Monsieur le ministre, vous avez osé affirmer une ambition pour notre agriculture. Vous avez même su donner un sens politique nouveau à votre démarche, en consacrant l’article 1er du projet de loi à l’alimentation.
Pendant trop longtemps, l’agriculture est restée à l’écart des problèmes d’alimentation et de santé. Aujourd’hui, pour bien manger tous les jours, que ce soit dans nos cantines ou dans nos établissements sanitaires et sociaux, favorisons l’utilisation de produits issus de circuits courts – c’est le bon sens ! – et le Gouvernement devra respecter ses engagements en matière de conditions de marché.
Nous avons parlé d’une chaîne allant « des champs à l’assiette » ou « de l’assiette aux champs »… J’opterai pour l’expression « du champ à l’assiette », sachant, mes chers collègues, que nous pouvons être fiers de ce qui se fait !
Certes, comme le rappelait Jean-Pierre Raffarin, il est toujours un peu difficile pour le ministère de l’agriculture de s’imposer entre les problématiques de santé et celles d’environnement même si, en d’autres temps, c’est lui qui portait ces sujets. Je ne suis pas certain que nous revenions à une telle situation. En revanche, il est capital, monsieur le ministre, que, soutenu par le Parlement, vous puissiez affirmer votre détermination à donner ce sens politique supplémentaire à votre démarche.
Vous avez aussi su prendre en compte, dans l’élaboration du projet de loi, la nécessité pour les agriculteurs de mieux connaître leur revenu et de voir celui-ci s’améliorer. Vous avez notamment indiqué, dans votre intervention, qu’il n’était plus raisonnable aujourd’hui de se lancer dans des grands investissements sans visibilité. Les contrats que vous proposez, d’une durée suffisante, fixant prix et volumes, devront offrir cette capacité de gestion aux agriculteurs, y compris à ceux qui n’ont pas une grande exploitation agricole.
Ce point m’amène d’ailleurs à un autre volet important de votre projet : la volonté de favoriser les regroupements. Pour disposer d’interlocuteurs dans le cadre de ces contrats, il sera capital de permettre ces regroupements de petits producteurs dans les zones de montagne.
Enfin, vous vous battez aussi pour permettre aux interprofessions de développer, demain, des projets de filières. C’est tout à fait essentiel !
Cela étant dit, monsieur le ministre, permettez-moi d’insister sur la nécessité d’intégrer, dans l’ensemble de cette démarche, les problèmes liés aux territoires spécifiques.
Je pense bien sûr aux territoires de montagne, et je sais que vous avez reçu à plusieurs reprises des représentants de l’association des élus de la montagne. Là, plus qu’ailleurs, on mesure le besoin d’une agriculture vraie qui permette aux agriculteurs de tirer de leur travail l’essentiel de leurs revenus, tout en conservant les compensations octroyées aux productions en zone de handicaps naturels. Nous avons donc besoin du maintien d’une politique européenne de la montagne !
Le projet de loi aborde également le problème foncier, pour tenter de mettre fin à cette situation dans laquelle nous perdons l’équivalent d’un département de terres agricoles tous les dix ans. J’avais fait voter, à une lointaine époque, une loi sur les terres incultes, qui n’a jamais été appliquée. Peut-être aujourd’hui faudrait-il réfléchir aux moyens de mieux valoriser l’ensemble de ce potentiel…
Vous avez également prévu des dispositions pour la forêt. Dans ce cadre, il ne faut pas oublier que certaines forêts servent de pâtures et ne doivent pas être complètement fermées. Il faudra également y penser lors de l’élaboration des différents schémas régionaux mettant en œuvre la politique forestière. Un équilibre est nécessaire entre l’exploitation forestière elle-même et l’utilisation d’un certain nombre de forêts pour l’élevage pastoral.
Bien sûr, monsieur le ministre, tout ne sera pas réglé du jour au lendemain… Mais un certain nombre de réponses concrètes peuvent être apportées au travers du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
J’espère également que vous poursuivrez, avec audace, le combat européen pour – j’ose le dire – défendre la préférence communautaire. Ce n’est pas faire insulte à l’Europe ! Ce n’est pas se refermer sur soi-même ! La préférence communautaire est inscrite dans le traité de Rome : nous nous imposons des contraintes ; nous devons pouvoir tirer bénéfice de nos efforts. Nos agriculteurs doivent sentir qu’ils sont compris, que nous avons besoin d’eux et que nous allons les défendre avec vous, monsieur le ministre !