Monsieur le ministre, je veux vous soumettre quelques réflexions et interrogations portant sur les opérations extérieures, les OPEX, en particulier sur leur évolution, sur le rôle du Parlement à cet égard et, enfin, sur leur coût.
Le premier point concerne donc leur évolution. Voilà quelques années les OPEX duraient quelques mois, au plus quelques années. À l'heure actuelle, nous sommes informés - souvent par la presse, hélas ! - du moment où elles débutent, mais ne savons ni quand ni comment elles se termineront. Autrement dit, elles s'inscrivent de plus en plus dans la durée.
Le premier constat est qu'une armée, aussi puissante soit-elle, ne peut plus gagner toute seule la paix. C'est le cas en Afghanistan, au Kosovo, au Liban, en ce qui nous concerne. Mais il en est de même notamment en Palestine, en Irak et au Darfour.
Ce constat suscite des interrogations : ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, être beaucoup plus prudents à l'avenir avant de nous engager dans d'autres interventions extérieures ? Ne serait-il pas indispensable de mieux cerner les conditions autres que purement militaires et de consulter le Parlement afin qu'il en débatte et aborde la diversité d'une opération. Aujourd'hui, je le redis, l'aspect militaire n'est qu'une partie d'une situation complexe. Il ne suffit plus à lui seul à régler, par la paix, un conflit.
J'illustrerai mon propos par deux exemples, qui paraîtront peut-être insignifiants, mais qui m'interpellent parce qu'ils se distinguent par leur manque de réalisme et par le fait qu'ils constituent des obstacles à la paix.
Le premier exemple est le Kosovo, que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Je souhaiterais connaître votre opinion sur le fait que je vais citer.
Nos militaires sont nombreux au Kosovo. Depuis septembre 1999, ils y sont efficaces et appréciés. Mais l'ONU, qui n'a vu que l'aspect militaire de la situation, n'a pas exigé - et je ne me trompe pas de verbe - que, dans les mêmes écoles, les jeunes Albanais apprennent le Serbe et que les jeunes serbes apprennent l'Albanais. Autrement dit, à l'heure actuelle, dans des écoles différentes, chacun ignore l'histoire et la langue de l'autre. Et l'ONU imagine que ces futurs adultes pourront cohabiter en paix, en s'ignorant, en ne pouvant pas communiquer, sur un même territoire, souvent dans une même commune, voire dans un même immeuble.
Avant de répondre positivement, nous aurions dû examiner cet aspect, qui n'a rien de militaire, mais qui, avec d'autres aspects du même type, est essentiel à la paix dans un Kosovo que l'on souhaite multiethnique.
Certes, des écoles communes n'auraient certainement pas suffit à rapprocher Albanais et Serbes, mais il est certain que des écoles différentes les éloignent encore davantage.
Mon second exemple touche à l'Afghanistan. La situation y est surprenante, et je dirai dangereuse - appréciation que chacun rejoindra certainement. L'OTAN, nos alliés et nous-mêmes avons autorisé, peut-être tacitement, le président Karzaï à réarmer les chefs de guerre. Monsieur le ministre, dans quels lieux et à quels moments dans l'histoire de l'humanité a-t-on constaté que la paix pouvait procéder de l'armement de groupes concurrents et souvent antagonistes ? Je crains que l'OTAN, nos alliés et nous-mêmes ne nous enlisions dans une situation inextricable, mal engagée, qui, hélas ! ne pourra pas déboucher sur la paix.
Compte tenu de ces considérations, - et c'est le deuxième point que je souhaite aborder - ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le Parlement doit être consulté ? La durée indéterminée des OPEX, les risques en vies humaines, les fanatismes qui se développent, le coût de plus en plus lourd exigent la consultation a priori du Parlement.
Il est scandaleux que les parlementaires apprennent, je le répète, par la presse l'engagement de nos soldats sur tel ou tel théâtre d'opérations. Le Parlement devrait faciliter le rétablissement du lien armée-nation, lien que vous avez rompu en supprimant brutalement le service militaire obligatoire. Vous avez commis là une très lourde faute.
Les OPEX nécessiteront de plus en plus l'adhésion d'une majorité de la population. Le Parlement ne pourra pas continuer à être tenu à l'écart des décisions qui ne sont prises, à l'heure actuelle, que par le seul Président de la République.
Enfin, le troisième point que je voulais évoquer concerne le coût des OPEX. Celui-ci sera de plus en plus élevé. Le projet de budget pour 2008 prévoit 375 millions d'euros, somme identique à celle qui a été inscrite dans le budget pour 2007. Ce montant ne correspond pas du tout à la réalité du coût des OPEX, chacun le sait et le déplore. Mais ce qui est grave, c'est que cette somme déroge à la LOLF, que vous avez mise en place.
Qui, sur ces travées connaît le montant réel des crédits nécessaires au maintien de nos actions au Kosovo, au Liban, en Afghanistan, ou ailleurs ? Même les membres de la commission des affaires étrangères l'ignorent. Ce n'est pas normal et c'est contraire aux règles de transparence budgétaire que vous avez voulu instaurer et que vous ne respectez pas.
Monsieur le ministre, quand le Parlement pourra-t-il jouer son rôle dans la décision et dans le suivi des OPEX ?