler, ensuite, et c’est notre troisième point d’accord, que l’agriculture française a des atouts, un potentiel et un bel avenir devant elle si nous savons prendre les bonnes décisions au bon moment. Tel est l’objet du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.

Le quatrième point d’accord concerne la nécessité de bâtir une régulation européenne des marchés agricoles.

Aucun gouvernement n’a fait autant pour la régulation européenne que celui de François Fillon, sous l’impulsion du Président de la République. Nous avons obtenu en ce domaine des résultats concrets, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Le cinquième point d’accord pourra faire l’objet d’un large consensus : il s’agit de saluer le travail remarquable des rapporteurs, Gérard César et Charles Revet, qui a permis, sous l’impulsion du président de la commission de l’économie du Sénat, Jean-Paul Emorine, d’améliorer considérablement le texte du Gouvernement. Je suis certain que le débat en séance publique nous permettra de l’améliorer encore davantage.

Je tiens à le dire à Jean-Jacques Mirassou, avec un peu de malice : ce travail sérieux et rigoureux n’a pas été fait à la hâte, mais sur le long terme. Des centaines d’auditions et de consultations ont été menées, durant plusieurs mois, pour obtenir un résultat à la hauteur des enjeux. Le texte que le Gouvernement vous propose n’a donc pas été écrit à la va-vite, mais il est l’expression d’une réflexion profonde.

Le principal point de désaccord est résumé dans l’intervention de Bernard Cazeau.

Ce projet de loi, monsieur le sénateur, n’a rien de partiel ou de superficiel : il ne reste pas à la surface, mais traite le fond des problèmes.

Vous reprochez au Gouvernement de n’avoir aidé les agriculteurs, au travers du plan d’urgence, qu’à hauteur de 1, 8 milliard d’euros sous forme de prêt à taux bonifié. Vous oubliez qu’il leur a également accordé une aide budgétaire de 650 millions d’euros.

Selon vous, les contrats ne représentent pas un changement majeur pour l’agriculture. Au contraire ! Les contrats sont la seule garantie pour les agriculteurs de bénéficier d’un revenu stable et d’une visibilité sur leurs revenus dans les années à venir. Je n’ai entendu aucune proposition alternative au contrat, sur quelque travée que ce soit, permettant de stabiliser le revenu des agriculteurs. Il s’agit bien d’un changement important ; la preuve en est que cette proposition sera reprise à l’échelon européen.

Le dispositif relatif aux terres agricoles est insuffisant, dites-vous. Or je n’ai jamais vu, dans les lois d’orientation agricole présentées par le parti socialiste, de dispositions permettant d’enrayer l’hémorragie des terres agricoles !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Vous trouvez également insuffisant le dispositif assurantiel. C’est pourtant un changement majeur, qui est attendu par les agriculteurs. Ce n’est tout de même pas le budget de l’État ou les finances publiques qui permettront de protéger les agriculteurs contre les risques les plus importants !

Enfin, vous avez dit que la régulation européenne n’apportera pas un changement important et que le Gouvernement n’a rien obtenu en la matière.

Je vous rappelle que le principe des quotas laitiers a été défendu en 1999 par le gouvernement de M. Jospin, qui s’est fait sèchement battre par l’ensemble des pays européens, à Bruxelles. Le démantèlement des quotas date de cette époque !

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Sur tous ces sujets, vous avez violemment attaqué le Gouvernement. Je tiens donc à vous faire part de ma conviction de fond, qui est aussi une remarque de politique générale : les actions lancées par le Gouvernement pour répondre aux inquiétudes des agriculteurs français, aux échelons national et européen, seront plus efficaces que la société du care dont on nous a récemment parlé.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

J’en viens au périmètre de la loi.

Le problème des retraites agricoles a été évoqué, à juste titre, par des orateurs de toutes tendances. Il s’agit effectivement d’un sujet important, qui mérite d’être traité.

