Ne sous-estimons pas les prévisibles effets pervers de cette mesure, et, tout d'abord, l'« effet d'aubaine » pour les entreprises qui prennent actuellement en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés. À leur place, je supprimerai cet avantage et je réaliserai un meilleur retour sur investissement l'année prochaine.
Ensuite, l'augmentation prévisible du nombre d'inscription d'élèves de nationalité française soulève des interrogations sur la capacité d'accueil de nos établissements, d'ores et déjà saturés, et sur le risque d'éviction des élèves étrangers.
L'avantage consenti touchera de 15 000 à 20 000 élèves sur plus de 300 000 enfants français en âge d'être scolarisés et immatriculés dans les consulats, dont 75 000 seulement sont élèves dans le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. Pour ces 300 000 enfants, le crédit pour le programme « français langue maternelle », ou FLAM, est d'environ 300 000 euros, soit un euro par enfant en moyenne, alors que 5, 8 millions d'euros sont prévus pour les seuls élèves de terminale scolarisés en Amérique du Nord.
Ce qui est inquiétant, c'est qu'aucune distinction n'a été faite entre les établissements dont l'AEFE peut contrôler les tarifs et les autres. N'est-ce pas une terrible incitation à l'inflation des droits de scolarité ? La plupart de nos établissements sont des écoles privées conventionnées qui déterminent leurs tarifs comme elles l'entendent. À cet égard, l'AEFE n'a aucun moyen de pression.
Le plus grave est que ce choix réduit gravement les capacités de tous les établissements, y compris les établissements de l'État - une soixantaine -, à faire face à leurs charges salariales et immobilières, que l'AEFE transfère d'année en année sur eux.
Je rappelle que le besoin de financement, pour 2006-2012, de la politique immobilière de l'agence a été évalué, par une mission d'audit, à 240 millions d'euros, soit 48 millions d'euros par an.
La dotation de 8, 5 millions d'euros pour 2008 est donc très insuffisante au regard des besoins.
Or, comme l'a rappelé M. le rapporteur spécial, l'AEFE ne pourra plus, comme par le passé, puiser dans son fonds de roulement.
Au total, pour assurer la gratuité scolaire à une toute petite minorité de familles, il faudra alourdir la participation financière de toutes les autres. En effet, l'évolution de la masse salariale et, surtout, les investissements immobiliers ne pourront être financés que par une augmentation massive, générale et très rapide, des droits de scolarité de tous.
N'aurait-il pas été préférable d'affecter la totalité des fonds additionnels aux bourses gérées par l'AEFE, qui sont attribuées sur des critères sociaux, et aux investissements immobiliers, qui, par définition, profitent à tous les élèves, de toutes les classes et de toutes les nationalités ?
Enfin, monsieur le ministre, compte tenu de la situation politique tragique du Liban et de ses conséquences sur la vie des Libanais et des Français du Liban, ne pourrait-on faire en sorte que la mission laïque ne soit pas contrainte par l'AEFE d'augmenter fortement ses droits de scolarité dans son réseau libanais ? La charge est déjà très lourde pour les familles, qui sont parfois endettées. Il ne faudrait pas qu'elle devienne insupportable.
En conclusion, en dépit de l'insuffisance des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».