Intervention de Charles Revet

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Charles RevetCharles Revet, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner à mon tour la qualité du travail mené en commun avec les services du ministère.

J’évoquerai plus particulièrement le volet du projet de loi relatif à la pêche et à l’aquaculture, que l’on a parfois tendance à oublier, alors qu’il n’est pourtant pas anecdotique.

Avec six articles, le titre IV du projet de loi répond à un double impératif : développer l’exploitation de la mer et moderniser la gouvernance des pêches maritimes et de l’aquaculture.

Je me permettrai tout d’abord d’insister sur l’impératif de développement de la production. La France importe aujourd’hui de 80 % et 85 % des produits de la mer qu’elle consomme, alors qu’elle dispose, avec les États-Unis, de la plus grande zone économique maritime du monde. Sa façade maritime est immense, même si l’on ne prend en compte que les territoires métropolitains ; elle l’est plus encore si l’on considère l’étendue des espaces maritimes de l’outre-mer. Il y a là un grand paradoxe !

Au sein de la filière des produits de la mer, l’aquaculture marine est très peu développée. Elle repose essentiellement sur la conchyliculture, et en particulier sur l’ostréiculture. La pisciculture marine est marginale : avec moins de 8 000 tonnes produites chaque année et un chiffre d’affaires d’un peu plus de 50 millions d’euros, notre pays n’est pas à la hauteur de ses potentialités. Il nous faut impérativement développer celles-ci, pour améliorer la couverture de nos besoins. N’oublions pas, par ailleurs, que la mer constitue un enjeu important en vue de la satisfaction des besoins alimentaires futurs de l’humanité.

L’article 19 du projet de loi vise à sortir de ce sous-développement. Conformément aux recommandations du rapport Tanguy de 2008, il prévoit un zonage des sites propices à l’aquaculture sur le littoral. En effet, dans ce domaine, l’absence d’une carte des sites possibles constitue le principal obstacle aux projets, qui, du coup, sont constamment contestés au nom d’usages différents, et peut-être plus rémunérateurs, du littoral.

La commission a souhaité améliorer le texte en renforçant le schéma régional de développement de l’aquaculture, qui devra être établi dans l’année suivant la promulgation de la loi et qui sera placé au même niveau que les autres documents de planification.

Par ailleurs, la commission a introduit un article additionnel visant à mettre davantage en cohérence les schémas régissant l’utilisation du littoral, à travers la création d’une conférence régionale sur l’utilisation de la mer et du littoral, qui se réunirait tous les cinq ans.

En effet, les différents schémas ne doivent pas conduire à empêcher purement et simplement l’activité économique de prospérer sur le littoral ! Or cette tendance est à l’œuvre, et elle fait peser une menace sur notre potentiel de production d’origine marine. Mettons un terme à cette évolution, pour retrouver le chemin de l’ambition en matière de pêche et d’aquaculture !

Moderniser la gouvernance de la pêche et de l’aquaculture constitue le second objectif du titre IV. Plusieurs outils sont mobilisés dans cette perspective.

Tout d’abord, scientifiques et pêcheurs sont incités à développer une analyse commune de l’état de la ressource au sein d’un comité de liaison scientifique et technique. Il faut qu’ils constatent ensemble la réalité de la situation, ce qui devrait permettre d’améliorer leur compréhension des problèmes et d’éviter certains conflits ! La commission a approuvé la création de cette instance ; elle a prévu également que les analyses devront pouvoir être effectuées en situation réelle, à bord des navires de pêche.

Ensuite, le texte donne davantage de responsabilités aux organisations de producteurs : gestionnaires des sous-quotas, elles distribueront désormais également les autorisations de pêche pour les espèces soumises aux quotas communautaires et disposeront, à l’égard de leurs membres, d’un plus grand pouvoir de sanction, afin d’améliorer le contrôle des pêches. La commission a également approuvé cette orientation.

Enfin, le dernier axe d’amélioration de la gouvernance concerne l’organisation interprofessionnelle des pêches maritimes et élevages marins. Resserrée autour des seuls producteurs, celle-ci voit le nombre de ses structures réduit, autour du comité national, des comités régionaux et des comités départementaux, ces derniers absorbant les comités locaux.

En effet, la profession n’a plus les moyens d’entretenir une organisation pléthorique : une réforme s’imposait, qui n’interdit pas le maintien, à l’échelon local, d’une structure de proximité, dès lors que celle-ci semble utile et s’appuie sur un potentiel suffisant.

L’examen de l’article 21 permettra peut-être de préciser les missions et le fonctionnement des comités des pêches à leurs différents échelons. L’article 22 prévoit de réformer dans le même sens l’organisation professionnelle de la conchyliculture.

Enfin, je signale que la commission a fait œuvre utile en précisant directement la procédure d’information et de consultation du public sur les décisions publiques relatives à l’exercice de la pêche maritime, alors que le texte initial renvoyait ce soin à une ordonnance.

À ce stade, je souhaiterais ouvrir une brève parenthèse pour indiquer que la courte période séparant le passage en commission de ce texte de son examen en séance publique a été marquée par la publication, le 7 mai dernier, de quatre ordonnances prises en application de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures de 2009. Celles-ci ont renuméroté certaines partie du code rural et intégré les divers textes législatifs concernant la pêche maritime et l’aquaculture au sein d’un nouveau titre IX de ce code, rebaptisé pour l’occasion « code rural et de la pêche maritime ». Cela obligera la commission à présenter plusieurs amendements de coordination avec la nouvelle numérotation. Espérons que nous nous y retrouverons, car ces changements confèrent un degré de complexité supplémentaire à l’examen de ce texte !

Pour en revenir au fond, la partie « pêche et aquaculture » du projet de loi n’est pas la plus visible du texte, même si elle n’en constitue pas non plus le parent pauvre. Toutefois, il faut noter que, comme pour l’agriculture, nous sommes ici dans un domaine fortement soumis à la réglementation communautaire.

Une discussion a lieu actuellement sur la réforme de la politique commune de la pêche. Le mémorandum français établi en février 2010 a jeté les bases de la position de notre pays, qui est attaché à une approche responsable et équilibrée de l’exploitation de la mer, ainsi qu’au maintien d’une intervention publique substantielle.

Cette vision est largement partagée, mais les enjeux de la pêche ne se réduisent pas à la politique commune. J’espère que la discussion au Sénat du titre IV du projet de loi permettra d’évoquer quatre aspects qui, à mes yeux, sont essentiels pour le bon fonctionnement du secteur de la pêche.

Premièrement, l’avenir de la pêche, comme celui de l’agriculture, passe par l’installation de jeunes. Or les investissements initiaux sont colossaux. Nous devrons donc être capables de mobiliser des financements pour faciliter l’acquisition de nouveaux bateaux, plus performants, notamment sur le plan énergétique, et pas seulement pour sortir de la flotte des pêches des navires obsolètes.

Deuxièmement, l’avenir de la pêche passe par la construction d’un instrument performant en aval. En effet, la transformation est un facteur clef du succès des filières : la coquille Saint-Jacques en offre un bon exemple, avec des usines de surgélation qui absorbent les pics de production.

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