Nous avons été reçus par Éric Woerth afin d’examiner le moyen de poursuivre la revalorisation des petites retraites agricoles, que nous avons engagée voilà deux ans. Nous étudions actuellement la mise en place de dispositifs qui permettront à tous les agriculteurs de bénéficier du minimum vieillesse.

Vous avez raison, monsieur Le Cam, il s’agit d’un sujet majeur. Trop d’agriculteurs touchent, encore aujourd’hui, une retraite de l’ordre de 510, 520 ou 530 euros, alors que le minimum vieillesse s’élève à plus de 700 euros. Ce n’est pas acceptable ! Nous trouverons des solutions concrètes pour remédier à cette situation.

S’agissant des négociations internationales, la loi n’a évidemment pas pour rôle de définir l’orientation des positions françaises. Mais je tiens à répondre à Jean-Michel Baylet, qui a abordé cette question, que nous continuerons à défendre vigoureusement la position qui est la nôtre : nous avons atteint la limite extrême des concessions possibles en matière agricole dans le cadre de l’OMC, et nous n’irons pas plus loin.

J’ajoute, monsieur Le Cam, que nous sommes opposés à toute concession supplémentaire dans le domaine agricole, dans le cadre de l’OMC ou dans celui des négociations avec le MERCOSUR, car elle se solderait inévitablement, comme vous l’avez dit, par de nouvelles difficultés pour plusieurs filières, notamment celle de l’élevage.

Toutes les promesses faites par le Gouvernement en matière d’aides agricoles et de cohérence entre ces aides et la politique gouvernementale de rétablissement des finances publiques seront tenues, et toutes les aides promises seront versées. Mais, s’agissant des aides supplémentaires, je préfère consacrer les moyens dont nous disposons à des dépenses d’investissement et d’avenir plutôt qu’à de nouvelles aides immédiates qui disparaîtront « dans le sable », et j’assume cette décision.

Mieux vaut consacrer 100 millions d’euros à la modernisation des exploitations, et notamment à des investissements en matière de diagnostic énergétique, plutôt qu’à la prise en charge d’une nouvelle tranche d’intérêts d’emprunt, qui n’aura aucun effet à long terme sur la situation des agriculteurs. Bien entendu, j’aimerais pouvoir faire les deux. Mais il me semble plus raisonnable, dans le contexte budgétaire actuel, d’assumer une décision claire pour toute nouvelle dépense.

Mme Odette Herviaux a longuement parlé des prix, et à juste titre. Cette question majeure pour l’agriculture de demain fera l’objet du troisième point de mon intervention.

Comment définir des prix qui soient suffisamment rémunérateurs pour les agriculteurs français, c’est-à-dire qui leur permettent de couvrir les coûts de production ? La crise ne se définit pas seulement d’un point de vue statistique ou administratif. Il y a crise lorsque les prix agricoles ne couvrent plus les coûts de production.

Comme l’ont dit Didier Guillaume et Alain Fauconnier, pour sortir de la crise, il faut réévaluer les prix afin qu’ils soient suffisamment rémunérateurs pour les agriculteurs français.

Permettez-moi de préciser quel cap nous nous sommes fixé au travers de ce texte.

Contrairement à d’autres pays européens, notre objectif n’est pas de rechercher le prix le plus bas possible. C’est une voie que nous avons trop longtemps empruntée. Or tirer le plus possible ce prix vers le bas, c’est oublier que la production agricole a un coût, qui est supporté par les agriculteurs. Je préfère, pour ma part, un prix juste et rémunérateur, et j’assume ce choix. Ces décisions ne sont pas faciles à prendre, mais elles sont indispensables si nous voulons préserver l’agriculture française.

Je souhaite que nous parvenions à établir un prix qui soit le plus juste possible, c’est-à-dire compatible avec les coûts de production assumés par les agriculteurs, et que l’Observatoire des prix et des marges devrait permettre de définir. Je souhaite également que nous modifiions les règles de la commercialisation afin de faire bénéficier les producteurs agricoles de l’augmentation du prix. C’est une preuve supplémentaire du fait que cette loi n’est pas une boîte à outils !

