L'instauration et la prorogation de l'état d'urgence impliquent une logique de guerre au détriment de la médiation.
Ainsi, vous voudriez nous faire croire que les problèmes posés par les violences qui ont lieu actuellement dans nos banlieues ne sont pas d'ordre politique et social, et qu'il faut, par conséquent, y répondre par la seule force. Toute la force de la coercition et de la répression généralisée serait-elle donc aveugle ?
En recourant à l'état d'urgence, le Gouvernement tente de monter une France contre une autre. Il consacre par un même geste la fracture territoriale et la relégation sociale dont souffrent les quartiers populaires. Pis, aux habitantes et aux habitants de ces quartiers défavorisés, il impose une stigmatisation supplémentaire.
À l'instar de certains à droite, mais, malheureusement, aussi à gauche, le Gouvernement cède à la tentation de communautariser, de culturaliser, voire, parfois, de « confessionnaliser » ces événements, et ce pour éviter d'aborder et de traiter le coeur du problème qui n'est autre que la fracture sociale s'illustrant à travers la lutte sociale d'une population qui s'appauvrit de plus en plus et qui, aujourd'hui, se révolte contre l'injustice qu'elle vit journellement. Cette population est victime de tous les types de discriminations et d'exclusions qui ne font qu'alimenter les extrémismes de tout bord et engendrer toutes les formes de racisme et de xénophobie.
Rappelons les discriminations dans le logement, l'emploi, les transports, l'expression culturelle et la représentation politique, ou encore médiatique. À cela s'ajoutent le mépris et l'humiliation quotidienne, la dévalorisation des repères et la négation du droit à la mémoire, ou encore le refus de reconnaissance et de promotion. Je suis, pour ma part, convaincue que la révolte aurait pu être pire, et que la répression ne suffira pas à la calmer !
Si vous vouliez vraiment jouer avec le feu, vous auriez dû parler non pas de couvre-feu mais d'un cessez-le-feu dans cette guerre menée contre les pauvres qui n'ont plus rien à espérer ni à perdre.
Ce cessez-le-feu aurait au moins eu le mérite de reconnaître la réalité de ces deux France qui s'affrontent et aurait sans doute contribué à les réconcilier !