Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est une surprise pour personne : l'examen des crédits relatifs aux régimes sociaux et de retraite s'inscrit cette année dans un contexte particulièrement agité. Le Gouvernement vient en effet d'engager leur réforme, mais la mobilisation des salariés concernés a permis de relancer les négociations sur ses modalités.
Contrairement à ceux des autres missions budgétaires, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ont un caractère « contraint » : ils visent à honorer le respect des engagements de l'État en matière de prestations sociales et de pensions de retraite. En effet, près de 80 % des 5, 12 milliards d'euros de crédits demandés pour l'an prochain au titre des trois programmes de cette mission sont destinés au financement des subventions d'équilibre versées soit aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP ; soit à l'Établissement national des invalides de la marine ; soit encore à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.
Si, en 2007, les crédits avaient connu une augmentation significative de 11 % par rapport à l'année précédente, le projet de loi de finances pour 2008 témoigne plutôt d'une certaine stabilité, avec une progression d'environ 2 %.
Mes chers collègues, vous l'avez bien compris, l'essentiel est en réalité ailleurs : la réforme des régimes spéciaux de retraite vient d'être engagée par le Gouvernement, et cette question ne saurait nous laisser indifférents.
Du reste, s'il est vrai que la réforme du 21 août 2003 n'a pas concerné les régimes spéciaux et que le débat a été renvoyé à un « rendez-vous » fixé en 2008, bien des évolutions ont eu lieu depuis quatre ans ou sont actuellement en cours. Je citerai pour mémoire la réforme des régimes des industries électriques et gazières en 2004 ; l'adossement de l'Établissement national des invalides de la marine au régime général en 2006 ; ou encore, depuis le 1er janvier 2007, l'application à la SNCF et à la RATP des nouvelles normes comptables IFRS, les normes internationales d'information financière.
Ces normes, qui obligent les entreprises concernées à provisionner les engagements de retraite qui sont à leur charge, expliquent en effet la réforme du financement de ces régimes de retraite. Celle-ci s'est traduite, d'une part, par la création en 2006 de la Caisse de retraites du personnel de la RATP, caisse autonome en cours d'adossement au régime général, et, d'autre part, par la mise en place en 2007 de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.
S'agissant de la SNCF, il convient de souligner, monsieur le ministre, que la question de l'adossement de son régime au régime général n'a toujours pas été réglée.
À cet égard, je pense que le budget de la présente mission est incomplet. En effet, bien que l'hypothèse soit fortement probable que cette réforme intervienne l'an prochain, il ne prend pas en compte les participations de l'État à sa mise en oeuvre.
Il est évident, mes chers collègues, que le contexte actuel se prête à une réflexion concertée sur l'avenir des régimes spéciaux. Alors que leur réforme est désormais engagée, j'estime, à titre personnel, que la réflexion sur leur avenir ne doit pas se traduire par des mesures brutales qui remettraient en cause les droits des pensionnés et des agents en activité. En effet, les avantages dont bénéficient ces personnels au titre de la retraite et de la protection sociale sont partie intégrante de leurs statuts, et la juste contrepartie de contraintes de pénibilité. Il serait ainsi logique, du point de vue de l'équité - mot que ce gouvernement semble particulièrement apprécier ! -, que les changements envisagés ne concernent que les nouvelles générations d'agents.
J'ajoute que des solutions respectant l'équité entre les professions et entre les générations doivent être proposées, notamment sur la question de la pénibilité du travail : vous savez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'espérance de vie varie fortement selon les catégories socioprofessionnelles !
Il convient ainsi de définir des modalités qui favorisent la convergence des règles dans le respect des spécificités propres à chaque situation et qui conduisent à un partage équilibré des charges entre la solidarité nationale et les contributions des différents secteurs d'activité.
Je rappellerai enfin que, comme l'indique le rapport du Conseil d'orientation des retraites, le COR, l'allongement de la durée de cotisation ne peut être la seule solution, le taux d'emploi des salariés de cinquante à soixante ans demeurant faible.
La réforme des retraites devra donc être examinée en prenant en compte les questions de financement, la revalorisation des pensions, la problématique des décotes et des surcotes, la pénibilité liée au travail en fonction des parcours professionnels.
En définitive, je soulignerai que, contrairement à ma recommandation, la commission des affaires économiques a souhaité émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».