Ce que l’on qualifie d’arrogance française, c’est précisément le fait de donner des leçons au monde entier en laissant filer chez soi le déficit budgétaire et en ne s’occupant pas suffisamment du déficit commercial. Voilà deux points sur lesquels nous devons progresser si nous voulons être davantage pris en considération par les gens sérieux chez nos vingt-six partenaires.
Le deuxième point qui m’inquiète, monsieur le ministre, est la progression de l’endettement.
À partir du moment où le déficit budgétaire est de l’ordre de 80 milliards d’euros, nous sommes obligés de nous endetter davantage. Sur le très court terme, avec les bons du Trésor, et compte tenu de l’état actuel des marchés financiers et de l’épargne, nous savons que nous pourrons toujours trouver des financements. En revanche, sur le moyen et le long terme, nous constatons déjà des écarts de taux par rapport à d’autres pays : pratiquement 40 points de base avec l’Allemagne, par exemple. Je crains que les recherches de l’Agence France Trésor sur le marché pour l’amortissement de la dette à moyen et long termes ne soient difficiles, et de plus en plus délicats au fur et à mesure que l’année s’écoulera. Je crains que l’on n’atteigne pas le plafond de 135 milliards d’euros que vous nous proposez en matière d’emprunts à moyen et long termes et que nous n’ayons des taux beaucoup plus élevés qu’un certain nombre de nos partenaires.
Je ne parle pas du fait que 62 % des emprunts actuels réalisés par le Trésor français sont souscrits par des fonds étrangers, des fonds souverains ou des non-résidents. C’est inhérent au marché mondialisé et l’on n’y peut rien.
Enfin, le troisième et dernier point qui m’inquiète est le fait que nous, parlementaires, ne disposions pas d’un tableau clair des engagements « hors bilan » de l’État, qui ont été fortement aggravés par les 360 milliards d’euros ouverts par la loi du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie. Cela comporte, bien sûr, non seulement les pensions de retraite, mais aussi tous les engagements ouverts pour faciliter la liquidité bancaire et redonner, en matière de crédits, un souffle à l’ensemble des entreprises.
Monsieur le ministre, je souhaite que, notamment à l’occasion du prochain « collectif », vous nous fassiez parvenir un tableau de ces engagements hors bilan, afin que nous ayons une vision de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui et de l’endettement nécessaire pour financer le déficit.
Monsieur le ministre, je terminerai par une suggestion à titre purement personnel et compte tenu de l’expérience assez longue qui est la mienne dans les fonctions que vous occupez aujourd’hui.
J’ai connu le premier choc pétrolier à l’origine de l’effondrement d’un certain nombre de certitudes, de dépenses de consommation et de soldes de commerce extérieur, de prix, etc. Selon moi, dans le courant de l’année 2009, il sera difficile d’emprunter sur les marchés dans des conditions suffisamment bonnes pour amortir la dette ancienne, financer le déficit nouveau et faire face aux engagements hors bilan pour lesquels nous devrons, comme le montre le dernier scandale financier américain, recapitaliser les banques, afin que s’améliore le ratio de leurs fonds propres. Les banques françaises, que vous dites parfaitement solides, ont en effet des ratios de fonds propres un peu inférieurs à ceux de leurs concurrents.
Nous allons rencontrer des difficultés et vous serez contraint de modifier les méthodes actuelles de financement du Trésor public et, sans doute, de revenir à des formules telles que l’emprunt Pinay ou autres pour tenter de mobiliser une partie plus importante de l’épargne française.