La question de la compétitivité a été abordée à plusieurs reprises. Cette question, que nos partenaires européens nous posent aussi, ne saurait être écartée d’un revers de la main, comme si elle n’existait pas. Elle conditionne en effet la préservation de nos marchés, de nos parts de marché, et donc des débouchés pour nos produits agricoles.

Si nous faisions l’impasse sur la compétitivité, en estimant que ce problème n’est pas idéologiquement acceptable, les importations augmenteraient encore davantage. Je rappelle que les importations de lait frais en provenance d’Allemagne ont augmenté de 70 % depuis janvier 2010, que la production française de fruits et légumes a diminué au profit de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, et que notre filière porcine souffre terriblement de la concurrence imposée par nos voisins allemands. En Allemagne, par exemple, 50 % des porcs sont abattus dans trois abattoirs seulement !

Telle est la réalité de la concurrence à laquelle nous devons faire face. On peut la nier ou estimer que ce sujet n’est pas intéressant. Les producteurs savent bien, quant à eux, que nous devrons traiter cette question. C’est ce que nous ferons, grâce au plan de développement des filières.

Vous ne pouvez pas, monsieur Muller, écarter la question de la compétitivité, même si c’est intellectuellement satisfaisant. Les agriculteurs savent pertinemment qu’ils doivent affronter des concurrents, et nous devons leur donner les moyens de lutter à armes égales.

Je vous rejoins toutefois sur un point : la compétitivité n’est pas incompatible avec le développement durable, bien au contraire.

Vous dites que le projet de loi ne prévoit aucune disposition permettant de concilier compétitivité des agriculteurs et développement durable. C’est faux ! Le Gouvernement consacre, cette année, 30 millions d’euros pour aider les agriculteurs à établir un diagnostic énergétique et à financer des installations de méthanisation. Grâce à ces mesures concrètes, nous pourrons concilier les impératifs de compétitivité, de prix agricoles rémunérateurs et de développement durable.

Le quatrième point de mon propos, qu’a longuement évoqué Daniel Soulage, concerne l’assurance agricole, chère au cœur de Jean-Paul Emorine.

Ce projet de loi pose le principe de la réassurance publique dans l’agriculture. C’est un changement de cap majeur ! Cela montre bien, là encore, que ce texte n’est pas une boîte à outils. Aucun gouvernement précédent, de droite ou de gauche, n’a réussi à imposer ce principe.

Les agriculteurs pourront désormais bénéficier d’instruments assurantiels, quelles que soient les filières concernées, y compris celles de l’élevage ou des fourrages. Toutes les filières agricoles auront donc les moyens de s’assurer, comme c’est déjà le cas dans les autres pays européens. Cette réforme importante et utile permettra aux agriculteurs de se prémunir contre les aléas que j’ai eu l’occasion de mentionner.

Gérard Le Cam a souligné, avec beaucoup de justesse, qu’il fallait éviter les effets d’aubaine. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne met pas en place immédiatement le dispositif de réassurance publique, mais en pose seulement le principe. Nous voulons en effet étudier, au préalable, les voies et moyens permettant aux assureurs privés de faire de la réassurance, avant que l’assurance publique puisse jouer.

En d’autres termes, nous calquerons le dispositif sur le modèle en vigueur pour le risque terroriste. Ce sera aux assureurs privés de prévoir un dispositif de réassurance en cas de risque important. Ainsi, la réassurance publique n’interviendra qu’en cas de circonstances exceptionnelles, par exemple si l’ensemble du territoire français était touché par la sècheresse.

Mais, je le répète, il faut éviter les effets d’aubaine. Les assureurs privés doivent exercer toutes leurs responsabilités. La réassurance publique ne doit jouer qu’en toute dernière instance. Ces remarques s’adressent à Gérard Le Cam et à Yannick Botrel.

Le caractère obligatoire de l’assurance a été évoqué à plusieurs reprises, notamment par Didier Guillaume, Daniel Soulage, Jean-Paul Emorine et Aymeri de Montesquiou. Sur ce point, mon opposition est non pas de principe, mais pragmatique.

