Intervention de Paul Blanc

Réunion du 6 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Ii.- santé famille personnes handicapées et cohésion sociale

Photo de Paul BlancPaul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité :

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, en 2005, les crédits consacrés à la solidarité s'élèveront à 8, 7 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter les financements apportés par la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, soit 500 millions d'euros au moins. Cet effort financier important témoigne de la permanence de deux priorités pour le Gouvernement que sont la cohésion sociale et l'intégration des personnes handicapées.

En écho au plan de cohésion sociale, le projet de budget pour 2005 donne un nouveau souffle à la politique de lutte contre les exclusions.

Dans le domaine de l'hébergement d'urgence et de l'insertion, vous l'avez souligné, madame la ministre, le Gouvernement favorise la création de nouvelles places d'accueil tout en consolidant le dispositif existant. Il poursuit également le développement de l'action sociale en faveur des migrants, grâce à l'augmentation des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et à l'attribution de moyens de fonctionnement importants à la future agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations.

Pour autant, sur les 7, 2 milliards d'euros consacrés aux politiques de lutte contre les exclusions, 5, 9 milliards d'euros restent mobilisés en faveur des minima sociaux que sont l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, l'allocation de parent isolé, l'API et l'aide médicale de l'Etat, l'AME.

Les crédits consacrés à l'AAH et à l'API augmentent massivement et c'est un bon point, car les taux de progression estimés me paraissent plus réalistes que ceux qui avaient été retenus l'an dernier. Une incertitude demeure au niveau de l'AAH, sur la prise en compte de l'impact du projet de loi « handicap », que vous pourrez peut-être dissiper, madame la ministre, mais je souhaite saluer le souci de sincérité budgétaire qui a guidé vos choix.

Cependant, il me semble que vous n'êtes pas allée jusqu'au bout de cette logique, au moins sur deux points.

En effet, en 2005 l'Etat restera redevable de plus de 177 millions d'euros à la branche famille au titre de l'AAH et de l'API. Quant à l'AME, elle est, une fois de plus, sous-dotée puisqu'elle ne se voit allouer que 233 millions d'euros pour une dépense réelle prévisible aux alentours de 490 millions d'euros.

Nous ne pouvons pas, année après année, continuer de nous endetter ainsi auprès de la sécurité sociale, car elle n'a plus les moyens - mais les a-t-elle eus un jour ? - d'assurer la trésorerie de l'État.

Cela m'amène à vous poser une première série de questions. Comment l'Etat compte-t-il régler ses dettes à la branche famille et à l'assurance maladie ? Quelles actions va-t-il mettre en oeuvre pour tenir ses prévisions de dépenses ? Est-il enfin prévu de mettre en oeuvre les réformes de l'AME adoptées par le Parlement en 2002 et en 2003 ? Vous nous avez répondu en partie, monsieur le ministre.

S'agissant des personnes handicapées, la priorité qui leur est accordée est confirmée, même si les futures responsabilités respectives de l'Etat, de l'assurance maladie et de la nouvelle caisse dépendent du contenu de la loi « handicap » à venir. Je crois savoir, madame la secrétaire d'Etat, que le projet de loi sera examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année, ce dont je me réjouis tout en espérant que la commission mixte paritaire se réunira dans la deuxième quinzaine du mois de janvier, de façon que vous puissiez prendre, dans la foulée, les décrets d'application qui sont très attendus.

Les mesures nouvelles, qu'il s'agisse des créations de places en établissements ou du soutien à la vie autonome à domicile, seront financées par la nouvelle caisse. Elle devrait y consacrer 500 millions d'euros.

Ma deuxième question est donc celle-ci : pouvez-vous déjà, madame la secrétaire d'Etat, nous détailler très précisément les dépenses auxquelles cette caisse contribuera en 2005 ? Ne faut-il pas désormais, prévoir que le Parlement se prononce chaque année sur son budget ?

Vous avez justifié, madame la secrétaire d'Etat, l'intervention massive de la caisse en 2005 par le souci, défendable, d'améliorer dès maintenant la situation concrète des personnes les plus lourdement handicapées, sans attendre l'entrée en vigueur de la prestation de compensation au 1er janvier 2006.

Je comprends vos intentions mais j'avoue m'interroger sur l'ampleur de ce transfert de charges. Il me paraît indispensable d'engager une réflexion sur les futures modalités d'intervention de cette caisse et de faire des choix cohérents.

Cela m'amène à vous poser une troisième question : souhaitez-vous, à terme qu'elle finance l'ensemble des établissements ? Si tel était le cas, ne faudrait-il pas lui transférer les ressources correspondantes ?

Si, à l'inverse, elle n'est qu'un appoint aux efforts des autres financeurs, n'y a-t-il pas un risque que le mécanisme amorcé cette année conduise à ponctionner toutes ses ressources, au détriment du financement de la future prestation de compensation ?

La dernière partie de mon analyse se rapporte à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.

L'aspect le plus inquiétant de la croissance soutenue des dépenses d'action sociale départementales est l'inflation constatée du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux, ce qui donne une acuité particulière à la question de la maîtrise de leurs dépenses de personnel.

L'année 2004 correspond notamment à la fin des aides Aubry I et Aubry II à la réduction du temps de travail, ce qui alourdit de plus de 500 millions d'euros les charges des établissements.

Cela m'amène à ma dernière question : le dispositif actuel d'agrément des conventions collectives du secteur médico-social n'incite pas suffisamment à la maîtrise de la masse salariale. N'est-il pas nécessaire de parvenir à un système où les partenaires sociaux de la branche soient réellement responsabilisés ?

Plus largement, une réflexion ne doit-elle pas être engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux ? Ne pourrait-on pas envisager de faire reposer le financement des établissements sur un conventionnement pluriannuel, avec un appel à projet comme base ?

Au total, il me semble que ce projet de budget ne peut pas faire l'objet d'une lecture unique : dans le domaine du handicap, il constitue un budget de transition, dans l'attente de la future architecture découlant de la caisse de solidarité pour l'autonomie. Cette parenthèse n'empêchera pas les personnes handicapées de profiter, dès 2005, des progrès apportés par la prochaine loi sur le handicap. Par ailleurs, ce budget permet, dans un contexte de dépenses contrôlées, de financer les priorités nouvelles du plan de cohésion sociale.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005.

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