Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son programme, le Conseil national de la Résistance avait prévu « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».
Aujourd’hui, je n’ai pas peur de dire que votre texte revient sur cet acquis majeur de notre pacte républicain.
Ce texte ne constitue rien de moins qu’une régression, qui va à l’encontre de ce que les Français attendaient. Ils espéraient un vrai débat, une véritable concertation ; ils voulaient une réforme juste, équitable et efficace.
Votre projet de loi est tout l’inverse : il est brutal, injuste, inégalitaire et inefficace, comme l’a démontré avec talent notre collègue Christiane Demontès.
Je partage, bien sûr, l’inquiétude et la colère de ces millions de Français qui se sont exprimés lors des manifestations et dont vous refusez d’entendre les légitimes revendications.
S’agissant de cet article 1er A, nous ne pouvons, bien entendu, qu’approuver les principes fondateurs qui y sont rappelés. Toutefois, on ne peut se contenter de les reprendre seulement pour la forme. Ces principes nous engagent, alors que les dispositions de ce texte de loi vont à l’encontre même de ce qu’ils représentent. On n’a pas le droit de les bafouer ainsi.
Prenons l’alinéa 4 : il réaffirme que « la retraite par répartition [est] au cœur du pacte social qui unit les générations ».
Écrire cela, c’est faire semblant d’oublier que ce projet de loi va rendre le droit à la retraite moins accessible.
Écrire cela, c’est d’autant plus malvenu qu’il y est fait référence au droit à une pension et à un traitement équitables, quels que soient l’activité ou le régime de cotisation.
Mais où est l’équité dès lors que l’on allonge la durée de cotisation à taux plein sans tenir compte de l’âge d’entrée dans la vie active ?
J’attends d’ailleurs, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur ce qu’a déclaré le Premier ministre, dimanche dernier, au cours d’une émission télévisée.
Trouvez-vous juste que quelqu’un qui a commencé à travailler à 18 ans soit obligé de cotiser quarante-quatre ans ? Défendre une telle mesure, c’est faire insulte aux travailleurs qui ont des carrières longues. Et je suis curieux de savoir comment on peut affirmer que ce texte leur permettra de toucher une retraite plus élevée.
Par ailleurs, comment oser parler d’équité quand le texte confond sciemment pénibilité et invalidité ? Comment oser parler d’équité quand on voit le sort qui y est réservé aux femmes ?
Plutôt que d’équité, c’est d’injustice qu’il s’agit, et même de cynisme, comme le montrent les dispositions concernant les seniors et les chômeurs.
Et que penser du dernier alinéa de l’article, qui fait référence au maintien d’un niveau de vie satisfaisant et à des objectifs de transparence, de solidarité et de pérennité financière ?
De quelle solidarité s’agit-il quand les salariés vont devoir supporter, cela a été dit avant moi, 85 % au moins du poids de la réforme, alors que les revenus du capital seront, encore une fois, protégés ?
Qui peut croire que le projet de loi contribuera à assurer la pérennité financière ? On vide le Fonds de réserve des retraites ; on rogne sur les droits des femmes ; on se livre à des opérations comptables entre assurance chômage et assurance vieillesse ; on méconnaît la pénibilité et on rend la situation de millions de seniors encore plus difficile.
Mais, en fin de compte, on ne résout rien !
La meilleure preuve que ce texte n’a de réforme que le nom que vous lui donnez, monsieur le ministre, la voici : en 2018, il faudra encore y revenir !
Non, décidemment, les Français n’ont pas été respectés et ne le sont toujours pas. Après avoir escamoté le débat, le Gouvernement estime doctement qu’ils se trompent !
Quant au Parlement, il n’est pas plus respecté ! On lui impose, encore une fois, la procédure accélérée, comme s’il fallait empêcher à tout prix qu’il puisse légiférer sereinement.
Cet article 1er A est donc un artifice, un cache-misère bien mince pour masquer l’énormité de la régression sociale qu’impose le texte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, de notre côté, nous avons fait des propositions responsables, pour une réforme des retraites juste, équitable et efficace. Elles vous ont été rappelées par Jean-Pierre Bel, notre président de groupe. Nous n’aurons de cesse, tout au long du débat, de vous les exposer et nous attendons que vous les preniez en compte !