En effet, en l’espèce, je veux bien essayer de faire modifier les règles européennes, mais j’ai l’humilité de reconnaître que ce sera probablement l’un de mes successeurs qui, s’il le veut également, y parviendra. Si j’échoue dans cette voie et si la France met en place un système d’assurance obligatoire, le principe de subsidiarité jouera à plein et notre pays perdra les 100 millions d’euros de subventions européennes dont il bénéficie au titre de l’assurance. Très concrètement, la mise en place d’un tel dispositif assurantiel coûtera chaque année 380 millions d’euros au budget de l’État, avec un niveau de subvention de 50 %, au lieu du taux de 65 % que nous permet d’atteindre l’Union européenne.

C’est pour cette raison toute pragmatique que je préfère renoncer, pour le moment, à l’assurance obligatoire et mettre sur pied un dispositif fortement incitatif, avec un taux de subvention de 65 %.

Monsieur Muller, je vous le répète : il ne s’agit absolument pas d’un dispositif néolibéral. Les néolibéraux seraient-ils prêts à subventionner des primes assurantielles à hauteur de 65 % ? Je suis sûr et certain qu’un véritable néolibéral n’accepterait jamais de mettre en place un dispositif de réassurance publique, une telle démarche étant opposée à sa doctrine. C’est au contraire un principe de régulation majeure que nous posons dans le présent projet de loi.

Un cinquième point est au cœur de nos discussions, celui des contrats. Jean-Michel Baylet a utilisé une belle expression, disant que les contrats sont nécessaires à une relation transparente et équilibrée entre les acteurs de la filière. C’est ce que nous voulons justement construire. Comme Didier Guillaume et Jean-Pierre Raffarin l’ont affirmé, ce système est inspiré du modèle coopératif, aux vertus duquel je continue à croire, indépendamment des critiques que j’entends ici ou là.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

C’est la raison pour laquelle, à partir du moment où ils respectent les obligations légales, les contrats conclus par les coopératives ne seront pas remis en cause.

Mais, je le reconnais avec beaucoup de simplicité et d’humilité, ce n’est pas l’instrument miracle qui va régler tous les problèmes. Il s’inscrit dans une stratégie de plus grande ampleur. Je réponds en cela à Daniel Dubois. Le contrat doit se concilier avec une régulation européenne des marchés agricoles, qui doit également porter sur les volumes, faute de quoi nous courrons le risque de la surproduction. En outre, il n’enrayera pas la dégradation de la compétitivité française, qu’il faudra régler par ailleurs.

Cet instrument doit donc être concilié avec d’autres politiques de plus grande ampleur menées par le Gouvernement.

À quoi sont dus les écarts de compétitivité entre la France et ses partenaires européens, au premier rang desquels l’Allemagne ? Trois points sont essentiels en ce domaine.

Le premier d’entre eux – ce n’est un mystère pour personne et je ne vous apprends rien, mesdames, messieurs les sénateurs – est le coût du travail. J’estime que le Gouvernement, en accordant une exonération totale de charges patronales dans le cas d’un travail occasionnel, c’est-à-dire sur 45 % de la masse salariale agricole, a déjà réglé la moitié du problème. En France, le coût du travail horaire a été ramené de 11, 30 euros à 9, 29 euros grâce à cette disposition, qui coûte 170 millions d’euros par an à l’État. De ce fait, l’écart de compétitivité par rapport à l’Allemagne a été réduit.

Le deuxième point est relatif à l’organisation des filières. En lisant attentivement les rapports sur ce sujet, un fait m’a frappé : en Allemagne, je le répète une nouvelle fois, la moitié de la production porcine est abattue dans trois abattoirs. Je n’aurai pas la cruauté de donner les chiffres de la France, mais cela explique pourquoi, aujourd’hui, certains porcs bretons sont abattus à Lübeck ou à Brême. Il faut remédier à cet état de fait.

