Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 6 octobre 2010 à 14h30
Motion référendaire sur le projet de loi portant réforme des retraites — Suite de la discussion et rejet d'une motion référendaire

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Le recours au référendum trouve sa justification autour de quatre arguments.

Le premier tient aux conditions mêmes d’émergence du projet que nous examinons. Comme l’a rappelé mon collègue et ami Jean-Pierre Bel, le Président de la République s’était engagé, pendant sa campagne, à ne pas modifier l’âge légal de départ à la retraite. Après son élection, il confirmait cette volonté, faute, disait-il, d’avoir reçu un mandat du peuple pour le faire.

Aujourd’hui, vous soutenez que, « entre temps, les conditions ont changé ! Il y a eu la crise ». Soit ! Mais convenez au moins, cher Nicolas About, que seul le peuple peut délier le Président de la République de cette parole donnée.

Le deuxième argument est porté par le peuple lui-même. À trois reprises au cours des derniers jours, près de 3 millions de nos concitoyens ont clairement exprimé leur opposition à votre projet de loi. Certes, ils connaissent la situation de notre pays et ils savent qu’une vraie réforme est nécessaire. Ils comprennent que l’allongement de l’espérance de vie au cours des dernières années modifie les conditions de l’équilibre du système des retraites. Néanmoins, ils pressentent que l’effort sera supporté par les plus fragiles, par ceux qui, précisément, bénéficieront le moins de ces dispositions. Et ils ne manquent pas d’arguments à vous opposer, arguments que nous n’avons de cesse de développer depuis hier.

Bref, ce projet, nous l’avons dit à plusieurs reprises, est perçu comme injuste et inefficace. Ne sous-estimez pas cette opposition qui s’inscrit sur un fond d’inquiétude généralisée : inquiétude pour l’avenir de la jeunesse – un jeune sur quatre est sans emploi –, inquiétude aussi pour l’avenir de notre économie.

Nos concitoyens savent que la pérennité du système de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique. Or ils constatent chaque jour l’augmentation inexorable du chômage. Pour cette seule raison, comment peuvent-ils croire que vous parviendrez, sans les appauvrir davantage, à restaurer l’équilibre financier des régimes de retraites ? C’est pourquoi toutes les générations sont présentes dans la rue, nous avons pu le constater hier encore devant le Sénat.

Des personnes retraitées, qui ne sont pourtant pas directement impliquées par votre projet de réforme, sont venues intercéder pour leurs enfants. Mes chers collègues, entendez la voix de ces hommes et de ces femmes !

Ils savent que cette réforme s’est engagée sans aucune concertation réelle avec leurs représentants. Certes, vous l’avez dit, il y a eu des rencontres formelles ; mais, depuis le début du processus, le Gouvernement ne cesse de leur répéter : « On discute avec vous, mais il n’y a qu’une seule voie possible, celle que nous avons définie… »

À cette carence manifeste de dialogue social s’ajoute, et c’est mon troisième argument, un véritable déni démocratique. Non seulement la volonté des citoyens est niée, mais l’expression de leurs représentants – que vous semblez vouloir défendre, chers collègues de la majorité, en contrant cette procédure référendaire – est également bafouée.

En témoignent les discussions marathon qui se sont déroulées à l’Assemblée nationale ! Comment comprendre le recours à la procédure accélérée, par ailleurs de plus en plus systématique, sur un tel sujet de société ? N’était-il pas impératif, sur cette question plus que sur toute autre, de laisser les débats se développer avec la sérénité et la durée nécessaires ? Au contraire, vous semblez vouloir en finir au plus vite sur ce sujet. Les conditions de ce débat, comprenez-le, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. C’est pourquoi il faut maintenant redonner la parole aux citoyens.

Au-delà de ces raisons – qui seraient en elles-mêmes suffisantes – un autre motif plus décisif encore appelle le recours au référendum : nous voulons pouvoir offrir à nos concitoyens un véritable choix.

Vous proposez un réaménagement comptable. Nous, nous pensons, avec nos concitoyens, qu’une véritable réforme est nécessaire, mais nous pensons aussi, avec eux, qu’il n’y a pas de fatalité à leur proposer des changements injustes et inefficaces.

Non, il n’y a pas qu’une seule solution : la vôtre ! Par le recours au référendum, nous voulons tout simplement créer les conditions du débat et permettre à nos concitoyens de choisir entre plusieurs voies : celle que nous proposons permet de préserver un système de retraite juste et pérenne. Nous ne sommes pas là, mes chers collègues, simplement pour nous opposer : nous avons la volonté de construire un système de retraite tout à la fois pérenne et juste pour tous. Au service de cette volonté, nous avons un projet. Alors, acceptez de regarder notre ambition et de confronter nos projets respectifs !

Dans le temps qu’il me reste, je ne prendrai que quelques exemples.

Pour assurer votre pseudo-réforme, vous proposez de faire peser 90 % des besoins de financement sur les salariés et les retraités ; les hauts revenus sont épargnés et vous ne sollicitez les revenus du capital et du patrimoine qu’à la marge. Non, monsieur About, cette réforme n’est pas gravée dans le marbre ! Nous vous proposons pour notre part de faire contribuer les revenus du capital à hauteur de 19 milliards d’euros en 2010 et de 25 milliards d’euros à partir de 2025.

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