Or nous ne voulons pas que le Grenelle fasse oublier le Varenne. C’est la raison pour laquelle nous voulons que, grâce à votre talent, monsieur le ministre, le ministère de l’agriculture se fasse entendre.
C’est une nécessité, attendue par les agriculteurs dépités de voir certaines décisions importantes prises sans intégrer la dimension agricole du sujet.
C’est ainsi que le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’aborde pas le sujet très important de l’eau. Notre collègue Alain Chatillon voulait intervenir aujourd’hui sur ce point, mais il en est empêché par un deuil dans sa famille. On a le sentiment que la politique de l’eau, richesse stratégique pour l’agriculture, doit être aussi pensée dans le domaine agricole, quitte à avoir ensuite des arbitrages avec les autres ministères.
Ouvrir un « Varenne de l’agriculture », redonner toute sa place au ministère de l’agriculture a également une importance dans le cadre de l’Union européenne, qui a aujourd’hui beaucoup de mal à définir une politique des prix.
Sur le plan national, on voit bien, en revanche, qu’il est souvent plus facile d’intervenir sur les charges. Faute de pouvoir maîtriser les prix, l’objet d’un « Varenne des charges » serait justement d’arrêter la part nationale des charges susceptible d’être allégée. Or les agriculteurs ont bien besoin aujourd’hui d’un allégement des charges dans leur compte d’exploitation !
D’ailleurs, dans son programme de 750 millions d’euros, l’Allemagne n’a-t-elle pas allégé de plus de 45 % la cotisation « accidents » supportée par les agriculteurs ? Cette question mérite réflexion : il s’agit, dans une approche à la fois très agricole et interne, de dégager ce qui relève des décisions nationales en vue de procéder aux différents allégements.
Monsieur le ministre, cette dimension est très importante pour que nos agriculteurs se sentent mobilisés. La vocation du ministère de l’agriculture, c’est moins de défendre les agriculteurs que de penser avec eux l’avenir de l’agriculture. Vous avez les talents et les capacités pour y parvenir. Nous sommes à vos côtés pour poursuivre dans cette voie. C’est cette dérive institutionnelle que je voulais souligner d’abord.
Le deuxième sujet qui me préoccupe relève, comme le premier, de la menace. Il concerne les conséquences régionales et territoriales d’une évolution de la pensée agricole très présente à Bruxelles. C’est ainsi que j’entends dire assez souvent dans les couloirs bruxellois que la bonne solution pour l’agriculture française, notamment pour l’élevage et le lait, consisterait à faire en sorte d’organiser correctement et dignement le départ de 20 % de producteurs laitiers dans notre pays. Au terme de ce raisonnement, la production laitière française serait meilleure grâce à la réduction ainsi décrétée. Cette menace-là est très préoccupante parce qu’elle ne tient pas compte de l’identité territoriale et agricole de la France.
En effet, à procéder de la sorte, on aura une grande région productrice de lait, la grande région Bretagne, élargie à son nord et à son sud. Et la production laitière disparaîtra du quart sud-ouest de la France, des zones de montagne et d’une grande partie de l’est de la France, soit des trois quarts de nos territoires français.