Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 6 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 1er A

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Cet article 1er A, qui a un contenu à la fois générique et fondamental, aurait pu fournir l’occasion d’une bonne entrée en matière. Or, avec la procédure proposée, vous avez cherché à empêcher un débat en profondeur sur ce système solidaire.

Au demeurant, alors même que nous n’avions pas encore commencé nos travaux, on nous expliquait, à coups d’entretiens télévisés, d’articles de presse, de conférences radiophoniques, que le débat sénatorial ne toucherait pas au cœur de la réforme – c'est-à-dire la réforme attendue par les agences de notation –, mais que des aménagements à la marge étaient possibles, sur des questions comme la place des femmes et celle des handicapés, la pénibilité ou les polypensionnés.

Les femmes salariées auront sans doute apprécié d’être considérées comme un problème mineur ! De même, sans doute, que nos anciens mineurs atteints d’asbestose, à l’instar des plombiers chauffagistes ayant manipulé l’amiante au fil de leur vie professionnelle, ou tous ces salariés dont le travail est devenu une véritable souffrance sans que cela vous trouble plus que ça !

Nous ne pouvons partager cette manière de voir et de faire. Nous ne pouvons partager vos propositions.

Non, l’allongement de la vie active, que ce soit par l’accroissement de la durée de cotisation ou par le recul de l’âge du départ en retraite, n’est pas inéluctable !

Non, le régime de retraite par répartition n’est pas irrémédiablement voué à la faillite à plus ou moins longue échéance, contrairement à ce que vous clamez en permanence !

Non, il n’est pas utile de faire croire aux jeunes générations que leur retraite ne sera pas payée !

Vous avez voulu présenter vos mesures comme des mesures de bon sens, mais cette rhétorique a fait long feu. Les manifestants vous l’ont dit, les Français le confirment à plus de 70 %, et je suis certaine que, le mardi 12 octobre, ils vous le rediront encore clairement.

Regardons la réalité. Notre pays compte plus de 25 millions de personnes en situation d’activité : il n’en a jamais compté autant ! Il est même probable que, l’évolution des mœurs et des structures familiales aidant, le mouvement de féminisation de la population active, largement entamé dans les années soixante et soixante-dix, se poursuivra, conduisant la quasi-totalité des adultes en âge de travailler à se trouver en situation d’activité, à l’exception de ceux qui feront des études et de ceux que leur état physique privera de la possibilité de travailler.

Notre pays n’a jamais été aussi riche, et les gains de productivité sont tels, depuis plusieurs décennies, que le travail d’un seul salarié aujourd’hui vaut celui de plusieurs il y a vingt, trente ou cinquante ans. La France est d’ailleurs l’un des pays où la productivité est la plus élevée en Europe.

Pour mesurer la richesse du pays, nous disposons d’un paramètre de mesure, le produit intérieur brut, c'est-à-dire la valeur ajoutée totale. La France produit aujourd’hui plus de 1 000 milliards d’euros de valeur ajoutée. Quand on sait que le déficit de l’assurance vieillesse est de 5, 5 milliards d’euros, on mesure d’emblée l’effort à accomplir.

Et si tant est qu’il existe un déficit structurel, ne convient-il pas de faire en sorte, non pas de rationner les dépenses de l’assurance vieillesse, mais de renforcer les moyens d’accroître les recettes nécessaires à la pérennisation du système ?

Nous avons, sur cet article, compte tenu des conditions d’ouverture du débat, déposé des amendements contenant des propositions relatives au financement des régimes de retraite.

En effet, de deux choses l’une : ou bien on assume notre attachement à la retraite solidaire par répartition ou bien on cherche à mettre en place une autre réponse, et c’est ce que vous proposez. Avec votre projet, la retraite solidaire deviendrait peau de chagrin.

De fait, pour la CNAV, la réforme actuellement proposée ne réglera aucun des problèmes posés du point de vue des déficits.

Nous, nous sommes pour plus de recettes au bénéfice de l’assurance vieillesse. Nous sommes attachés à ce que les retraités aient des ressources leur permettant de vivre décemment. C’est aussi une mesure de respect, de solidarité envers ceux qui ont produit les richesses sur lesquelles nous construisons l’avenir de notre pays. Rappelons que ce sont plus de 12 millions de nos compatriotes qui sont concernés.

Nos amendements visent à financer le système par répartition. Les cotisations des uns permettent de financer la retraite de ceux qui ont déjà payé celle de leurs aînés.

De plus, nos propositions, en supprimant des dépenses faites par l’État pour exempter certains de cette contribution solidaire, participeraient à la réduction du déficit de l’État.

Aussi, j’espère que nous pourrons avoir un vrai débat sur le système par répartition et son financement afin de pérenniser véritablement le système et faire en sorte que déclaration de principe qui ouvre le texte proposé pour l’article L. 161–17 A ait tout son sens.

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