Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 19 octobre 2011 à 21h30
Troisième loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer mon propos, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue François Baroin, qui, en raison d’un déplacement en Allemagne lié au prochain sommet européen, ne pourra nous rejoindre que vers vingt-trois heures.

Le projet de loi de finances rectificative que je vous présente ce soir autorise le Gouvernement à accorder deux garanties à la banque Dexia. Il reprend les axes de l’accord intervenu entre les gouvernements belge, luxembourgeois et français.

Nous avons souhaité que ce dispositif fasse l’objet d’un collectif budgétaire particulier, car la situation financière de Dexia nécessitait une réponse rapide et coordonnée.

Dexia a présenté un plan global de redressement pour revenir sur les marchés dans de bonnes conditions. Ce plan requiert le soutien de la France, de la Belgique et du Luxembourg.

Comme l’a rappelé le Premier ministre, le sujet est sérieux, et il appelle une mobilisation immédiate du Gouvernement. La situation de Dexia a des implications pour les collectivités locales françaises, mais aussi pour les déposants belges et luxembourgeois.

Le dispositif que nous vous proposons témoigne du soutien déterminé des gouvernements au plan proposé par Dexia. Il nécessite une traduction législative adaptée.

Je tiens à ce sujet à remercier la Haute Assemblée, et tout particulièrement la commission des finances, son président, M. Philippe Marini, et sa rapporteure générale, Mme Nicole Bricq, pour la rapidité avec laquelle ils ont examiné ce projet de loi de finances rectificative. Conscients des difficultés qui ont été les vôtres, nous sommes sensibles aux efforts que vous avez fournis.

Ce plan est cohérent avec la stratégie de restructuration ordonnée de Dexia et vise à atteindre deux objectifs : d’une part, garantir aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales, la sécurité qu’ils attendent légitimement ; d’autre part, redonner à Dexia de meilleures conditions d’accès aux liquidités.

Cette action, dont nous examinons les modalités, est conforme à l’objectif rappelé le 15 octobre par les ministres des finances du G20 réunis à Paris : préserver la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers. C’est une condition essentielle pour restaurer la confiance et soutenir la croissance.

À l’issue de la réunion du G20, un renforcement très substantiel de la régulation du secteur financier a été décidé. Il se traduira notamment par l’application de nouvelles règles aux marchés dérivés des matières premières, et ce dès 2012. Les ministres des finances du G20 se sont accordés sur l’importance d’une transparence accrue de ces marchés pour décourager la spéculation.

Des accords ambitieux en matière de régulation financière ont été préparés pour le G20 des chefs d’État de novembre prochain : d’abord, un accord-cadre sur la gestion des flux de capitaux pour contenir les effets les plus néfastes de la libre circulation de ces derniers ; puis, un renforcement du rôle de surveillance du FMI afin de coordonner de manière plus efficace les politiques macro-économiques.

Vous le voyez, le G20 « finances » a à son actif des résultats très significatifs, lesquels témoignent de la volonté des États de travailler de concert et du rôle actif de la France. C’est ce même volontarisme qui nous guide aujourd’hui devant vous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif de soutien à Dexia ne pourra être mis en œuvre qu’après votre approbation et après l’accord de la Commission européenne au titre de la réglementation sur les aides d’État. Bien évidemment, les procédures internes de gouvernance et de consultation de chacune des entités concernées seront également respectées.

Je rappelle que Dexia avait engagé depuis 2008 un redressement rendu nécessaire par l’échec de son modèle de financement.

Pendant vingt ans, ses dirigeants ont acquis des actifs de long terme, qu’il s’agisse de leur portefeuille obligataire, des diverses structures de prêts aux collectivités locales ou même des actifs toxiques américains, en les finançant à court terme. Ce modèle de financement a engendré un besoin régulier de liquidités particulièrement élevé, de l’ordre de 260 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de 13 points de PIB.

Toutefois, le resserrement de l’accès aux liquidités sur les marchés a, à partir de 2008, fragilisé ce modèle. Les États belge, français et luxembourgeois sont alors intervenus, une première fois, pour permettre à Dexia de franchir ce cap difficile. Ils ont renforcé son capital et ont apporté leurs garanties.

Dans ces circonstances, l’équipe dirigeante de la banque a été profondément renouvelée et a su prendre les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité. Avec l’appui des États et sous le contrôle de la Commission européenne, cette nouvelle équipe a réduit significativement la taille du groupe.

Son action a permis de diminuer le besoin de financement à court terme de 164 milliards d’euros et d’abaisser fortement l’encours de financement auprès des banques centrales.

La cession d’actifs non stratégiques a contribué à réduire le bilan de 651 milliards d’euros à 518 milliards d’euros en moins de trois ans.

Enfin, depuis cet été, la banque a cédé les 10 milliards de dollars qu’elle avait investis dans les subprimes américains, autrement dit les actifs les plus risqués.

Toutefois, le contexte de crise de la zone euro n’a pas laissé à l’équipe dirigeante de Dexia le temps de mener cette restructuration jusqu’à son terme – on peut le comprendre.

