Si l'on y a eu recours à propos de la Nouvelle-Calédonie, c'est parce que nous étions à un moment ultime de la décolonisation et que la situation risquait de donner lieu - j'entends encore les propos de M. Pisani ! - à un affrontement sanglant, cruel et irrémédiable entre les deux communautés, caldoche et canaque.
L'application de l'état d'urgence suppose donc, chacun le conçoit, l'existence d'une crise, d'un risque ou d'un affrontement majeurs, et ne s'applique donc certainement pas aux événements actuels.
Pourquoi recourir à ce texte exceptionnel, sinon pour des circonstances « exceptionnelles », ... et j'utilise à dessein ce mot, dérivé d'« exception » ? Car, ne nous leurrons pas, il est évident que ce texte comporte des dispositions exceptionnelles, dont je n'ai pas besoin de reprendre la longue liste !
Ce texte est né en 1955, pendant la guerre d'Algérie, à un moment où, il faut bien le dire, le respect des principes fondamentaux de la République n'était pas la première préoccupation des législateurs.
Il n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel, et pour cause ! Seule la loi permettant de recourir à l'état d'urgence lui a été soumise, et le Conseil constitutionnel ne s'est pas penché sur les dispositions elles-mêmes de la loi de 1955.
J'évoquerai très rapidement ses dispositions, afin que vous puissiez bien appréhender le caractère exceptionnel et - il faut bien le reconnaître ! - attentatoire aux libertés publiques que contenait ce texte, qui avait été conçu pour faire face à des situations extrêmes, qu'il s'agisse du couvre-feu, des interdictions de circuler, des zones interdites ou des perquisitions, fussent-elles tempérées par des instructions données par circulaire, alors qu'il aurait été si simple de faire adopter un amendement à ce sujet !
J'évoquerai également ce qui, à ma connaissance, est une mesure sans précédent dans notre législation depuis la Seconde Guerre mondiale et qui s'est appliqué à des moments très sombres de notre histoire : je veux parler de l'assignation à résidence. Il s'agissait, par cette mesure, d'interdire à un citoyen français - et non pas à un étranger - l'accès à son domicile, en vertu de pouvoirs de police.
Selon les termes de la loi de 1955, on peut ainsi assigner un citoyen à résidence et lui imposer un lieu de séjour situé en dehors de son domicile. Le texte contient même une précision affreuse, qui reflète bien cette époque, selon laquelle on ne peut assigner à résidence un citoyen français ou quiconque « dans un camp ». Vous imaginez à quels faits historiques cette disposition pouvait faire penser !
Ces exemples démontrent que ce texte n'a été utilisé que dans des moments de crise extrême, paroxystique, précisément parce qu'il n'a été conçu que pour être mis en oeuvre dans de telles circonstances.
Alors, pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, si j'ai été surpris lorsque vous avez fait référence à Wallis et Futuna ...