Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Au moment où l’agriculture française s’interroge sur son avenir, comme sur sa place pérenne dans l’économie mondiale, nous ne pouvons que vous accompagner, monsieur le ministre, dans votre initiative de modernisation de l’agriculture, rendue indispensable pour répondre aux défis du XXIe siècle et, dans l’immédiat, redonner confiance aux agriculteurs de toutes les filières.

Je souhaiterais intervenir brièvement sur deux points.

Le premier a trait à la viticulture, l’un des fleurons de notre pays, qui connaît depuis des années de graves difficultés.

La politique de la qualité, l’organisation de producteurs, la gouvernance de la filière sont autant de points majeurs du texte qui devront permettre, demain, aux vins de France d’être à la fois visibles et forts sur les marchés mondiaux, face aux vins d’autres régions du monde souvent soutenus par un marketing de grande ampleur, pour ne pas dire insolent.

Toutefois, la filière viticole française s’inquiète de la menace régulière de la disparition des droits de plantation.

Dans la région viticole dans laquelle je suis élue, le Beaujolais, beaucoup de sacrifices ont été consentis, avec d’abord la baisse des rendements, puis l’arrachage, qui atteint des superficies importantes : 3 000 hectares sur 20 000 ; c’est 15 % du vignoble qui a disparu en deux ans.

Aussi, alors qu’il y a quelques années ont été révélés les chiffres de 400 000 hectares de plantations illicites dans plusieurs pays du sud de l’Europe, comment faire admettre aux viticulteurs français une libéralisation des plantations ?

Le deuxième point qui me tient à cœur concerne les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Lors des travaux préparatoires à l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, également appelé « LMA », il a souvent été fait référence à la loi de modernisation de l’économie, la « LME ».

J’y suis d’autant plus sensible en tant que rapporteur de cette loi que j’ai publié un rapport d’étape en décembre dernier dans lequel j’ai fait clairement apparaître des relations commerciales extrêmement dégradées, et constaté que la seule ressource d’intervention était la répression, qui elle-même d’ailleurs a du mal à s’exercer ; en effet, les victimes n’osent pas dénoncer ces pratiques par crainte des sanctions commerciales et économiques que leur appliqueraient leurs clients, les distributeurs.

Vous avez dit, monsieur le ministre : « Ce n’est pas à la LMA de réécrire la LME. » Certes, vous avez raison, mais lorsqu’on constate que la législation n’est pas respectée, non pas parce qu’elle n’est pas bonne, mais parce qu’un rapport de force s’exerce au détriment des plus faibles, n’est-ce pas notre rôle d’apporter un correctif ?

C’est pourquoi il faut se féliciter des mesures nouvelles introduites par la commission. Elle a enrichi les missions des interprofessions. Elle a souhaité interdire la pratique du prix après vente et supprimé les 3R – rabais, ristournes, remises – toute l’année, même en dehors des périodes de crise, pour le secteur des fruits et légumes. Elle a renforcé les pouvoirs de l’Observatoire des prix et des marges.

Enfin, on ne peut que se réjouir de l’initiative du Président de la République, qui a tenu hier une réunion avec les représentants des agriculteurs, de l’industrie agroalimentaire, de la distribution, réunion portant sur les relations commerciales, au terme de laquelle ont été signés des accords de modération des marges dans le secteur des fruits et légumes.

Certes, ces accords pourraient aller plus loin, ne pas se cantonner au cas de crise, mais c’est néanmoins une grande avancée pour les producteurs.

Enfin, je voudrais terminer par une réflexion plus qu’une question, liée à l’alimentation. Des chiffres ont été récemment publiés concernant la consommation de la nourriture. L’un d’eux est à mon sens effrayant : 40 % de la nourriture produite ne serait pas consommée, c’est-à-dire que 40 % de la nourriture disponible à la consommation dans notre pays, ou plus largement en Europe, serait ainsi jetée !

Monsieur le ministre, je n’attends pas de réponse ; je sais que nous sommes tous concernés, et je crois que nous ne pouvons ni rester indifférents à ce constat, ni faire l’impasse sur ce sujet qui doit d’urgence alimenter nos réflexions.

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