Deux éléments ont particulièrement affecté le groupe depuis le début de l’été 2011.

D’une part, des craintes sur la solvabilité de Dexia sont apparues du fait de son exposition aux risques souverains, alors même que la banque détient des actifs de qualité.

D’autre part, les conditions de marché plus défavorables ont dégradé sa situation de liquidité de 20 milliards d’euros.

Dans ce contexte difficile, les gouvernements belge, français et luxembourgeois ont décidé de soutenir le schéma proposé par Dexia afin de stabiliser sa situation le plus rapidement possible.

La banque souhaite aujourd'hui restaurer la confiance auprès de ses investisseurs, de ses clients et de ses créanciers. Son plan nécessite une garantie de refinancement des trois États.

Cette garantie figure au I de l’article 4 du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

Quelles en sont les modalités ?

La garantie est partagée entre les trois États : la Belgique en assumera 60, 5 %, la France 36, 5 % et le Luxembourg 3 %. Elle portera sur un montant total maximum de 90 milliards d’euros, ce qui équivaut, pour la France, à un plafond de 32, 85 milliards d’euros.

C’est principalement la dette nouvellement émise qui sera garantie, pendant une durée limitée à dix ans. Toutefois, une partie des 90 milliards d’euros sera utilisée pour rembourser la dette garantie dans le cadre du programme de 2008. Le Gouvernement souhaite aussi garantir une part de la dette existante, pour un montant limité.

Je préciserai maintenant plusieurs points.

D’abord, nos trois gouvernements ne souhaitent pas garantir les titres dont la maturité serait supérieure à dix ans, bien que la loi ne fixe pas de durée maximum à la dette garantie.

Bien entendu, comme en 2008, l’État n’accorde pas cette garantie à titre gracieux : celle-ci sera tarifée selon des modalités conformes aux règles européennes.

L’autorisation que nous sollicitons pour l’octroi de la garantie prendra fin le 31 décembre 2021. Le moment venu, le Gouvernement devra apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés. En concertation avec les deux autres États garants, il mesurera s’il est opportun de prolonger la garantie de refinancement. Si nécessaire, en 2021, le Parlement se prononcera sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.

À quoi servira cette garantie de financement ? Elle permettra à Dexia de réaliser son plan de restructuration ordonnée qui comporte, à ce stade, trois opérations d’envergure.

Tout d’abord, la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMA, sera adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assumera la responsabilité et la gestion. Pour assurer la pérennité des financements aux collectivités locales, un consortium formé par la Caisse des dépôts et consignations et le Banque postale sera créé. Ensuite, l’État belge fera, de son côté, une offre de rachat de Dexia Banque Belgique. Enfin, Dexia engagera la négociation avec le Luxembourg et un investisseur international pour la cession de sa filiale Dexia Banque Internationale à Luxembourg.

J’en viens maintenant à la question de la garantie des prêts structurés aux collectivités locales détenus par Dexia. Il s’agit des produits les plus complexes, dont l’encours est de 10 milliards d’euros.

Cet encours de crédit est limité à des entités françaises : des collectivités locales – pour 8 milliards d’euros –, des établissements de soins – pour 1, 5 milliard d’euros – et des bailleurs sociaux – pour 500 millions d’euros. Il porte sur des crédits très structurés, c’est-à-dire à fort effet de levier ou indexés sur des devises ou des taux qui n’ont rien à voir avec les expositions naturelles des collectivités locales à ces paramètres de marché. La Caisse des dépôts et consignations a souhaité que Dexia Municipal Agency, qui deviendra sa filiale, soit protégée par Dexia contre les risques que ces prêts pourraient représenter.

Dans la mesure où ces prêts concernent des collectivités locales françaises, nos partenaires belge et luxembourgeois entendent limiter leur participation à cette charge. C’est la raison pour laquelle la France a proposé de garantir cet engagement de Dexia vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations, selon des modalités qui permettent d’en limiter les conséquences pour l’État.

Le fonctionnement que nous proposons pour cette garantie est simple. Elle interviendrait au-delà d’une franchise de 500 millions d’euros, prise en charge par Dexia. Passé ce montant, 70 % des pertes seraient à la charge de l’État et 30 % resteraient à la charge de Dexia. Bien entendu, la garantie donnée par l’État sera rémunérée.

Le dispositif concernant les prêts structurés témoigne de l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement. Cet engagement est au cœur de ce projet de loi de finances rectificative. La première opération du plan de restructuration de Dexia annoncé le 10 octobre en est une bonne illustration.

Quel est le sens de cette opération ?

Nos collectivités locales doivent avoir face à elles un nouvel acteur public solide, qui leur fournira des produits de crédit simples et transparents. Cette société commune, créée par la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, sera opérationnelle dans les prochains mois. Elle sera spécialisée dans le financement des collectivités locales. D’ici là, comme l’a annoncé le Premier ministre, un dispositif temporaire de financement sur fonds d’épargne a été ouvert, à hauteur de 3 milliards d’euros. Il permettra de prévenir tout manque éventuel de liquidités sur le marché des collectivités locales françaises.

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