C’est d’ailleurs le constat qui est fait par l’ensemble de nos partenaires s’agissant de la forêt française, comme de la forêt européenne de façon générale, en dépit des blessures qui ont été infligées à ces dernières.
L’ensemble des naturalistes reconnaissent que l’on peut sans danger demander plus de bois à la forêt sans compromettre ses fonctions écologiques. C’est là un point intéressant.
La forêt française couvre quinze millions d’hectares. On s’en soucie peu, mais elle représente tout de même 33 % du pays.
Or ce tiers du territoire national ne coûte pas cher au contribuable français ! §Quand on donne deux centimes à la forêt, on a l’impression de donner beaucoup ; or, faites le compte, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt ne coûte pratiquement rien.
Par ailleurs, on entend souvent dire que la forêt est complètement endormie. Permettez-moi d’objecter que la filière bois, forêt et industrie du bois, emploie aujourd'hui autant de salariés qu’il y a trente ans. Peu de secteurs réalisent une telle performance. En réalité, la forêt offre quantité de possibilités.
Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, mais le discours du Président de la République à Urmatt montre que les pouvoirs publics et le Gouvernement ont bien compris que l’on pouvait éveiller cette belle endormie, avec prudence s’entend.
Monsieur le ministre, les articles relatifs à la forêt dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche sont à mes yeux extrêmement intéressants. Je vous remercie d’avoir présenté les plans pluriannuels régionaux de développement forestier, qui constituent une innovation. Ils permettront de territorialiser une politique nationale. Cette proposition donne concrètement suite au discours du Président de la République.
À présent, permettez-moi d’évoquer la tempête de 1999 et d’aborder un problème grave. En effet, le Sénat n’a toujours pas reçu le rapport de l’administration forestière sur cette tempête. Or nous avons exigé l’an dernier de pouvoir disposer de ce rapport, car il devrait se révéler assez riche d’enseignements.
En lien, me semble-t-il, avec les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, M. le rapporteur Gérard César a déposé un amendement très positif, auquel je tiens beaucoup, visant à instituer un compte épargne d’assurance pour la forêt. Sans un tel dispositif, nous ne pourrons pas disposer, dans les années à venir, des moyens de reconstituer des forêts abîmées par la tempête. Il s’agit donc là d’une grande avancée.
Monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas opposé intellectuellement à une telle mesure. Pour ma part, je la défends ardemment. C’est la première réponse à apporter aux problèmes soulevés par la tempête.
Je terminerai en abordant un sujet que notre collègue Jean-Pierre Raffarin a également soulevé. Monsieur le ministre, pour que la mobilisation supplémentaire de bois, évoquée tout à l’heure, soit un succès, l’État doit reprendre toute son autorité en matière forestière. Sur ce point, votre administration est excellente, mais insuffisante. Les moyens dont vous disposez, à Paris comme en province, ne vous permettent pas de conduire une politique forestière responsable et respectueuse de la sylviculture.
L’agriculture moderne va revenir aux règles de l’agronomie, nous dit-on. Cette discipline, qui prône le respect des sols et des climats, représente l’avenir de l’agriculture. Étant moi-même agronome et naturaliste ardent, je suis fermement convaincu que, demain, la richesse agricole reposera sur ces techniques.
Il en va de même pour la sylviculture. Simplement, en France, nous sommes en train de l’oublier, car tout le monde aborde cette discipline de manière sectorielle, en se préoccupant de tel ou tel parasite du chêne ou de l’orme, de tel ou tel petit système d’alimentation en oligo-éléments, de tel ou de tel arbre…
Personne ne s’occupe plus de la gestion conceptuelle des grandes populations de forêt, de la sylviculture et de l’aménagement forestier ! Pourtant, compte tenu de tels enjeux, notre action en la matière se doit d’être conçue dans une perspective à vingt, à cinquante, voire à cent ans ! Mais aucun scientifique ne se préoccupe plus d’un tel sujet, pas même au sein de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, ou de l’Office national des forêts, l’ONF ! Depuis quelques années, il existe un formidable déficit de réflexion en matière forestière.
Monsieur le ministre, au-delà de la réflexion sur l’agronomie, soyez donc, et je vous y aiderai de toutes mes forces, l’artisan de la renaissance d’une école de sylviculture et d’aménagement forestier en France !