Pour cela, j’ai proposé d’élaborer des plans de développement des filières. Au mois de septembre, je présenterai un tel plan pour la filière du lait, en raison de l’extrême urgence. Je souhaite que dans les prochains mois soit mis en place un plan de développement de la filière de l’élevage insistant particulièrement sur le secteur porcin.

Enfin, le troisième point, qui a été souligné par M. Muller, concerne les performances énergétiques. En ce domaine, tous les exploitants agricoles européens ont de meilleurs résultats que ceux de notre pays parce qu’ils ont développé la méthanisation, la biomasse, ou encore parce qu’ils ont investi dans la production d’énergie. Les agriculteurs français doivent faire de même. Ainsi ? nous pourrons concilier développement durable et agriculture et améliorer en même temps la compétitivité de nos exploitations et le revenu des agriculteurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir me pardonner d’intervenir un peu longuement, mais le sujet le mérite. Je souhaite évoquer un dernier point relatif aux contrats.

Monsieur Botrel, le contrat n’est pas synonyme d’intégration. Une quelconque mise en vente de l’outil de production de l’agriculteur au profit de l’industriel est hors de question. Par ailleurs, en toute cohérence avec l’approche de l’agriculture française et le changement de cap que nous voulons lui fixer, dans une logique de long terme, j’ai d’ores et déjà demandé à la Commission européenne, je continuerai à le faire, et j’obtiendrai – je pèse mes mots – la modification indispensable du droit de la concurrence européenne. En effet, aujourd’hui, un nombre restreint de producteurs négocient leurs contrats avec un industriel ; ils se trouvent de ce fait en position de faiblesse. Je souhaite donc que l’ensemble des producteurs traitant avec un grand industriel puissent se regrouper pour négocier d’égal à égal avec lui. Ainsi seulement pourra s’établir une relation équitable dans les filières agricoles.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

J’en viens à la pêche, secteur dont Charles Revet a parfaitement résumé les enjeux.

Les dispositions du présent projet de loi permettront d’avancer en matière de développement de l’aquaculture.

Madame Herviaux, je tiens à vous rassurer : il s’agit non pas de recentraliser le dispositif, mais d’offrir davantage de responsabilités aux organisations de producteurs. Je vous l’ai dit en commission et je vous le répète à la tribune car je n’ai pas l’habitude de tenir des langages différents selon les lieux où je m’exprime : je suis tout à fait ouvert à la discussion et je ne suis pas hostile à l’examen d’amendements tendant à la reconnaissance du rôle des acteurs locaux, dont je connais l’importance.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Hormis la Bretagne que vous avez évoquée, d’autres lieux de production de pêche en France pourraient être cités.

Messieurs Revet, Le Cam et Merceron, il est effectivement indispensable que nous rétablissions la confiance entre scientifiques et pêcheurs, de façon que l’évaluation des ressources soit désormais un peu plus rigoureuse et surtout plus consensuelle.

Dans la proposition qu’elle vient de transmettre à la Commission sur la réforme de la politique commune des pêches, la France est le seul État à évoquer la dimension sociale, tout à fait essentielle, à laquelle la commissaire européenne Maria Damanaki s’est montrée ouverte lors de sa visite en Bretagne voilà quelques jours.

Monsieur Virapoullé, je suis favorable à la mise en place d’un groupe de travail sur les ressources halieutiques dans les départements d’outre-mer que vous avez proposée.

Avant d’aborder le sujet de l’Union européenne, je traiterai quelques questions diverses.

Monsieur Le Cam, le Gouvernement tient au principe d’une taxe sur la spéculation foncière. À partir du moment où le prix d’une terre est multiplié par dix – il s’agit donc plus d’une spéculation que d’un simple profit –, il ne me semble pas illégitime de pouvoir taxer une telle opération. Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez dans cet hémicycle, ont proposé d’affecter le produit de cette taxe à l’installation des jeunes agriculteurs, notamment. Je vous le dis solennellement, je suis tout à fait favorable à une telle affectation. Ce ne serait que justice.

