C’est la raison pour laquelle, à partir du moment où ils respectent les obligations légales, les contrats conclus par les coopératives ne seront pas remis en cause.
Mais, je le reconnais avec beaucoup de simplicité et d’humilité, ce n’est pas l’instrument miracle qui va régler tous les problèmes. Il s’inscrit dans une stratégie de plus grande ampleur. Je réponds en cela à Daniel Dubois. Le contrat doit se concilier avec une régulation européenne des marchés agricoles, qui doit également porter sur les volumes, faute de quoi nous courrons le risque de la surproduction. En outre, il n’enrayera pas la dégradation de la compétitivité française, qu’il faudra régler par ailleurs.
Cet instrument doit donc être concilié avec d’autres politiques de plus grande ampleur menées par le Gouvernement.
À quoi sont dus les écarts de compétitivité entre la France et ses partenaires européens, au premier rang desquels l’Allemagne ? Trois points sont essentiels en ce domaine.
Le premier d’entre eux – ce n’est un mystère pour personne et je ne vous apprends rien, mesdames, messieurs les sénateurs – est le coût du travail. J’estime que le Gouvernement, en accordant une exonération totale de charges patronales dans le cas d’un travail occasionnel, c’est-à-dire sur 45 % de la masse salariale agricole, a déjà réglé la moitié du problème. En France, le coût du travail horaire a été ramené de 11, 30 euros à 9, 29 euros grâce à cette disposition, qui coûte 170 millions d’euros par an à l’État. De ce fait, l’écart de compétitivité par rapport à l’Allemagne a été réduit.
Le deuxième point est relatif à l’organisation des filières. En lisant attentivement les rapports sur ce sujet, un fait m’a frappé : en Allemagne, je le répète une nouvelle fois, la moitié de la production porcine est abattue dans trois abattoirs. Je n’aurai pas la cruauté de donner les chiffres de la France, mais cela explique pourquoi, aujourd’hui, certains porcs bretons sont abattus à Lübeck ou à Brême. Il faut remédier à cet état de fait.
Pour cela, j’ai proposé d’élaborer des plans de développement des filières. Au mois de septembre, je présenterai un tel plan pour la filière du lait, en raison de l’extrême urgence. Je souhaite que dans les prochains mois soit mis en place un plan de développement de la filière de l’élevage insistant particulièrement sur le secteur porcin.
Enfin, le troisième point, qui a été souligné par M. Muller, concerne les performances énergétiques. En ce domaine, tous les exploitants agricoles européens ont de meilleurs résultats que ceux de notre pays parce qu’ils ont développé la méthanisation, la biomasse, ou encore parce qu’ils ont investi dans la production d’énergie. Les agriculteurs français doivent faire de même. Ainsi ? nous pourrons concilier développement durable et agriculture et améliorer en même temps la compétitivité de nos exploitations et le revenu des agriculteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir me pardonner d’intervenir un peu longuement, mais le sujet le mérite. Je souhaite évoquer un dernier point relatif aux contrats.
Monsieur Botrel, le contrat n’est pas synonyme d’intégration. Une quelconque mise en vente de l’outil de production de l’agriculteur au profit de l’industriel est hors de question. Par ailleurs, en toute cohérence avec l’approche de l’agriculture française et le changement de cap que nous voulons lui fixer, dans une logique de long terme, j’ai d’ores et déjà demandé à la Commission européenne, je continuerai à le faire, et j’obtiendrai – je pèse mes mots – la modification indispensable du droit de la concurrence européenne. En effet, aujourd’hui, un nombre restreint de producteurs négocient leurs contrats avec un industriel ; ils se trouvent de ce fait en position de faiblesse. Je souhaite donc que l’ensemble des producteurs traitant avec un grand industriel puissent se regrouper pour négocier d’égal à égal avec lui. Ainsi seulement pourra s’établir une relation équitable dans les filières agricoles.