Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs ont souligné les difficultés, parfois mortelles, auxquelles sont soumises les exploitations agricoles. La diminution continue et inexorable de leur nombre l’illustre. Les installations de jeunes agriculteurs suivent aussi, en l’accentuant, cette tendance.

J’orienterai mon propos non pas sur les aléas des marchés, leur organisation et les charges des agriculteurs, mais sur les calamités administratives inventées et produites par Bruxelles.

Imaginez l’état d’esprit d’un agriculteur qui cherche à survivre et à qui on impose des charges administratives absurdes. S’il ne s’y plie pas, il est sanctionné et sa situation s’aggrave. Pouvez-vous comprendre qu’il éprouve, au-delà de l’exaspération, du ressentiment contre une Europe de plus en plus éloignée de ses préoccupations, de ses difficultés, de ses angoisses ?

Monsieur le ministre, si le politique ne reprend pas la main sur l’administratif, vous ne pouvez pas prévoir la violence des réactions.

Avez-vous essayé de remplir un dossier PAC ? Tentez l’expérience, vous allez perdre votre sang-froid ! Je voudrais vous citer quelques exemples des astreintes imbéciles auxquelles vous devrez faire face.

Tout d’abord, armez-vous de patience, du plan de votre exploitation, d’un stylo rouge et d’un stylo vert. Le rouge pour créer, modifier ou supprimer les îlots, le vert pour délimiter et identifier vos parcelles culturales et les surfaces engagées dans des mesures agroenvironnementales ou biologiques. Ne vous trompez pas de programmation, ni d’abréviation et, surtout, n’oubliez aucun formulaire ou justificatif, vous seriez immédiatement sanctionné par une administration autiste qui ne justifie son existence que par son inutile pouvoir de sanction. L’observation satellitaire permettrait la mise en application d’une RGPP agricole à un coût administratif très inférieur.

Précisez scrupuleusement la quantité d’engrais utilisée sur votre exploitation non pour l’ensemble de la surface, mais pour chacune des parcelles. Pour quelle raison ? Il y a quelques années, on épandait sur des semis de blé 150, 180, voire 200 unités d’azote et on ajoutait un raccourcisseur pour que le blé ne verse pas. Cette époque est révolue. Les intrants sont trop chers. Ayez à l’esprit que, aujourd’hui, un agriculteur vise non plus les rendements, mais les marges.

Après avoir épandu un pesticide, n’oubliez surtout pas de reporter sur la fiche son numéro d’autorisation de mise sur le marché et sa date de péremption. Pourquoi ?

Peu importe l’état de développement de vos cultures, la pluviométrie ou la température, attendez les dates autorisées pour répandre l’azote. Or qui mieux que l’exploitant lui-même peut décider du bon moment ? Si vous considérez l’agriculteur comme un entrepreneur, laissez-lui gérer son entreprise comme il l’entend.

Pour établir votre contrat d’assurance, inscrivez scrupuleusement vos rendements moyens et le prix de vente de vos récoltes sur les cinq dernières années. Pour quelle raison ? Il suffit de s’entendre avec l’assureur sur un chiffre d’affaires à l’hectare.

La liste de ces astreintes n’est pas exhaustive, hélas !

Au final, vous aurez passé un temps considérable à remplir des papiers administratifs dont la complexité et l’absurdité confinent au ridicule. La solennité de ces lieux m’interdit d’utiliser des termes plus crus.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les idées françaises faisaient leur chemin à Bruxelles. Défendre celle de la simplification administrative est une première urgence.

Vous ne souscrivez pas à ma proposition d’assurance-récolte obligatoire, car elle conduirait l’Europe à supprimer ses subventions. Pourquoi procéderait-elle ainsi si cette assurance obligatoire permet une plus grande mutualisation des risques, donc une vraie solidarité, et la survie des entreprises agricoles en cas d’accident climatique ? L’Europe ne peut pas avoir comme seul argument : « C’est comme ça parce que c’est comme ça ».

Dans l’esprit des contrats, qui sont une bonne idée, ne peut-on garantir un prix sur un rendement donné, par exemple 40 ou 50 quintaux par hectare, et laisser la possibilité de négocier la production supérieure à ce rendement au prix du marché ? Cela permettrait de garantir un revenu minimum aux exploitations. L’Europe était hostile à cette idée il y a une vingtaine d’années. La prise de conscience du rôle essentiel de l’agriculture a pu la faire évoluer.

Monsieur le ministre, les économistes prévoient que, à moyen terme, le monde sera déficitaire en produits agricoles : par conséquent, les prix augmenteront. Mettez en place une politique qui permette aux agriculteurs de survivre jusque-là !

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