Monsieur Leroy, madame Des Esgaulx, le Gouvernement, évidemment favorable à une meilleure exploitation de la forêt, souhaite également, en toute cohérence, mettre en place un compte d’épargne assurance forêt, qui permette aux forestiers, à l’instar des agriculteurs, de se prémunir contre les risques de plus en plus nombreux auxquels leurs exploitations sont confrontées.

Alain Fauconnier a évoqué l’enseignement agricole, défendu avec talent par Françoise Férat depuis de nombreuses années et qui, j’en suis profondément convaincu, jouera un rôle majeur pour l’avenir de l’agriculture en France.

Madame Lamure, je vous affirme avec la plus grande fermeté que le Gouvernement, dans une approche empreinte de cohérence, est totalement opposé à la libéralisation des droits de plantation dans le secteur viticole. Il n’est pas favorable à la libéralisation dans un cas et défavorable dans un autre cas, favorable à la régulation dans le domaine de l’agriculture et opposé à la même régulation dans le secteur de la pêche. Le Gouvernement souhaite la régulation des marchés, ce qui suppose de ne pas laisser planter n’importe quelle vigne n’importe où, en dehors de tout respect des appellations, une telle libéralisation menaçant des appellations d’origine.

Je veux enfin évoquer la réforme de la PAC et le rôle de l’Union européenne, sujet majeur dans la perspective que nous ouvrons avec ce projet de loi.

Je ne saurais trop insister : sans régulation, le marché agricole européen ne sera pas viable. Je reconnais le premier que nous avons tenté la libéralisation. Je le répète : un ministre socialiste, pour lequel j’ai le plus profond respect par ailleurs, a essayé de défendre la cause des quotas laitiers en 1999. À l’époque, il a été balayé par un tsunami européen : il était hors de question de maintenir ces quotas. Je crois que nous avons réussi à inverser la tendance au mois d’août dernier, même si nous devons rester déterminés et attentifs. Nous avons donc amorcé une régulation des marchés agricoles européens. Il faut continuer dans cette voie. Le projet de texte législatif européen que déposera Dacian Cioloş à la fin de l’année sur le marché du lait prouvera que la régulation fait son chemin.

Je tiens à faire une deuxième remarque sur ce sujet : toute la difficulté de la PAC réside dans le fait qu’au sein de cette politique commune s’affrontent deux modèles agricoles différents.

Les pays du Nord, comme de plus en plus l’Allemagne, pays que j’aime profondément et que je connais bien, ont opté pour les prix les plus bas possibles, en tirant sans cesse la rémunération des agriculteurs vers le bas. Il résulte de ce choix une concentration des exploitations et leur regroupement sur une seule partie du territoire.

Le modèle français, quant à lui, prône la valorisation des produits, des régions et de l’aménagement du territoire, ainsi qu’un revenu digne pour les agriculteurs, leur permettant de couvrir leurs coûts de production.

Ce modèle, que nous défendons, doit, à notre sens, l’emporter dans la politique agricole commune. Forcément, nous devrons faire des concessions, ici ou là, afin que les majorités nécessaires se dégagent. C’est bien pour cela que tous ensemble, dans cette enceinte comme dans d’autres cénacles, nous devons nous battre.

Il n’est absolument pas question de céder sur la préférence communautaire. Je suis très rarement en désaccord avec Jean Bizet, mais tel est le cas lorsqu’il soutient qu’il faudrait « mettre la pédale douce » en la matière.

Au contraire ! La préférence communautaire n’est pas un gros mot, c’est le premier point du traité de Rome sur la politique agricole commune. Pourquoi renoncerions-nous à ce qui fait le cœur du traité de Rome en matière de politique agricole commune ?

Par ailleurs, pas d’excès de naïveté, je vous en supplie ! Si je me suis tant battu sur la question des accords entre l’Union européenne et le MERCOSUR, c’est parce que la reprise des négociations commerciales entre ces deux entités est une faute politique.

