Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, malgré tous les satisfecit entendus depuis le début de l’après-midi, s’élabore dans la douleur et l’approximation !
Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement sachant que l’agriculture française traverse une crise sans précédent, qui justifie des mesures urgentes pour répondre aux attentes des agriculteurs, dont certains connaissent des situations dramatiques ?
Dans le même temps, monsieur le ministre, vous prétendez, au travers de ce projet de loi, faire changer notre agriculture d’époque pour lui permettre d’affronter les enjeux du xxie siècle.
La procédure accélérée qui a été choisie devait, à vos yeux, répondre à cette double exigence ; mais l’expérience prouve, une fois de plus, qu’il s’agit d’une mission impossible ! Les sénatrices et sénateurs que nous sommes sont bien placés pour le savoir !
Il en résulte une confusion des genres : le texte initial du Gouvernement a été malmené par votre propre majorité au cours d’une discussion où, comme à son habitude, le chef de l’État s’est invité à distance en se lançant dans des initiatives et des prises de position – ce fut encore le cas hier – dont il a le secret et qui ne sont pas de nature à rendre crédible une démarche de fond. Il aurait fallu faire preuve de sérénité et afficher une volonté politique claire.
Pourtant, vous avez, à de nombreuses reprises, évoqué l’idée d’une production agricole où la demande ne serait plus soumise à l’offre, mais où, au contraire, l’offre serait modulée par rapport à la demande.
Nous ne pouvions que nous en réjouir. Malheureusement, l’évolution du texte que nous étudions aujourd’hui rend la portée et la cohérence de vos intentions plus que discutables. Vous subissez, monsieur le ministre, cela a déjà été souligné, la pesanteur des choix idéologiques de vos prédécesseurs, qui ont été les champions de la dérégulation et les tenants de la loi du marché.
Cet héritage est lourd et difficile à porter. Il vous empêche de faire réellement « bouger » les choses, comme vous le souhaiteriez, alors que le consommateur et le producteur ont un besoin vital de se voir clairement proposer des solutions durables.
C’est ainsi que le titre Ier du projet de loi se trouve, d’une certaine façon, disqualifié, alors qu’il a pour objet de « Définir et mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation ». De notre point de vue, il ne se préoccupe pas assez d’engager une politique économique au bénéfice des populations les plus fragiles et les plus exposées à la crise.
Une politique de l’alimentation, qui prétend « assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité nutritionnelle, produite dans des conditions durables » en négligeant de s’adjoindre un volet social, est vouée à l’inefficacité.
Il faut reconnaître, néanmoins, que la majorité de la commission a accepté, au titre Ier, trois amendements déposés par le groupe socialiste.