Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Bruno Le Maire, ministre :

Hormis la Bretagne que vous avez évoquée, d’autres lieux de production de pêche en France pourraient être cités.

Messieurs Revet, Le Cam et Merceron, il est effectivement indispensable que nous rétablissions la confiance entre scientifiques et pêcheurs, de façon que l’évaluation des ressources soit désormais un peu plus rigoureuse et surtout plus consensuelle.

Dans la proposition qu’elle vient de transmettre à la Commission sur la réforme de la politique commune des pêches, la France est le seul État à évoquer la dimension sociale, tout à fait essentielle, à laquelle la commissaire européenne Maria Damanaki s’est montrée ouverte lors de sa visite en Bretagne voilà quelques jours.

Monsieur Virapoullé, je suis favorable à la mise en place d’un groupe de travail sur les ressources halieutiques dans les départements d’outre-mer que vous avez proposée.

Avant d’aborder le sujet de l’Union européenne, je traiterai quelques questions diverses.

Monsieur Le Cam, le Gouvernement tient au principe d’une taxe sur la spéculation foncière. À partir du moment où le prix d’une terre est multiplié par dix – il s’agit donc plus d’une spéculation que d’un simple profit –, il ne me semble pas illégitime de pouvoir taxer une telle opération. Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez dans cet hémicycle, ont proposé d’affecter le produit de cette taxe à l’installation des jeunes agriculteurs, notamment. Je vous le dis solennellement, je suis tout à fait favorable à une telle affectation. Ce ne serait que justice.

Monsieur Leroy, madame Des Esgaulx, le Gouvernement, évidemment favorable à une meilleure exploitation de la forêt, souhaite également, en toute cohérence, mettre en place un compte d’épargne assurance forêt, qui permette aux forestiers, à l’instar des agriculteurs, de se prémunir contre les risques de plus en plus nombreux auxquels leurs exploitations sont confrontées.

Alain Fauconnier a évoqué l’enseignement agricole, défendu avec talent par Françoise Férat depuis de nombreuses années et qui, j’en suis profondément convaincu, jouera un rôle majeur pour l’avenir de l’agriculture en France.

Madame Lamure, je vous affirme avec la plus grande fermeté que le Gouvernement, dans une approche empreinte de cohérence, est totalement opposé à la libéralisation des droits de plantation dans le secteur viticole. Il n’est pas favorable à la libéralisation dans un cas et défavorable dans un autre cas, favorable à la régulation dans le domaine de l’agriculture et opposé à la même régulation dans le secteur de la pêche. Le Gouvernement souhaite la régulation des marchés, ce qui suppose de ne pas laisser planter n’importe quelle vigne n’importe où, en dehors de tout respect des appellations, une telle libéralisation menaçant des appellations d’origine.

Je veux enfin évoquer la réforme de la PAC et le rôle de l’Union européenne, sujet majeur dans la perspective que nous ouvrons avec ce projet de loi.

Je ne saurais trop insister : sans régulation, le marché agricole européen ne sera pas viable. Je reconnais le premier que nous avons tenté la libéralisation. Je le répète : un ministre socialiste, pour lequel j’ai le plus profond respect par ailleurs, a essayé de défendre la cause des quotas laitiers en 1999. À l’époque, il a été balayé par un tsunami européen : il était hors de question de maintenir ces quotas. Je crois que nous avons réussi à inverser la tendance au mois d’août dernier, même si nous devons rester déterminés et attentifs. Nous avons donc amorcé une régulation des marchés agricoles européens. Il faut continuer dans cette voie. Le projet de texte législatif européen que déposera Dacian Cioloş à la fin de l’année sur le marché du lait prouvera que la régulation fait son chemin.

Je tiens à faire une deuxième remarque sur ce sujet : toute la difficulté de la PAC réside dans le fait qu’au sein de cette politique commune s’affrontent deux modèles agricoles différents.

Les pays du Nord, comme de plus en plus l’Allemagne, pays que j’aime profondément et que je connais bien, ont opté pour les prix les plus bas possibles, en tirant sans cesse la rémunération des agriculteurs vers le bas. Il résulte de ce choix une concentration des exploitations et leur regroupement sur une seule partie du territoire.

Le modèle français, quant à lui, prône la valorisation des produits, des régions et de l’aménagement du territoire, ainsi qu’un revenu digne pour les agriculteurs, leur permettant de couvrir leurs coûts de production.

Ce modèle, que nous défendons, doit, à notre sens, l’emporter dans la politique agricole commune. Forcément, nous devrons faire des concessions, ici ou là, afin que les majorités nécessaires se dégagent. C’est bien pour cela que tous ensemble, dans cette enceinte comme dans d’autres cénacles, nous devons nous battre.

Il n’est absolument pas question de céder sur la préférence communautaire. Je suis très rarement en désaccord avec Jean Bizet, mais tel est le cas lorsqu’il soutient qu’il faudrait « mettre la pédale douce » en la matière.

Au contraire ! La préférence communautaire n’est pas un gros mot, c’est le premier point du traité de Rome sur la politique agricole commune. Pourquoi renoncerions-nous à ce qui fait le cœur du traité de Rome en matière de politique agricole commune ?

Par ailleurs, pas d’excès de naïveté, je vous en supplie ! Si je me suis tant battu sur la question des accords entre l’Union européenne et le MERCOSUR, c’est parce que la reprise des négociations commerciales entre ces deux entités est une faute politique.

D’abord, nous nous étions engagés à ne reprendre aucune négociation bilatérale commerciale avant que les négociations dans le cadre de l’OMC ne soient conclues ; elles ne le sont pas, et pourtant la Commission reprend les négociations bilatérales entre l’Union européenne et le MERCOSUR ! La parole n’a pas été respectée.

Ensuite, les pays du MERCOSUR ne sont pas si mal traités que cela ! Depuis cinq ans, les exportations de viande des pays du MERCOSUR à destination de l’Union européenne ont été multipliées par deux. Dans le même temps, les pays du MERCOSUR renforcent leurs droits d’importation sur les produits agricoles en provenance de l’Union européenne.

Je ne vois pas pourquoi l’agriculture serait, chaque fois, la variable d’ajustement des négociations commerciales !

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