D’abord, nous nous étions engagés à ne reprendre aucune négociation bilatérale commerciale avant que les négociations dans le cadre de l’OMC ne soient conclues ; elles ne le sont pas, et pourtant la Commission reprend les négociations bilatérales entre l’Union européenne et le MERCOSUR ! La parole n’a pas été respectée.

Ensuite, les pays du MERCOSUR ne sont pas si mal traités que cela ! Depuis cinq ans, les exportations de viande des pays du MERCOSUR à destination de l’Union européenne ont été multipliées par deux. Dans le même temps, les pays du MERCOSUR renforcent leurs droits d’importation sur les produits agricoles en provenance de l’Union européenne.

Je ne vois pas pourquoi l’agriculture serait, chaque fois, la variable d’ajustement des négociations commerciales !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, quand la présidence espagnole nous explique que la reprise de ces négociations est bonne pour les pays du MERCOSUR, je réponds, avec tout le respect que j’ai pour elle, que cela est peut-être fort sympathique mais que j’aimerais mieux que ce soit bon pour les agriculteurs européens et pour les citoyens européens !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Tenons bon ! Nos positions sont justes et font de plus en plus d’émules.

Il y a trois semaines, la France était la seule à s’opposer à la reprise des négociations entre l’Union européenne et le MERCOSUR. Depuis le conseil des ministres de l’agriculture, lundi dernier à Bruxelles, nous avons rallié quinze pays européens à notre position. La Commission ne peut plus dire qu’elle est majoritaire pour la reprise de ces négociations !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

De la même façon, en août dernier, j’étais seul à demander le respect d’une PAC forte ; durant l’appel de Paris en décembre, nous avons été vingt-deux États à réclamer le maintien d’une PAC forte et à abandonner l’idée d’une diminution drastique du budget européen !

À tout seigneur tout honneur : pour finir, ayant, par définition, une certaine affection pour les anciens premiers ministres

Sourires

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le premier point concerne la menace institutionnelle. Je ne reprendrai pas ses propos mais, je tiens à le souligner, nous veillons, au ministère de l’agriculture, à rééquilibrer le balancier.

Ce que nous avons obtenu, avec Jean-Louis Borloo, sur les règles environnementales – la prise en compte de la crise économique et l’harmonisation européenne –, le montre : le balancier se rééquilibre.

Ce que nous avons réussi à obtenir sur la réassurance publique, grâce à un travail très constructif avec Christine Lagarde, en témoigne également ; de même que ce que nous avons réussi à obtenir, à l’issue d’un travail très constructif avec Éric Woerth, sur les allégements de charges pour le travail occasionnel des agriculteurs.

Le balancier ne penche pas systématiquement en défaveur du ministère de l’agriculture. Je tiens à rassurer Jean-Pierre Raffarin sur ce point.

Le deuxième point souligné par Jean-Pierre Raffarin concerne les conséquences régionales des décisions que nous prenons. Je le redis avec force : je suis contre la concentration excessive des exploitations, contre l’uniformisation de la production agricole en France, contre l’extension sans fin des surfaces d’exploitation ; mais je suis pour la diversité des productions, pour le maintien de l’activité dans l’ensemble des régions françaises – y compris en Lozère, cher Jacques Blanc, et dans le Cantal, cher Pierre Jarlier –, je suis pour le maintien de l’agriculture partout sur notre territoire, y compris dans les zones intermédiaires !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

J’en viens au troisième point évoqué par Jean-Pierre Raffarin : le secteur laitier. Il fut, pour tous les Français, le symbole de la crise dramatique traversée par l’agriculture. C’est pourquoi, comme le ministère, vous y avez accordé une attention toute particulière, mesdames, messieurs les sénateurs.

Finalement, comme le montrent les travaux de l’interprofession sur les indices de prix, ceux que nous menons sur les plans de développement des filières, ceux de la Commission et, principalement, de Dacian Cioloş pour un règlement européen de régulation du marché du lait disponible d’ici à la fin de l’année 2010 : nous sommes engagés sur le bon chemin !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Roland du Luart.