Les maires ont également joué un rôle à la fois singulier et central face aux violences urbaines. En ces temps difficiles, notre devoir est de ne pas les abandonner.
N'oublions pas non plus les victimes immédiates de ces violences urbaines. Certes, les habitants des quartiers en difficulté sont souvent ce que j'appellerai des « victimes sociales ». Mais, ces derniers jours, certains ont été plus victimes que d'autres. Pensons par exemple au RMIste qui vient de perdre sa voiture et qui n'a plus aucun moyen de locomotion. Il ne faut pas négliger ces personnes !
Le Gouvernement nous demande de proroger l'état d'urgence pour une durée de trois mois. Est-ce réellement nécessaire ? N'y a-t-il pas d'autre moyen de parvenir aux mêmes résultats ?
Il appartient très clairement au Gouvernement de nous préciser ce qui lui semble nécessaire au retour au calme et à la paix, car la situation actuelle n'est pas, il est vrai, redevenue acceptable.
L'état d'urgence est un état d'exception qui, par définition, limite l'exercice des libertés publiques. Sa mise en oeuvre ne fait pas échec aux principes fondamentaux de notre droit public républicain, notamment au principe selon lequel la liberté est la règle et la mesure de police l'exception.
L'état d'urgence ne met pas fin, me semble-t-il, à l'État de droit, M. Guy Carcassonne, professeur de droit public, le rappelait ce matin. Et, pour ma part, je souhaite également rappeler au Gouvernement qu'il lui appartient, sous le régime d'exception que constitue l'état d'urgence, de maintenir l'État de droit.
Le Gouvernement a d'ailleurs renoncé de lui-même à certaines mesures prévues par la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence, notamment à celles qui sont relatives à la liberté de la presse. Je m'en réjouis.
En outre, le Gouvernement, par circulaires, a rappelé à ses fonctionnaires qu'ils devaient obéir aux règles de droit habituelles, notamment à la règle de proportionnalité, même s'ils recevaient des compétences nouvelles.
Le préfet a certes des pouvoirs supplémentaires, mais il est soumis au contrôle du juge administratif, ainsi que le rappelait la circulaire du 9 novembre dernier de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Je voudrais insister sur deux points qui me semblent essentiels au maintien de l'État de droit.
D'abord, l'article 7 de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence prévoit certaines garanties. Ainsi, lorsqu'un individu fait l'objet de certaines mesures décidées dans le cadre de l'état d'urgence - je pense notamment à celles qui sont définies au 3° de l'article 5 et à l'article 6 de cette loi -, il peut en demander le retrait par un recours gracieux : une commission consultative est prévue à cette fin. Je souhaite que vous nous garantissiez, monsieur le garde des sceaux, que la loi sera rigoureusement appliquée de ce point de vue.
Ensuite, la question la plus importante est, bien évidemment, liée au pouvoir de perquisition. L'autorité administrative reste soumise au pouvoir du juge, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'État le 14 novembre dernier en visant explicitement l'article 66 de la Constitution.
Vous nous avez annoncé, monsieur le garde des sceaux, qu'une circulaire commune au ministère de l'intérieur et au ministère de la justice définirait le cadre d'action des préfets dans ce domaine. Ainsi que vous-même et M. le ministre d'État l'avez rappelé, si les préfets peuvent être à l'initiative d'une perquisition, l'accord du procureur de la République leur est indispensable. Cette mesure est, me semble-t-il, essentielle, car elle permet de distinguer les nouveaux pouvoirs de police accordés à l'autorité administrative des mesures habituelles de police qui, elles, sont prises dans le cadre normal de la loi.
Je souhaite que vous nous confirmiez que cette circulaire sera bientôt mise en oeuvre.
Une fois prorogé l'état de siège - pardon, l'état d'urgence -...