Comme vous le rappeliez, madame la ministre, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale de ce projet de loi : « Le II de l'article 2 s'inscrit dans l'esprit de la loi du 4 mai 2004 qui permet aux entreprises de fixer par accord les modalités de l'organisation du travail ». Cette loi de 2004, dénoncée par bon nombre de syndicats, avait tout simplement renversé le système français fondé sur le principe de faveur et la hiérarchie des normes sociales.
En effet, l'esprit de la loi Fillon avec, dans son sillage, la volonté des organisations patronales et la politique de démantèlement du droit du travail menée par votre gouvernement sont bien présents. Rappelons ainsi que, antérieurement à cette loi, un accord conclu à un niveau donné ne pouvait être moins favorable aux salariés qu'un accord conclu à un niveau plus large. Ainsi, un accord d'entreprise ne pouvait être moins favorable qu'une convention collective.
Désormais, les termes de la négociation sont complètement déséquilibrés puisqu'il faut négocier l'application d'un principe qui était jusqu'à présent acquis de plein droit.
De plus, jusqu'au vote de la loi Fillon, le code du travail renvoyait à la négociation de branche pour la mise en place de nombreux dispositifs dérogatoires prévus par la loi, notamment en matière de durée du travail.
Maintenant, l'accord de branche ne joue plus qu'un rôle subsidiaire. En effet, les entreprises peuvent accéder directement aux dispositions dérogatoires par simple accord d'entreprise.
Ainsi, le paragraphe II de l'article 2 vise à entériner cette possibilité pour la réduction du délai de prévenance.
On peut accepter que les cas d'urgence soient définis par une convention ou par un accord collectif de branche étendu, même si on ne peut que déplorer les nouvelles règles de validité des accords imposées par la loi Fillon. Mais il reste inacceptable que la notion d'urgence puisse être renvoyée à la négociation au niveau des entreprises ou des établissements. En effet, compte tenu de l'enjeu, puisque le délai de prévenance peut être ramené à moins de trois jours, le salarié doit pouvoir bénéficier des garanties d'une représentation syndicale solide. Or, les rapports de force existants et l'absence de représentation syndicale dans certaines entreprises et dans certains établissements fragilisent fortement le salarié face aux exigences du chef d'entreprise.
De plus, la définition des cas d'urgence par une convention ou un accord collectif de branche permettrait une harmonisation et une égalité entre tous les salariés concernés.
La disposition que vous proposez ne se soucie ni d'égalité ni de protection des droits des salariés. Elle cherche à instrumentaliser le code du travail afin de justifier les abus des employeurs. Les salariés ne seront plus protégés s'ils refusent des conditions de travail imposées par l'employeur, conditions pourtant dérogatoires au code du travail.
Pour lutter contre la flexibilité à outrance et la précarisation des conditions de travail de salariés souvent démunis, nous vous demandons de voter en faveur de cet amendement.