… faire la promotion du Grenelle II après avoir déclaré que les « normes environnementales, ça suffit », enfin réunir les partenaires la veille du débat pour tenter de « régler le problème » sans attendre le vote du projet de loi dont nous débutons l’examen aujourd’hui ? Quelles promesses fait-il ? Je ne reprendrai pas, à cet instant, les appréciations de certains quotidiens nationaux ou régionaux, mais tout de même : son attention se porte uniquement sur la gestion des périodes de crise dans la filière fruits et légumes, alors que ce sont toutes les filières qui souffrent !
La manifestation des céréaliers, voilà quelques semaines, est symptomatique des limites du modèle productiviste orienté vers les exportations. Ceux qui sont censés être les plus compétitifs, qui reçoivent le plus d’aides européennes, ont eux aussi été rattrapés par la crise !
Face aux désillusions et à la perte de confiance du monde agricole, le présent texte vise à généraliser la contractualisation dans un cadre privé. Si cette dernière présente l’avantage indéniable de clarifier les relations entre producteurs et acheteurs et d’anticiper ce que sera peut-être la future PAC, elle ne remplacera en rien une régulation publique de l’offre agricole à l’échelle européenne. Elle ne prend par ailleurs pas en compte les services rendus par les agriculteurs sur l’ensemble de nos territoires, services qui ont notamment été reconnus dans les CTE, les contrats territoriaux d’exploitation.
En outre, ce texte ne prête que peu d’attention aux hommes, notamment aux jeunes souhaitant s’installer, aux plus âgés en recherche de transmission ou de reconversion, aux retraités n’arrivant pas à s’en sortir avec leur maigre pension. Si l’on met cela en parallèle avec ce qui est envisagé en termes de protection du foncier, on est en droit de s’interroger !
À ce titre, l’Europe sociale que nous appelons de nos vœux consiste non pas à aligner le coût de la main-d’œuvre agricole française sur celui de certains de nos partenaires européens, mais à enclencher une dynamique d’intégration par le haut.
Enfin, en ce qui concerne le secteur de la pêche, je rappellerai tout d’abord que, lors d’une conférence sur le Livre vert qui s’est tenue à Bruxelles au mois de décembre dernier, très nombreux ont été ceux qui ont préconisé une plus grande décentralisation de la politique commune des pêches, afin de prendre en compte certaines spécificités régionales et de reconnaître la diversité des activités impliquant les intervenants du secteur. Il apparaît clairement que seule une approche territorialisée demeure susceptible de permettre une alliance solide entre l’exigence environnementale, la performance sociale et le dynamisme économique. L’uniformisation et la recentralisation de ce secteur, promues au travers du texte qui nous est soumis, ne me semblent pas tenir entièrement compte de ces préoccupations.
Les dispositions relatives à la pêche portent en effet essentiellement sur la structuration et l’organisation de la filière.
L’abandon du caractère interprofessionnel des comités des pêches contredit ainsi la recherche d’une efficacité économique, tandis que l’abandon de la gestion de la ressource aux organisations de producteurs, qui, je le rappelle, ne représentent pas tous les professionnels, peut constituer un risque de régression écologique au regard de l’implication des comités.
Ces comités locaux que vous sacrifiez sur l’autel de la rentabilité ont pourtant fourni toutes les preuves de leur utilité sociale et écologique, qu’il s’agisse de leur implication dans la mise en place de zones protégées ou de la représentation équilibrée de tous les acteurs : armateurs, patrons pêcheurs, mais aussi marins salariés. Selon les régions, leur histoire et leur lien au territoire sont différents, mais toujours très forts. Dans beaucoup de ports, notamment en Bretagne, leur disparition ne peut se concevoir sans une forte amertume.
Par ailleurs, l’absence de proposition concrète pour le financement et la pérennisation des ressources déployées dans le cadre de la restructuration de la filière interdit toute projection et plonge les professionnels dans une angoisse bien compréhensible.
Monsieur le ministre, notre ambition aurait été de faire de ce texte une vraie loi de modernisation agricole, fondatrice d’une agriculture performante, respectueuse de l’environnement, éco-productive, rémunératrice mais plus équitable, pourvoyeuse d’emplois et de productions variées dans tous nos territoires.
Nous formons donc le vœu que vous-même et les rapporteurs de la commission de l’économie soyez plus à l’écoute de l’opposition et, surtout, de la détresse des agriculteurs et des pêcheurs, faute de quoi nous ne pourrons voter ce projet de loi.