Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 17 décembre 2008 à 21h30
Loi de finances pour 2009 — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

C’est très grave !

Je dirai également un mot de la suppression « positive » de la fiscalisation des indemnités journalières allouées aux victimes d’accidents du travail. Je ne souhaite pas que cette suppression, acceptée par le Gouvernement, soit mise en balance avec la demi-part supplémentaire accordée aux parents isolés, qui a fait l’objet de notre discussion entre députés et sénateurs au sein de la commission mixte paritaire.

Vous avez donné un certain nombre de précisions, monsieur le ministre. Il reste que la solution que vous avalisez ce soir en n’y revenant pas n’est pas bonne, parce qu’elle introduira une distorsion entre les ménages concernés : ceux qui pourront prétendre avoir élevé seuls un enfant pendant cinq ans et ceux qui ne le pourront pas. Vous avez dit vous-même à l’Assemblée nationale que la preuve serait très difficile à apporter. Le Conseil constitutionnel devrait pouvoir nous éclairer sur ce point en nous disant quels contribuables pourront en bénéficier.

J’estime que ce n’était pas le moment de prendre une telle mesure, parce que nous touchons là non seulement à la politique fiscale mais aussi à la politique familiale, et après le rapport du Conseil d’orientation des retraites, cela fait partie de la discussion.

Cette affaire de demi-part, qui concerne plusieurs millions de personnes, aurait justifié un travail parlementaire de la même ampleur que celui qui a été conduit notamment sur les niches fiscales et qui a abouti au plafonnement du dispositif « Malraux ».

Je regrette que tel n’ait pas été le cas, parce que les personnes qui ont élevé un enfant seules pendant moins de cinq ans perdront progressivement le bénéfice de leur demi-part avec un couperet assez brutal qui tombera en 2012. Je pensais que le Gouvernement aurait au moins repoussé l’échéance. De nombreuses femmes seront concernées : toutes les femmes de ma génération qui ont bénéficié de cette demi-part la perdront.

Je considère que vous avez commis une faute politique. Vous auriez pu proposer un travail de réflexion sur cet enjeu. Il est extrêmement dommage d’avoir procédé de cette façon.

Cela justifie le fait que nous soyons contre ce dispositif, même si la solution de l’Assemblée nationale adoptée finalement est moins grave que celle qui avait été introduite par le Sénat. Toutefois, quelle que soit la solution retenue, M. Gaillard l’a dit tout à l’heure, elle n’est pas bonne et elle comporte une profonde part d’injustice.

Je dirai un mot également sur l’adoption d’un encadrement beaucoup plus strict concernant la dérivation, le « tuyau », qui part de l’impôt de solidarité sur la fortune vers les PME.

J’ai toujours soutenu, au nom du groupe socialiste, les interventions de notre collègue Philippe Adnot sur ce sujet. En effet, si cette dérivation est contestable sur le fond suivant ce que l’on pense de l’impôt de solidarité sur la fortune, on revient à l’esprit du texte : l’investissement direct et la proximité.

Encore un motif de satisfaction, qui n’est pas mineur parce que ce point a beaucoup mobilisé le travail du Sénat sans esprit partisan entre la gauche et la droite, le dispositif concernant la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Je regrette toutefois que certains lobbies se fassent plus entendre que d’autres. Le refus de prendre compte la co-incinération est injuste. En effet, même si cela touchait un secteur industriel, il n’aurait pas beaucoup souffert.

Le Sénat avait introduit la responsabilité du producteur concernant les DASRI, les déchets d’activités de soins à risque infectieux. Il a accepté en commission mixte paritaire que la mise en œuvre de cette disposition soit reportée à 2010, c’est dommage.

Mais surtout, notre collègue Jean-Marc Pastor en reparlera tout à l’heure lors de l’examen des amendements, vous n’avez pas pris en compte la finalité de la valorisation apportée par le bioréacteur, c’est-à-dire la méthanisation. Nous le regrettons mais j’ai cru comprendre que le Gouvernement s’est engagé à y revenir lors de l’examen du projet de loi sur le Grenelle de l’environnement.

Autre regret, car il y avait eu sur ce sujet un travail parlementaire non partisan au Sénat, la diminution de la part du produit des amendes des radars qui est allouée aux départements. Nos collègues Louis Pinton et Gérard Miquel avaient déposé un amendement sur ce point.

Par ailleurs, il est positif que le Gouvernement ait accepté le progrès qui est notamment dû à l’initiative de notre collègue Michèle André concernant la dotation allouée aux communes équipées de station d’enregistrement des passeports et des cartes d’identité. Cette dotation a en effet été augmentée.

Je ne reviendrai pas sur tous les points que nous avons évoqués tout au long de ce débat.

Monsieur le ministre, je dois vous le dire, je n’ai pas trop apprécié le fait que vous ayez assimilé la demi-part supplémentaire du quotient familial à une niche fiscale, et donc à une injustice. Je ne veux pas vous faire ici la morale, car tel n’est pas le sujet, mais ce n’est pas bien de tenir de tels propos ! Sauf à vous attaquer à d’autres niches fiscales !

D’ailleurs, si l’on examine le plafonnement des niches fiscales, celle qui concerne les monuments historiques s’en sort plutôt bien. Mais, au regard du niveau des crédits consacrés à la gestion du patrimoine par le ministère de la culture, je peux comprendre l’émoi de mes collègues qui sont attachés à ce dispositif.

En outre, le produit du plafonnement des niches fiscales est finalement relativement faible.

Qui plus est, vous n’avez rien changé aux mesures fiscales les plus injustes ; vous en avez même « rajouté une couche » avec la demi-part supplémentaire !

En conséquence, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous voterons contre les conclusions de la commission mixte paritaire.

Quoi qu’il en soit, nous aurons l’occasion de reparler de tous ces sujets, car le marathon budgétaire ne s’arrête pas ce soir : demain, nous examinerons le projet de loi de finances rectificative pour 2008 et, le 21 janvier prochain, le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui pourrait être suivi d’un autre collectif, si un nouveau plan économique est présenté.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est donc qu’un au revoir !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion